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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/40/2023

ACPR/419/2023 du 05.06.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION;EXPERT;RAPPORT DE SUBORDINATION;COLLABORATEUR
Normes : CPP.56

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/40/2023 ACPR/419/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 5 juin 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Robert ASSAËL, avocat, Mentha Avocats, rue de l'Athénée 4, case postale 330, 1211 Genève 12

requérant

 

et

Drs B______ et C______, p.a. CURML, rue Gabrielle-Perret-Gentil 4, 1211 Genève 14

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3

cités

 


EN FAIT :

A. Par acte du 31 mars 2023, transmis par le Ministère public le 5 avril 2023 à la Chambre de céans, A______ demande la récusation des experts du CURML désignés par le Ministère public aux fins d’expertiser sa responsabilité pénale.

Le requérant conclut, préalablement, à ce que l'effet suspensif soit octroyé à son recours et – sur mesures provisionnelles – à ce qu'interdiction soit faite au Ministère public de verser les pièces concernées et d'en interdire l'accès aux parties; principalement à l'annulation de la décision querellée et à ce qu'il soit dit qu'aucune pièce issue de deux procédures pénales dans lesquelles il a été impliqué ne soit versée dans la présente cause.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier:

a.        D______ et A______ ont donné naissance, hors mariage, à deux enfants âgés de sept et cinq ans. Le couple s'est séparé il y a plusieurs années.

b.        Par décision du 29 juillet 2020, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE) a instauré une garde partagée des mineurs entre les père et mère.

c.         Par décision du 2 novembre 2021, confirmée par la Chambre de surveillance de la Cour de justice le 20 juin 2022, le TPAE a confié la garde des mineurs à la mère et réservé au père un droit aux relations personnelles. Le recours interjeté au Tribunal fédéral par A______ a été rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le 8 mars 2023 (arrêt 5A_633/2022).

d.        Les 4 et 10 octobre 2022, statuant sur mesures superprovisionnelles, le TPAE a suspendu le droit aux relations personnelles du père avec les mineurs et interdit tout contact avec eux, considérant en substance que "le moindre contact des mineurs avec leur père était désormais délétère à leur bon développement au regard de l'état psychologique [de l'un d'eux] qui devait impérativement et urgemment être protégé".

e.         D______ a déposé deux plaintes pénales, les 7 octobre et 22 novembre 2022, contre A______, lui reprochant d'avoir refusé de lui remettre les enfants, respectivement de les avoir extraits de leur école, puis être parti avec eux vers une destination inconnue. Elle s'est constituée partie plaignante.

f.         Le 23 novembre 2022, A______ a été appréhendé en France voisine, en compagnie de ses deux enfants, avant d'être remis aux autorités suisses, le 5 janvier 2023. Le 8 janvier 2023, il a été placé en détention provisoire, sous les préventions d'enlèvement de mineur (art. 220 CP), séquestration (art. 183 CP) et insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP), puis mis en liberté, le 13 suivant, sous mesures de substitution.

g.        Le 13 février 2023, le Ministère public a soumis aux parties le projet de mandat d'expertise psychiatrique de A______, à confier aux Drs B______ et C______, rattachés au CURML.

h.        Par retour du courrier, A______ s’est opposé à ce que ladite expertise soit exécutée par des médecins du CURML, au motif que « l’expertise du 6 septembre 2021 », qu’il contestait et avait portée au Tribunal fédéral, émanait du même organisme.

i.          Le 21 février 2022, il a requis, « en tant que de besoin », la récusation des deux experts désignés.

j.          Sur interpellation du Ministère public, la Dresse B______ a précisé que ni elle ni son confrère n’étaient intervenus dans l’expertise du groupe familial A______/D______, du 6 septembre 2021.

k.        Le 27 mars 2023, le Ministère public a formellement décerné le mandat d’expertise, dans la teneur qui avait été soumise aux parties.

l.          A______ a répliqué que les Drs B______ et C______ présentaient une apparence de prévention, au sens de l’art. 56 let. f CPP, dans la mesure où l’expertise du 6 septembre 2021, qui lui était particulièrement défavorable, émanait du CURML.

C. a. Les Drs B______ et C______ reprennent la teneur de leur prise de position à l’attention du Ministère public (let. A.j. supra).

b. Le Ministère public met en évidence des jurisprudences à teneur desquelles – lorsque, comme en l’espèce, l’institution n’a pas d’intérêt propre à l’issue de l’expertise –, le mandat peut être valablement décerné à des spécialistes qui lui sont rattachés, même si elle en avait auparavant désigné d’autres, chargés d’examiner la même personne.

c.A______ réplique en réitérant ses faits et arguments.


 

EN DROIT :

1.             1.1. Lorsqu'est en cause la récusation d'un expert nommé par le ministère public, il appartient à l'autorité de recours, au sens des art. 20 al. 1 et 59 al. 1 let. b CPP, de statuer (arrêts du Tribunal fédéral 1B_488/2011 du 2 décembre 2011 consid. 1.1 et 1B_243/2012 du 9 mai 2012 consid. 1.1), de sorte que la Chambre de céans est compétente à raison de la matière (ACPR/491/2012 du 14 novembre 2012).

1.2. En tant que prévenu, le requérant a qualité pour agir (art. 104 al. 1 let. a CPP et, par analogie, 58 al. 1 CPP).

1.3. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP – disposition également applicable lorsque la requête tend à la récusation d'un expert (arrêt du Tribunal fédéral 1B_754/2012 du 23 mai 2013 consid. 3.1) –, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance.

2. Le requérant voit une apparence de partialité dans le fait que l’expertise ordonnée le 27 mars 2023 a été confiée au même institut que celui qui a délivré une précédente expertise à son sujet, dont le résultat lui serait particulièrement défavorable.

2.1. Par renvoi de l'art. 183 al. 3 CPP, l'art. 56 CPP s'applique à la récusation d'un expert. L'exigence d'un procès équitable commande que l'impartialité de celui-ci soit garantie (ATF 125 II 541; arrêt du Tribunal fédéral 6B_258/2011 du 22 août 2011 consid. 1.3.1).

L'art. 56 let. f CPP prévoit que toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est récusable "lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil, sont de nature à le rendre suspect de prévention". Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74). Elle concrétise les droits déduits de l'art. 29 al. 1 Cst. garantissant l'équité du procès et assure au justiciable une protection équivalente à celle de l'art. 30 al. 1 Cst. s'agissant des exigences d'impartialité et d'indépendance requises d'un expert (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2. p. 179 s.). Les parties à une procédure ont donc le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause puissent influencer une appréciation en faveur ou au détriment d'une partie. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de sa part. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 p. 74).

L'apparence de prévention peut avoir sa source dans les relations personnelles ou professionnelles que l'expert entretient avec l'une des parties, avec son représentant ou avec l'institution dans laquelle il œuvre et/ou dans son comportement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_338/2021 du 23 novembre 2021 consid. 2.1 et les références).

Conformément à une jurisprudence bien établie, la seule circonstance que l'expert a établi ou participé à une expertise antérieure ne le fait pas encore apparaître objectivement comme prévenu (cf. ATF 132 V 93 consid. 7.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 67B_480/2022 du 22 juin 2022 consid. 1.4.). Dans la règle, le fait qu'un expert a pu prendre connaissance des rapports de prédécesseurs ne conduit, de toute manière, pas à douter de son indépendance, car on attend de l'expert qu'il développe particulièrement les antécédents spécifiques et médico-légaux, en tant qu'éléments anamnestiques susceptibles de nourrir sa propre discussion (arrêt précité, consid. 2.).

2.2. À la lumière de ces principes, la requête apparaît dénuée de tout fondement.

Le CURML n’apparaît pas lésé par les actes reprochés au requérant ni susceptible d’être mis en cause à raison de ceux-ci.

Le but de l’expertise rendue en septembre 2021 – à laquelle il n’est pas prétendu que les cités auraient prêté la main – n’était pas d’établir la responsabilité pénale du prévenu. Elle n’était pas limitée à sa personne, mais prenait en considération tout le groupe familial, sous l’angle d’aptitudes sociales, affectives, parentales, éducatives.

Quand bien même les cités dépendent-ils du même institut que leurs confrères ayant préparé et rédigé cette expertise, rien ne met en évidence de lien de subordination, ou d’autre forme de dépendance, avec leurs devanciers. Que, dans le cadre de l’expertise confiée, ils aient accès à leurs analyse et conclusions – ce qui ne semble pas mis en question dans la requête – s’avère conforme à la jurisprudence, ainsi qu’à la méthodologie nécessaire pour éclairer le juge.

En bref, le requérant fait uniquement état d’impressions individuelles, générales et destinées à l’institution dont émanent les cités, sans que des soupçons de partialité de ceux-ci n’aient été rendus vraisemblables.

3. La requête sera rejetée.

4. Le requérant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP). L’émolument sera fixé à CHF 800.-.

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la requête.

Met à la charge de A______ les frais de l’instance, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, aux Drs B______ et C______ et au Ministère public.

 

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/40/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

30.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

 

- demande sur récusation (let. b)

CHF

695.00

Total

CHF

800.00