Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/23559/2022

ACPR/339/2023 du 10.05.2023 sur ONMMP/76/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;ABUS D'AUTORITÉ;DIFFAMATION;MAGISTRAT
Normes : CPP.310; CP.312; CP.173

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23559/2022 ACPR/339/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 mai 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 10 janvier 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 23 janvier 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 10 janvier 2023, notifiée le 13 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte contre la juge B______.

La recourante conclut, préalablement, à l'octroi de l'assistance judiciaire gratuite, et, principalement, à l'annulation de l'ordonnance précitée et à la "reprise" de l'instruction.

b. La recourante a été dispensée du versement de l'avance des sûretés.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et C______ sont les parents de D______, née en 2011. Séparés depuis 2016, ils s'opposent depuis lors dans le cadre de procédures civiles portant sur la garde de l'enfant.

b. Par ordonnance sur mesures super-provisionnelles du 12 décembre 2018, le Président du Tribunal de première instance a retiré à A______ la garde de D______, qui a été confiée de manière exclusive à C______ dès cette date.

Le même jour, C______ est allé récupérer l'enfant à l'école.

c. Par ordonnance du 14 décembre 2018, B______, juge au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après, TPAE), a pris acte de l'ordonnance précitée et confirmé les curateurs de l'enfant au sein du Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi).

d. Le 13 septembre 2022, le TPAE, dans une composition présidée par la juge B______, a fait interdiction à A______ de publier les nom, prénoms et photographies de sa fille sur internet et les réseaux sociaux, et lui a ordonné de supprimer sans délai les anciennes publications comportant pareilles données, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. Le tribunal lui a également rappelé son devoir de se conformer strictement aux modalités du droit de visite et de s'abstenir d'approcher l'établissement scolaire de D______.

e. Le 22 octobre 2022, A______ a déposé plainte contre B______ pour "violation de droits humains et de l'enfant", contrainte, abus d'autorité et atteinte à l'honneur. La magistrate avait permis le "kidnapping" et le changement de domicile de sa fille le 12 décembre 2018, "avant son ordonnance" et sans mise en place. Ce faisant, la juge avait mis en danger le développement de l'enfant, violé "les conventions de droits humains" et porté atteinte à sa dignité (de la plaignante). Son enfant était en danger à cause de "connivences" et passe-droits.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu que la décision rendue par B______ le 14 décembre 2018 avait consisté à prendre acte d'une décision du juge civil et à confirmer l'identité des curateurs de la fille de la recourante, de sorte qu'il n'y avait pas de place pour un quelconque abus d'autorité (art. 312 CP).

L'ordonnance du 13 septembre 2022 était certes susceptible de l'obliger à ne pas faire un acte (art. 181 CP), mais il entrait toutefois précisément dans les compétences du juge de la protection de l'enfant de prendre les mesures qui lui paraissaient justifiées à cet effet (art. 307 al. 3 CC). L'action des magistrats du TPAE, et en particulier de la juge B______, était en tout état couverte par leurs devoirs de magistrats
(art. 14 CP).

Au surplus, il ne voyait pas en quoi la juge B______ aurait porté atteinte à l'honneur de la plaignante (art. 173 CP). Enfin, la violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP) ne saurait trouver application en l'espèce, le juge de la protection de l'enfant ne faisant pas partie du cercle des personnes susceptibles de violer cette disposition.

Faute du moindre indice de commission d'une infraction pénale, il n'y avait pas lieu d'entrer en matière (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. Dans son recours, A______ persiste à soutenir que les infractions mentionnées dans sa plainte étaient réalisées. La juge B______ refusait d'auditionner sa fille, d'écouter les médecins et n'était "pas respectée par les curateurs mais soumis[e] à eux" alors qu'ils étaient "des assistants sociaux incompétents à côté des médecins, [des] juges et [du psychologue]". La magistrate mettait sa fille en danger et avait commis "un génocide" depuis le 12 décembre 2018. En effet, depuis cette date le dossier lui était attribué [au sein du TPAE] et elle n'avait pas prononcé "la nullité absolue" ni n'avait fait quoi que ce soit pour rétablir la justice et l'ordre dans cette affaire. La magistrate avait répété "l'erreur" du juge précédent, "en pire", car elle n'avait pas protégé l'enfant. La juge était "en déni total et en abus d'autorité absolue". En raison de cela, elle ne pouvait voir sa fille aussi souvent qu'elle le souhaitait et l'enfant était contrainte de vivre "comme une orpheline".

Alors qu'aucun psychiatre n'avait posé de diagnostic sur elle, "on" la calomniait, lui reprochant d'être alcoolique, aliénante et dangereuse pour la société et son enfant.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas avoir instruit sa plainte pénale.

3.1. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (let. a). Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 p. 287).

Le principe "in dubio pro duriore" découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 19 al. 1 et 324 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2 et les références). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 ; ATF 137 IV 285 consid. 2.5 p. 288).

3.2. Selon l'art. 219 al. 1 CP, est punissable celui qui aura violé son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il aura ainsi mis en danger le développement physique ou psychique, ou qui aura manqué à ce devoir.

Pour que cette disposition légale soit applicable, il faut d'abord que l'auteur ait eu envers une personne mineure un devoir d'assistance, c'est-à-dire de protection, ou un devoir d'éducation, c'est-à-dire d'assurer le développement – sur le plan corporel, spirituel et psychique – du mineur. Cette obligation et, partant, la position de garant de l'auteur, peut être fondée sur la loi, sur une décision de l'autorité ou sur un contrat, voire sur une situation de fait; ainsi, sont notamment des garants, les parents naturels ou adoptifs, le tuteur, le maître d'école, le responsable d'une institution, le directeur d'un home ou d'un internat, etc (ATF 125 IV 64 consid. 1a p. 68 s. et les références citées).

3.3. À teneur de l'art. 312 CP, commettent un abus d'autorité les membres d’une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge.

3.4. L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon.

La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

3.5. En l'espèce, la recourante reproche, en substance, à la magistrate mise en cause de ne pas avoir annulé l'ordonnance prise par une autre instance le 12 décembre 2018, pour lui restituer la garde de sa fille. Elle critique aussi la manière avec laquelle la juge conduisait la procédure. La recourante dispose toutefois de voies de recours pour s'opposer aux décisions prises par la magistrate, de sorte que les conditions d'un abus de pouvoir ne sont nullement réalisées.

La recourante persiste à soutenir que les conditions de l'art. 219 CP seraient réalisées, sans toutefois discuter la motivation de l'ordonnance querellée sur ce point, de sorte que ce grief est irrecevable (art. 385 al. 1 let. b CPP).

La recourante estime qu'"on" l'a calomniée, mais ce pronom indéfini est insuffisant à désigner la magistrate mise en cause.

4.             Le recours doit ainsi être rejeté.

5.             La recourante a requis le bénéfice de l’assistance judiciaire mais elle n’y a pas droit, son recours étant manifestement voué à l’échec (art. 136 al. 1 let. b CPP).

6.             Les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 400.-, y compris un émolument de décision (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03), seront dès lors mis à sa charge, étant précisé que la décision relative au refus de l'assistance judiciaire est rendue sans frais (art. 20 RAJ).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance judiciaire gratuite.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 400.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23559/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

315.00

 

 

 

Total

CHF

400.00