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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/14428/2021

ACPR/440/2023 du 09.06.2023 sur SEQMP/565/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE);MOTIVATION DE LA DÉCISION;INVENTAIRE
Normes : CPP.263

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14428/2021 ACPR/440/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 juin 2023

 

Entre

 

A______, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 2 mars 2023 par le Ministère public

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A.            Par acte déposé le 16 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 mars 2023, notifiée le 6 suivant, par laquelle le Ministère public a ordonné la mise sous séquestre des objets et documents figurant sous chiffres 1 à 10 de l'inventaire n° 1______ du 10 février 2023.

Le recourant conclut, sous suite de dépens, à la constatation de l'illicéité de ladite ordonnance et à ce que cette décision soit déclarée nulle, subsidiairement à son annulation.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.                      Le 21 octobre 2022, A______ a été prévenu de blanchiment d'argent aggravé (art. 305bis ch. 1 et 2 let. b et c CP).

b.                      Le 23 octobre 2021, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la mise en détention provisoire de A______, jusqu'au 3 novembre suivant, et l'a ensuite régulièrement prolongée jusqu'au 3 avril 2023. La Chambre de céans a ordonné la mise en liberté du prévenu par arrêt du 27 février 2023 (ACPR/148/2023).

c.                       À teneur du rapport de police du 22 février 2023, C______, nièce du prévenu, a informé la police avoir découvert de la marchandise suspecte ______[description] dans le garage de la mère du prévenu, D______.

Le 8 février 2023, sur autorisation orale du Procureur, la police s'est rendue au domicile de D______ afin d'y récupérer la marchandise et les documents en question. La détentrice des lieux a signé l'autorisation de perquisition.

Le matériel saisi a été porté à l'inventaire daté du 10 février 2023, lequel vise dix pièces qui se trouvaient dans le garage, soit des vêtements commandés au nom de E______ ou F______, d'autres vêtements en vrac, des documents ainsi que des chaussures et sandales.

d. Par mandat d'actes d'enquête du 16 mars 2023, le Ministère public a chargé la police d'entendre le prévenu notamment sur les objets et documents séquestrés.

C.            Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève que la police s'était rendue, le 23 février 2023 (sic), au domicile que le prévenu occupait avec sa mère, D______, et avait saisi les objets et documents que C______ avait désignés comme pouvant être utiles à l'enquête. La mise sous séquestre apparaissait, en l'état, comme la seule mesure susceptible de permettre la mise en sûreté des objets et valeurs pouvant être utilisés comme moyens de preuve.

D.            a. À l'appui de son recours, A______ doute que C______, qui n'avait pas reçu d'autorisation de sa part pour fouiller ses affaires personnelles, ait pu désigner les éléments à saisir et que sa mère ait donné son autorisation pour la perquisition.

Il ne comprenait pas la date de la perquisition et saisie du 23 février 2023 mentionnée dans l'ordonnance de séquestre, alors que celle de l'inventaire était du 10 février 2023 à la suite de l'autorisation à la perquisition du 8 février 2023, sauf à dire que C______ avait directement transmis, sans droit, les objets et documents à la police. L'ordonnance de séquestre du 2 mars 2023 avait été établie près d'un mois après l'inventaire du 10 février 2023.

Ladite ordonnance violait l'art. 263 al. 2 du CPP; aucune pièce du dossier ne mentionnait que le séquestre avait été ordonné oralement; il n'y avait aucune urgence puisqu'il se trouvait [dans la prison de] G______ jusqu'au 27 février 2023; il n'y avait aucune raison à ce que cette ordonnance ait été établie aussi tardivement. Enfin, elle violait son droit d'être entendu faute de motivation.

b. Le Ministère public considère que l'inventaire qui avait été dactyloscopié le 10 février 2023, soit deux jours après la perquisition, n'était pas tardif. Il évoque une confusion, lors de la consultation des documents, entre le procès-verbal de l'audition de C______, qui n'était pas consultable (art. 101 CPP), et l'inventaire, qui avait finalement été transmis au recourant. Les incohérences relevées par le recourant étaient dues à une erreur de plume manifeste dans l'ordonnance de séquestre querellée; la perquisition avait bien été menée le 8 février 2023, et non le 23 février 2023 comme indiqué faussement, comme cela ressortait des documents de police dûment datés et signés.

D______, détentrice des locaux, qui avait autorisé la perquisition, avait formellement remis à la police les objets et documents désignés par C______. L'ordre oral de séquestre par le Ministère public n'avait pas été nécessaire dès lors que D______ avait signé le formulaire de remise de moyens de preuves. Le séquestre avait ainsi été dûment ordonné par écrit à réception du rapport de police, ou dans les jours suivants. La police avait notamment placé sous inventaire diverses commandes de vêtements et chaussures portant les noms de E______ et F______, lesquels pourraient provenir de la commission d'une nouvelle infraction, notamment d'une escroquerie (art. 146 CP).

Le séquestre était motivé en ce qu'il mentionnait que C______ avait désigné des objets et documents susceptibles d'être utiles à l'enquête et sur lesquels le prévenu serait appelé à s'exprimer de manière à déterminer si le séquestre doit être maintenu ou levé.

c. Le recourant persiste. Il n'avait pas reçu la liste manuscrite du 8 février 2023. Il n'avait pas autorisé C______ à fouiller ses affaires personnelles, de sorte qu'il peinait à comprendre comment elle aurait pu désigner les biens susceptibles d'être utilisés comme moyen de preuve.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 384 let. a, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. Il n'y a pas de place pour des conclusions constatatoires là où des conclusions formatrices sont possibles (ACPR/94/2022 consid. 3 et les références), de sorte que les conclusions de A______ visant à faire constater l'illicéité de l'ordonnance de séquestre sont irrecevables.

2.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 3 al. 2 let. c CPP et 29 al. 2 Cst., implique pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 I 232 consid. 5.1). Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 143 III 65 consid. 5.2; 142 III 433 consid. 4.3.2). La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_16/2020 du 24 juin 2020 consid. 2.1).

2.2. Le droit d'être entendu est un grief d'ordre formel, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. La jurisprudence admet toutefois qu'une violation du droit d'être entendu peut être considérée comme réparée lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une autorité de recours disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et pouvant ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 137 I 195 consid. 2.2 et 2.3.2), ce qui est le cas pour l'autorité de recours (art. 391 al. 1 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_574/2020 du 3 décembre 2020 consid. 4.1). Une telle réparation dépend de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 135 I 276 consid. 2.6.1; 126 I 68 consid. 2). Elle peut également se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 136 V 117 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_112/2015 du 14 juillet 2015 consid. 2.1).

2.3. À teneur de l'art. 263 al. 2 CPP, le séquestre est ordonné par voie d’ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d’urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l’ordre doit être confirmé par écrit.

2.4. En l'espèce, le Procureur a fondé le séquestre sur la découverte, par la nièce du prévenu, d'objets et documents pouvant être utiles à l'enquête. Sa motivation est certes sommaire mais il a précisé dans ses observations qu'il s'agissait de diverses commandes de vêtements et chaussures portant les noms de E______ et F______, lesquels pouvaient provenir de la commission d'une nouvelle infraction, notamment d'une escroquerie (art. 146 CP).

Le grief est dès lors rejeté.

3.             Le recourant reproche la tardiveté de la remise de l'inventaire, les incohérences de l'ordonnance querellée et l'absence de mention de l'ordre oral de séquestre du Ministère public.

3.1. À titre préliminaire, il est constaté que le recourant ne conteste pas la perquisition effectuée au domicile de sa mère. Il ne s'en prend qu'à l'ordonnance de séquestre du Ministère public du 2 mars 2023.

3.2. Le recourant a reçu l'inventaire, daté du 10 février 2023, le 16 mars 2023, selon ses dires. Dans sa réplique, il ne fait aucun grief sur le contenu, sauf à dire ne pas avoir reçu la liste manuscrite à partir de laquelle il avait été établi.

3.3. Le Procureur a expliqué l'erreur qu'il avait commise dans ladite ordonnance s'agissant de la date de la perquisition, précisant que celle-ci avait bien été effectuée le 8 février 2023, et non le 23 suivant comme faussement mentionné, ce que confirme le rapport de police et les documents y annexés.

3.4. Enfin, aucun ordre oral de perquisition ne devait être confirmé par le Procureur dans la mesure où l'ayant droit des lieux l'avait autorisée, en particulier celle du garage. S'agissant de l'ordre oral de séquestre, il est confirmé par l'ordonnance dont est recours dont on ne voit pas qu'elle serait tardive, ayant été rendue à réception du rapport de police daté du 22 février 2023. Pour le surplus le recourant n'en conteste pas le bien-fondé.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État fixés en totalité à CHF 500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6.             L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt au recourant (soit, pour lui, son défenseur) et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P/14428/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

500.00