Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/2466/2023

ACPR/578/2023 du 26.07.2023 sur ONMMP/933/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION DE DOMICILE;BAIL À LOYER;SOUS-LOCATION;OCCUPATION
Normes : CPP.310; CP.186

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2466/2023 ACPR/578/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 26 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Alexia HAUT, avocate, Rego Avocats, esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1211 Genève 26,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 10 mars 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 23 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et à l'ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 31 janvier 2023, A______ a déposé plainte contre B______, C______ et D______ pour violation de domicile (art. 186 CP), abus de confiance (art. 138 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP) et escroquerie (art. 146 CP).

Propriétaire d'un immeuble sis no. ______, rue 1______ (Genève), il avait conclu un contrat de bail avec B______ pour un appartement au 1er étage, prenant effet au 15 juillet 2020, pour un loyer mensuel de CHF 1'380.-. En raison d'impayés, il avait résilié le bail par avis envoyé le 20 janvier 2021, dont la lettre était revenue avec la mention "non réclamée". La locataire ne s'était également pas présentée à l'état des lieux de sortie, fixé d'abord au 26 février 2021, puis au 14 mai 2021. À cette date, un dénommé E______ avait déclaré sous-louer l'appartement. L'Hospice général avait fourni un contrat de bail de sous-location allant dans ce sens. Le 3 mars 2021, il avait accepté un arrangement de paiement des loyers impayés, sur demande de C______, qui s'était présenté comme le père de B______. Il n'avait toutefois perçu aucun des montants prévus. Le 29 septembre 2022, le Tribunal des baux et loyers avait prononcé l'évacuation de E______, mesure qui n'était devenue exécutoire que le 25 novembre suivant et qui, compte tenu de la période, avait dû être repoussée au 15 janvier 2023. Quelques jours auparavant, un occupant de l'appartement, inconnu, avait changé les serrures. Un huissier s'était alors rendu sur place, où il avait trouvé une personne disant s'appeler D______, qui avait présenté un contrat de bail avec B______, débutant le
1er janvier 2023, pour un loyer de CHF 1'495.-. Le précité avait également expliqué qu'un dénommé "F______", représentant le père de B______, lui avait loué cet appartement.

b. Des pièces jointes à la plainte, il en ressort les éléments suivants:

- à teneur du premier contrat de sous-location en faveur de E______, le locataire principal désigné était "G______ SA", société radiée depuis le ______ 2020, représentée par "B______". Le bail devait prendre effet au 15 juillet 2020 et le loyer était de CHF 1'380.-;

- A______ a perçu les loyers de juillet et août 2020;

- le bail principal a finalement été résilié pour le 30 juin 2022;

- à teneur du second contrat de sous-location en faveur de D______, le bail débutait le 1er janvier 2023, pour un loyer de CHF 1'495.-;

- en date du 6 juillet 2021, B______ était domiciliée au chemin 2______ no. ______, à H______, selon l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après: OCPM).

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève qu'en concluant un contrat de bail, A______ avait renoncé à son droit de domicile au profit du locataire, respectivement du sous-locataire. Ne disposant pas de la qualité d'ayant droit au moment des faits, le précité n'avait pas pu être lésé par une éventuelle violation de domicile. Pour le changement de serrure, D______ disposait, au mois de janvier 2023, de la jouissance exclusive de l'appartement et aucune intention délictuelle de sa part ne pouvait être établie. Pour les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie, les droits de A______ n'avaient pas été directement touchés. Les faits dénoncés s'inscrivaient dans un contexte purement civil ayant trait au droit du bail.

D. a. Dans son recours, A______ soutient n'être plus lié contractuellement à B______ depuis plusieurs années et que celle-ci n'avait jamais habité dans l'appartement. Elle l'avait sous-loué sans droit, sur la base d'un document faux. En ce sens, les éléments constitutifs de l'infraction de violation de domicile étaient remplis par B______, C______ et D______. La première nommée savait d'ailleurs qu'elle n'était plus locataire de l'appartement et avait, malgré tout, conclu un bail de sous-location pour s'enrichir indûment, réalisant ainsi un faux dans les titres. Enfin, B______ et C______ avaient fait croire qu'ils voulaient louer l'appartement alors qu'ils n'avaient pas l'intention de l'occuper mais de le sous-louer en faisant un bénéfice. Un second contrat de ce type avait même été conclu avec D______ alors que le bail principal avait été résilié et que l'évacuation de E______ était entrée en force. Ces faits étaient constitutifs d'escroquerie.

À l'appui de son acte, il produit un décompte, à teneur duquel les loyers – cas échéant, versés à titre d'occupation illicite – ont été acquittés par B______ entre juillet et septembre 2020, par "E______" jusqu'à mai 2021 (à l'exception du mois de février 2021, resté impayé), et, ensuite, par une personne inconnue, jusqu'à février 2022.

b. Dans ses observations, le Ministère public soulève que la plainte ne faisait pas mention de l'infraction de faux dans les titres et qu'il n'apparaissait pas, d'emblée, que B______ n'avait pas l'intention de s'acquitter du loyer.

c. A______ a produit un jugement du 11 mai 2023 du Tribunal de première instance (JTPI/5528/2023), condamnant D______ à évacuer l'appartement et faisant interdiction à B______ de troubler la possession des lieux.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été interjeté selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant (art. 104 al. 1 let. b CPP).

1.2. En ce qui concerne les infractions de violation de domicile et d'escroquerie, la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP) du recourant peut souffrir de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

En revanche, l'objet du litige est strictement circonscrit par la plainte pénale (ACPR/254/2023 du 6 avril 2023 consid. 3). Ainsi, à défaut de décision préalable, la Chambre de céans n'est pas compétente pour se prononcer sur le prétendu faux dans les titre, évoqué pour la première fois par le recourant dans le cadre de son recours. L'acte est dès lors irrecevable sur cet aspect.

1.3. Les pièces nouvelles produites par le recourant sont recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public de n'être pas entré en matière sur les infractions de violation de domicile et d'escroquerie.

2.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il ressort de la plainte que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réalisés. Cette condition s'interprète à la lumière de la maxime "in dubio pro duriore", selon laquelle une non-entrée en matière ne peut généralement être prononcée que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1279/2018 du 26 mars 2019 consid. 2.1).

Une non-entrée en matière s'impose ainsi lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 s.).

2.2.1. Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile quiconque, notamment, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison.

L’auteur pénètre dans le domicile dès qu’il s’introduit dans l’espace protégé contre la volonté de l’ayant droit. La manière dont l’auteur pénètre, que ce soit en cachette, ouvertement ou en usant de violence, est sans incidence (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 31 ad art. 186).

2.2.2. Le droit au domicile appartient à la personne qui a le pouvoir de disposer des lieux, en vertu d'un droit contractuel, d'un droit réel ou d'un rapport de droit public (ATF 128 IV 81 consid. 3a p. 84 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 1.1); il peut s'agir d'une personne physique comme d'une personne morale (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 5 et 20 ad art. 186). En concluant un contrat de bail, le bailleur renonce à son droit au domicile, de sorte que, pendant la durée du contrat, seul le locataire, respectivement le sous-locataire, dispose de la qualité d'ayant droit au sens de l'art. 186 CP. Au terme du contrat, le droit ne passe pas automatiquement du locataire au propriétaire, celui-là demeurant, aussi longtemps qu'il conserve la maîtrise effective des lieux qu'il occupe, seul titulaire du droit au domicile, droit qui ne cesse donc qu'à son départ. La violation du contrat de bail à loyer par le locataire touche aux prétentions de droit civil du bailleur et du propriétaire, mais n'empiète pas sur la sphère privée qui est l'objet de la liberté de domicile protégée par le droit pénal. Dans de tels cas, le bailleur ne pourra avoir recours qu'aux moyens offerts par la procédure civile et le droit de la poursuite pour dettes et faillite (ATF 112 IV 31 consid. 3
p. 33 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1056/2013 du 20 août 2014 consid. 1.1; ACPR/484/2021 du 23 juillet 2021 consid. 1.3; M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, op. cit., n. 21 ad art. 186).

2.3. Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, induit astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou la conforte astucieusement dans son erreur et détermine de la sorte la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers.

L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; il faut qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 consid. 4.4.3 p. 264; 128 IV 18 consid. 3a p. 20).

2.4. En l'espèce, le contrat de bail signé avec la locataire mise en cause a pris fin le 30 juin 2022. À tout le moins jusqu'à cette date, elle disposait de la qualité d'ayant droit de l'appartement, excluant de la sorte que le recourant – propriétaire – puisse se plaindre d'une violation de domicile.

Par la suite, le recourant a cherché à récupérer la maitrise effective de son bien, notamment en entreprenant des démarches en évacuation des deux sous-locataires qui se sont succédé dans l'appartement. Cela étant, il n'a jamais démontré – ni même allégué – que dans l'intervalle, la locataire et son père, mis en cause, auraient effectivement occupé le logement. Au contraire, il affirme même que la première n'y a jamais résidé, ni n'aurait eu l'intention de le faire. Cela se confirme d'ailleurs par son domicile à H______ déclaré auprès de l'OCPM.

En réalité, par sa plainte, le recourant cherchait non pas à démontrer la présence des deux mis en cause précités dans son appartement, mais à dénoncer les prétendues sous-locations abusives et illégales qu'ils auraient pratiquées. Or, ces reproches ne tombent pas sous la protection visée par l'art. 186 CP mais bien dans celle offerte par le droit du bail.

Pour le sous-locataire mis en cause, sa présence dans les lieux est établie mais était justifiée, de son point de vue, par le contrat de sous-location qu'il avait signé et dont il n'avait aucune raison de douter de la légitimité. Par conséquent, on ne saurait lui prêter une intention délictuelle.

En résumé, la violation de domicile n'apparait réalisée par aucun des mis en cause et les doléances du recourant contre la locataire principale et son père relèvent du droit civil.

Pour le surplus, aucun élément au dossier ne permet de retenir une tromperie astucieuse ayant mené à la signature du contrat de bail principal par le recourant. Ce dernier n'a pas fourni de détails sur les négociations en amont et rien ne permet de conclure, en sus, que son ancienne locataire principale avait pour intention de l'atteindre dans ses intérêts pécuniaires puisque, nonobstant le caractère autorisé ou non des sous-locations, le recourant a perçu des loyers jusqu'au mois de février 2022.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et
Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/2466/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

Total

CHF

900.00