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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/856/2018

ACPR/371/2023 du 22.05.2023 sur OCL/1382/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉNONCIATION CALOMNIEUSE;MENACE(DROIT PÉNAL);CONTRAINTE(DROIT PÉNAL);INTENTION
Normes : CPP.319; CP.303; CP.180; CP.181

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/856/2018 ACPR/371/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 22 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, Belgique, comparant par Me Mohamed MARDAM BEY, avocat, rue De-Beaumont 3, case postale 24, 1211 Genève 12,

recourant,

contre l'ordonnance de classement rendue le 28 octobre 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 7 novembre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 octobre 2022, notifiée le surlendemain, par laquelle le Ministère public a classé la procédure à l'égard de B______, C______, D______ et E______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction et mise en accusation des précités.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 2'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 15 janvier 2018, D______, née en 1931, a porté plainte contre A______ pour abus de confiance.

Le précité s'occupait de son patrimoine depuis plusieurs années, en particulier lorsqu'il était employé par la banque F______. À plusieurs occasions au cours de l'année 2017, A______ avait retiré des espèces de son compte pour les lui remettre. Or, sur une somme retirée de EUR 113'556.48, elle n'avait reçu que EUR 66'000.-. A______ avait également cherché à lui faire racheter une partie de sa police d'assurance à hauteur de EUR 600'000.- mais l'opération avait été stoppée par E______, gérant auprès de F______.

À l'appui de sa plainte, D______ a notamment produit:

- un état de son portefeuille pour la période du 1er janvier au 20 novembre 2017, duquel il ressort trois prélèvements sur son compte de EUR 30'150.-, les 23 février, 26 avril et 7 juillet 2017, et un prélèvement de CHF 25'000.- le 23 février 2017;

- des quittances pour les prélèvements précités, comportant sa signature et celle d'un collaborateur indéterminé de F______;

- un extrait de son "carnet à lait", où les prélèvements des 23 février, 26 avril et 7 juillet 2017 apparaissent, sans devise, pour respectivement: "30'000"; "15'000"; "1'000" et "20'000" (soit 66'000 en tout).

b. Le 16 janvier 2018, A______ a porté plainte contre B______, E______, C______, tous travaillant au sein de F______, et D______ des chefs de tentative d'extorsion (art. 22 cum art. 156 CP), menaces (art. 180 CP), tentative de contrainte (art. 22 cum art. 181 CP), dénonciation calomnieuse (art. 303 CP), instigation à dénonciation calomnieuse (art. 24 cum art. 303 CP) et/ou calomnie (art. 174 CP).

Peu de temps après son départ, le 30 septembre 2017, de F______, il avait rencontré B______ et C______, à leur demande, qui lui avaient annoncé que plusieurs doléances de clients contre lui étaient en cours d'investigation. Ils lui reprochaient également de commettre des actes de concurrence déloyale au préjudice de la banque. Le 19 octobre suivant, il avait reçu un appel de B______. Ce dernier, le qualifiant "d'escroc" et lui promettant de détruire sa réputation, lui avait dit que D______ avait décidé de porter plainte contre lui, de même que d'autres clients, et qu'il disposait de quelques jours pour rendre l'argent. B______, C______ et E______ s'étaient rendus en France et en Belgique auprès de certains de ses clients afin de le discréditer. E______ avait essayé de le forcer à payer à F______ une somme qu'il ne devait pas. Le 14 décembre 2017, il avait reçu une mise en demeure de D______, le sommant de restituer EUR 47'446.48, pour des motifs qu'il contestait.

c. Le Ministère public a joint les deux procédures ouvertes à la suite de ces deux plaintes, sous le présent numéro de cause.

d. La police a procédé à l'audition des protagonistes.

d.a. D______, entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements (ci-après: PADR), a expliqué que A______ était la personne à qui elle s'adressait pour retirer de l'argent. Pour ce faire, elle convenait avec lui d'un rendez-vous à la banque, où il lui faisait signer une quittance, allait chercher l'argent à la caisse puis revenait avec la somme dans une enveloppe dont elle ne vérifiait pas le contenu. C'était E______ qui, lors d'un passage à la banque, l'avait informée qu'un transfert de EUR 600'000.- était prévu sur son compte d'assurance-vie en faveur de son compte courant et qu'il avait annulé l'opération. Entendue en qualité de prévenue, elle a déclaré avoir décidé seule de porter plainte et lorsqu'elle en avait fait part à E______, celui-ci avait proposé d'en discuter d'abord avec A______;

d.b. A______, entendu en qualité de prévenu, a contesté avoir conservé des sommes sur les retraits demandés par D______. En qualité de PADR, il a confirmé ses propos et ajouté qu'il avait eu connaissance des manœuvres de discrédit à son encontre faites par B______, C______ et E______ par le biais des clients eux-mêmes, des tiers gérants et des apporteurs d'affaire mais il ne voulait donner aucun nom à ce stade;

d.c. E______ a relaté avoir, lors d'un rendez-vous avec D______, demandé à celle-ci si elle avait requis la vente de ses titres. Son interlocutrice avait été surprise, ignorant à quoi il faisait allusion. Il avait alors attiré son attention sur les nombreux retraits qu'elle avait effectués, ce qui n'avait pas non plus manqué de la surprendre. Il avait trouvé cela suspect et avait convenu avec D______ de tirer les choses au clair en la rencontrant à son domicile, où elle tenait sa propre comptabilité. Il avait proposé que A______ se joigne à ce rendez-vous mais D______ avait refusé. Le jour en question, il avait constaté des "trous" au niveau des retraits effectués. Il avait ensuite rencontré A______, le 25 octobre 2017, pour le convaincre de rendre l'argent. L'intéressé n'avait pas reconnu les faits mais avait plutôt cherché à obtenir des informations sur l'état de l'enquête interne de la banque à ce propos;

d.d. C______ a confirmé avoir rencontré D______ avec B______ mais nié avoir eu des rendez-vous avec d'autres clients de A______. Après cet entretien, ils avaient vu ce dernier et l'avaient informé qu'une cliente s'était plainte. Elle avait entendu une discussion téléphonique survenue le 19 octobre 2017 entre A______ et B______. Le ton de ce dernier était ferme mais le terme "escroc" n'avait pas été employé;

d.e. B______ a expliqué que E______ avait alerté la banque sur les retraits d'argent constatés sur le compte de D______. À la suite de cette découverte, A______ avait été sommé de s'expliquer. L'entretien avait seulement porté sur les doléances de D______. Il avait ensuite rencontré cette dernière avec C______, le 19 octobre 2017, où ils avaient constaté que malgré son âge, la cliente était "vive d'esprit" et avait corroboré, par ses propres notes personnelles, les faits relatés par E______. À la suite de cette entrevue, il avait discuté au téléphone avec A______ pour lui rapporter les faits tels qu'exposés par D______;

d.f. G______, responsable de la caisse au sein de F______, a détaillé le fonctionnement des retraits. Les billets retirés étaient comptés par ses soins devant le client, puis remis à ce dernier. Le gestionnaire n'effectuait pas la remise d'argent et un caissier ne le faisait pas hors présence d'un gestionnaire. Concernant D______, il avait lui-même procédé à la plupart des remises d'espèces, sa signature se trouvant sur toutes les quittances produites à l'appui de la plainte de cette dernière.

e. Dans un rapport de renseignements du 10 janvier 2019, la police a synthétisé toutes ces auditions pour mettre en exergue les "différences notables" entre les versions, en particulier s'agissant des modalités en cas de retraits d'espèces.

f. Le 16 septembre 2020, le Ministère public a ouvert une instruction pénale à l'encontre de:

- A______, pour abus de confiance (art. 138 CP);

- B______, des chefs d'injure (art. 177 CPP), menaces (art. 180 CP) et/ou diffamation (art. 173 CP) voire calomnie (art. 174 CP) pour avoir traité A______ "d'escroc", menacé de détruire sa réputation auprès de clients et d'avoir tenu des propos attentatoires à l'honneur du précité;

- D______, des chefs de diffamation (art. 173 CP) ou calomnie (art. 174 CP) voire de dénonciation calomnieuse (art. 303 CP) pour s'être adressée à des tiers, dont B______, E______ et C______, en accusant A______ de malversations sur son compte bancaire et d'avoir dénoncé ces prétendues malversations auprès du Ministère public alors qu'elle le savait innocent.

g. Les 16 septembre 2020, 25 janvier et 31 août 2021, le Ministère public a tenu des audiences lors desquelles:

- C______ a confirmé ses déclarations à la police et précisé que F______ avait mis en place une enquête interne visant à vérifier si D______ avait signé des quittances et s'il y avait eu des éléments inhabituels. La banque avait finalement conclu qu'il était impossible de déterminer qui disait la vérité dans ce dossier;

- B______ a également confirmé ses déclarations à la police, ajoutant que, durant l'appel téléphonique avec A______, il lui avait expliqué que, si les allégations de D______ étaient avérées, elles seraient constitutives d'escroquerie et passibles d'une poursuite pénale, ce qui nuirait vraisemblablement à sa carrière et sa réputation. Il avait donc conseillé à A______ de rembourser la cliente. Il n'avait pas de preuve formelle de la culpabilité de A______ mais en était intimement convaincu;

- D______ a expliqué avoir reçu ses relevés bancaires pour la première fois le 3 octobre 2017 et avoir eu, à cette occasion, les premiers soupçons contre A______, notamment en voyant le retrait de francs suisses, dont elle n'avait aucune utilité car vivant en France.

- E______ a, en substance, confirmé ses propos à la police, précisant que, pour lui, il y avait bien eu des malversations dans cette affaire.

- A______ a affirmé avoir remis à D______ l'intégralité de l'argent retiré.

h. A______ a produit, le 31 août 2021, une lettre du 21 décembre 2017 émanant du conseil de clientes de F______ – H______, I______ et J______ – à l'attention de la banque, comportant le passage suivant:

"[ ] lors d'un entretien téléphonique du lundi 18 décembre 2017, Monsieur E______ a avisé Madame J______ que le blocage des fonds des consorts H______/I______/J______ trouvait sa cause dans un litige opposant votre établissement à Monsieur A______, assistant, auquel des actes de gestion pénalement répréhensibles seraient reprochés.

Ces allégations – qui ont déjà été formulées en octobre 2017 – apparaissent dénuées de pertinence dans le cas d'espèce [ ]".

i. Le 25 octobre 2021, A______ a sollicité les actes d'instruction suivants: mise en prévention de E______ et C______, perquisition au siège de F______ en vue de trouver la correspondance juridique et bancaire entre la banque et D______, le dossier compliance de cette dernière et les rapports de visite de la clientèle belge; audition de D______ en qualité de prévenue et audition d'anciens salariés de F______ ayant participé aux séances d'information organisées avant et après son départ.

j. Par avis de prochaine clôture de l'instruction du 24 novembre 2021, le Ministère public a avisé les parties qu'une ordonnance de classement serait rendue en faveur de B______, D______, E______ et C______, et qu'une ordonnance pénale serait prononcée contre A______.

k.a. Le 23 décembre 2021, A______ a contesté le prononcé d'une ordonnance pénale à son encontre et sollicité la tenue d'une audience de confrontation avec D______ et E______, ainsi que la citation "des membres du contrôle financier ayant accès au coffre et qui auraient fait office de caissiers remplaçants lors des absences du responsable".

k.b. Le 10 février 2022, il a réitéré sa demande de perquisition du siège de F______ et sollicité l'audition de K______, organe de la banque entre le 5 avril 2017 et le 22 octobre 2020, en lien avec la procédure des retraits, la nature des investigations internes concernant son affaire, des litiges survenus avec sa clientèle après son départ de F______ et un éventuel litige avec D______ et la banque.

l. Par ordonnance pénale du 21 février 2022 – frappée d'opposition – le Ministère public a rejeté les réquisitions de preuve de A______. La perquisition n'était pas susceptible d'apporter des éléments utiles à la cause, l'audition des anciens salariés était disproportionnée et peu pertinente et l'audition de D______ était superflue, celle-ci ayant déjà été entendue à deux reprises.

A______ a été déclaré coupable d'abus de confiance.

m. Le même jour, le Ministère public a classé la procédure à l'égard de B______, C______, D______ et E______.

n. Dans un arrêt du 24 août 2022 (ACPR/581/2022), la Chambre de céans a partiellement admis le recours de A______ contre cette décision.

Le Ministère public n'ayant pas motivé le classement des infractions de dénonciation calomnieuse, instigation à dénonciation calomnieuse, tentative d'extorsion et chantage, tentative de contrainte et menaces, la cause devait lui être retournée pour nouvelle décision. Le grief soulevé par A______, selon lequel son droit d'être entendu avait été violé du fait que le Ministère public avait rejeté ses réquisitions de preuve dans l'ordonnance pénale et non pas dans celle de classement, était laissé ouvert compte tenu de l'issue du recours. Le classement des infractions protégeant l'honneur n'ayant pas été contesté, celui-ci était, en revanche, entré en force.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que la plainte déposée par D______ contre A______ avait abouti à une condamnation de ce dernier par voie d'ordonnance pénale. Même si celle-ci n'était pas définitive, il existait des soupçons suffisants contre A______, de sorte qu'il pouvait être retenu que D______ avait des raisons de penser avoir été victime d'agissements illégaux et de considérer l'intéressé coupable des faits dénoncés. Il en allait de même pour B______, C______ et E______, lesquels pouvaient raisonnablement penser, vu les déclarations de D______, que A______ avait commis des malversations. Dans ces circonstances, il leur appartenait, au vu de leurs fonctions respectives et responsabilités au sein de la banque, de conseiller à leur cliente de déposer plainte pénale. Concernant la tentative d'extorsion, de contrainte et les menaces, aucun élément objectif ne permettait d'établir les faits avec certitude. S'agissant de l'appel téléphonique du 19 octobre 2017 (cf. B.d.e. supra), tant B______ que C______ avaient contesté que le premier eût menacé A______ mais expliqué qu'il avait en revanche tenté de convaincre celui-ci de rembourser l'argent qu'il devait à D______, ce qui ne constituait pas une infraction pénale. E______ avait également contesté avoir exercé une quelconque pression à l'égard de A______.

D. a. Dans son recours, A______ se plaint, en premier lieu, d'une violation de son droit d'être entendu en lien avec le rejet de ses réquisitions de preuve. Le Ministère public avait omis de les traiter dans l'ordonnance querellée, l'obligeant à se référer à l'ordonnance pénale du 21 février 2021, laquelle était "frappée de nullité". Dans ce cadre, le refus du Ministère public de procéder aux actes sollicités, à savoir l'audition de D______, E______, C______, des anciens salariés ainsi que la perquisition de F______ ne se justifiait pas. Par ailleurs, le Ministère public n'avait pas considéré ces réquisitions supplémentaires, à savoir l'audition des "deux membres du contrôle financier" et de K______.

Sur le fond, l'ordonnance querellée était contraire à l'art. 319 CPP. Pour la dénonciation calomnieuse, B______, C______ et E______ avaient expressément admis n'avoir aucune preuve du bien-fondé de leurs accusations à son égard, ce qui excluait de pouvoir les considérer de bonne foi. Par ailleurs, sa condamnation – "caduque" – pour abus de confiance procédait d'une "lecture indéfendable du dossier". Les déclarations contradictoires – voire "mensongères" – des précités et de D______ disqualifiaient leurs accusations; leur comportement après le mois d'octobre 2017 trahissait "l'absence de tout dommage réel subi" par cette dernière. Sur le plan subjectif, ils savaient qu'il était innocent mais avaient agi dans le "dessein de faire ouvrir une poursuite pénale" contre lui et "exercer une pression illicite" pour obtenir une somme qu'il n'avait pas détournée.

Pour la tentative d'extorsion, de contrainte et/ou menaces, B______ et C______ lui avait déclaré qu'ils détruiraient sa carrière s'il ne remboursait pas D______, ce qui n'avait jamais été réfuté. E______ avait, pour sa part, tenu des propos similaires lors du repas du 25 octobre 2017. Les menaces d'atteinte à sa réputation avaient d'ailleurs été suivies d'effet, puisqu'il était établi que sa clientèle en Belgique avait été approchée par F______ dans le cadre d'une campagne de dénigrement à son égard, comme en témoignait le courrier du conseil de la famille H______/I______/J______.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

3.             Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir classé la procédure.

3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n’est établi (let. a) ou lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b).

Cette disposition doit être interprétée à la lumière du principe "in dubio pro duriore", selon lequel un classement ne peut être prononcé que quand il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables. Ainsi, la procédure doit se poursuivre quand une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou que les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infractions graves. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, à ce sujet, d'un pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1164/2020 du 10 juin 2021 consid. 2.1).

3.2. L'art. 303 al. 1 CP réprime notamment du chef de dénonciation calomnieuse celui qui aura dénoncé à l'autorité, comme auteur d'un crime ou d'un délit, une personne qu'elle savait innocente, en vue de faire ouvrir contre elle une poursuite pénale.

Sur le plan objectif, cette norme suppose qu'une communication imputant faussement à une personne la commission d'un crime ou d'un délit ait été adressée à l'autorité (ATF 132 IV 20 consid. 4.2 p. 25; arrêts 6B_1248/2021 du 16 août 2022 consid. 2.1.1; 6B_483/2020 du 13 octobre 2020 consid. 1.1.1). Une dénonciation n'est calomnieuse que si la personne mise en cause est innocente. Est innocente la personne qui n'a pas commis les faits délictueux qui lui sont faussement imputés. Est notamment considéré comme innocent celui qui a été libéré par un jugement d'acquittement ou par le prononcé d'un classement. Le juge de la dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par une telle décision (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176; arrêts 6B_1248/2021 précité consid. 2.1.1; 6B_483/2020 précité consid. 1.1.1).

Sur le plan subjectif, l'auteur doit savoir que la personne qu'il dénonce est innocente. Il ne suffit donc pas qu'il ait conscience que ses allégations pourraient être fausses. Il doit savoir que son affirmation est inexacte. Aussi, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 p. 176 et les références citées). En outre, seul l’auteur qui agit dans un dessein particulier – à savoir en vue de faire ouvrir une poursuite pénale – peut se rendre coupable de dénonciation calomnieuse. Cet article consacre ainsi une infraction subjectivement spéciale (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 19 ad art. 303).

3.3.1. L'art. 180 al. 1 CP sanctionne celui qui, par une menace grave, aura alarmé ou effrayé une personne. Pour être qualifiée de grave, la menace doit être objectivement de nature à alarmer la victime; l'on tiendra compte de la réaction d’une personne raisonnable, dotée d'une résistance psychologique normale, face à une situation identique (ATF 122 IV 97 consid. 2b p. 100).

3.3.2. Se rend coupable de contrainte au sens de l'art. 181 CP, celui qui, notamment en menaçant une personne d'un dommage sérieux, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte. Constitue une menace d’un dommage sérieux celle qui est propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action (ATF
120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19).

3.3.3. L'extorsion et le chantage, réprimés par l'art. 156 CP, constituent une lex specialis de l'art. 181 CP, caractérisée par la recherche d'un enrichissement illégitime (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 54 ad art. 181).

Si l'auteur a ou croit avoir une prétention patrimoniale légitime à l'endroit de sa victime, on n'est pas en présence d'extorsion, mais plutôt de contrainte au sens de l'art. 181 CP (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), op. cit., n. 19 ad art. 156).

3.4. En l'espèce, le recourant conteste sa culpabilité en lien avec la plainte déposée contre lui, et la majeure partie des développements du recours – ainsi que ses réquisitions de preuve formulées par-devant l'autorité précédente – portent sur cet aspect et visent à le démontrer.

Ce faisant, il perd de vue les enjeux de l'ordonnance querellée, qui sont indépendants du sort réservé à l'ordonnance pénale prononcée contre lui et contre laquelle il a formé opposition. En effet, même s'il n'était finalement pas reconnu coupable des faits dont il est accusé, cela ne constituerait pas un obstacle au classement de sa propre plainte.

S'agissant de la dénonciation calomnieuse, la cliente de la banque a produit, à l'appui de sa plainte, des pièces aux fins d'établir la différence entre les retraits effectués et les montants reçus. Elle a, par la suite, expliqué avoir été informée par un responsable de la banque qu'une opération visant à débiter EUR 600'000.- de sa police d'assurance-vie avait été bloquée. Sur la base des premiers éléments récoltés par la police – soit en particulier l'audition des différents protagonistes –, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction contre le recourant et les actes menés par la suite ont conduit l'autorité à le déclarer coupable d'abus de confiance. On peut ainsi en conclure que les accusations de la plaignante étaient étayées, de sorte à faire naître, en dépit des "incohérences" soulevées par la police, des soupçons à l'égard du recourant, lesquels se sont avérés en définitive, pour le Ministère public, suffisants pour retenir une culpabilité.

Dans ces circonstances, on peut considérer que la cliente, se fondant en particulier sur ses propres notes qui mettaient en lumière un différentiel entre les montants retirés et ceux obtenus, en tenait le recourant pour responsable au moment de déposer sa plainte, dès lors qu'il était sa personne de contact – et de confiance – au sein de la banque.

Au demeurant, aucun élément au dossier ne permet de retenir qu'elle aurait agi en le sachant innocent. Au contraire, alors qu'elle a été décrite comme "vive d'esprit" et tenant sa propre comptabilité, elle a toujours soutenu, au cours de la procédure, qu'elle ne s'expliquait pas les montants retirés sur son compte, dont elle n'avait perçu qu'une partie, précisant même que le retrait de francs suisses ne lui aurait été d'aucune utilité.

L'élément subjectif de la dénonciation calomnieuse fait ainsi défaut s'agissant de D______. Par voie de conséquence, en l'absence d'une infraction initiale, il n'y a pas de place pour une instigation (art. 24 CP) par les autres prévenus, étant précisé, au demeurant, que la précitée a déclaré avoir décidé seule de porter plainte.

De même, que cette cliente ait cherché à obtenir le remboursement des sommes dont elle estimait avoir été spoliée n'apparaît pas constitutif d'une infraction de contrainte, ni d'extorsion, sachant qu'à teneur du dossier, sa démarche en recouvrement a donné lieu à une simple mise en demeure du recourant.

Dans le même ordre d'idée, on ne saurait reprocher aux autres prévenus d'avoir cherché à convaincre le recourant de rembourser les montants en question, dès lors qu'ils étaient convaincus, selon leurs déclarations, de la responsabilité de celui-ci, en dépit de l'issue de l'enquête interne qui n'avait pas pu déterminer "qui disait la vérité".

Pour le surplus, si le recourant allègue avoir fait l'objet de menaces s'il refusait de s'exécuter, notamment lors d'un entretien téléphonique le 19 octobre 2017 et lors du repas du 25 octobre 2017, la teneur des propos concernés n'a jamais pu être établie et les intéressés ont toujours réfuté avoir menacé le recourant. De même, aucune campagne de dénigrement auprès des clients à l'étranger n'a été démontrée, le courrier produit par le recourant n'étant pas probant à cet égard.

Partant, les éléments constitutifs des infractions d'extorsion, subsidiairement de contrainte, ne sont pas réunis et il n'existe pas de soupçons suffisants pour celle de menaces.

C'est ainsi à raison que le Ministère public a décidé de classer les faits à l'égard des prévenus concernés.

4.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, par suite de l'absence de motivation du rejet de ses réquisitions de preuve.

Or, les actes d'instruction requis visent pour l'essentiel à démontrer son innocence des faits qui lui sont reprochés et aucun acte d'enquête ne paraît susceptible de venir contredire les développements qui précèdent s'agissant de sa propre plainte à l'égard des prévenus.

Par ailleurs, il conserve la possibilité de les réitérer dans le cadre de la procédure qui poursuit son cours le concernant.

Le grief sera, dès lors, rejeté.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 2'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/856/2018

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'915.00

-

CHF

Total

CHF

2'000.00