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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23690/2021

ACPR/558/2023 du 21.07.2023 sur OMP/10184/2023 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : NULLITÉ;ANNULABILITÉ;COMPÉTENCE RATIONE MATERIAE;SCELLÉS;PARTIE À LA PROCÉDURE
Normes : CPP.105; CPP.248; CPP.393
Par ces motifs

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23690/2021 ACPR/558/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 21 juillet 2023

 

Entre

 

A______, ayant son siège à B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

recourante

contre l'ordonnance rendue le 1er juin 2023 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

 

intimés

 


Vu :

-          la procédure pénale en cours contre notamment D______, secrétaire permanent de [l'association] A______;

-          l'ordonnance de refus de qualité de partie, rendue le 1er juin 2023 par le Ministère public ;

-          le recours expédié le 13 juin 2023 par [l'association] A______, avec demande d’effet suspensif ;

-          les observations du Ministère public et du Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) ;

-          la réplique de [l'association] A______.

Attendu que :

-          le 6 juin 2023, [l'association] A______ a présenté au TMC une demande d’« intervention », en qualité de tiers touché (art. 105 al. 1 let. f CPP), dans la procédure de levée de scellés en cours par-devant cette autorité ;

-          il résulte des considérants de la décision attaquée que cette demande a été transmise au Ministère public ;

-          dans cette décision, le Ministère public dénie à [l'association] A______ la qualité de partie, au sens de la disposition précitée ;

-          cette décision indique que la voie du recours à la Chambre de céans est ouverte ;

-          dans son recours, [l'association] A______ conclut principalement à la constatation de la nullité de cette décision, subsidiairement à son annulation, et, dans les deux cas, à la « constatation » de son intérêt juridique à participer à la procédure de levée de scellés ;

-          sa demande d’effet suspensif a été rejetée le 14 juin 2023 (OCPR/38/2023).

Considérant en droit que :

-          la voie du recours est ouverte contre une décision du ministère public refusant la qualité de partie (art. 393 al. 1 let. a CPP), et la recourante jouit d’un intérêt juridique à demander qu’une autorité compétente lui reconnaisse, le cas échéant, la qualité de « partie », au sens de l’art. 105 al. 2 CPP ;

-          la question n’est cependant pas de savoir si la recourante devrait être admise à participer à la procédure pénale en cours contre D______ – la recourante n’y prétend pas –, mais si elle serait légitimée à intervenir dans l’instance en levée de scellés pendante par-devant le TMC – à laquelle elle conclut formellement, tant dans sa demande à cette autorité que dans son acte de recours – ;

-          sont parties à une procédure de levée de scellés : l'autorité requérante – ici, le Ministère public – et le détenteur des documents ou objets placés sous scellés, ainsi que toute personne directement touchée dans ses droits au sens de l'art. 105 al. 2 CPP, soit, en particulier, toute personne qui peut se prévaloir d'un droit de refuser de déposer ou de témoigner et qui pourrait s'opposer à un séquestre en vertu de l'art. 264 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_106/2017 du 8 juin 2017 consid. 2.1.) ;

-          il résulte du but et de la systématique de la loi que la seule autorité compétente pour se prononcer à ce sujet est, en l’occurrence, le TMC (art. 248 al. 3 let. a CPP) ;

-          en d’autres termes, la décision sur la demande présentée par la recourante eût appartenu au TMC, non au Ministère public, auquel cette demande n’eût pas dû être acheminée ;

-          la recourante invoque, à cet égard, la nullité absolue de la décision attaquée ;

-          sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire ; l'illégalité d'une décision ne constitue pas par principe un motif de nullité; elle doit au contraire être invoquée dans le cadre des voies ordinaires de recours (ATF 149 IV 9 consid. 6.1) ;

-          la nullité absolue ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou, du moins, facilement décelables, et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit (ATF 147 IV 93 consid. 1.4.4) ; entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 145 IV 197 consid. 1.3.2) ;

-          la décision d'une autorité fonctionnellement et matériellement incompétente pour statuer est affectée d'un vice grave, qui constitue en principe un motif de nullité, à moins que l'autorité ayant statué ne dispose d'un pouvoir décisionnel général dans le domaine concerné (ATF 149 IV 9 consid. 6.1) ;

-          en l’occurrence, le Ministère public n’ayant aucun pouvoir propre pour décider qui est ou n’est pas partie à sa propre demande de levée de scellés par-devant le TMC, et le recours ouvert à la Chambre de céans offrant la protection nécessaire, au sens de la jurisprudence, la décision attaquée doit être annulée ;

-          partant, le recours s’avère bien-fondé ;

-          les frais seront par conséquent laissés à la charge de l’État (art. 423 al. 1 et 428 al. 1 CPP) ;

-          la recourante a produit avec sa réplique un relevé d’activité de son conseil, faisant apparaître 4 heures 45 minutes, au taux horaire de CHF 450.- pour un associé : cette prétention étant raisonnable et calculée au tarif admis par la Cour pénale, elle sera allouée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours et annule l’ordonnance rendue le 1er juin 2023 par le Ministère public.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l’État.

Alloue à [l'association] A______ une indemnité de CHF 2’046.30, à la charge de l’État, pour ses frais de défense en instance de recours.

Notifie la présente décision à la recourante, soit pour elle son défenseur, au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).