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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23690/2021

ACPR/421/2023 du 06.06.2023 sur OPMP/2032/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 05.07.2023, 7B_152/2023
Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;PROFIL D'ADN;INCENDIE INTENTIONNEL;DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL)
Normes : CPP.85; CPP.255; CPP.197

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23690/2021 ACPR/421/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 6 juin 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de prélèvement d'échantillons en vue de l'établissement d'un profil d'ADN rendue le 14 mars 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 27 mars 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du Ministère public du 14 mars 2022, qui ne lui a pas été formellement notifiée, par laquelle le Ministère public a ordonné l'établissement de son profil d'ADN.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à la constatation de la violation du droit à une décision motivée, de la violation du droit à la sphère privée et de la nullité de l'ordonnance querellée. Subsidiairement, il conclut à l'annulation de celle-ci et au renvoi de la cause au Ministère public pour nouvelle décision dans le sens des considérants. En tout état, il conclut à la destruction de son profil d'ADN.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant belgo-suisse né en 2000, domicilié à Genève et étudiant en ______ [spécialité] à D______, au casier judiciaire vierge, a été arrêté le 10 mars 2022 pour complicité de dommages à la propriété. Il lui est reproché d'avoir, le 17 novembre 2021, contribué à endommager la façade d'un centre commercial de Genève en y peignant "______". Il a été identifié grâce aux caméras de vidéosurveillance se trouvant aux abords du bâtiment, lesquelles montrent deux individus au moment des faits, le premier peignant les mots susmentionnés, et le second, soit A______, se tenant auprès de lui.

b. Entendu par la police le 10 mars 2022, d'abord en qualité de personne appelée à donner des renseignements, puis en qualité de prévenu, il a refusé de s'exprimer, usant de son droit de se taire.

Une perquisition a été effectuée à son domicile avec son autorisation.

Un mandat pour la saisie des données signalétiques et prélèvement d'ADN a été établi ce même 10 mars 2022. Ce document comporte deux pages. Il est précisé, sur le formulaire figurant sur la première page, sous le titre "Personne prévenue", que l'intéressé accepte le prélèvement d'ADN ordonné par le Commissaire de police ; la signature de A______ est apposée dans la marge, ainsi qu'au bas du document sous la mention "Je confirme avoir lu la présente feuille d'information et avoir pris note des indications y figurant".

Sur la seconde page, sous le titre "Ministère public", il est écrit "Le Ministère public ordonne l'établissement du profil ADN de la personne ci-dessus ; Genève, le 14.03.2022 ; Procureur : E______ ; Signature : [illisible]". C'est l'ordonnance présentement querellée.

Il est fait mention exprès du "mandat pour la saisie des données signalétiques et le prélèvement d'ADN" sur le rapport d'arrestation établi le 10 mars 2022.

A______ a été remis en liberté le 11 mars 2022.

c. A______ a été condamné par ordonnance pénale du 11 mars 2022 pour dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP).

d. Le 15 mars 2022, le conseil de A______ s'est constitué à sa défense et a formé opposition. À cette occasion, il a demandé à obtenir copie du dossier, écrivant entre autres : "Je relève, au besoin, qu'aucune ordonnance de perquisition ou de prise d'ADN n'a été notifiée à mon mandant, bien que la police semble avoir procédé à de telles mesures de contrainte".

A______, soit pour lui son conseil, affirme que le mandat pour la saisie des données signalétiques et prélèvement d'ADN susmentionné ne figurait pas dans la copie du dossier qui lui a été remise par courrier du Ministère public du 5 avril 2022.

e. Le 5 mai 2022, le Ministère public a tenu une audience lors de laquelle A______ a été entendu en lien avec les faits fondant l'ordonnance pénale susmentionnée. La question de l'établissement d'un profil d'ADN n'a pas été évoquée.

f. Précédemment, le 4 janvier 2022, un incendie a ravagé l'enceinte de F______ située à G______, dans le canton de Genève. Des véhicules ont été regroupés et incendiés de manière volontaire, un autre véhicule a été endommagé et aspergé d'essence. Des inscriptions à la peinture ont été apposées sur des containers, soit "______" et "______".

Sur place, la police a réalisé divers prélèvements d'ADN. Ils ont mis en évidence un profil H1 à l'intérieur d'un gant retrouvé à côté des véhicules calcinés, ainsi qu'un profil H2 retrouvé sur un bidon d'essence laissé sur place.

Le profil H2 s'est avéré correspondre au profil de A______. Une instruction a donc été ouverte contre lui pour ces faits.

g. A______ a été arrêté le 15 mars 2023.

Son domicile a été perquisitionné.

Il a été procédé à son audition, en présence de son conseil. Il a refusé de répondre aux questions des policiers, excepté concernant ses informations personnelles.

Le 16 mars 2023, il a été entendu par le Ministère public et a refusé à nouveau de répondre aux questions posées.

Il se trouve encore à ce jour en détention provisoire.

C. a. À l'appui de son recours, A______ s'en prend à l'ordonnance d'établissement du profil d'ADN signée par le Ministère public le 14 mars 2022, dont il soutient n'avoir eu connaissance que le 16 mars 2023, lorsqu'il avait reçu une nouvelle copie du dossier à la suite de sa seconde arrestation. Au fond, il fait grief au Ministère public d'avoir violé son obligation de motiver l'ordonnance querellée. La mesure ordonnée était en outre illicite, car, si l'on se plaçait au moment du prononcé de dite ordonnance, l'établissement d'un profil d'ADN n'était pas justifié au vu de ses antécédents, de son âge et des infractions qui lui étaient alors reprochées.

b. Le Ministère public considère que A______ avait accepté le prélèvement d'ADN sur sa personne et avait par là une connaissance immédiate et suffisante du mandat visé, lequel était d'ailleurs mentionné dans le rapport d'arrestation. Son recours était donc tardif. Au fond, le type de graffiti pour lesquels A______ avait été appréhendé en mars 2022 dénotait une appartenance à un mouvement antifasciste d'extrême-gauche, politiquement engagé et dont les sympathisants sont prêts à mener des actions potentiellement illégales. Il était donc justifié de prélever son ADN pour rechercher d'autres infractions. Le résultat en avait été fructueux, puisque son profil était compatible avec celui retrouvé sur les lieux de l'incendie commis en janvier 2022. Ainsi, l'intérêt à la répression et à la prévention des infractions pénales primait son intérêt privé.

c. A______ a répliqué et persisté dans ses conclusions, ainsi que dans la substance de son argumentation.

EN DROIT :

1.             La recevabilité du recours est contestée et doit donc être examinée.

1.1 Selon la jurisprudence, lorsque le prévenu accepte un prélèvement d'ADN, mais que l'ordonnance sur l'établissement d'un profil d'ADN est rendue ultérieurement (sur la distinction entre le prélèvement du matériel biologique et son analyse, cf. consid. 3.1. ci-après), il ne peut être retenu que le prévenu a eu connaissance de la décision d'établir un profil d'ADN par l'existence du prélèvement qu'il a accepté. L'ordonnance d'établissement du profil d'ADN doit être notifiée conformément à l'art. 85 al. 1 CPP. À défaut, seule la date à laquelle le prévenu en a eu connaissance, même par un autre biais, est pertinente pour calculer le respect du délai de recours contre cette ordonnance (arrêt du Tribunal fédéral 1B_568/2021 du 22 février 2022 consid. 3).

1.2 En l'espèce, le recourant a accepté que la police prélève son ADN le 10 mars 2022, jour de son arrestation. Il a été condamné par ordonnance pénale le lendemain, puis a formé opposition le 15 mars 2022. Son conseil a expressément évoqué l'analyse de son ADN, sans obtenir de réponse quant à sa supposition sur l'absence d'établissement d'un profil d'ADN. Le recourant affirme, sous la plume de son conseil et sans être contredit par le Ministère public, ni qu'aucune preuve n'atteste du contraire, n'avoir pas reçu copie de l'ordonnance d'établissement de son profil d'ADN lorsqu'il a obtenu copie du dossier à cette époque.

Certes, le rapport d'arrestation du 10 mars 2022 mentionne le mandat de prélèvement d'ADN, mais il n'est pas fait référence à l'établissement d'un profil d'ADN, cette décision n'étant d'ailleurs intervenue que quatre jours plus tard.

La notification de l'ordonnance querellée n'est pas intervenue selon les formes prévues à l'art. 85 al. 1 CPP ; rien ne permet de démontrer qu'elle aurait été remise au recourant d'une autre manière antérieurement. Rien ne dément donc le recourant quand il affirme n'avoir pris connaissance du mandat d'établissement du profil d'ADN que les 15 ou 16 mars 2023, soit lorsqu'il a obtenu une nouvelle copie du dossier après sa seconde arrestation.

Par conséquent, le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public la violation de son droit d'être entendu, faute de motivation de la décision.

2.1. Le droit d'être entendu est certes une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Toutefois, le droit d'être entendu n'est pas une fin en soi; il doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (ATF 143 IV 308 consid. 1.1 publié in SJ 2018 I 25; arrêts du Tribunal fédéral 6B_259/2016 du 21 mars 2017 consid. 5.1.1; 4A_141/2016 du 26 mai 2016 consid. 1.2; 4A_554/2012 du 21 mars 2013 consid. 4.1.2 et les références citées).

Le Tribunal fédéral admet ainsi la guérison – devant l'autorité supérieure qui dispose d'un plein pouvoir d'examen – de l'absence de motivation, pour autant que l'autorité intimée ait justifié et expliqué sa décision dans un mémoire de réponse et que le recourant ait eu la possibilité de s'exprimer sur ces points dans une écriture complémentaire; il ne doit toutefois en résulter aucun préjudice pour ce dernier (ATF 125 I 209 consid. 9a et 107 Ia 1 consid. 1; arrêt du Tribunal pénal fédéral R.R.2019.70 du 3 septembre 2019 consid. 3.1 in fine). Une réparation peut également intervenir en présence d'un vice grave, lorsqu'un renvoi à l'instance inférieure constituerait une vaine formalité, respectivement aboutirait à un allongement inutile de la procédure, incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 145 I 167 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

2.2. En l'espèce, la décision entreprise ne comprend pas de motivation. Cependant, l'argumentation développée par le recourant démontre qu'il a compris la portée et les raisons de la décision querellée et le Procureur a produit une motivation à l'occasion de ses observations sur recours, auxquelles le recourant a répliqué.

Toute éventuelle violation du droit d'être entendu aurait été ainsi réparée, sans qu'il soit besoin d'annuler pour ce motif l'ordonnance querellée.

3.             Selon le recourant, les conditions pour l'établissement de son profil d'ADN n'étaient pas réalisées.

3.1.1. L'art. 255 al. 1 CPP permet de prélever un échantillon et d'établir le profil d'ADN du prévenu pour élucider un crime ou un délit; il n'autorise toutefois pas le prélèvement d'échantillons d'ADN et leur analyse de manière systématique (ATF 147 I 372 consid. 2.1; 145 IV 263 consid. 3.4; arrêts du Tribunal fédéral 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 4.1 et 1B_568/2021 du 22 février 2022 consid. 3.1.1).

3.1.2. L'ordonnance de prélèvement d'un échantillon d'ADN permet de récolter du matériel biologique sur une personne en vue de l'établissement d'un profil d'ADN. La police peut ordonner et effectuer le prélèvement non invasif d'échantillons (art. 255 al. 2 let. a CPP; ATF 141 IV 87 consid. 1.3.2; cf. Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2005 1057 ss, ch. 2.5.5 p. 1223 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_568/2021 du 22 février 2022 consid. 3.1.2). 

3.1.3. L'ordonnance d'établissement d'un profil d'ADN permet d'utiliser l'échantillon d'ADN afin d'établir la combinaison alphanumérique de la personne sur laquelle celui-ci a été prélevé à l'aide de techniques relevant du domaine de la biologie moléculaire, à partir des segments non codants de la molécule d'ADN dans le but de pouvoir l'identifier de manière indiscutable (cf. Message du Conseil fédéral du 8 novembre 2000 relatif à la loi fédérale sur l'utilisation de profils d'ADN dans le cadre d'une procédure pénale et sur l'identification de personnes inconnues ou disparues, FF 2001 19, ch. 2.1.1 p. 26). L'établissement d'un profil d'ADN peut être ordonné par le ministère public ou les tribunaux (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.2; cf. Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2005 1057 ss, ch. 2.5.5 p. 1223 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_568/2021 du 22 février 2022 consid. 3.1.3).

3.1.4. Cette mesure ne se conçoit pas seulement lorsqu'il s'agit d'élucider le délit initial ayant donné lieu à la mesure de prélèvement, ou d'attribuer concrètement des infractions déjà commises et connues des autorités de poursuite pénale. Comme cela ressort clairement de l'art. 1 al. 2 let. a de la loi sur les profils d'ADN – applicable par renvoi de l'art. 259 CPP –, l'élaboration de tels profils doit également permettre d’identifier l'auteur d'infractions qui n'ont pas encore été portées à la connaissance des autorités de poursuite pénale. Il peut s’agir d’infractions passées ou futures. Le profil d'ADN peut ainsi permettre d'éviter des erreurs d'identification et d'empêcher la mise en cause de personnes innocentes. Il peut également jouer un rôle préventif et participer à la protection de tiers (ATF 145 IV 263 consid. 3.3 et les références citées).

En matière d'identification de personnes, un prélèvement d'ADN, notamment par frottis de la muqueuse, et son analyse constituent des atteintes – certes légères – à la liberté personnelle, à l'intégrité corporelle (art. 10 al. 2 Cst.), respectivement à la sphère privée (art. 13 al. 1 Cst.), ainsi qu'au droit à l'autodétermination en matière de données personnelles (art. 13 al. 2 Cst. et 8 CEDH). Les limitations des droits constitutionnels doivent être justifiées par un intérêt public et respecter le principe de proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). L'art. 255 CPP ne permet pas le prélèvement routinier d'échantillons d'ADN et leur analyse, ce que concrétise l'art. 197 al. 1 CPP. Selon cette disposition, des mesures de contrainte ne peuvent être prises que si des soupçons suffisants laissent présumer une infraction (let. b), si les buts poursuivis ne peuvent pas être atteints par des mesures moins sévères (let. c) et si elles apparaissent justifiées au regard de la gravité de l'infraction (let. d). L'établissement d'un profil d'ADN qui ne sert pas à élucider une infraction faisant l'objet d'une procédure en cours n'est conforme au principe de la proportionnalité que s'il existe des indices sérieux et concrets que le prévenu puisse être impliqué dans d'autres infractions, cas échéant futures. Il doit toutefois s'agir d'infractions d'une certaine gravité. Les antécédents doivent également être pris en compte. Cependant, l'absence d'antécédents n'exclut pas en soi l'établissement d'un profil d'ADN, mais constitue l'un des nombreux critères à prendre en compte dans l'appréciation globale des circonstances (ATF 145 IV 263 consid. 3.4; 144 IV 127 consid. 2.1; 141 IV 87 consid. 1.3.1 et 1.4, tous avec références). L'âge est également un critère pertinent, en ce sens que l'établissement d'un profil d'ADN est susceptible d'avoir un impact négatif sur le développement et l'intégration dans la société d'une personne encore jeune (arrêts du Tribunal fédéral 1B_111/2015 du 20 août 2015 consid. 3.5 ; 1B_284/2018 du 13 décembre 2018 consid. 2.3). Lorsque la mesure vise à élucider des infractions passées ou futures, elle n'est pas soumise à la condition de l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction au sens de l'art. 197 al. 1 CPP : des indices au sens susmentionné suffisent. Des soupçons suffisants doivent cependant exister en ce qui concerne l'acte qui a fondé le prélèvement ou l'établissement du profil d'ADN (cf. ATF 145 IV 263 consid. 3.4; arrêt du Tribunal fédéral 1B_409/2021 du 3 janvier 2022 consid. 4.3 et les références).

3.2. Le recourant, se référant aux conditions et critères énoncés ci-dessus, considère que tant son âge, que ses antécédents et le type d'infraction qui lui était alors reproché (soit des dommages à la propriété liés à l'apposition d'un graffiti sur la façade d'un centre commercial) n'autorisaient pas l'établissement d'un profil d'ADN en mars 2022. Il faudrait en effet se placer, pour l'analyse, à l'époque du prononcé de l'ordonnance pénale, le 10 mars 2022, soit à un moment où le Ministère public considérait que les faits relatifs à cette ordonnance étaient élucidés. Ainsi, le 14 mars 2022, jour où le Ministère public avait décidé d'analyser son profil d'ADN, il n'existait pas d'éléments permettant d'anticiper la commission d'un autre acte pénalement répréhensible.

Le point de vue du recourant ne peut pas être partagé.

Le Ministère public, au moment du prononcé querellé, était en droit de considérer que les circonstances de l'espèce laissaient planer des indices sérieux et concrets de commissions futures d'autres infractions du même genre, voire plus graves. À ce titre, peu importe que le Procureur ayant signé l'ordonnance ne soit pas intervenu à un autre titre dans le dossier, le Ministère public étant un et indivisible, selon la formule consacrée. Il est constant que les auteurs de graffiti à tendance politique ne se limitent souvent pas à l'apposition d'un seul à une seule occasion, mais tendent à répéter leur acte pour diffuser les messages qu'ils défendent. Certes, il ne peut pas être retenu que l'appartenance à un mouvement d'extrême-gauche antifasciste signifie nécessairement une propension à commettre des infractions. Cela étant, comme le démontrent tant les graffitis apposés sur le centre commercial que ceux retrouvés sur les lieux de l'incendie, ces mouvements ont recours à de tels moyens d'expression, ce qui constitue un indice concret de la possibilité d'une réitération. Par ailleurs, les auteurs de ce genre de déprédation sont souvent difficiles à identifier, de sorte que le recours à des correspondances d'ADN avec d'éventuels objets abandonnés sur place (peinture, vêtements, etc.) peut se révéler le seul moyen de les appréhender.

Le recourant est jeune et sans antécédent, mais le type particulier de l'infraction qui lui était reprochée et des circonstances de l'espèce justifiaient d'établir un profil d'ADN. En outre, il ne s'agissait pas de viser une certaine catégorie de personnes en fonction de leurs opinions politiques : le recourant appartient plutôt à la catégorie des personnes ayant passé à l'acte et ne saurait prétendre qu'il fait partie des militants qui défendent leurs convictions politiques pacifiquement et sans enfreindre la loi. En effet, des soupçons suffisants pèsent sur lui quant à sa participation au sprayage du centre commercial, même si aucune condamnation en force n'a été rendue.

Quoi qu'il en soit, cette analyse doit être relativisée à la lumière de ce qui suit.

Comme le souligne le Ministère public dans ses observations, le profil d'ADN du recourant établi à la suite de l'ordonnance querellée a été fructueux dans la mesure où il a permis d'établir une correspondance entre l'ADN du recourant et une trace retrouvée sur les lieux d'un incendie d'origine vraisemblablement criminelle, soit une infraction grave.

L'analyse des conditions posées à l'établissement du profil d'ADN du recourant ne se pose donc plus dans des termes hypothétiques : la possibilité que le recourant soit identifié grâce à son ADN comme auteur ou participant potentiel d'une infraction s'est réalisée. Il ne s'agit plus de raisonner en termes d'indices identifiés par l'autorité pénale, puisque ces pistes, quelle qu'ait été leur solidité, se sont avérées justifiées à ce stade, dès lors qu'une correspondance a été générée. Il serait ainsi pour le moins contradictoire de retenir que l'autorité ne disposait pas d'indices suffisants de la commission d'autres infractions par le recourant, lorsqu'ils se sont concrétisés par une correspondance.

Il s'ensuit que l'existence d'une infraction grave (incendie intentionnel et dommages importants à la propriété) est donnée et que des soupçons pèsent à l'encontre du recourant. Le prélèvement et l'analyse de l'ADN, soit une atteinte légère à la liberté personnelle, à l'intégrité corporelle et à la sphère privée, étaient donc proportionnés pour l'élucidation de cette infraction.

Les griefs du recourant seront donc rejetés.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23690/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

800.00

-

CHF

Total

CHF

885.00