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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/25032/2022

ACPR/492/2023 du 26.06.2023 sur OTDP/2382/2022 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : FORME ÉCRITE;COMMUNICATION ÉLECTRONIQUE DES ÉCRITS;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : CPP.91; CPP.110; CPP.354

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25032/2022 ACPR/492/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 26 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 29 novembre 2022 par le Tribunal de police,

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3.

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte intitulé "opposition manuscrite", expédié le 6 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 novembre 2022, notifiée le 3 décembre suivant, par laquelle le Tribunal de police a déclaré irrecevable l'opposition qu'il avait formée par courriel du 20 septembre 2022 contre l'ordonnance du Service des contraventions (ci-après SdC) du 9 précédent.

Le recourant conclut à l'annulation de cette ordonnance ainsi que de "toutes actions judiciaires pouvant découler" des faits qui lui étaient reprochés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 18 mai 2022, le véhicule de marque B______, immatriculé en France 1______, a été dénoncé au SdC pour omission d'enclencher le parcomètre, le 4 mai 2022 à 10h10, au no. ______, avenue 2______.

b. Le 6 juin 2022, le SdC a adressé à A______, à son domicile à C______ (D______ [France]), un avis d'infraction n° 3______ y relatif, accompagné d'un bulletin de versement pour le paiement d'une amende de CHF 40.-.

c. Faute de paiement, le SdC a établi, le 9 septembre 2022, une ordonnance pénale, identique à l'avis d'infraction, l'amende étant majorée d'un émolument de CHF 40.-.

d. Le jour même de la réception de cette ordonnance, le 20 septembre 2022, A______ s'est adressé par courriel au SdC, rappelant qu'il avait contesté l'infraction dans un courrier qu'il lui avait adressé le 14 juin 2022.

À l'appui de ses affirmations, il a produit une copie – non signée – dudit courrier, dans lequel il expliquait ne pas avoir été en Suisse le 4 mai 2022.

e. Par pli du 28 septembre 2022, le SdC a informé A______ que le courrier du 14 juin 2022 ne lui était jamais parvenu. Un délai au 28 octobre 2022 lui était imparti pour fournir une copie de celui-ci ainsi que des documents qui l'accompagnaient, attestant ses dires, ainsi que, par voie postale, un courrier d'opposition formelle signé de sa main.

f. À réception de ce courrier, A______ a, par courriel du 1er octobre 2022, transmis copie des pièces qui accompagnaient sa lettre du 14 juin 2022.

g. Par courriel du 15 novembre 2022, le SdC a imparti à l'intéressé un délai au 10 décembre 2022 pour lui faire parvenir, par voie postale, une opposition formelle signée de sa main, à défaut de quoi "la procédure suivrait son cours".

h. En réponse, A______ a fait parvenir au SdC, par courriel du même jour, copie d'un courrier d'opposition manuscrit, daté du 15 novembre 2022, signé de sa main, en précisant qu'il ne le ferait pas parvenir par voie postale, au double motif que son premier courrier semblait s'être égaré dans les services de l'autorité et qu'un envoi dématérialisé lui paraissait préférable du point de vue écologique.

i. Par ordonnance du 24 novembre 2022, le SdC a considéré que, faute de respecter la forme requise, l'opposition n'avait pas été valablement formée et a transmis le dossier au Tribunal de police pour décision.

C. Le 29 novembre 2022, le Tribunal de police a rendu l'ordonnance querellée.

D. a. Par courrier à l'intention du Tribunal de police daté du 2 décembre 2022, mentionnant "P/25032/2022 – 5 – OPCTRA" et remis à la poste suisse le 7 décembre suivant, A______ a réitéré, pièces à l'appui, son "opposition manuscrite aux faits qui lui [étaient] reprochés et à toutes actions judiciaires pouvant en découler". Il n'était en effet pas en Suisse à la date de l'infraction, ce qu'il avait indiqué dans toutes ses correspondances à l'autorité, pièces à l'appui. Le traitement du dossier avait ainsi été conduit uniquement à charge, sans tenir compte de sa bonne foi.

b. Le Tribunal de police l'ayant informé que son courrier du 2 décembre 2022 ne pouvait être considéré comme un recours contre sa propre ordonnance, puisqu'antérieur à la notification de celle-ci, A______ a formé, le 6 février 2023, une requête en révision de l'ordonnance du 9 septembre 2022.

c. Par arrêt AARP/92/2023 du 17 mars 2023, la Chambre d'appel et de révision a considéré qu'il était manifeste que le courrier de A______, bien que daté du 2 décembre 2022, était en réalité postérieur à la réception de l'ordonnance du Tribunal de police constatant l'irrecevabilité de son opposition, ainsi qu'en témoignait la référence faite à la procédure, qui lui était inconnue jusqu'alors. Ce courrier devait donc être considéré comme un recours, la demande de révision étant, partant, irrecevable et la procédure devant être transmise à la Chambre pénale de recours.

d. Interpellé au sujet de ce recours le SdC conclut à son rejet et à la confirmation de l'ordonnance entreprise.

e. Le Tribunal de police se réfère intégralement à sa décision.

 

EN DROIT :

1.             Conformément à l'AARP/92/2023 du 17 mars 2023, le courrier manuscrit daté du 2 décembre 2022 et remis à un bureau de poste suisse le 7 suivant, doit être considéré comme un recours contre l'ordonnance du Tribunal de police du 29 novembre 2022.

En tant que recours, il est recevable, pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 1, 384 let. b, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) contre une décision du tribunal de première instance sujette à recours (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à en obtenir l'annulation ou la modification (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. À teneur de l'art. 354 al. 1 let. a CPP, le prévenu peut faire opposition à l'ordonnance pénale, par écrit et dans les dix jours dès sa notification.

Le tribunal de première instance statue d'office sur la validité de l'opposition (art. 356 al. 2 CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_910/2017 du 29 décembre 2017 consid. 2.4). Lorsque l'opposition n'est pas valable, il n'entre pas en matière et n'examine donc pas le bien-fondé de la contestation (cf. Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification de la procédure pénale, FF 2006 1275 ad art. 360).

2.2. Les requêtes écrites doivent être datées et signées et remises au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, ou à une représentation consulaire ou diplomatique suisse (art. 91 al. 2 et 110 al. 1 CPP).

La signature doit être apposée en main propre sur le document écrit, raison pour laquelle, dans le cas de requêtes nécessitant la forme écrite, l'acte sur lequel la signature n'est que reproduite (photocopie, fac-similé, téléfax) n'est pas valable (ATF 121 II 252 consid. 2 p. 255; arrêts du Tribunal fédéral 1B_304/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.2 et 2.4 ; 1B_160/2013 du 17 mai 2013 consid. 2.1).

Cela vaut également si la personne envoyant un téléfax signe l'original en sa possession, qui sert de support à la transmission. L'autorité ne saurait en effet admettre la validité d'un acte judiciaire dont la signature ne lui parvient qu'en (télé) copie, ce en raison des risques d'abus et des incertitudes liées à ce mode de transmission, en particulier en ce qui concerne l'identification de l'expéditeur, la vérification de la signature et la constatation du moment de la réception (arrêts du Tribunal fédéral 6B_51/2015 du 28 octobre 2015 c. 2.2 ; 2C_531/2015 du 18 juin 2015 c. 2.1 et 1B_160/2013 du 17 mai 2013 c. 2.1 et 1B_304/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.4).

2.3. La transmission des requêtes et des recours et des annexes peut aussi se faire par voie électronique, mais à certaines conditions de forme prévues à l'art. 110 al. 2 CPP ainsi que par l'ordonnance sur la communication électronique dans le cadre de procédures civiles et pénales de procédures en matière de poursuite pour dettes et faillites (OCEI-PCPP; RS 272.1). Il faut en particulier que les parties qui désirent transmettre leur mémoire par voie électronique s'enregistrent sur une plateforme de distribution reconnue, transmettent leur mémoire ou leur requête sous un certain format et que les documents à signer soient certifiés par une signature électronique (ATF 145 IV 190 consid. 1.3.2 p. 192).

Le message électronique simple sans signature électronique ne répond pas à ces exigences (arrêt du Tribunal fédéral 6B_528/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.2).

2.4. En cas de dépôt d'un acte non signé, la jurisprudence admet, au regard du principe interdisant le formalisme excessif, l'octroi d'un délai convenable à l'intéressé pour réparer ce vice, assorti de l'avertissement qu'à défaut, l'acte ne sera pas pris en considération (cf. ATF 142 I 10 consid. 2.4 p. 11; arrêt du Tribunal fédéral 6B_51/2015 du 28 octobre 2015 consid. 2.2).

Une telle pratique ne s'impose toutefois que lorsque le défaut de signature est le fait d'une omission involontaire. En revanche, si le recourant dépose un acte dont il connaît l'irrégularité, son comportement – qui tend à l'obtention d'une prolongation de délai pour corriger l'impossibilité de déposer en temps utile son recours – s'apparente à un abus de droit et il ne se justifie pas de le protéger (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.4 p. 305; 142 V 152 consid. 4.3; 121 II 252 consid. 4b p. 255; arrêt du Tribunal fédéral 6B_51/2015 du 28 octobre 2015 consid. 2.2).

De même, lorsque l'entier de l'écrit judiciaire est envoyé uniquement par télécopie ou par courrier électronique, il est irrecevable, à moins que l'irrégularité de la transmission puisse être corrigée dans le délai de recours. En d'autres termes, le vice ne peut pas être réparé après l'échéance du délai par la fixation d'un délai selon l'art. 110 al. 4 CPP ou selon l'art. 385 al. 2 CPP, vu qu'il ne s'agit pas d'une omission involontaire de signature (arrêts du Tribunal fédéral 6B_18/2023 du 3 mars 2023 consid. 3.3.3, 1B_456/2020 du 8 octobre 2020 consid. 2 et 9C_354/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.2).

Ce qui précède vaut en cas d'opposition à une ordonnance pénale, dès lors que l'exigence de la forme écrite est explicitement mentionnée à l'art. 354 al. 1 CPP (ATF 142 IV 299 consid. 1.1 p. 302).

2.5. En l'espèce, le recourant n'a pas formé, dans le délai légal, d'opposition répondant aux exigences de forme prescrites par les art. 110 et 354 CPP. L'autorité lui a toutefois imparti, à tort ou à raison, un délai supplémentaire au 10 décembre 2022 pour y remédier. Certes, le recourant a manifesté, dans un courriel du 15 novembre 2022, son intention de ne pas se conformer aux injonctions reçues et de se limiter à une communication par voie électronique simple, laquelle ne respectait pas, elle non plus, les conditions de forme prévues par la loi. Le SdC et, à sa suite, le Tribunal de police, ne pouvaient toutefois pas, sans violer l'art. 3 CPP relatif au principe de la bonne foi et à l'interdiction de l'abus de droit, déclarer non valable l'opposition du recourant à l'ordonnance du 9 septembre 2022, sans même attendre l'échéance du délai imparti, le privant ainsi de son droit de changer d'avis. Or, le recours daté du 2 décembre 2022, intitulé "opposition manuscrite" et visant largement toutes les ordonnances rendues dans la présente procédure, a été reçu par un bureau de poste suisse dans le délai au 10 décembre 2022 imparti par le SdC.

Ces circonstances doivent dès lors conduire à l'admission du recours, à l'annulation tant de l'ordonnance du Tribunal de police du 29 novembre 2022 que de celle du SdC du 24 novembre 2022, et au renvoi de la cause au SdC pour nouvelle décision sur le fond.

3.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours.

Annule les ordonnances du Tribunal de police du 29 novembre 2022 et du Service des contraventions du 24 novembre 2022.

Renvoie la cause au Service des contraventions pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, au Tribunal de police et au Service des contraventions.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).