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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/91/2023

ACPR/794/2023 du 12.10.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;DÉLAI
Normes : CPP.58; CPP.56.alf

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/91/2023 ACPR/794/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 12 octobre 2023

 

Entre

 

A______, domicilié c/o B______, ______, agissant en personne,

requérant,

 

et

 

C______, Procureure, Ministère public, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

A. Par courrier reçu par le Ministère public le 16 août 2023, A______ requiert la récusation de la Procureure C______, dans le cadre de la procédure P/1______/2023.

La Procureure a transmis cette requête à la Chambre de céans, avec ses observations.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______ fait l'objet d'une plainte pénale du chef de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP), formée par son épouse, D______, le 3 janvier 2023 et complétée les 15 février et 23 juin suivants, instruite sous la procédure P/1______/2023.

C______, Procureure, est chargée de celle-ci.

b. Par mandat de comparution du 29 juin 2023, C______ a fixé une audience au 29 août 2023 ayant pour sujet "la mise en prévention de A______ et l'instruction".

c. Par pli du 15 août 2023, D______, par l'intermédiaire de son conseil, a, en prévision de l'audience à venir, sollicité un cautionnement préventif (art. 66 CP) au motif que A______ refusait de se soumettre aux décisions judiciaires le condamnant à ses obligations alimentaires. Elle étendait en outre sa plainte à l'infraction de calomnie, voire diffamation, l'intéressé lui reprochant de s'être livrée à des "activités criminelles" ayant amené les tribunaux à rendre des décisions illicites contre lui.

d. Par ordonnance du 22 août 2023, notifiée aux parties, la Procureure a rejeté cette demande.

e. Le même jour, l'audience du 29 août 2023 a été annulée.

C. a. Dans sa requête en récusation, A______ allègue que C______ n'est compétente, ni indépendante ni impartiale.

Le mandat de comparution pour l'audience du 29 août 2023, qu'il produit, constituait selon lui un "faux colossal". Il n'avait eu aucune information sur la nature des accusations contre lui. S'il s'agissait de la contribution d'entretien "frauduleuse" en faveur de D______, il exigeait le classement sans délai de l'éventuelle plainte, qu'il considérait comme abusive. Lui-même avait déposé de nombreuses plaintes pénales contre son épouse, son conseil, son précédent conseil et nombre de juges et procureurs genevois notamment pour abus de pouvoir, entrave à l'action pénale et contrainte, ce qui rendait illicite toute accusation éventuelle contre lui en lien avec cette "contribution d'entretien". S'il s'agissait d'accusations de nature différente, alors la Procureure aurait violé "ses droits constitutionnels inviolables" en ne lui fournissant aucune information y relative. Il réfutait ainsi la tenue de toute audience le concernant.

b. Dans sa détermination du 22 août 2023, C______ conclut à l'irrecevabilité de la requête pour cause de tardiveté, subsidiairement à son rejet.

Le fait de n'avoir pas porté à la connaissance de l'intéressé les charges pesant contre lui en amont de l'audience fixée, soit avant sa première audition, ne fondait pas un motif de récusation. Ni la partie plaignante ni le prévenu n'avaient au demeurant eu ou demandé accès à la procédure. Les plaintes déposées par A______ faisaient l'objet de procédures distinctes qui n'étaient pas instruites par elle.

c. Dans sa réplique reçue le 29 août 2023, A______ réitère vouloir récuser C______ et déclare la récuser "pour la deuxième fois", compte tenu de son écriture, qui ne correspondait pas aux exigences légales ni à la gravité de sa situation. Il ne comprenait pas comment l'intéressée pouvait instruire ce dossier sans connaitre les faits qu'il avait lui-même dénoncés. Cela dénotait, selon lui, une "conduite irresponsable". Il avait en outre appris que la précitée avait instruit une autre plainte déposée contre lui le 15 août 2023, ce qui renforçait sa prévention. Il conteste également que les parties aient eu suffisamment l'occasion de s'exprimer, comme cela ressortait du courrier de la Chambre de céans lui transmettant les observations de la Procureure. Il reproche ensuite à la justice de n'avoir, selon lui, d'autre but que de vouloir "piller ses biens", citant au passage le nom d'autres Procureurs qui, en 2016, 2020 et 2022, avaient pris des décisions "gravement frauduleuses" contre lui. Enfin, ses plaintes à lui n'étaient "jamais instruites".

EN DROIT :

1. Partie à la procédure P/1______/2023 en tant que prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans, siégeant dans la composition de trois juges (art. 127 LOJ), est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

2. 2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités). En revanche, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

2.2. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

La procédure de récusation a pour but d'écarter un magistrat partial, respectivement d'apparence partiale afin d'assurer un procès équitable à chaque partie (ATF 126 I 68 consid. 3a p. 73; arrêt du Tribunal fédéral 1B_430/2021 du 22 octobre 2021 consid. 2.3.2). Elle vise notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 p. 162; 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74; arrêt 1B_25/2022 du 18 mai 2022 consid. 2.2). L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 p. 608; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011).

2.3. En l'espèce, en tant que la prévention de la citée serait matérialisée par le mandat de comparution du 29 juin 2023 – qui ne contenait selon le requérant aucune information sur les charges pesant contre lui –, le grief est tardif.

Quoi qu'il en soit, même recevable, la requête apparaît infondée pour les motifs qui suivent.

Ainsi, le requérant ne prétend pas s'être enquis des charges à son égard auprès de la citée ni avoir demandé à consulter le dossier pour les connaître. Aucune décision de refus n'a non plus été rendue.

Or, la procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1), étant rappelé qu'il appartient aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre.

Qu'il considère infondés la plainte pénale et les compléments déposés par son épouse contre lui ne l'autorise pas, pour ce seul motif, à faire récuser la magistrate qui a pour charge de les instruire, ni du reste à exiger leur classement immédiat.

Le requérant reproche ensuite à la citée de conduire la procédure de manière irresponsable. Selon lui, elle n'aurait pas une vision globale des faits dès lors qu'elle n'instruisait pas les plaintes qu'il avait lui-même déposées contre son épouse, son conseil et son précédent conseil. Or, il n'appartient pas au précité de s'immiscer dans l'organisation du Ministère public ni de désigner le Procureur qui serait le mieux à même d'instruire ses plaintes. Le fait que la citée n'instruise pas ces dernières n'est pas de nature à la rendre partiale dans la présente procédure, étant rappelé que le requérant peut toujours solliciter l'apport de ces procédures, le cas échéant.

Que ses plaintes à lui ne soient prétendument pas instruites n'est pas le fait de la citée, de sorte que là également, on ne décèle aucun indice d'une quelconque prévention de la part de cette dernière.

En outre, on ne voit pas en quoi le fait, pour la citée, d'instruire la nouvelle plainte déposée contre lui par son épouse le 15 août 2023 renforcerait une prévention qui est déjà inexistante.

Le grief du recourant en lien avec le courrier de la Chambre de céans l'invitant à éventuellement répliquer aux observations de la citée n'étant pas le fait de la citée, il est exorbitant au présent litige.

Tout comme ses autres griefs à l'endroit de la justice, qu'il accuse de vouloir le "piller" ou d'avoir rendu des décisions en sa défaveur.

3. La requête est donc rejetée.

4. Le requérant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de récusation.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant et à C______.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/91/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

800.00

Total

CHF

885.00