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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/27/2023

ACPR/570/2023 du 25.07.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : RISQUE DE FUITE
Normes : CP.75

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/27/2023 ACPR/570/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 25 juillet 2023

 

Entre

A______, détenu Établissement B______, ______, comparant par Me Xavier-Marcel COPT, avocat, Canonica & Associés, rue François-Bellot 2, 1206 Genève,

recourant,

contre la décision de refus de passage en milieu ouvert rendue le 16 février 2023 par le Service de l’application des peines et mesures,

et

SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 février 2023, A______ recourt contre la décision rendue le 16 février 2023, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après: SAPEM) lui a refusé le passage du recourant en milieu ouvert.

Le recourant conclut à l’annulation de la décision, à son passage en milieu ouvert et à l’allocation d’une somme de CHF 700.- à titre de dépens.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 1991, originaire du Kosovo, a été condamné par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 10 novembre 2017 à une peine privative de liberté de 15 ans, sous déduction de 1626 jours de détention avant jugement, pour l'assassinat de C______, le ______ 2013, après une relation sexuelle, en lui assénant des coups de cric à la tête et au visage.

b. Après avoir été détenu à la prison de D______ du 15 mai au 3 septembre 2021, il est incarcéré au sein de l'établissement fermé de B______, en exécution de cette peine, dont les deux tiers viendront à échéance le 29 septembre 2023 et la fin est prévue le 29 novembre 2028.

c. Le bilan de phase, validé par le SAPEM le 14 octobre 2021, prévoit l'examen d'un passage en milieu ouvert, dès que possible, afin de favoriser le processus de réinsertion de A______, lui permettre de recouvrer une plus grande autonomie et de développer ses projets d'avenir avec les conditions spécifiques de ne pas entrer en contact avec la famille de la victime et de développer un projet de formation.

A______ a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires entre 2017 et 2021, notamment pour atteintes à l’honneur, menaces et inobservations du règlement. Bien qu’il travaillait régulièrement, à satisfaction, durant sa détention, ses projets de réinsertion étaient peu réalistes. Au niveau familial, son épouse, qui habitait en Italie, n'était jamais venu le voir en détention. Il avait en outre une fille, en Pologne, avec laquelle il était en contact.

d. Selon l’évaluation criminologique du 10 septembre 2021, A______ évoluait favorablement et présentait un risque faible de violence. Toutefois, l’évaluation relève une inquiétude relative à l’avenir de l'intéressé à plus long terme, principalement en raison de la zone d’ombre subsistant autour de la commission des actes commis qui empêchait de comprendre ses véritables motivations et qu’il ne souhaitait pas aborder ou travailler avec un psychologue.

e. Dans son préavis du 15 décembre 2021, la Commission d’évaluation de la dangerosité (ci-après : CED) a conclu que A______ présentait un danger pour la collectivité dans le cadre d’un passage en milieu ouvert ou de congés. L'intéressé avait adopté des comportements transgressifs durant sa détention; ses projets de réinsertion étaient vagues et ses capacités d’introspection n'étaient pas évaluables en raison des réponses fournies. Il présentait un risque de fuite en raison de l’absence de toute attache en Suisse.

f. Par décision du 14 mars 2022, le SAPEM a ainsi refusé le passage en milieu ouvert de A______.

g. Le 10 janvier 2023, A______ a sollicité une nouvelle décision à cet égard.

h. Par préavis du 24 janvier 2023, l’établissement fermé B______ a préavisé favorablement ce passage en milieu ouvert, relevant que A______ respectait globalement les conditions fixées et fournissait de beaux efforts dans son activité d’atelier et avait mis en place un plan pour payer une partie des frais de justice et des indemnités.

i. Le 24 janvier 2023, le Service de probation et d’insertion (ci-après SPI) a précisé ne pas avoir revu A______ depuis des mois et, ainsi, ne pas être en mesure de se prononcer sur un passage en milieu ouvert.

j. Par courriel du 8 février 2023, le Service de médecine pénitentiaire a confirmé que l'intéressé avait débuté un suivi volontaire de psychothérapie depuis octobre 2022, et prenait part à des séances de groupe.

C. Par décision du 16 février 2023, le SAPEM a refusé le passage de A______ en milieu ouvert en raison, d’une part, du risque de récidive dû à son absence de projet concret et, d’autre part, de fuite au vu de son absence d’attache avec la Suisse.

D. a. Dans son recours, A______ fait grief au SAPEM d’avoir violé l’art. 76 al. 2 CP, car ses évaluations étaient globalement bonnes. Il n’existait aucun risque concret de récidive ou de fuite.

La majorité des objectifs du bilan de phase étaient atteints, ce qui plaidait en faveur d'une progression vers un milieu ouvert. Le fait que le projet de formation ne soit pas abouti ne faisait pas, en tant que tel, obstacle au passage en milieu ouvert, dès lors qu'il ne s'agissait pas d'une condition légale. Il était disposé à se soumettre à son renvoi de Suisse, dès lors qu'il ne disposait pas de titre de séjour valable. Il n'existait en l'état aucun élément plaidant en faveur d'un risque de récidive.

b. Le SAPEM observe que le recourant n’avait entrepris aucune formation et ne présentait aucun projet concret. Cette absence d’évolution, en dépit d’une longue détention, faisait craindre un risque de récidive. En l’absence de toute attache avec la Suisse et de la présence de sa famille en Italie et en Pologne, le risque de fuite était concret.

c. Le recourant conteste que le risque de fuite soit concret. S’agissant du risque de récidive, l’absence de formation n’avait rien à voir dans le passage à l’acte. En tout état, il avait entrepris, à ses frais, un début de formation en boulangerie durant sa détention.

d. Le SAPEM n’a pas dupliqué.

 

EN DROIT :

1.             La Chambre de céans est l'autorité compétente pour connaître des recours (art. 42 al. 1 let. a LaCP [E 4 10]) dirigés contre les décisions d'octroi/de refus de passage en milieu ouvert rendues par le SAPEM (art. 439 al. 1 CPP; art. 5 al. 5 let. b LaCP cum 11 al. 2 let. b REPM [E 4 55.05]). Dans ce cadre, elle applique le CPP à titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP). Le recours est dès lors recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), et émaner du condamné qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1.  En vertu de l'art. 76 CP, les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement, soit fermé, s'il y a lieu de craindre que le détenu ne s'enfuie, respectivement ne commette de nouvelles infractions, soit ouvert. 

L'exécution ouverte est considérée comme la règle, alors que l'exécution fermée constitue l'exception (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème ed., Bâle 2017 n. 3 ad art. 76).

Les institutions fermées – lesquelles sont réservées aux délinquants violents ou dangereux pour la collectivité publique/carcérale – disposent, par opposition à celles ouvertes, d’un niveau de sécurité élevé, que ce soit dans l'infrastructure du bâtiment accueillant le condamné, dans l'organisation et la formation du personnel pénitentiaire ou dans l'intensité des restrictions qui sont faites à la liberté de mouvement du détenu. Les sections ouvertes offrent aux condamnés un régime d'exécution plus souple, qui permet à ces derniers de travailler ou de pratiquer une activité durant la journée et de ne passer que leur temps libre et de repos en détention (R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), Commentaire romand, Code pénal I, art. 1-110 CP, 2ème éd., Bâle 2021, n. 4 et 5 ad art. 76 CP).

2.2.       Selon l’art. 75 CP, l'exécution de la peine privative de liberté doit améliorer le comportement social du détenu, en particulier son aptitude à vivre sans commettre d'infractions (al. 1, 1ère phrase). Ce dernier doit participer activement aux efforts mis en œuvre pour sa resocialisation et à la préparation de sa libération (al. 4). Sa participation est la condition d'une ouverture vers une exécution plus souple de la peine. Le comportement du condamné influe, en effet, sur l'octroi d’allègements (ACPR/263/2021 du 23 avril 2021 consid. 2.2), parmi lesquels figurent le transfert en milieu ouvert, l’octroi de congés et la libération conditionnelle (art. 75 al. 2 CP). 

Lorsqu’il est question de tels allègements et que le détenu a commis un crime visé à l’art. 64 al. 1 CP, parmi lesquels figure l'infraction à l'art. 112 CP, une commission spécialisée (art. 62d al. 2 CP) – soit à Genève la CED (art. 4 LaCP) – apprécie le caractère dangereux du détenu pour la collectivité (art. 75a al. 1 CP). Bien que non contraignant, l'avis de cette commission revêt un certain poids pour l'autorité appelée à statuer (ATF 134 IV 289 consid. 5; ACPR/571/2018 précité consid. 2.3; R. ROTH/ L. MOREILLON (éds), op. cit., n. 9 ad art. 75a).

2.3.       En l’espèce, il ressort de l’avis de la CED qu’un risque de récidive et de fuite doivent être retenus.

Point n’est besoin d’examiner le risque de récidive, au vu de l’existence d’un risque de fuite qui suffit à sceller le sort du recours. Le condamné n’a en effet aucune attache avec la Suisse. Son épouse vit en Italie. Même si cette dernière ne lui a jamais rendu visite en détention, le risque est concret qu’il veuille aller la rejoindre. Cette volonté est encore plus importante s'agissant de sa fille, laquelle vit en Pologne, le seul membre de la famille avec qui le recourant est régulièrement en contact. En outre, le parcours carcéral du recourant est émaillé, comme l’a relevé la CED, de nombreuses transgressions des règles et sa volonté d’amendement doit être relativisée. Il n’a en effet entrepris un suivi que très tardivement, en octobre 2022, après une première décision négative du SAPEM, de sorte que sa volonté d'introspection apparaît, en l'état, trop récente pour pallier le risque élevé qu'il ne cherche à s'enfuir.

Au vu de l’avis de la CED et des ces éléments, le SAPEM a retenu, à juste titre, un risque de fuite à ce stade de l’exécution de la peine, ce qui s’oppose à un passage en milieu ouvert.

3.             Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui à son conseil et au Service de l’application des peines et mesures.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juge, et Monsieur Stéphane GRODECKI, juge suppléant ; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/27/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

600.00

Total

CHF

685.00