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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23817/2022

ACPR/704/2023 du 12.09.2023 sur ONMMP/1546/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;ÉLÈVE CONDUCTEUR
Normes : CPP.310; CP.125; LCR.100.al3; LCR.15.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23817/2022 ACPR/704/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 12 septembre 2023

 

Entre

A______,

B______,

tous deux domiciliés, ______ [VD], et représentés par Me I______, avocat,

recourants,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 19 avril 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 8 mai 2023, A______ et B______ recourent contre l'ordonnance du 19 avril 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur leurs plaintes pénales du 3 octobre 2022, en ce qu'elles visent C______.

Les recourants concluent, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 2'500.-, préalablement, à la recevabilité de leur recours, et principalement, à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la procédure au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. Les recourants ont versé les sûretés en CHF 900.- qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 17 septembre 2022, un accident de la circulation s'est produit à Carouge, sur la rue Jacques-Dalphin, à la hauteur du numéro ______, impliquant le véhicule conduit par D______, automobiliste en course d'apprentissage, accompagné de son épouse, C______, et les piétons, A______, B______ et leurs deux enfants mineurs.

Venant de la rue Louis-de-Montfalcon, D______ circulait sur la rue de la Débridée, en direction de la rue du Pont-Neuf. Inattentif, il a, à la hauteur de la rue Jacques-Dalphin, obliqué à gauche sur celle-ci. Parvenu au passage pour piétons situé devant le numéro 14, il a heurté, avec l'avant du véhicule, les piétons susnommés qui traversaient la chaussée sur le passage pour piétons, de droite à gauche, dans son sens de marche. Suite aux heurts, les quatre piétons ont chuté et l'un des enfants est passé sous la roue avant gauche du véhicule. Il a été sérieusement blessé. A______, B______ et leur autre enfant ont, quant à eux, été légèrement blessés.

b. La Brigade routière et accidents, dépêchée sur les lieux, a procédé, le jour même, à l’audition des personnes suivantes :

b.a. D______ (ci-après, l'automobiliste ou le conducteur) a expliqué qu'alors qu'il se trouvait à l'intersection entre la rue de la Débridée et la rue Jacques-Dalphin, il avait constaté qu'un camion de livraison de couleur blanche, circulant sur sa droite depuis la rue du Pont-Neuf, n'avait pas respecté le signal "STOP" et qu'il allait heurter l'arrière de son véhicule. Il avait donc continué sa route pour éviter le choc, ce qui avait provoqué le heurt avec les sacs de commissions de trois personnes qui traversaient sur le passage pour piétons. Néanmoins, il avait freiné avant le choc et sa femme avait tiré sur le frein à main. Les piétons avaient commencé à courir dès qu'ils avaient vu le camion en cause. Il les avait vus alors qu'il obliquait à gauche mais avait tout de même poursuivi sa route car le camion de livraison allait le heurter. Selon lui, s'il avait touché réellement les piétons, ils auraient eu les jambes cassées. Après le heurt, le conducteur du camion avait quitté les lieux. Il s'était, lui-même, arrêté en garant le véhicule sur le côté de la route. Il avait obtenu le permis de conduire au Rwanda mais avait dû le repasser une fois arrivé en Suisse. Il conduisait depuis une année et demi, suivait des cours d'auto-école et roulait de temps en temps avec son épouse.

b.b. C______ (ci-après, l'accompagnatrice) a déclaré avoir accompagné son mari lors d'une course d'apprentissage. Alors qu'ils se trouvaient à l'intersection entre la rue de la Débridée et la rue Jacques-Dalphin, elle avait observé un camion de couleur blanche, sur la droite, sur la rue Jacques-Dalphin, et son époux avait cru qu'il leur fonçait dessus mais ce n'était pas le cas. Ils avaient obliqué à gauche en roulant à une vitesse d'environ 20 km/h et c'était, à cet instant, que leur véhicule avait heurté les piétons se trouvant sur le passage pour piétons. Au moment où elle avait vu qu'ils se trouvaient à proximité d'eux, elle avait dit à son mari de s'arrêter et avait tiré le frein à main, mais il était trop tard. Elle avait effectué des courses d'apprentissage avec son mari à quelques reprises. Celui-ci prenait également des cours de conduite. Elle estimait que son mari conduisait "plutôt bien".

b.c. E______ (ci-après, le témoin), automobiliste qui circulait derrière la voiture conduite par D______ - avant et au moment de l'accident -, a déclaré avoir trouvé sa conduite "hésitante" et que le conducteur semblait peu à l'aise dans ses manœuvres. Il n'avait pas vu le véhicule freiner avant le choc avec les piétons, lesquels se trouvaient, à cet instant, sur la première moitié du passage pour piétons, ni n'avait aperçu d'autres véhicules dans l'intersection au moment de l'accident.

b.d. F______, passagère du véhicule conduit par E______, a précisé que l'automobiliste en cause conduisait à faible allure au moment du choc. Elle n'avait pas été en mesure de fournir d'autres informations utiles à l'enquête.

c. Le 3 octobre 2022, A______ a été entendu par la police. Il a, en substance, déclaré qu'avant de traverser sur le passage pour piétons à hauteur du n° ______ de la rue Jacques-Dalphin lui-même et sa famille avaient regardé des deux côtés de la route pour s'assurer de l'absence de véhicules. Ils se trouvaient au milieu du passage piétons lorsqu'il avait vu un véhicule arriver sur leur gauche. Le conducteur ne semblait pas vouloir s'arrêter, malgré les grands signes qu'il avait effectués avec ses bras pour attirer son attention, et les avait percutés avec l'avant du véhicule avant de s'arrêter. Il n'avait pas précisément vu ce qui était arrivé à sa famille. Il n'avait, par ailleurs, aperçu aucun autre véhicule pouvant être en relation avec le heurt. À la suite du heurt, il avait souffert de douleurs costales ayant entraîné un arrêt de travail pour cause d'accident.

À l'issue de son audition, il a souhaité déposer plainte pénale en raison des faits sus-décrits. Il a également produit un arrêt de travail, établi le 20 septembre 2022, attestant d'une incapacité à 100% jusqu'au 27 septembre 2022 pour cause d'accident.

d. Le 3 octobre 2022, B______ a été auditionnée par la police. Elle a, en particulier, exposé s'être arrêtée avec sa famille avant de traverser la chaussée et avoir aperçu un véhicule arrêté sur la rue de la Débridée. Comme le passage pour piétons était libre, ils avaient commencé à traverser la route, lorsque ledit véhicule les avait soudainement percutés par la gauche. Elle avait chuté, de même que les autres membres de sa famille. À son sens, le véhicule roulait à faible allure, ce qui avait vraisemblablement limité leurs blessures. Elle avait constaté qu'un autre véhicule se trouvait derrière celui les ayant heurtés, mais ne pensait pas qu'il soit impliqué dans l'accident. Le heurt lui avait causé des contusions sur le bassin, côté gauche, ainsi que sur la jambe gauche, notamment au niveau de la cheville et du genou. En ce qui concernait ses enfants, l'aîné avait subi de légères contusions dans le bas du dos et le cadet un double traumatisme crânien, une compression du buste et de nombreuses contusions sur le torse et le dos.

Au terme de son audition, elle a souhaité déposer plainte pénale en son nom et au nom de ses deux enfants mineurs, G______, âgé de 7 ans, et H______, âgé de 4 ans. Elle a, en outre, produit un arrêt de travail, établi le 22 septembre 2022, attestant d'une incapacité la concernant, à 100%, jusqu'au 28 septembre 2022, pour cause d'accident.

e. Le rapport de renseignements, établi par la Brigade routière et accidents le 12 octobre 2022, a notamment mis en évidence que D______ était détenteur d'un permis d'élève conducteur, valable du 23 septembre 2021 jusqu'au 23 septembre 2023.

f. Par ordonnance pénale du 19 avril 2023, le Ministère public a reconnu D______ coupable de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.-, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement.

Cette décision est définitive et exécutoire.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que C______ n'avait pas été suffisamment vigilante s'agissant du respect par son mari des règles de la circulation, dès lors qu'elle n'avait tiré le frein à main du véhicule que tardivement. Toutefois, il a retenu une absence de responsabilité pénale de la mise en cause dans l'accident provoqué par l'erreur de l'automobiliste, erreur pouvant être considérée comme une "faute de débutant", dès lors que celui-ci était expérimenté en matière de conduite, son instruction étant proche de son terme, eu notamment égard au fait qu'il conduisait depuis un an et demi en Suisse et avait, par le passé, déjà obtenu un permis de conduire au Rwanda.

D. a. À l'appui de leur recours, A______ et B______ font valoir que C______ n'avait pas prêté attention au passage pour piétons, sur lequel ils s'étaient engagés avec leurs enfants, violant de la sorte ses obligations d'accompagnatrice. En effet, elle s'était contentée de prendre place sur le siège passager de manière passive, se limitant à tirer "très tardivement" le frein à main. Elle avait également violé ses obligations sous l'angle de l'itinéraire choisi, ce dernier étant très fréquenté, en particulier un samedi matin, un tel choix n'étant aucunement envisageable au vu du niveau de conduite de son époux. Par ailleurs, l'on ne saurait retenir – à l'instar de l'autorité intimée – une absence de responsabilité de la mise en cause sous prétexte que l'instruction de D______ était proche de l'achèvement. En effet, le témoin avait constaté que le conducteur semblait hésitant et peu à l'aise dans ses manœuvres de conduite. Dans ce contexte, il appartenait au Ministère public d'établir avec précision le niveau de conduite de l'automobiliste, élément primordial pour déterminer la responsabilité de l'accompagnatrice, ce qu'il n'avait pas fait, ne sollicitant notamment pas la production de son permis de conduire rwandais. De plus, le fait que l'automobiliste conduise "depuis une année et demi" ne donnait aucune indication sur la fréquence de cette conduite et le niveau acquis. Ainsi, il apparaissait que le niveau de conduite de D______ était peu élevé, de sorte que la responsabilité de l'accompagnatrice était pleinement engagée. Une non-entrée en matière ne se justifiait donc pas.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours. Les arguments soulevés par les recourants ne convainquaient pas. En premier lieu, aucun élément au dossier, au vu des déclarations "partiellement" concordantes des époux C______/D______, ne permettait de retenir d'une manière compatible avec un renvoi en jugement que D______ était inexpérimenté en matière de conduite. En deuxième lieu, les rues dans lesquelles l'automobiliste avait circulé au moment des faits ne pouvaient être considérées comme sinueuses. Elles n'étaient pas non plus des autoroutes ou des semi-autoroutes. Rien n'indiquait, de surcroît, que ces rues étaient fortement fréquentées ni que les conditions météorologiques étaient défavorables à une course d'apprentissage ou encore que la visibilité n'était pas dégagée. Ainsi, l'itinéraire choisi par C______ pour la course d'apprentissage de son mari n'était pas objectivement inadapté au niveau d'expérience de celui-ci. Enfin, la mise en cause était en mesure d'actionner le frein à main durant la course d'apprentissage, étant donné que c'était exactement le comportement qu'elle avait adopté. En outre, elle avait été attentive à la situation, constatant la présence d'un camion pouvant s'élancer sur leur chemin et avertissant son mari de la présence de piétons sur la rue Jacques-Dalphin. Ce comportement correspondait donc à celui d'une accompagnatrice active. Il s'ensuit que la responsabilité de C______ cédait le pas face à l'erreur d'inattention manifeste commise par son mari, lequel devait ainsi en assumer la totale responsabilité sur le plan pénal.

c. A______ et B______ n'ont pas répliqué.

d. Dans ses observations, C______ conclut tout d'abord à l'irrecevabilité du recours, celui-ci ayant été déposé après l'échéance du délai de recours. Quant au fond, elle s'en rapporte à l'argumentation et aux conclusions du Ministère public, mettant, pour le surplus, en doute la crédibilité des témoins.

Par ailleurs, elle produit une photographie du permis d'élève conducteur de son époux, dont il ressort qu'il s'était présenté – sans succès – à l'examen pratique du permis de conduire les 27 avril et 8 août 2022, l'obtenant finalement le 26 mai 2023.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des parties plaignantes qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Les recourants reprochent au Ministère public de ne pas avoir ouvert une instruction.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être interprétée à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

Une non-entrée en matière vise aussi des cas où la preuve d'une infraction, soit de la réalisation en fait de ses éléments constitutifs, n'est pas apportée par les pièces dont dispose le ministère public. Il faut que l'insuffisance de charges soit manifeste. De plus, le procureur doit examiner si une enquête, sous une forme ou sous une autre, serait en mesure d'apporter des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée. Ce n'est que si aucun acte d'enquête ne paraît pouvoir amener des éléments susceptibles de renforcer les charges contre la personne visée que le ministère public peut rendre une ordonnance de non-entrée en matière. En cas de doute sur la possibilité d'apporter ultérieurement la preuve des faits en question, la non-entrée en matière est exclue (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 9 ad art. 310; R. PFISTER-LIECHTI (éd.), La procédure pénale fédérale, Fondation pour la formation continue des juges suisses, Berne 2010, p. 62; DCPR/85/2011 du 27 avril 2011).

2.2. L'art. 125 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé. Elle suppose la réalisation de trois conditions : une négligence, une atteinte à l'intégrité physique et un lien de causalité naturelle et adéquate entre ces deux éléments.

La négligence est l'imprévoyance coupable commise par celui qui, ne se rendant pas compte des conséquences de son acte, agit sans user des précautions commandées par les circonstances et sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP).

2.3. Selon l'art. 100 al. 3 LCR, la personne qui accompagne un élève conducteur sera responsable des actes punissables commis lors de courses d’apprentissage, lorsqu’elle viole les obligations qui lui incombent en vertu de sa fonction. L’élève conducteur sera responsable des contraventions qu’il aurait pu éviter suivant le degré de son instruction.

L'accompagnateur ou le moniteur engage sa responsabilité s'il viole les obligations qui lui incombent en vertu de sa fonction. Ces obligations sont codifiées à l'art. 15 al. 2 LCR qui dispose que l'accompagnateur doit veiller à ce que la course s'effectue en toute sécurité et que l'élève ne contrevienne pas aux prescriptions sur la circulation. Cette règle implique des obligations de vigilance s'agissant de l'état de l'élève conducteur, de son droit de conduire, de la conformité du véhicule utilisé, du choix du parcours et du respect, en général, des règles de circulation (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, 2007, n. 103/105 ad art. 100 LCR).

D'une manière générale, on peut retenir que les obligations liées à l'état de la route et au respect des règles de circulation obéissent à un système de "vases communicants" entre l'accompagnateur et l'élève conducteur; ainsi, au fur et à mesure que la formation de l'élève progresse, sa responsabilité pénale s'accroît et décharge d'autant celle de l'accompagnateur. Ainsi, au début de la formation de l'élève conducteur, la responsabilité repose presque exclusivement sur l'accompagnateur, tout particulièrement lorsque celui-ci dispose d'un véhicule d'auto-école équipé de doubles commandes. Par la suite, en cours d'instruction, les responsabilités coexisteront de manière plus ou moins équivalente, tandis qu'à la fin de l'instruction, lorsque l'élève conducteur se trouve sur le point de passer son examen pratique, l'accompagnateur ne violera pas ses devoirs si l'élève commet une faute de débutant (Y. JEANNERET, Les dispositions pénales de la loi sur la circulation routière, 2007, n. 112 ad art. 100 LCR).

2.4. En l'occurrence, le Ministère public considère que la responsabilité pénale de l'accompagnatrice ne pouvait être engagée, dans la mesure où l'instruction de l'automobiliste était proche de l'achèvement lors de la course effectuée le jour de l'accident et que celui-ci avait alors commis une "faute de débutant".

Ce raisonnement ne saurait, en l'état, être suivi. En effet, le témoin - dont il n'y a pas lieu, en l'état, de remettre en cause ses déclarations - a expliqué que l'automobiliste avait une conduite hésitante et semblait peu à l'aise dans ses manœuvres. La fréquence des cours d'auto-école pris par l'intéressé n'est pas non plus connue ni a fortiori justifiée. Son éventuel permis de conduire rwandais n'a pas été produit. De surcroît, son permis d'élève conducteur était valable du 23 septembre 2021 au 23 septembre 2023. On peut ainsi légitimement s'interroger sur le niveau réel d'instruction de l'automobiliste au jour de l'accident, survenu le 17 septembre 2022, soit une année après la délivrance de son permis d'élève conducteur et alors qu'aucune indication sur la fréquence de sa pratique de la conduite et le niveau de familiarisation acquis ne figurent à la procédure. Les déclarations concordantes de la mise en cause et de son époux sur ce point ne sauraient suffire - sans autre élément objectif - à le confirmer. Il s'ensuit que le niveau de formation de l'automobiliste n'est, à ce stade, pas suffisamment établi pour exclure que la mise en cause n'ait pas violé ses obligations d'accompagnatrice, ce d'autant que l'automobiliste avait échoué à l'examen pratique du permis de conduire, les 27 avril et 8 août 2022, soit peu de temps avant l'accident.

En tout état, il appert que l'accompagnatrice aurait pu et dû reconnaître le danger créé par l'automobiliste en omettant de s'arrêter à l'approche du passage pour piétons sur lequel traversaient les recourants et leurs enfants. Elle ne semble du reste pas avoir interrompu la manœuvre de son époux à l'approche des piétons, se contentant de lui dire de s'arrêter, puis d'actionner le frein à main alors qu'il était trop tard pour éviter le heurt. Or, selon l'art. 15 al. 2 LCR, il lui incombait de veiller à ce que la course réalisée par son époux s'effectue en toute sécurité et à ce qu'il ne contrevienne pas aux règles de la circulation. Un accident de la circulation s'étant produit, au cours duquel des piétons ont été blessés, dont un enfant grièvement, la prévention d'infraction de lésions corporelles simples paraît, en l'état, suffisante.

L'ordonnance de non-entrée en matière querellée, constatant une absence de responsabilité pénale de la mise en cause, paraît donc à tout le moins prématurée. Il convient dès lors de renvoyer la procédure au Ministère public afin de confronter les parties et procéder à l'audition du témoin ayant assisté à l'accident, dont les coordonnées figurent au dossier, le précité étant susceptible d'éclairer sur les circonstances du heurt. Les justificatifs des cours de conduite et la copie du permis de conduire rwandais du conducteur en cause peuvent également apporter un élément complémentaire probant, notamment s'agissant du niveau de conduite de l'automobiliste au jour de l'accident.

3.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction dans le sens des considérants.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP). Les sûretés versées par les recourants leur seront donc restituées.

5.             Les recourants, qui obtiennent gain de cause, ont demandé l'octroi d'une équitable indemnité valant participation à leurs frais d'avocat, pour la procédure de recours.

5.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

L'art. 433 CPP prévoit l’octroi d’une juste indemnité à la partie plaignante pour les dépenses occasionnées par la procédure.

5.2. Dans tous les cas, l'indemnité n'est due qu'à concurrence des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu (Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303, p. 1313 ; J. PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse - Commentaire à l'usage des praticiens, Zurich/St-Gall 2012, n. 1349 p. 889).

5.3. En l'occurrence, les recourants concluent au versement d'une indemnité de CHF 2'500 .-, correspondant à 6h15 d'activité au tarif horaire de CHF 400.-.

Eu égard au recours de neuf pages, dont environ quatre de discussion juridique, et à la très brève réplique, 5h00 d'activité au tarif horaire demandé, apparaissent suffisantes, compte tenu de la nature du litige. L'équitable indemnité sera ainsi fixée à CHF 2'154.- (TVA à 7.7% incluse), laquelle sera mise à la charge de l'État.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 19 avril 2023 par le Ministère public et lui renvoie la cause afin qu'il ouvre une instruction et procède dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Ordonne la restitution à A______ et à B______ des sûretés versées (CHF 900.-).

Alloue à A______ et à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'154, (TVA à 7.7% incluse), pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de leurs droits de procédure devant l'instance de recours.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et à B______, soit pour eux leur conseil commun, et au Ministère public.

Le communique pour information à C______.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Oriana BRICENO LOPEZ, greffière.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).