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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17792/2021

ACPR/655/2023 du 18.08.2023 sur ONMMP/1555/2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.10.2023, rendu le 20.11.2023, IRRECEVABLE, 7B_705/2023
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉNONCIATION CALOMNIEUSE;INTENTION
Normes : CPP.310; CP.303

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17792/2021 ACPR/655/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 18 août 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, agissant en personne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 19 avril 2023 par le Ministère public,

et

B______ et C______, p.a. FONDATION D______, ______, agissant en personne,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 28 avril 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 19 avril 2023, notifiée par pli simple, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 14 mars 2022 contre C______ et B______.

La recourante, qui agit en personne, déclare former "appel" contre la décision querellée.

b. Elle a été dispensée du versement des sûretés (art. 383 al. 1 CPP).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Du 1er septembre 2006 au 31 juillet 2015, date à laquelle son licenciement a pris effet, A______ a occupé un poste en qualité de professeure d'anglais au sein de la Fondation D______ (ci-après, l'école D______).

b. Le 4 mai 2016, elle a saisi le Tribunal des prud'hommes d'une demande en paiement dirigée contre son ancienne employeuse, considérant son licenciement comme abusif. Lors d'une audience du 22 mai 2017 par-devant cette juridiction, un accord a été conclu entre les parties, mettant fin au litige les opposant.

c.a. Par courrier du 14 septembre 2021, complété par pli du 5 octobre suivant, B______ et C______, agissant au nom et pour le compte de l'École D______, dont ils sont respectivement directeur général et directeur financier, ont déposé plainte contre A______ des chefs de diffamation (art. 173 CP), calomnie (art. 174 CP), menaces (art. 180 CP), contrainte (art. 181 CP), utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179 septies CP) et toute autre infraction pertinente.

En substance, ils ont exposé que, au mois de février 2018, alors que l'École D______ n'avait plus entendu parler de A______ depuis plusieurs mois, cette dernière avait, par courriels, demandé l'accès à ses données personnelles. Il lui avait été répondu que son dossier lui avait d'ores et déjà été remis et que celui-ci était définitivement clos. Malgré cela, elle avait continué à envoyer de nombreux e-mails, avec copie à des tiers – dont des autorités –, dans lesquels elle tentait de faire réexaminer son dossier et accusait l’école d’avoir commis toute une série d’actes répréhensibles, voire criminels.

À compter du 31 octobre 2019, elle avait "franchi un nouveau cap", en adressant cette fois-ci des courriels aux membres du conseil de fondation de l'École D______, dans lesquels elle expliquait avoir dénoncé à cette dernière, lorsqu'elle était encore en poste, le harcèlement dont certains écoliers auraient fait l'objet au sein de l'établissement ainsi que des manquements commis en matière de protection des enfants. Elle avait en outre allégué qu'en 2015, un élève de sixième année aurait été victime d'abus sexuel, lesquels n'auraient fait l'objet d'aucune investigation. De plus, par courriel du 10 novembre 2019, adressé à l'ancien vice-président du conseil de fondation de l'école, elle avait menacé de porter ses accusations notamment auprès de la presse, dans l'hypothèse où son dossier ne serait pas réexaminé.

Or, l'ensemble de ses allégations constituait de "pures affabulations", étant précisé que l'intéressée n'occupait plus son poste depuis fin 2013, puisqu'elle avait été en incapacité totale de travailler durant l'année 2014, puis libérée de son obligation de travailler dès le 31 janvier 2015. Il était dès lors invraisemblable qu'elle ait pu prendre connaissance et/ou dénoncer de tels faits.

Enfin, l'École D______ avait découvert, en août 2021, que, loin d'obtempérer aux multiples mises en demeure qui lui avaient été adressées, A______ avait poursuivi ses agissements sur le réseau social Twitter. Extrêmement active sur celui-ci depuis mai 2019, elle y avait publié quasi-quotidiennement des messages ciblant l'école. Elle avait notamment accusé cette dernière d'avoir refusé d'investiguer de prétendus abus sexuels commis en son sein sur des écoliers et avoir ainsi en quelque sorte "couvert" ces faits. Ces accusations étaient calomnieuses et diffamatoires, puisqu'elles portaient atteinte à l'honneur et à la réputation de l'école et de ses organes. À cet égard, de nombreuses personnes, parmi lesquelles B______, l'ancienne directrice de l'école, ou encore des actuels et anciens membres du conseil de fondation, avaient été citées nommément dans les publications incriminées et leurs photographies parfois publiées.

En définitive, les accusations mensongères proférées par A______ visaient à nuire à l'école, à la contraindre à réexaminer le dossier de l'intéressée et ordonner sa réintégration.

c.b. À l'appui de sa plainte, l'École D______ a produit un bordereau de seize pièces, comprenant notamment :

-          des documents issus de la procédure prud'homale l'ayant opposée à A______, dont la copie du procès-verbal de transaction passé le 22 mai 2017 par-devant l'autorité de conciliation, à teneur duquel elle avait accepté, par gain de paix et sans reconnaissance de responsabilité, de verser à la prénommée CHF 15'000.- pour solde de tout compte, et de modifier son certificat de travail ;

-          un courriel, en anglais, adressé le 31 octobre 2019 par A______ à E______, vice-président du conseil de fondation de l’école D______, dans lequel elle évoquait le harcèlement dont certains élèves et collègues auraient fait l'objet au sein de l'établissement scolaire ainsi que des abus physiques ["physical abuse"] prétendument commis en 2015 sur un élève de sixième année, lesquels n'auraient pas été investigués ;

-          un e-mail du 10 novembre 2019 envoyé par A______ à F______, ancien vice-président du conseil de fondation, dans lequel elle demandait le réexamen de son dossier, à défaut de quoi elle diffuserait les accusations contenues dans le courriel qu'elle avait adressé la veille à G______, ancien président du conseil de fondation, dans lequel elle faisait état de graves manquements commis par l'école, en particulier d'actes relevant du harcèlement et du dénigrement ;

-          une missive envoyée par son avocate à A______, le 14 novembre 2019, la mettant en demeure de cesser de diffuser des allégations mensongères à l'endroit de l'école. Il y était précisé que la campagne de dénigrement de l'intéressée avait atteint un seuil de gravité intolérable, puisqu'elle accusait désormais l'École D______ d'avoir commis des manquements en matière de protection des enfants et couvert de prétendus abus sexuels sur des écoliers, cela dans le but de faire réexaminer son dossier ; et

-          une capture d'écran du profil Twitter de A______, ouvert au nom de "A______ [alias]", comptant 1786 abonnés, ainsi que des copies des tweets publiés par cette dernière entre les 6 avril et 4 octobre 2021 –, comportant des photographies de l'ancienne directrice de l'École D______ et des membres actuels et anciens du conseil de fondation –, et faisant état de graves manquements commis par l'école en matière de protection des enfants. La traduction libre de certaines publications est la suivante :

- "Quel genre d'école menace et congédie des enseignants loyaux qui signalent de graves manquements en matière de protection des enfants, puis les terrorise psychologiquement, les diffame et se livre apparemment à des actes criminels à l'encontre des membres de leur famille @D______ ?" (Tweet publié le ______ avril 2021) ;

- "Imaginez envoyer vos enfants dans une école qui refuse d'enquêter sur des violations avérées des règles en matière de protection des enfants, la criminalité et la corruption, et qui dépense ses revenus en honoraires d'avocats, lesquels menacent des enseignants loyaux." (Tweet publié le ______ juin 2021) ;

- "Comment @D______ peut-elle enseigner à "ses élèves à devenir des citoyens du monde, dotés de courage et de la capacité à bâtir un avenir juste et heureux", sans chercher à remédier aux manquements constatés en son sein en matière de protection des enfants, aux crimes et aux actes de corruption avérés ?" (Tweet publié le ______ juin 2021) ;

-          "@B______ [...] @D______ – Honte à vous – ainsi qu'aux politiciens qui ont privilégié la protection de [ ] délinquants au détriment de celle des enfants." (Tweet publié le ______ septembre 2021) ;

-          "Quelle ironie que @H______ communique avec #D______ – une école qui ne veut visiblement pas remédier aux manquements avérés en matière de protection des enfants et aux actes criminels allégués et démontrés de torture et de censure perpétrés à l'encontre des membres de la famille d’un lanceur d’alerte." (Tweet publié le ______ septembre 2021) ;

-          "@I______, une école qui refuse visiblement de remédier aux manquements constatés en matière de protection des enfants et aux mauvais traitements subis par les familles des lanceurs d'alerte est-elle qualifiée pour enseigner votre programme ?" (Tweet publié le ______ septembre 2021).

d. Entendue le 8 novembre 2021 en qualité de prévenue, A______ a refusé de répondre aux questions des policiers, alléguant souffrir d'un état de stress post-traumatique avec pour symptômes une perte de mémoire, de l'anxiété et une incapacité à se concentrer.

Le même jour, son conseil a remis à la police deux attestations médicales, établies les 18 mai 2021 et 2 septembre 2014, selon lesquelles elle était prise en charge depuis le 25 février 2013 et faisait état d'un stress post-traumatique et d'un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques.

e. À teneur du rapport de renseignements du 11 novembre 2021, la police a relevé que, malgré ses problèmes de santé, A______ avait écrit quotidiennement d'innombrables courriers, courriels et tweets au sujet de l'École D______. À titre d'exemple, depuis mai 2019, 12'830 messages avaient été publiés sur son compte Twitter, dont la quasi-totalité concernait l'établissement scolaire précité.

f. Le 23 décembre 2021, le Ministère public a ouvert une instruction pénale contre A______ des chefs d'infractions aux art. 173, 177, 180, 181 et 179 septies CP.

g. Par missive de son conseil du 18 janvier 2022, l'École D______ a complété sa plainte contre la prénommée, au motif que celle-ci continuait à diffuser des propos diffamatoires à son endroit sur les réseaux sociaux.

Le 15 décembre 2021, elle avait notamment publié, sur sa page Facebook, une lettre ouverte aux parents d'élèves de l'école, dans laquelle de prétendus manquements commis par celle-ci en matière de protection des enfants étaient dénoncés. Toujours en décembre 2021, l’intéressée avait également lancé une pétition en ligne sur le site internet "www.J______.org", intitulée "______". Depuis lors, elle n'avait cessé de publier des mises à jour de cette pétition et de s'étendre sur la procédure pénale en cours, remettant en cause l'indépendance des autorités judiciaires et réitérant ses accusations infondées.

À l'appui de son courrier, l'École D______ a notamment produit une copie des messages publiés par A______ sur son compte Twitter entre les 30 octobre et 28 décembre 2021 – de la même teneur que les précédents –, ainsi qu'une copie des lettre et pétition susmentionnées.

h.a. Le 9 février 2022, le Ministère public a ordonné la défense d'office de A______ et nommé Me K______ à cet effet.

h.b. Par ordonnance du 21 suivant, la procureure, prenant note que la prévenue avait désigné un avocat de choix, a ordonné la révocation de la défense d'office et relevé l’avocat précité de sa mission.

h.c. Le 28 février 2022, constatant que le défenseur privé de A______ avait décliné le mandat, le Ministère public a ordonné la défense d'office de cette dernière et désigné Me L______ à cette fin.

i. Le 11 mars 2022, le Ministère public a tenu une audience de confrontation des parties.

i.a. L'École D______, représentée par C______, a confirmé vouloir participer à la procédure en tant que partie plaignante au pénal et au civil.

i.b. A______ a déclaré avoir conclu un accord avec son ancienne employeuse dans le cadre de la procédure prud'homale, mais ne pas être satisfaite de l'indemnité reçue. Ayant pris connaissance de nouveaux éléments démontrant que l'ancienne directrice de l'école aurait dissimulé "des preuves" durant ladite procédure, elle avait recontacté la direction de l'école afin que celle-ci réexamine son dossier.

Elle reconnaissait être l'auteure des tweets et écrits incriminés, précisant néanmoins que les termes "physical abuse", employés dans son courriel du 31 octobre 2019, ne faisaient pas référence à des abus sexuels, mais à un acte de maltraitance physique commis sur un élève de sixième année.

Elle n'avait pas été témoin directe des actes dénoncés dans ses publications, ceux-ci lui ayant été rapportés par des parents d'élèves, des collègues ou des tiers. Elle avait considéré qu'il était dans l'intérêt de "la communauté" d'être avisée du fait que l'école refusait d'ouvrir une enquête sur ces faits.

j. Par courrier du 14 mars 2022, reçu par le Ministère public le 17 suivant, A______ a déposé plainte contre C______ et B______. En substance, elle leur reprochait d'affirmer qu'elle avait accusé l'École D______ d'avoir dissimulé des abus sexuels commis en son sein sur des écoliers, ce qui était faux. Elle avait uniquement dénoncé des manquements de l’école en matière de protection des enfants et des actes de maltraitance physique, mais non de nature sexuelle.

k. Par pli du 11 mai 2022 au Ministère public, l'École D______ a produit un courriel envoyé par A______ à son avocate [à elle] le 10 décembre 2021, avec, en copie, vingt-quatre autres destinataires, dont des parlementaires britanniques, des fonctionnaires de l'État de Genève et la police lausannoise. Cet e-mail en comportait une série d'autres, adressés par A______ à diverses personnes entre les 15 novembre 2019 et 9 décembre 2021. Un courriel envoyé le 15 novembre 2019 à G______ comportait notamment un passage dans lequel elle mentionnait effectivement des abus sexuels, dont la traduction libre est la suivante :

"Bien qu'ayant, au travers de la communication ci-jointe [du syndicat] M______ relative à N______, été informée d'un certain nombre de manquements allégués et visiblement avérés en matière de protection des enfants en 2019, ce n'est que récemment, par le biais du communiqué ci-dessous, établi par l'Association du personnel de l'école, que j'ai pris connaissance des détails d'au moins un de ces cas de protection des enfants.

Au vu de ladite communication, il semblerait que l'École D______ soit potentiellement en train de couvrir de graves accusations en matière de violation des règles de protection des enfants, y compris de nature sexuelle, au lieu d'enquêter sur celles-ci (...).

Par conséquent, il ne fait aucun doute que des manquements en matière de protection des enfants ont eu lieu au sein de l'école, certains d'entre eux étant très graves et pouvant revêtir une connotation sexuelle. En outre, tout porte à croire que les responsables, dont le conseil de fondation, n'ont pas traité ces faits de manière ferme et en toute transparence, mais il conviendrait de mener une enquête à ce sujet."

l. Le 16 suivant, le Ministère public a tenu une nouvelle audience de confrontation des parties.

l.a. A______ a fait valoir son droit au silence et refusé de signer le procès-verbal d'audition.

l.b. La Fondation D______, représentée par C______, a confirmé que les e-mails envoyés par A______ – versés au dossier le 11 mai 2022 et dont les passages incriminés dataient de 2019 – l'avaient conduit à penser que cette dernière l'avait accusée d'avoir couvert des abus sexuels. Aussi, des "abus physiques", tels qu'évoqués par l'intéressée, "laissaient immédiatement penser à des abus de nature sexuelle".

m.a. Par ordonnance pénale du 19 avril 2023, A______ a été reconnue coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et de tentative de contrainte (art. 181 cum 22 CP). Elle a été condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-.

Les faits dénoncés par l'École D______ étaient établis par les pièces versées au dossier ainsi que par les déclarations de la prévenue, laquelle avait admis avoir publié les messages incriminés sur les réseaux sociaux, notamment dans le but de faire modifier les conditions de son licenciement. Ses écrits mentionnaient tous des manquements en matière de protection des enfants commis par la plaignante, jetant sur celle-ci le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur. Ce faisant, la prévenue s'était rendue coupable de diffamation.

Par ailleurs, cette dernière ne pouvait être suivie lorsqu'elle affirmait avoir agi dans l'unique but de révéler une affaire de maltraitance infantile. En effet, ces faits, au sujet desquels elle n'avait pas été en mesure de fournir le moindre détail, n'avaient été dénoncés qu'une fois la procédure prud'homale terminée. De plus, la prévenue avait exposé avoir été avisée desdits faits par des tiers, mais n'avait apporté aucune précision à ce sujet, ni sur les éventuelles vérifications qu'elle aurait effectuées afin de s'assurer de leur véracité. À cela s'ajoutait qu'elle avait préféré dénoncer ces actes sur les réseaux sociaux au lieu d'en faire part aux autorités compétentes. Au vu de l'ensemble de ces éléments, il semblait donc qu'elle avait agi par vengeance à la suite de son licenciement et dans le dessein de nuire à la plaignante. Elle ne pouvait dès lors être admise à faire la preuve de la vérité ou de la bonne foi.

Enfin, au vu du volume d'e-mails envoyés, respectivement de messages publiés sur les réseaux sociaux, de même que de leur nature, il apparaissait qu'elle avait exercé une pression sur la plaignante et ses organes, dans le but d'obtenir de leur part une décision plus favorable la concernant. Les faits étaient dès lors également constitutifs de tentative de contrainte.

m.b. A______ a formé opposition à ladite ordonnance, le 27 avril 2023.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public rappelle que dans sa plainte, A______ reprochait à B______ et C______ de l'avoir faussement accusée d'avoir évoqué des abus sexuels dans ses messages et publications.

Or, le jour-même, une ordonnance pénale avait été prononcée à son encontre en lien avec les messages incriminés, lesquels comprenaient à tout le moins une référence à un abus de nature sexuelle.

Ainsi, il résultait de la procédure qu'elle s'était effectivement rendue coupable de diffamation et de tentative de contrainte au préjudice de l'École D______. Dans ces circonstances, les accusations portées contre elle par les mis en cause ne pouvaient être qualifiées de fausses. Faute de prévention pénale suffisante à l'encontre de ces derniers, il était donc décidé de ne pas entrer en matière sur ces faits (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, rédigé en personne, A______ reproche au Ministère public d’avoir d'abord traité la plainte de l'École D______, alors qu’il aurait fallu qu’il se prononce en premier lieu sur la sienne. En tout état, le fait qu'elle fût reconnue coupable de diffamation ne suffisait pas pour retenir que les accusations portées contre elle par les intimés n'étaient pas fausses. À cet égard, ces derniers l'avaient accusée à tort d'avoir dénoncé des abus sexuels. En effet, les propos tenus par le dénommé "N______" n'étaient pas les siens. Elle avait expliqué que les actes de maltraitance physique qu'elle avait signalés n’étaient pas de nature sexuelle. Les intimés ne pouvaient pas se prévaloir de leur bonne foi, puisqu’ils avaient tenu des fausses allégations à plusieurs reprises, y compris en novembre 2019, lorsqu’elle avait été "menacée" par l'École D______. Pour le surplus, l'e-mail produit par cette dernière, le 11 mai 2022, – selon lequel elle aurait effectivement mentionné dans un courriel des abus sexuels dissimulés par l'école – était "trompeur" et les passages cités sortis de leur contexte. Elle déposait donc à nouveau plainte, puisqu'il s'agissait d'une "affaire de fausses allégations à une autorité et de calomnie" commise par l'École D______.

La plainte déposée contre elle par les intimés était une mesure de rétorsion à la suite des procédures pénales qu'elle avait elle-même initiées le 4 juin 2013 et en septembre 2021 (relatives à une "liste noire avérée" et de la "corruption sous la forme de disparition de documents dans une étude de notaires). Le Ministère public n'avait ainsi pas tenu compte du contexte de l'affaire et il lui semblait impossible d'obtenir justice, étant précisé qu'elle avait déjà déposé plainte contre l'École D______ en raison de fausses allégations formulées à son encontre, lesquelles n'avaient pas été traitées.

Elle sollicitait que "toutes les preuves soumises au Ministère public" dans le cadre de la présente procédure et de la P/1______/2018 – procédure ouverte à la suite de sa plainte du 5 juin 2018 pour diffamation contre le président de l’Association du personnel de l’École D______, ayant fait l’objet d’une décision de non-entrée en matière le 30 novembre 2018, entrée en force – "soient prises en compte", de même que "toutes les communications et preuves" produites par-devant le Ministère public et les autres autorités suisses. Elle demandait également à ce que son recours soit examiné "en conjonction" avec "le recours" qu'elle avait déposé contre l'ordonnance pénale du 19 avril 2023.

À l'appui, A______ produit diverses pièces, parmi lesquelles une copie de l'e-mail qu'elle avait adressé à G______ le 15 novembre 2019 – mentionnant des abus, de nature potentiellement sexuelle, commis au sein de l'École D______ sur des enfants –, dont le contenu était strictement identique à celui versé à la procédure par les intimés, le 11 mai 2022.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut au rejet du recours, se référant intégralement à la motivation de son ordonnance querellée.

c. B______ et C______ concluent au rejet du recours, sous suite de frais et dépens non chiffrés.

Les accusations portées contre la recourante par l'École D______ étaient corroborées par les divers écrits et publications versés au dossier, dont la recourante reconnaissait d'ailleurs être l'auteure. Pour le surplus, cette dernière avait effectivement formulé des allégations relatives à de prétendus abus sexuels couverts par l’école. La pièce produite le 11 mai 2022 n'avait pas été tronquée mais versée telle qu’elle avait été reçue.

d. Dans sa réplique, A______ se réfère à son recours, estimant "à tort ou à raison", que la procureure chargée du dossier aurait dû se récuser, dans la mesure où elle avait fait preuve d'impartialité en désignant Me L______ à sa défense d'office. En effet, elle [la recourante] avait émis des doléances à l'égard de cette avocate auprès de la Commission du barreau. Pour le surplus, elle souhaitait obtenir de la part de la procureure divers "éclaircissements" concernant la procédure.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé dans le délai prescrit – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n’ayant pas été observées – (art. 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l’annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             L'objet du litige est strictement circonscrit par la plainte pénale du 14 mars 2022. Tombent ainsi à faux les critiques de la recourante sur le bien-fondé de l'ordonnance pénale du 19 avril 2023, qui doivent être soulevées dans le cadre de la procédure d'opposition, laquelle ne saurait être traitée dans le présent recours.

Par ailleurs, la recourante semble demander l'apport de divers documents, dont ceux issus de la procédure P/1______/2018. Une telle demande est irrecevable, puisqu'elle n'a pas fait l'objet de la décision déférée et ne peut donc être formulée devant l'autorité de recours.

Il n'appartient pas non plus à la Chambre de céans de se déterminer sur les autres allégués, griefs et diverses plaintes pénales de la recourante qui ne font pas l'objet de l'ordonnance querellée, laquelle est, comme relevé plus haut, strictement limitée au refus d'entrer en matière sur la plainte pour dénonciation calomnieuse déposée le 14 mars 2022 par la recourante contre les intimés. Le recours est donc irrecevable sur ces aspects.

Il est, en revanche, recevable pour le surplus.

3.             La recourante fait grief au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

3.1.  Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ss).

3.2.  L'art. 303 al. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'elle savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, une dénonciation est composée de deux éléments soit qu'une dénonciation soit faite et qu'elle fasse porter l'accusation sur une personne innocente. La dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente, en ce sens qu'elle n'a pas commis les faits qui lui sont faussement imputés, soit parce que ceux-ci ne se sont pas produits, soit parce qu'elle n'en est pas l'auteur. Une dénonciation pénale n'est pas punissable du seul fait que la procédure pénale ouverte consécutivement à la dénonciation est classée. L'infraction n'est réalisée que si l'innocence de la personne dénoncée a été constatée dans une procédure précédente (ATF 136 IV 170 consid. 2.2 p. 177).

L'élément constitutif subjectif de l'infraction exige l'intention et la connaissance de la fausseté de l'accusation. L'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Par conséquent, il ne suffit pas que l'auteur ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son accusation est inexacte. Le dol éventuel ne suffit donc pas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_753/2016 du 24 mars 2017 consid. 2.1.2). Celui qui admet que sa dénonciation est peut-être fausse ne sait pas innocente la personne dénoncée (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176). Par ailleurs, l'auteur doit agir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale contre la personne qu'il accuse injustement. Le dol éventuel suffit quant à cette intention (arrêt du Tribunal fédéral 6B_324/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1). L'art. 303 CP n'exige pas tant l'innocence de la personne dénoncée que la connaissance certaine de cette innocence par l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1003/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2). En l'absence d'aveu, l'élément subjectif se déduit d'une analyse des circonstances permettant de tirer, sur la base des éléments extérieurs, des déductions sur les dispositions intérieures de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_502/2017 du 16 avril 2018 consid. 2.1).

3.3.  En l'espèce, la recourante reproche aux intimés de l'avoir accusée faussement d'avoir signalé des abus sexuels commis au sein de l'École D______ sur des écoliers, alors qu'elle aurait seulement dénoncé des abus physiques.

En l'occurrence, la plainte déposée contre elle par les intimés a abouti au prononcé d'une ordonnance pénale à son encontre, à laquelle elle a formé opposition.

Selon les pièces versées au dossier, la recourante a, depuis le mois d'octobre 2019, régulièrement diffusé, en particulier sur le réseau social Twitter, des accusations d'abus commis sur des élèves de l'École D______ et imputé à celle-ci de graves manquements à ses obligations en matière de protection des enfants. En outre, dans un courriel envoyé le 15 novembre 2019 à l'ancien vice-président du conseil de fondation de l'école – et dont une copie a été adressée à vingt-cinq personnes le 10 décembre 2021 –, elle a évoqué le fait que l'établissement scolaire aurait vraisemblablement refusé d'investiguer sur de prétendus abus – y compris de nature sexuelle – commis sur des écoliers et, partant, "couvert" ces faits.

La recourante reconnaît être l'auteure de cet écrit – antérieur à la plainte des intimés – mais met en doute sa valeur probante. Or, rien ne démontre que cette pièce – versée au dossier dans son intégralité et dont le contenu est parfaitement explicite – aurait été tronquée. La recourante en a d'ailleurs elle-même produit une copie, strictement identique à celle versée à la procédure par les intimés.

Force est ainsi de constater que la recourante, contrairement à ce qu'elle allègue, a effectivement laissé entendre que des abus sexuels auraient été commis au sein de l'École D______. Elle a également reproché à celle-ci d'avoir refusé de mener une enquête à ce sujet et manqué ainsi à ses devoirs de protection des enfants. Quand bien même un tiers serait à l'origine de ces signalements, il n'en demeure pas moins que la recourante les a rapportés dans ses écrits.

Dans ces circonstances, les intimés étaient légitimés à se sentir atteints dans leur honneur et à se plaindre des agissements de la recourante par la voie pénale. Partant, l'on ne saurait retenir qu'ils l'ont dénoncée auprès des autorités judiciaires alors qu'ils la savaient innocente des faits qui lui étaient reprochés et dans le seul but de faire, dolosivement, ouvrir une procédure pénale à son encontre. Au contraire, ils disposaient d'éléments concrets au moment du dépôt de leur plainte pour considérer que la recourante avait porté des accusations d'abus – y compris sexuels – commis au sein de l'établissement scolaire sur des enfants.

Il ressort ainsi de l'ensemble de ce qui précède que les éléments constitutifs de l'art. 303 CP ne sont pas réunis. C'est donc à bon escient que le Ministère public n'est pas entré en matière sur cette infraction.

Pour le surplus, il ne peut lui être reproché de s'être prononcé en premier lieu sur la plainte des intimés, laquelle est antérieure à celle déposée par la recourante et précisément à l'origine de celle-ci. En tout état, les enjeux de la décision querellée sont indépendants du sort réservé à l'ordonnance pénale prononcée à l'encontre de la recourante et contre laquelle elle a formé opposition. En effet, même dans l'hypothèse où cette dernière ne devait finalement pas être reconnue coupable des faits qui lui sont imputés, cela ne constitue pas, au vu des considérations qui précèdent, un obstacle au classement de sa propre plainte.

4.             La recourante laisse entendre qu'elle sollicite la récusation de la procureure chargée de la procédure, sans toutefois la requérir formellement, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur ce point.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). Ses conclusions étant vouées à l'échec, elle ne saurait être mise au bénéfice de l'assistance juridique, étant précisé que, lorsqu'il a ordonné sa défense d'office, le Ministère public a uniquement tenu compte de son statut de prévenue et non de plaignante.

7.             Bien qu'obtenant gain de cause, les intimés, qui agissent en personne, ne peuvent prétendre à des dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, aux intimés, soit pour eux leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17792/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

805.00

Total

CHF

900.00