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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18934/2022

ACPR/564/2023 du 24.07.2023 sur ONMMP/2616/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18934/2022 ACPR/564/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 24 juillet 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, représenté par Me B______, avocat,

recourant

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 29 juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

 


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 10 juillet 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 juin précédent, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte pénale contre C______.

Le recourant conclut à l’annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour compléter l’instruction et engager l’accusation contre C______. Préalablement, il demande à être mis au bénéfice de l’assistance judiciaire.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Le 7 septembre 2022, A______ a été appréhendé pour avoir, ce jour-là, menacé C______ à l’aide d’un couteau et s’être emparé du contenu des poches de celui-ci (not. de CHF 21.-, retrouvés dans sa chambre d’hôtel).

b.        A______ a justifié ses actes par une créance qu’il avait contre C______, à raison de l’aide qu’il lui avait apportée pour une exposition de photos sur la place 1______ qu’organisait celui-ci pour le compte de l’ambassade de l’Inde, au début du mois d’août précédent. Sa créance, de CHF 400.-, était restée en souffrance parce que l’intéressé avait disparu de la circulation. Il avait demandé à être payé d’avance, car il savait que C______ était un toxicomane et un mauvais payeur ayant déjà escroqué autrui ; mais, le jour de l’exposition, il ne l’avait pas vu. L’ayant croisé fortuitement le 7 septembre 2022, il lui avait fait les poches dans l’espoir d’y trouver quelque argent. Il a contesté avoir été muni d’un couteau.

c.         Hormis par la police, le jour des faits, C______ n’a jamais pu être entendu ni confronté à A______. À la police, il a déclaré avoir « engagé » ce dernier, sans contrat écrit, pour un événement qui n’eut pas lieu et supposer que c’était la raison de sa vindicte. Sans autorisation de séjour, il résidait dans le même hôtel que A______, puis a donné une autre adresse, à laquelle des mandats de comparution ont été vainement notifiés.

d.        Lors de l’audience d’instruction du 15 septembre 2022, A______ a déposé plainte contre C______ pour escroquerie, soit pour avoir travaillé sans avoir été rémunéré comme promis. Par la suite, il a produit l’autorisation administrative délivrée nominalement à C______ (à l’adresse de l’hôtel et par courriel) pour monter une exposition de photos sur la place 1______, les 5 et 6 août 2022.

e.         À l’occasion de la clôture de l’instruction ouverte contre lui (et qui se terminera par le prononcé d’une ordonnance pénale), le Ministère public l’a avisé que sa plainte pour escroquerie serait classée. A______ n’a pas réagi.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public considère que C______ n’avait pas fait preuve d’astuce et que le litige apparaissait civil.

D. a. À l'appui de son recours, A______ déclare se constituer « partie civile » en tant que de besoin. Il reproche au Ministère public de n'avoir pas procédé à d’autres mesures d’instruction, par exemple aux auditions du livreur qui avait amené le matériel d’exposition [et qui n’aurait pas été payé non plus selon lui, cf. p.-v. d’instruction du 16 janvier 2023 p. 3] et des policiers qui étaient sur la place 1______ lors de celle-ci, ou encore prendre des renseignements auprès de l’ambassade de l’Inde. Le Ministère public avait rendu une ordonnance de non-entrée en matière, alors qu’une instruction avait en réalité été ouverte, puisque C______ avait été convoqué sous le statut de prévenu et qu’un avis de prochaine clôture avait été émis. Le prénommé avait exploité sa situation précaire, d’arrivant récent à Genève, en expliquant avoir été mandaté par l’ambassade de l’Inde et en lui donnant copie de l’autorisation officielle. Le jour prévu pour installer l’exposition, il lui avait fait croire qu’il viendrait sur place, mais il n’en avait rien été. Il avait ainsi obtenu de lui un travail sans contre-prestation, ce qui constituait une escroquerie.

b. À réception, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public d’avoir statué par non-entrée en matière plutôt que par classement.

Le grief tombe à faux.

Le Ministère public a fait précéder sa décision d’un avis de prochaine clôture qui portait d’autant moins préjudice aux droits procéduraux du recourant qu’il invitait celui-ci à soumettre d’éventuelles réquisitions de preuve. Même le fait que le recourant n’a pas cru bon de saisir cette occasion – soit de demander les investigations qu’il prône maintenant à l’appui de son recours – ne lui porte aucun préjudice, puisque la voie de recours contre une non-entrée en matière est la même qu’en cas de classement et que toute réquisition de preuve peut être formulée par ce canal (cf. parmi beaucoup d’autres, ACPR/443/2023).

3.             Le recourant estime avoir rapporté des indices suffisants d’escroquerie à son détriment.

3.1.       Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage « in dubio pro duriore ». Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public dispose, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 s.).

Une non-entrée en matière s'impose également lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287 s.).

3.2.       Selon l'art. 146 al. 1 CP, se rend coupable d'escroquerie quiconque, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit pas. Il faut encore qu'elle soit astucieuse. Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 147 IV 73 consid. 3.2).

L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. La conclusion d'un contrat suppose en effet qu'on prête à son cocontractant un minimum d'honnêteté et qu'on ne le traite pas avec une méfiance de principe (ATF 147 IV 73 consid. 3.2).

Une tromperie sur la volonté d'exécuter un contrat n’est susceptible d'être astucieuse que dans la mesure où la vérification de la capacité et volonté d'exécution ne peut pas être exigée de la dupe (ATF 118 IV 359 consid. 2). Une telle volonté n'est cependant pas astucieuse dans tous les cas, mais seulement lorsque l'examen de la solvabilité n'est pas exigible ou est impossible et qu'il ne peut par conséquent être tiré aucune conclusion quant à la volonté de l'auteur de s'exécuter (ATF 125 IV 124 consid. 3a).

3.3.       En l'espèce, le recourant échoue à démontrer qu’il aurait été victime d’une tromperie astucieuse.

De son propre récit, il ressort qu’il a cru sur parole un client de l’hôtel dans lequel il résidait, qu’il savait toxicomane et qui l’aurait convaincu avoir la tâche de monter une exposition pour le compte de l’ambassade de l’Inde, alors que l’autorisation officielle délivrée pour occuper la place 1______ l’avait été au seul nom de cette personne de rencontre. Qu’une rétribution ait été promise pour l’aider était, peut-être, trompeur, mais en tout cas pas astucieux, puisque le recourant le savait d’emblée mauvais payeur ; au demeurant, le recourant, qui prétend avoir voulu être payé d’avance pour ce motif, a renoncé unilatéralement à cette condition, puisqu’il s’est présenté le jour dit sur la place 1______, y a attendu vainement celui qui l’aurait engagé, a installé le matériel d’exposition et s’est chargé de celle-ci deux jours consécutifs, soit encore après qu’il eut perdu tout contact avec lui. Le recourant s’est fié aveuglément à une personne qu’il ne connaissait pas.

On ne voit pas ce qu’amèneraient de différent les auditions suggérées, et ce, non pas en termes de réalité de l’exposition, mais de rémunération promise. En particulier, le chauffeur-livreur n’eût-il pas été payé, lui non plus, que cela n’ôterait pas aux prétentions du recourant leur caractère purement civil.

4.             Le recours s'avère mal fondé et, comme tel, pouvait être traité d’emblée, sans échange d'écritures, ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

5.             Le recourant demande que son avocat lui soit désigné comme conseil juridique gratuit pour la présente instance, pour le cas où le mandat de défense d’office de celui-ci ne s’étendrait pas à sa plainte.

Les deux institutions ne sauraient être confondues (not. ACPR/493/2020 consid. 7). Le Ministère public a mis le recourant au bénéfice d’une défense d’office liée à son statut de prévenu. L’assistance judiciaire gratuite pour la partie plaignante est soumise à la condition que l’action civile ne soit pas vouée à l’échec (art. 136 al. 1 let. b CPP).

Or, cette action est, en l’espèce, vouée à l’échec, puisque la non-entrée en matière est confirmée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_81/2022 du 20 juin 2022 consid. 3.1.).

Au demeurant, l’indigence, au sens de l’art. 136 al. 1 let. a CPP, ne serait pas rendue vraisemblable, puisque le recourant a produit pendant l’instruction une attestation de salarié engagé pour une durée indéterminée, depuis le mois de décembre 2022.

La requête est rejetée.

6.             Le recourant, qui succombe dans toutes ses conclusions, supportera par conséquent les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), pour tenir compte de sa situation récente de salarié.

Il ne sera en revanche pas prélevé d’émolument pour le rejet de sa demande d’assistance judiciaire, car le Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) ne prévoit rien de tel.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Rejette la requête d'assistance judiciaire.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son conseil) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/18934/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00