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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21839/2019

ACPR/613/2023 du 31.07.2023 sur OCL/393/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DIFFAMATION;CALOMNIE;HARCÈLEMENT SEXUEL(DROIT DU TRAVAIL);RAPPORT DE SUBORDINATION
Normes : CPP.319; CP.173; CP.174

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21839/2019 ACPR/613/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 31 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me Guillaume VODOZ, avocat, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 20 mars 2023 par le Ministère public,

et

B______, domicilié ______, représenté par Me J______, avocate,

C______, représentée par Me K______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 31 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 20 précédent, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé ses plaintes.

Le recourant conclut, avec suite de frais et dépens, préalablement, à l'autorisation de répliquer aux observations des parties, principalement, à l'annulation de ladite ordonnance et au retour de la cause au Ministère public pour qu'il renvoie B______ et C______ en jugement des chefs de calomnie et diffamation.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Les 30 et 31 juillet 2019, la Direction de la Clinique D______ a reçu trois lettres rédigées par des infirmières instrumentistes faisant état d'incidents à connotation sexuelle de la part de A______, médecin exerçant dans l'établissement.

C______ avait rédigé l'une des lettres et y détaillait deux évènements. Le premier s'était produit en début d'année. Lors d'une intervention, à sa question "silicone ou latex", A______ avait répondu "voyons ma chère, toujours latex ça glisse mieux". Le second avait eu lieu courant juillet. Alors qu'elle aidait une collègue à ranger le bloc opératoire, le prénommé était passé derrière elle en se frottant les parties génitales contre ses fesses. Lors de ces deux épisodes, choquée et humiliée, elle avait été incapable de répondre ou de réagir.

b. Le 2 août 2019, la Direction de la Clinique D______ a suspendu provisoirement l'accréditation de A______.

c. Le 8 août 2019, une séance extraordinaire du Conseil médical de la Clinique D______ s'est tenue avec comme objet la suspension provisoire de A______. Ce dernier perdra son accréditation en mars 2020.

Selon le procès-verbal, strictement confidentiel, B______, président du Conseil médical, avait ouvert la séance et relaté la chronologie des faits, à savoir que trois semaines plus tôt, il avait intercepté une discussion entre instrumentistes ne souhaitant pas assister A______ lors d'une intervention.

Au cours de la discussion qui s'en était suivie, il avait ajouté que "le comportement du Dr. A______ ne daterait pas d'aujourd'hui et son comportement inadéquat aurait déjà été noté [au sein de l'établissement] E______". À la question de savoir si ces évènements s'étaient passés en sa présence, il a répondu que non, les faits s'étant surtout passés durant les gardes et en proctologie.

d. Le 24 octobre 2019, A______ a déposé plainte pénale contre, d'une part, inconnus – auteurs des lettres susmentionnées dont il ignorait, à ce moment-là, l'indentité –, et d'autre part, B______, pour calomnie, subsidiairement, diffamation.

Médecin-chirurgien, il avait exercé, de 2002 à 2011 auprès [de l'établissement] E______, puis, dès 2011, au sein du groupe F______, aux cliniques G______ et D______.

Le 7 août 2019, F______ lui avait transmis les trois lettres manuscrites, anonymisées, qui avaient mené à sa suspension provisoire. Il contestait les accusations contenues dans celles-là, qui étaient fausses, ce dont les auteurs avaient conscience. Durant plus de trente ans, il avait exercé son métier sans qu'aucune plainte ni doléance, à son encontre, n'eût jamais été reçue par le chef du bloc opératoire ou par les Comités médicaux des cliniques dans lesquelles il avait pratiqué. S'il lui était arrivé de faire des plaisanteries de "carabin" c'était uniquement dans l'intention de détendre l'atmosphère avant une intervention.

Quant à B______, il lui reprochait d'avoir tenu, lors de la séance du 8 août 2019, les propos suivants : "le comportement du Dr. A______ ne daterait pas d'aujourd'hui et son comportement inadéquat aurait déjà été noté [au sein de l'établissement] E______", lesquels avaient été protocolés dans le procès-verbal. Il contestait catégoriquement cette affirmation, qui était fausse, ce que savait le prénommé.

e.a. En parallèle à la procédure pénale, A______ a, le 24 juin 2020, dénoncé B______ également auprès de la Commission de déontologie et de conciliation de l'Association des médecins du canton de Genève (ci-après: Commission de l'AMGe), en raison de ces mêmes propos.

e.b. Sur demande de déterminations de la Commission de l'AMGe, B______ a, le 1er septembre 2020, expliqué que ses propos n'étaient nullement constitutifs d'une violation du Code de déontologie de la FMH. Il les avait prononcés au conditionnel, dans le cadre d'une séance convoquée précisément pour discuter de la suspension provisoire de A______ et dont le procès-verbal était confidentiel. Il avait rapporté des faits qui lui avaient été communiqués et auxquels il n'avait pas assisté, n'étant plus [à l'établissement] E______ lorsque A______ y exerçait. Il avait ainsi contribué à la discussion du 8 août 2019, de bonne foi, avec des éléments qui avaient été portés à sa connaissance. Les termes choisis étaient empreints de retenue et ne comportaient aucun élément d'appréciation de sa part qui permettrait d'en inférer une intention de discréditer son confrère. À aucun moment, il n'avait prétendu que A______ avait fait l'objet de plaintes ou de sanctions [au sein de l'établissement] E______. Il avait ainsi simplement "joué son rôle" de Président du Conseil médical.

e.c. Lors de la séance de la Commission de l'AMGe du 7 octobre 2020, B______ a, en substance, confirmé ses déterminations du 1er septembre 2020.

e.d. Par décision du 10 novembre 2020, la Commission de l'AMGe a classé la plainte de A______.

e.e. Le 24 novembre 2020, A______ a formé recours contre cette décision à la Commission de Déontologie de la FMH.

Courant 2021, la procédure était toujours pendante, des échanges d'écritures ayant eu lieu.

f.a. Lors de l'audience du 16 mars 2021, par-devant le Ministère public, A______ a confirmé sa plainte. Il a contesté les comportements décrits dans les lettres litigieuses admettant toutefois une parole "maladroite" à l'endroit d'une des dénonciatrices, H______ ("ça t'excite le piercing ma grande") – laquelle était venue "se frotter avec sa poitrine sur la mienne ainsi que sur mon bras" à la suite d'une intervention chirurgicale – et des propos mal interprétés à l'égard d'une deuxième dénonciatrice au bloc, I______, ("fais attention tu vas en prendre plein la figure"). S'agissant de C______, il était possible qu'il l'ait vu à une ou deux reprises au bloc opératoire, mais il ne s'était jamais frotté à elle. D'ailleurs, portant des blouses amples lors des opérations, il ne voyait pas comment l'on pouvait sentir quelque chose si on se frottait.

f.b. Entendu lors de cette audience, B______ s'est référé à ses déterminations du 1er septembre 2020 (cf. let. B. e.b. supra). En sa qualité de médecin-répondant, il avait l'obligation de signaler tout dysfonctionnement au sein de la clinique et c'est ce qu'il avait fait dans le cadre de cette affaire, les évènements rapportés lui étant apparus graves.

f.c. Entendue également à cette occasion comme témoin, H______ a précisé que lorsqu'elle travaillait [au sein de l'établissement] E______ avec A______, il n'y avait pas eu d'évènement similaire.

f.d. Entendue lors de cette audience comme témoin également, C______ a confirmé la teneur de son courrier. À la suite de ces évènements, elle avait été suivie au niveau psychologique. Elle n'avait pas déposé plainte contre A______ car les mesures prises par son employeur, à la suite de son courrier, lui avaient permis de ne plus avoir de contact avec le prénommé, ce qui l'avait apaisée et sécurisée.

g. Le même jour, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale contre B______, pour calomnie et diffamation.

Le 7 octobre 2020, par-devant la Commission de l'AMGe, le prénommé avait réitéré les propos attentatoires à l'honneur, déjà dénoncés pénalement. Lesdites déclarations avaient été protocolées dans le procès-verbal, qui ne lui avait été communiqué que le 28 février 2021.

h. Le 24 mars 2021, A______ a retiré ses plaintes pénales contre H______ et I______ mais maintenu celle contre C______ pour calomnie et diffamation. Il a également déposé plainte contre cette dernière du chef de faux témoignage (art. 307 CP) en raison des propos tenus par elle lors de l'audience du 16 mars 2021.

i. Lors de l'audience du 31 janvier 2022, B______ a expliqué avoir quitté [l'établissement] E______ en 1991. Avant la séance du 8 août 2019, plusieurs personnes et collègues l'avaient approché en lui relatant des rumeurs concernant A______, ce qui l'avait conduit à s'exprimer durant la séance.

j. Entendue comme prévenue par la police le 31 août 2022 au sujet de la plainte de A______, C______ a fait usage de son droit au silence.

k. Le 22 avril 2021, B______ a, à son tour, déposé plainte pénale contre A______ pour dénonciation calomnieuse en raison des plaintes que ce dernier avait déposées contre lui, laquelle fait l'objet d'une procédure disjointe (P/1______/2023).

C. a. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que la phrase litigieuse prononcée par B______ – soit que "le comportement du Dr. A______ ne daterait pas d'aujourd'hui et son comportement inadéquat aurait déjà été noté [au sein de l'établissement] E______" – ne revêtait aucune qualification pénale. Ce dernier, en sa qualité de médecin-répondant avait, à juste titre, abordé et traité la problématique concernant A______, lors d'une séance qui avait pour objet les décisions à adopter concernant le prénommé, et ce après que des faits à connotation sexuelle lui avaient été rapportés comme ayant été commis par celui-ci dans le cadre de son activité professionnelle.

En outre, rien ne permettait de retenir que B______ avait formulé des accusations qu'il savait fausses à l'encontre de son confrère. Il paraissait au contraire que celui-là avait des raisons sérieuses de croire aux propos contenus dans les trois lettres dénonciatrices.

En tout état, au vu des éléments au dossier, B______ n'avait pas l'intention, fût-ce sous la forme du dol éventuel, de calomnier, voire de diffamer A______.

b. Quant aux accusations formulées par C______ – soit que A______ lui avait dit "voyons ma chérie, toujours latex, ça glisse mieux" et s'était frotté les parties génitales contre ses fesses –, aucun élément objectif au dossier ne permettait de déterminer si elles étaient fondées ou non. Ainsi, il n'était pas établi, même sous l'angle de simples soupçons, qu'elle avait fait des déclarations ne correspondant pas à la vérité. Il a également exclu l'infraction de faux témoignage car l'intéressée aurait dû être entendue comme prévenue lors de l'audition du 16 mars 2021.

D. a.a. Dans son recours, A______ relève que la phrase litigieuse prononcée par B______ était objectivement attentatoire à l'honneur, qu'elle avait été adressée à des tiers, peu importe à cet égard que le cadre était prétendument confidentiel, et que le précité avait agi avec intention.

En outre, contrairement à ce qu'avait retenu le Ministère public, la preuve libératoire de la bonne foi ne pouvait être admise. Le prénommé n'avait aucune raison valable de formuler une hypothèse attentatoire à l'honneur, sans aucun lien direct avec les évènements discutés lors de la séance du 8 août 2019.

Enfin, l'autorité précédente, en omettant le témoignage de H______ selon lequel il n'y avait pas eu d'évènement similaire [au sein de l'établissement] E______, avait établi les faits et appliqué le droit de manière incorrecte s'agissant de l'infraction de calomnie.

a.b. S'agissant de C______, c'était de manière erronée que l'ordonnance querellée retenait le terme "chérie" alors qu'en réalité la lettre indiquait le mot "chère".

Par ailleurs, même si le Ministère public considérait que rien ne permettait d'affirmer que les déclarations de C______ ne correspondaient pas à la vérité, cela excluait uniquement la calomnie et non la diffamation.

b. Dans ses observations, le Ministère public conclut, sous suite de frais, au rejet du recours et reprend, en substance, les développements figurant dans sa décision. Il n'était ainsi pas possible d'établir une prévention suffisante à l'égard de B______ et de C______.

Au surplus, tant le témoignage de H______ que le fait d'avoir retenu le terme "chérie" à la place de "chère" n'étaient pas pertinents et n'avaient aucune incidence sur la décision.

c. Dans ses observations, C______ conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours. Elle se réfère pour l'essentiel à ses déclarations du 16 mars 2021. Elle ne voyait pas en quoi sa lettre était contraire à la vérité et A______ n'apportait aucun élément ou n'offrait aucun moyen de preuve permettant de l'établir.

d. Dans ses déterminations, B______ conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet du recours.

Il se réfère aux arguments développés dans son recours déposé dans le cadre de la procédure ayant pour objet sa contre-plainte pour dénonciation calomnieuse contre A______ (cf. let. B. k. supra), qu'il produit en annexe, et à teneur duquel, il reprend, en substance, les explications données au cours de la présente procédure.

e. Dans sa réplique, s'agissant des observations du Ministère public, A______ précise qu'il était indifférent de savoir si B______ avait eu de bonnes raisons de croire aux propos contenus dans les lettres dès lors que la plainte portait uniquement sur ses propos ayant trait à la période [à l'établissement] E______.

Pour ce qui était des déterminations de B______, il conclut à ce que la pièce jointe soit écartée de la présente procédure. En effet, elle n'avait pas à être versée à la présente procédure et concernait la procédure P/1______/2023 de sorte qu'il se déterminerait sur celle-là dans la procédure en question.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

3.             Les faits et moyens de preuve nouveaux sont recevables devant l'instance de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2020 du 19 novembre 2022 consid. 2.1), de sorte que la pièce nouvelle produite par B______ sera admise et la conclusion du recourant visant à son exclusion sera rejetée.

4.             Le recourant estime que tant B______ que C______ doivent être poursuivis pour calomnie et diffamation. Il ne remet pas en cause le classement à l'égard de C______ en tant qu'il concerne l'infraction de faux témoignage.

4.1. Selon l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Ces conditions doivent être interprétées à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", qui s'impose tant à l'autorité de poursuite qu'à l'autorité de recours durant l'instruction. Cette maxime signifie que, en principe, un classement ne peut être prononcé que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1). En effet, en cas de doute quant à la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1).

4.2.1. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

L'art. 173 al. 2 CP dispose que l'inculpé n'encourt aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies.

Aux termes de l'art. 173 al. 3 CP, le prévenu n'est pas admis à faire ces preuves, si ses assertions ont été articulées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille.

Lorsque la preuve de la bonne foi est apportée, l'accusé doit être acquitté (ATF 119 IV 44 consid. 3). L'admission de la preuve libératoire constitue la règle et elle ne peut être refusée que si l'auteur a agi principalement dans le but de dire du mal d'autrui et s'il s'est exprimé sans motif suffisant (ATF 132 IV 112 consid. 3.1).

Le prévenu est de bonne foi, au sens de l'art. 173 al. 2 CP, s'il a cru à la véracité de ce qu'il disait. Il doit établir qu'il avait des raisons sérieuses de croire ses allégations (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1461/2021 du 29 août 2022 consid. 2.1.4).

4.2.2. Se rend coupable de calomnie au sens de l'art. 174 ch. 1 CP quiconque, connaissant la fausseté de ses allégations et en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération.

La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation (art. 173 CP), dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors pas place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation (art. 173 ch. 2 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1254/2019 du 16 mars 2020 consid. 6.1 et les références citées).

4.2.3. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme. En revanche, la réputation relative à l'activité professionnelle n'est pas protégée. Tel est le cas des critiques qui visent la personne de métier, y compris quand elles sont de nature à blesser et à discréditer. Dans le domaine des activités socio-professionnelles, il y a atteinte à l'honneur si on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

Pour déterminer si une déclaration est attentatoire à l’honneur, il ne faut pas se fonder sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon le sens qu’un destinataire non prévenu, avec des connaissances moyennes, doit, dans les circonstances données, lui attribuer (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 33 ad intro. aux art. 173-178). La jurisprudence ne fait cependant pas totalement abstraction du contexte particulier dans lequel des propos ont été tenus pour apprécier leur éventuel caractère attentatoire à l’honneur et elle admet que, selon les circonstances, celui-ci pourra être admis ou ne pas l’être (arrêt du Tribunal fédéral 6B_98/2011 du 24 mars 2011 consid. 4).

4.2.4. À la diffamation et à la calomnie verbales sont assimilées la diffamation et la calomnie par l'écriture, l'image, le geste, ou par tout autre moyen (art. 176 CP).

4.3. En l'espèce, il sied tout d'abord de replacer la phrase litigieuse dans son contexte. Le prévenu, qui a présidé la séance du Conseil médical de la Clinique D______ du 8 août 2019, a exposé avoir eu vent des doléances des infirmières instrumentistes du bloc opératoire, qui ont ensuite envoyé des lettres dénonçant des incidents à connotation sexuelle de la part du recourant, à la direction de la clinique. À réception de celles-ci, le recourant a été suspendu provisoirement et une séance du Conseil médical a été organisée afin de discuter de la situation. Dans ce cadre, le prévenu a indiqué que "le comportement du Dr. A______ ne daterait pas d'aujourd'hui et son comportement inadéquat aurait déjà été noté [au sein de l'établissement] E______". Ce faisant, il s'est limité à rapporter que le comportement inadéquat de A______ aurait déjà été relevé alors qu'il pratiquait [au sein de l'établissement] E______, tout en précisant n'en avoir pas lui-même été témoin.

À aucun moment, le prévenu n'a explicité de quel comportement il s'agirait et à l'encontre de qui, usant par ailleurs du conditionnel.

Dans ces circonstances, la phrase litigieuse, résumée dans un procès-verbal, ne saurait être qualifié d'atteinte à l'honneur.

Partant, les infractions envisagées ne sont pas réalisées à l'endroit du prévenu.

4.4. Il n'en va pas différemment la seconde fois, lorsque le prévenu a réitéré les mêmes propos, lors d'une séance de la Commission de l'AMGe. Cette réunion faisait suite à la plainte déposée auprès de cette autorité par le recourant contre le prévenu, pour les mêmes propos que ceux objets de sa plainte du 24 octobre 2019. Le prévenu s'est alors contenté de confirmer les avoir prononcés, en expliquant le contexte dans lequel ils les avaient formulés.

4.5. S'agissant des deux incidents dénoncés par la prévenue, ils sont certes attentatoires à l'honneur du recourant dans la mesure où ils décrivent des comportements déplacés, à connotation sexuelle, sur le lieu de travail. Ils ont cependant été rapportés à l'attention de la direction de la Clinique D______ exclusivement, soit à ses supérieurs hiérarchiques. Il n'est ainsi pas établi que l'intention de la prévenue ait été de discréditer le recourant mais plutôt de se plaindre de ses comportements inadaptés à son endroit. Il s'ensuit que les conditions de l'art. 173 ch. 3 CP sont remplies.

Reste à savoir si la prévenue avait des raisons sérieuses de tenir ses allégations de bonne foi pour vraies.

Concernant les évènements subis, aucun élément objectif au dossier ne permet de retenir que l'intéressée n'était pas de bonne foi. Elle n'a d'ailleurs pas varié dans ses explications, prises au sérieux par la direction de la clinique, qui a décidé de suspendre provisoirement le recourant, avant de lui retirer son accréditation.

L'absence de plainte pénale de C______ ne modifie pas ce constat dans la mesure où, selon ses explications, les mesures prises par son employeur l'avaient suffisamment apaisée et sécurisée.

Le fait que le recourant conteste les faits ou n'ait pas perçu, au moment des faits, l'impact que ceux-ci pouvaient avoir sur la prévenue ou leur connotation sexuelle, ne permet pas non plus de retenir que celle-ci n'était pas de bonne foi, a fortiori, que les faits en question ne se seraient pas produits. À cet égard, le recourant reconnaît lui-même qu'il lui arrivait de faire des plaisanteries qu'il qualifie de "carabin" et que certains de ces propos avaient été maladroits ou pu être mal interprétés. Quant au frottement physique dénoncé, on ne voit pas en quoi des blouses amples l'auraient empêché. Ainsi, aucun élément au dossier ne permet d'exclure que les évènements dénoncés se soient produits et que la prévenue ne les a pas vécus/ressentis comme décrits dans son courrier. D'ailleurs, ils rapportent des comportements similaires à ceux relatés par deux autres infirmières instrumentistes, dans leurs dénonciations, étant précisé que le recourant a retiré ses plaintes contre elles.

Il sera donc retenu que la prévenue peut être mise au bénéfice de la bonne foi au sens de l'art. 173 ch. 2 CP. Partant, les infractions de diffamation et calomnie ne seront pas retenues.

5.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et le recours rejeté.

6.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7. 7.1. En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

7.2. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) et, pour les collaborateurs, un taux horaire de CHF 350.- (AARP/65/2017 du 23 février 2017).

7.3. Enfin, l'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP est en principe à la charge de l'État. La jurisprudence a certes admis que les frais de défense du prévenu pouvaient, dans certaines configurations, être mis à la charge de la partie plaignante.

Cette jurisprudence doit toutefois être interprétée restrictivement ; elle ne s'applique pas au cas du recours interjeté par la partie plaignante à l'encontre d'une décision de classement ou de non-entrée en matière (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1267/2019 du 13 mars 2020 consid. 2.2.1 ; 6B_105/2018 du 22 août 2018 consid. 4).

7.4. Les intimés, prévenus, qui obtiennent gain de cause, concluent chacun à ce que le recourant soit condamné au paiement de leurs dépens respectifs pour la procédure de recours. Aucun d'entre eux n'a toutefois chiffré ses prétentions. L'autorité pénale devant examiner d'office ce poste (art. 429 al. 2 CPP), un montant de CHF 484.65 leur sera alloué à chacun, correspondant à 1 heure au tarif horaire de CHF 450.-, auquel s'ajoute la TVA en 7.7%, ce qui parait en adéquation avec le travail fourni – soit 2 pages d'observations respectives, en-tête inclus –.

Ces indemnités – qui pourraient théoriquement (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 in fine et 4.2.6), être imputées, à A______ (les infractions aux art. 173 et 174 CP étant réprimées sur plainte) – seront, au vu de leur modicité, exceptionnellement laissées à la charge de l'État (cf. ATF 147 IV 47 précité, consid. 2.4.3 qui rappelle la nature dispositive de l'art. 432 al. 2 CPP, applicable en instance de recours par le renvoi de l'art. 436 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à B______, pour ses frais de défense en procédure de recours, une indemnité de CHF 484.65 TTC, à la charge de l'État.

Alloue à C______, pour ses frais de défense en procédure de recours, une indemnité de CHF 484.65 TTC, à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit pour lui son conseil), aux intimés (soit pour eux leurs conseils respectifs) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21839/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

895.00

Total

CHF

1'000.00