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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/62/2023

ACPR/447/2023 du 13.06.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : EXÉCUTION ANTICIPÉE DES PEINES ET DES MESURES;RISQUE DE FUITE
Normes : CP.77a; CP.77b; CP.79b

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/62/2023 ACPR/447/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 13 juin 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé B______, comparant par Mes Yaël HAYAT, Guerric CANONINCA et Philippe DUCOR, avocats, Etude Hayat & Meier, place du Bourg-de-Four 24, 1211 Genève 3,

recourant

contre la décision rendue le 11 mai 2023 par le Service de l'application des peines et mesures

et

LE SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 25 mai 2023, A______ recourt contre la décision du 11 mai 2023, notifiée à une date qu’il affirme être le 15 suivant, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) lui a refusé l'autorisation d'exécuter sa peine sous les formes de la surveillance électronique, de la semi-détention ou du travail externe.

Le recourant conclut principalement à la réformation de cette décision, dans le sens qu’il est mis au bénéfice d’une surveillance électronique, subsidiairement du régime de la semi-détention ou du régime du travail externe.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.        Par arrêt de la juridiction d’appel du 9 mars 2023, A______ a été condamné, à une peine privative de liberté de trois ans, sous déduction de 358 jours de détention avant jugement, pour homicide par négligence et violation grave du code de la route. À raison de 18 mois, la sanction est infligée sans sursis. A______ a été maintenu en détention. La motivation écrite n’est pas encore connue.

b.        Après le jugement de première instance l’ayant condamné à une peine privative de liberté de treize ans et pendant la procédure d’appel, A______ avait demandé à trois reprises, mais en vain, à être mis en liberté : un risque de fuite élevé lui a constamment été opposé, en dépit de sa situation patrimoniale confortable et ses liens, notamment affectifs, avec la Suisse (ACPR/422/2022 du 14 juin 2022 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_427/2022 du 9 septembre 2022 et 1B_610/2022 du 19 décembre 2022).

c.         Le 20 mars 2023, la Direction de la procédure de la juridiction d’appel a autorisé A______ à exécuter sa peine de manière anticipée.

d.        Le 24 mars 2023, il a demandé au SAPEM à bénéficier du port d’un bracelet électronique, de la semi-détention ou du régime de travail externe.

e.         Interpellée par le SAPEM, la Direction de la procédure de la juridiction d’appel a suivi le préavis négatif du service.

C. Dans la décision querellée, le SAPEM relève que la quotité de la peine à purger serait « inconnue », au motif que le prononcé du 9 mars 2023 n’était pas définitif ni exécutoire. Les conditions pour chacun des trois modes d’exécution de la sanction n’étaient par conséquent pas réunies. En outre, les tribunaux avaient maintenu A______ en détention, y compris à l’occasion de la décision sur appel, en se fondant sur le risque de fuite du condamné.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au SAPEM d’avoir rendu une décision « déshumanisante », car fondée sur une constatation incomplète et erronée des faits et n’ayant pas pris en considération son « évolution procédurale » ni sa situation familiale et personnelle, y compris ses perspectives d’avenir professionnel. Or, il avait subi la plus grande part de la peine à exécuter, puisque celle-ci serait purgée dans moins de quatre mois. Le SAPEM était tenu de faire usage de son large pouvoir d’appréciation ; pour ne l’avoir pas fait, la Chambre de céans devrait lui substituer le sien et se pencher sur l’adéquation et l’opportunité de la décision attaquée.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – l'acte ayant été formé moins de dix jours après la date de la décision –, concerner un refus d'autorisation d'exécution de la peine sous une forme alternative (art. 52 al. 2 du Règlement sur les formes alternatives d'exécution des peines [RFAEP ; E 4 55.13]), rendu par le SAPEM dans un domaine de sa compétence (art. 40 al. 1 et art. 5 al. 2 let. e LaCP [E 4 10]) et émaner du condamné visé par la décision querellée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 CPP).

Les art. 379 à 397 CPP s'appliquent par analogie à la procédure.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant demande – principalement – à pouvoir exécuter sa peine sous la forme d’une surveillance électronique, invoquant une violation de l’art. 79b CP. À tort.

3.1.       Conformément à l'art. 79b al. 1 let. a et al. 2 CP, l'autorité d'exécution peut, à la demande du condamné, ordonner l'utilisation d'un appareil électronique fixé au condamné (surveillance électronique), au titre de l'exécution d'une peine privative de liberté de 20 jours à 12 mois : s'il n'y a pas lieu de craindre que le condamné s'enfuie ou commette d'autres infractions; s'il dispose d'un logement; s'il exerce une activité régulière qu'il s'agisse d'un travail, d'une formation ou d'une occupation, pendant au moins 20 heures par semaine, ou s'il est possible de l'y assigner; si les personnes adultes faisant ménage commun avec lui y consentent et s'il approuve le plan d'exécution établi à son intention.

3.2.       Pour les peines infligées avec sursis partiel, l’art. 2 al. 3 du Règlement sur l'exécution des peines privatives de liberté sous surveillance électronique (RSE ; E 4 55.11) précise, depuis 2017, que la durée totale de la peine (partie avec sursis et partie ferme) est déterminante.

3.3.       En l'espèce, le recourant a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans, soit une peine privative de liberté supérieure au plafond prévu par la loi pour pouvoir bénéficier de l’allègement demandé. Il n’est donc pas éligible à exécuter sa peine sous la forme d’une surveillance électronique.

4.             Le recourant demande – subsidiairement – à pouvoir exécuter sa peine sous la forme d’une semi-liberté, invoquant une violation de l’art. 77b CP. À tort.

4.1.       Là aussi, c’est la durée de la peine prononcée qui est déterminante, et non le solde de la peine après déduction du temps de détention avant jugement ou de détention pour des motifs de sûreté. En effet, il ne faut pas que les auteurs d’infractions graves qui ont moins d’un an de détention à purger puissent profiter de l’exécution sous surveillance électronique (Message du Conseil fédéral relatif à la modification du code pénal et du code pénal militaire - réforme du droit des sanctions, FF 2012 4411). À défaut, la volonté du législateur serait contournée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1253/2015 du 17 mars 2016 consid. 2.6.).

4.2.       En l'espèce, le recourant a été condamné à une peine privative de liberté de trois ans, avec sursis partiel pour la moitié de ce quantum. Il allègue terminer sa peine au mois de septembre prochain, soit avoir moins d’un an à purger. Il n’est donc pas éligible au régime de la semi-liberté.

5.             Le recourant demande – encore plus subsidiairement – à pouvoir exécuter sa peine sous la forme d’un travail externe, invoquant une violation de l’art. 77a CP. À tort, encore.

5.1.       La peine privative de liberté est exécutée sous la forme de travail externe si le détenu a subi une partie de sa peine, en règle générale au moins la moitié, et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions (art. 77a al. 1 CP). En principe, le passage en travail externe intervient après un séjour de durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d'un établissement fermé (art. 77a al. 2 2e phr. CP) et si la personne détenue a réussi plusieurs congés (art. 2 let. b de la Décision du 25 septembre 2008 concernant le travail externe ainsi que le travail et le logement externes de la Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d'exécution des peines et mesures). L'art. 77a al. 2 2e phr. CP exclut en principe un passage direct depuis un établissement fermé (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER, Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 3e éd., Bâle 2013, n. 2 ad art. 77a). En outre, le travail externe ne pourra être accordé que s'il n'y a pas lieu de craindre la fuite ou la récidive du détenu (ATF 148 IV 292 consid. 2.2).

5.2.       En l'espèce, le recourant a été condamné à une peine privative de liberté d’une durée de trois ans et ne prétend pas avoir bénéficié de congés. Le dossier n’établit rien de tel. Par ailleurs, il se trouve à B______, soit un établissement – fermé – voué à l’exécution ordinaire des peines, y compris sous forme anticipée (art. 1 let. c et 5 al. 1 et 3, let. a, du Règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d’exécution des peines et des sanctions disciplinaires, REPSD ; F 1 50.08). Enfin, toutes les autorités judiciaires ayant eu à connaître de sa détention au cours des douze mois écoulés ont retenu qu’un risque de fuite s’opposait à toute libération. On ne voit pas en quoi la fin prochaine de la peine diminuerait à elle seule ce risque. Que le recourant ait conservé des attaches en Suisse, y compris des possibilités d’hébergement, comme il le fait valoir, n’y change rien : ces circonstances existaient déjà lors des décisions mentionnées supra (let. B.b.) et n’ont pas été tenues pour un palliatif suffisant au risque de fuite. On ne voit pas non plus ce qu’améliorerait sous cet angle une prise d’emploi, puisqu’un condamné dans la situation matérielle aisée qui est celle du recourant n’a, en réalité, nul besoin de reprendre, qui plus est à son âge, un travail rémunéré : il ne serait donc pas dissuadé d’éluder, par la fuite, sa fin de peine.

Le recourant n’est donc pas éligible au régime du travail externe.

6.             Invoquer l’inopportunité de la décision attaquée (art. 393 al. 2 let. c CPP) ne change rien à ce qui précède, dès lors que le pouvoir d’examen de l’autorité de recours ne saurait affranchir cette dernière du cadre légal dans lequel elle pourrait valablement s’emparer de pareil grief.

7.             Dès lors, le recours sera rejeté, et la décision querellée confirmée.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur principal) et au Service de l'application des peines et mesures.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/62/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00