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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19549/2019

ACPR/450/2023 du 13.06.2023 sur OCL/1665/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION DE DOMICILE;APPROPRIATION ILLÉGITIME;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);DIFFAMATION
Normes : CPP.319.al1.leta; CPP.319.al1.letb; CP.137.al1; CP.144.al1; CP.186; CP.173.ch1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19549/2019 ACPR/450/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 13 juin 2023

 

Entre

A______, ayant son siège sis ______ [GE],

B______, domiciliée ______, France,

comparant toutes deux par Me Cyrielle FRIEDRICH, avocate, rue de la Fontaine 7, 1204 Genève,

recourantes,

contre l'ordonnance de classement partiel (OCL/1665/2022) rendue le 16 décembre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. Par acte déposé le 23 décembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 décembre 2022, notifiée le 20 suivant, par laquelle le Ministère public a classé ses plaintes pénales contre inconnu et/ou C______.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 500.25, à l'annulation des chiffres "1", en tant qu'il concerne les infractions d'appropriation illégitime d'importance mineure, de dommages à la propriété et de violation de domicile, et "5" de la décision attaquée, en tant qu'il lui refuse une indemnité, et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

a.b. Par acte déposé le 23 décembre 2022, B______ recourt contre l'ordonnance du 16 décembre 2022, notifiée le 20 suivant, par laquelle le Ministère public a notamment classé sa plainte pénale contre C______ pour diffamation.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, chiffrés à CHF 500.25, à l'annulation des chiffres "1", en tant qu'il concerne l'infraction de diffamation, et "5" de la décision attaquée, en tant qu'il lui refuse une indemnité, et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède dans le sens des considérants.

b. Les recourantes ont versé chacune les sûretés en CHF 600.-, soit CHF 1'200.- au total, qui leur étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. L’association A______ (ci-après: l'association), fondée et dirigée par B______, est une association à but non lucratif qui passe des accords avec des propriétaires d'immeubles voués à la destruction pour qu'ils puissent être, dans l'attente, mis au profit de personnes en rupture professionnelle ou exclues du marché du logement. Cette association vient ainsi en aide à des personnes sans domicile, en mettant à leur disposition un logement temporaire meublé. En contrepartie, les bénéficiaires s'engagent à verser à l'association une somme mensuelle, à respecter le règlement de l'association, à participer à un programme de réinsertion sociale et professionnelle et à rechercher activement un emploi et un logement définitif. Dans une cause dirigée contre un ancien résident, le Tribunal des baux et loyers a jugé, le 29 juillet 2019, que la convention liant l'association aux habitants était, en droit, une convention d'hébergement, non soumise comme telle au droit du bail.

b. Diverses procédures pénales ont été ouvertes suite à des plaintes pénales déposées par l'association et ses représentants, ainsi que déposées à l'encontre de cette dernière par des résidents. Ces procédures ont été jointes sous le numéro de la présente procédure.

c. Divers conflits sont notamment intervenus à la suite de la résiliation immédiate des conventions d'hébergement par l'association et de l'évacuation des résidents concernés.

d. Entre le 14 décembre 2020 et le 3 février 2021, l'association a déposé plainte pénale contre inconnu notamment pour appropriation illégitime d'importance mineure, dommages à la propriété et violation de domicile. Ses soupçons se sont ensuite portés contre C______, ancien résident de l'association, et ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale contre celui-ci.

e. Dans ce cadre, le Ministère public a mis en prévention C______ pour avoir, à Genève, sur le site de l'association, sis à la route 1______ no. ______, à D______ [GE], alors qu'il avait été bénéficiaire de prestations de cette association du 15 juillet 2020 au 31 octobre 2020 :

- entre le 25 et le 26 novembre 2020, endommagé volontairement une boîte aux lettres, en en arrachant le toit, et de s'être approprié sans droit le contenu;

- entre le 4 et le 8 décembre 2020, dérobé sans droit une boîte aux lettres appartenant à l'association ainsi que son contenu;

- à tout le moins entre le 20 décembre 2020 et le 3 février 2021, endommagé volontairement divers biens appartenant à l'association, notamment une clôture et des boîtes aux lettres, ayant en particulier étalé des excréments canins sur une boîte aux lettres;

- à tout le moins entre le 4 décembre 2020 et le 3 février 2021, pénétré sans droit à plusieurs reprises sur le site de l'association, malgré la présence de panneaux mentionnant "Propriété privée, défense d'entrée sous peine de poursuites, sauf ayant droit".

f. Divers photographies des déprédations relatées ci-dessus ont été produites par l'association.

g. Par pli du 15 janvier 2021 adressé à B______, E______, résidente de l'association, a mentionné que son fils lui avait rapporté avoir reconnu C______ comme étant la personne qui avait emporté une boîte aux lettres entre le 4 et le 8 décembre 2020.

h.a. Auditionné par la police, F______, ancien colocataire de C______, a mis en cause ce dernier pour avoir arraché le toit de la boîte aux lettres appartenant à l'association entre le 25 et le 26 novembre 2020 et pour avoir endommagé volontairement d'autres biens appartenant à l'association, notamment en arrachant une clôture entre le 20 décembre 2020 et le 3 février 2021.

h.b. Dûment convoqué à une audience de confrontation par-devant le Ministère public, F______ ne s'est pas présenté.

i. Le 17 mars 2021, B______ a déposé plainte pénale contre C______ notamment pour diffamation.

En substance, elle lui reprochait d'avoir, dans une lettre du 12 mars 2021 adressée à Me Cyrielle FRIEDRICH, soit son avocate qui est aussi l'avocate de l'association, porté atteinte à son honneur en l'accusant notamment d'avoir commis des dommages à la propriété et dérobé des biens lui appartenant, lui causant un préjudice à hauteur de CHF 7'500.-.

À l'appui de sa plainte, elle a produit diverses pièces dont un pli du 4 mars 2021 adressé à C______ par Me Cyrielle FRIEDRICH, à teneur duquel cette dernière informait le prévenu qu'elle se constituait à la défense des intérêts de l'association et le priait de cesser ses agissements, lesquels pouvaient enfreindre un certain nombre de dispositions pénales, dont la calomnie. Dans sa lettre du 12 mars 2021, le prévenu avait tenu les propos litigieux suivants: "Cette association m'a volée et cassé mes biens personnels pour la modique somme de 7500.00 frs" [sic] et faisait expressément référence au courrier que Me Cyrielle FRIEDRICH lui avait envoyé le 4 précédent.

j. Entendu par le Ministère public, C______ a contesté avoir endommagé volontairement des biens appartenant à l'association et s'être approprié le contenu de boîtes aux lettres. Il n'avait pas non plus pénétré sans droit sur le site de l'association, précisant avoir quitté sa "Tiny House" fin octobre 2020 et avoir dû revenir sur le site mais uniquement pour récupérer ses affaires et avec l'accord de B______. S'agissant des propos de E______, cette dernière était "contre" lui depuis qu'il lui avait demandé de lui restituer un coffre qu'il lui avait précédemment prêté. Elle était prête à raconter "tout et n'importe quoi".

S'agissant du courrier du 12 mars 2021 adressé à Me Cyrielle FRIEDRICH, il avait effectivement accusé B______ et les membres de l'association d'avoir volé et commis des dommages à la propriété sur ses biens personnels, ayant d'ailleurs déposé plainte pénale pour ces faits.

k.a. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 22 septembre 2022, le Procureur a informé les parties de son intention de classer la procédure à l'égard de C______, notamment en lien avec les infractions de violation de domicile, dommages à la propriété, appropriation illégitime d'importance mineure et diffamation, et leur a octroyé un délai afin de faire valoir leurs éventuelles réquisitions de preuve et conclusions en indemnisation.

k.b. Dans le délai imparti, les parties n'ont sollicité aucune réquisition de preuve sur ces points. L'association et B______ ont néanmoins sollicité une indemnisation sur la base de l'art. 433 CPP pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré qu'à teneur des éléments du dossier, il n'avait pas été possible d'établir que C______ se serait rendu coupable des infractions de violation de domicile, dommages à la propriété et appropriation illégitime d'importance mineure. En effet, le prévenu avait catégoriquement nié toute implication dans les actes reprochés. De plus, bien que F______ l'eût mis en cause pour certains faits, il ne s'était pas présenté à l'audience de confrontation et n'avait donc pas pu réitérer ses accusations en contradictoire. Quant au courrier de E______, cette dernière n'était pas un témoin direct des faits, s'étant bornée à rapporter des propos tenus par son fils. Ainsi, aucun soupçon qui justifierait une mise en accusation n'était établi, de sorte qu'un classement sur ces points s'imposait (art. 319 al. 1 let. a CPP).

S'agissant de l'infraction de diffamation, C______ n'avait pas eu l'intention, fut-ce sous la forme du dol éventuel, en adressant le courrier litigieux au conseil de B______, de la diffamer. En effet, les éléments du dossier avaient mis en évidence que le prévenu avait bien déposé plainte pénale pour ces faits alors qu'il estimait réellement avoir été victime de tels agissements. Par conséquent, l'élément constitutif subjectif de l'infraction de diffamation faisait défaut, raison pour laquelle le classement de la procédure s'imposait également à ce sujet (art. 319 al. 1 let. b CPP).

Finalement, l'autorité intimée a refusé d'allouer à l'association et à B______ une indemnité au sens de l'art. 433 CPP (ch. 5 de la décision attaquée), les conditions prévues par cette disposition n'étant manifestement pas réalisées in casu.

D. a. À l'appui de son recours, l'association soutient qu'il existait une prévention suffisante des infractions d'appropriation illégitime d'importance mineure, de dommages à la propriété et de violation de domicile contre C______. Les dires de F______ mettant en cause le prévenu comme auteur de certaines de ces infractions étaient crédibles, même s'il ne s'était pas présenté à l'audience de confrontation – laquelle n'était du reste pas une audience où le principe de contradiction s'appliquait stricto sensu, n'ayant elle-même pas été obligée de s'y rendre –, ce d'autant qu'il était un ami du prévenu et que l'on ne voyait donc pas pourquoi il l'accuserait faussement. En outre, bien que E______ n'était qu'un témoin indirect des faits, les propos de son fils mettaient en cause le prévenu tout comme ceux de F______, avec lequel il n'avait pourtant aucun lien. Enfin, le prévenu avait montré par son comportement qu'il en voulait à l'association, ce qui était propre à fonder des soupçons à son égard. Il était, de plus, le seul intervenant à avoir un chien, étant rappelé que sa boîte aux lettres et le courrier qui s'y trouvait avaient été souillés par de tels excréments.

E. a. Dans son recours, B______ reproche à l'autorité intimée d'avoir retenu que le prévenu n'avait pas eu l'intention de la diffamer. En effet, le seul fait que l'intéressé ait déposé plainte à son endroit pour les faits reprochés ne suffisait pas à établir qu'il n'avait pas agi intentionnellement. De plus, le prévenu n'avait pas apporté la preuve de la vérité. Il n'avait produit aucun document attestant de l'existence des objets volés ou endommagés, hormis une liste établie par lui-même. Il ne s'était, en outre, pas prévalu auprès de l'association ou d'elle-même de biens lui appartenant qui seraient manquants. Le courrier litigieux visait ainsi à ce que son avocate la méprise en jetant le discrédit sur elle.

Par ailleurs, les faits de vol et de dommages à la propriété dénoncés dans le courrier litigieux ont fait l'objet d'une ordonnance de classement, faute de soupçons suffisants contre B______.

b. À réception des sûretés de chacune des recourantes, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Vu leur connexité évidente, les recours seront joints et traités en un seul arrêt.

2.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des parties plaignantes qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

4.             À titre liminaire, le classement de la procédure en lien avec l'infraction de diffamation – en tant qu'elle concerne l'association – n'est pas contesté par les recourantes. Point n'est donc besoin d'y revenir.

Par ailleurs, la Chambre de céans constate que les recourantes se bornent à demander, dans leurs conclusions, l'annulation du chiffre 5 de la décision attaquée, sans toutefois en justifier dans leurs écritures. Ce point n'apparaissant plus litigieux, il ne sera pas examiné plus avant dans le présent arrêt (art. 385 al. 1 let. a CPP).

5. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure notamment lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

La décision de classer la procédure doit être prise en application du principe "in dubio pro duriore", qui découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Ce principe vaut également pour l'autorité judiciaire chargée de l'examen d'une décision de classement. Il signifie qu'en règle générale, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation.

La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

6. La recourante, A______, estime qu'il existe des soupçons suffisants d'infractions d'appropriation illégitime d'importance mineure, de dommages à la propriété et de violation de domicile.

6.1. Selon l'art. 137 al. 1 CP, est coupable d'appropriation illégitime celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, se sera approprié une chose mobilière appartenant à autrui.

Si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende (art. 172ter CP).

6.2. L'art. 144 al. 1 CP réprime – sur plainte préalable – l'infraction de dommages à la propriété, soit celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappé d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

6.3. Aux termes de l'art. 186 CP, se rend coupable de violation de domicile celui qui, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

6.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que divers biens appartenant à la recourante, notamment une clôture et des boîtes aux lettres, dont l'une a également disparu, ont été volontairement endommagés et que, pour ce faire, une personne a pénétré sur la parcelle de l'association, alors que des panneaux en interdisaient l'accès, sauf aux ayants droits.

La recourante soutient que le prévenu serait l'auteur de ces atteintes, tandis que le Ministère public rejette ce constat, au motif que la culpabilité de l'intéressé ne serait pas établie.

L'examen des éléments au dossier conduit à suivre l'appréciation du Ministère public. En effet, le prévenu a de façon constante nié être l'auteur des infractions en cause et aucun élément objectif ne permet de douter de sa crédibilité. Les soupçons de la recourante reposent, quant à eux, principalement sur ses convictions et sur des déclarations de personnes n'ayant pas directement assisté aux faits, indices en eux-mêmes insuffisants pour fonder une prévention pénale en l'absence d'autres éléments probants.

Il s'ensuit que ni la prévention d'appropriation illégitime d'importance mineure, ni celle de dommages à la propriété, ni celle de violation de domicile, ne sont établies avec une vraisemblance suffisante. Aucune mesure d'instruction ne paraît à même de modifier ce constat. La décision du Ministère public sur ce point ne prête dès lors pas le flanc à la critique.

7. La recourante, B______, considère que les éléments constitutifs de l'infraction de diffamation sont réunis.

7.1. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1.). Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2.).

Pour qu'il y ait diffamation, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 86 IV 209).

Du point de vue subjectif, il suffit que l'auteur ait eu conscience du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos et qu'il les ait néanmoins proférés ; il n'est pas nécessaire qu'il ait eu la volonté de blesser la personne visée (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47 et la jurisprudence citée).

7.2. En l'occurrence, la recourante reproche au prévenu d'avoir tenu, à son avocate à elle, des propos attentatoires à son honneur dans le cadre du courrier du 12 mars 2021, en l'accusant notamment d'avoir commis des dommages à la propriété et dérobé des biens lui appartenant.

Il apparaît tout d'abord que l'avocate de la recourante ne revêt pas la qualité de "confident nécessaire" du prévenu (cf. ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3, à teneur duquel l'avocat peut, à certaines conditions, être considéré comme le confident de son propre client).

Elle n'est pas non plus un tiers au sens des art. 173 ss CP mais doit être considérée, en l'espèce, comme un intermédiaire, dès lors que la recourante l'a constituée au soutien de ses intérêts (cf. ACPR/273/2023 consid 2.2.5. et ACPR/576/2022 consid. 4.4.). Ledit conseil a correspondu avec le prévenu en tant que représentant de la recourante. Celui-ci a d'ailleurs adressé à celle-là son courrier, en réponse à celui qui lui avait précédemment envoyé.

Par conséquent, à défaut de "tiers" à qui ces propos ont été relatés, la diffamation paraît exclue.

Il en résulte que le classement de l’infraction à l’art. 173 CP doit être confirmé, par substitution de motifs.

8. Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

9. Les recourantes, qui succombent dans leurs recours respectifs, supporteront les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

Pour le même motif, elles ne sauraient se voir allouer d'indemnité au sens de l'art. 433 al. 1 CPP, applicable en instance de recours selon l'art. 436 al. 1 CPP.

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Joint les recours interjetés par A______ et B______ contre l'ordonnance de classement partiel (OCL/1665/2022) rendue le 16 décembre 2022 par le Ministère public.

Les rejette.

Dit que les frais de la procédure de recours sont arrêtés à CHF 1'200.-.

Condamne A______, auxdits frais, à hauteur de CHF 600.- et B______, à concurrence de CHF 600.-.

Dit que ces montants seront prélevés sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______ et à B______, soit pour elles leur conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19549/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'105.00

-

CHF

Total

CHF

1'200.00