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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18105/2022

ACPR/201/2023 du 20.03.2023 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 26.04.2023, rendu le 18.07.2023, REJETE, 7B_238/2023
Descripteurs : DÉTENTION(INCARCÉRATION);VISITE
Normes : CPP.235

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18105/2022 ACPR/201/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 20 mars 2023

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de B______, comparant par Me Cédric KURTH, avocat, case postale 187, 1233 Bernex,

recourant,

 

contre la décision du Ministère public du 14 février 2023,

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 16 février 2023, A______ recourt contre la décision du 14 février 2023, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'autoriser la visite de Me Cédric KURTH à la prison de B______.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à ce que Me Cédric KURTH soit autorisé à lui rendre visite en prison "jusqu'à droit jugé sur la procédure pénale entreprise à l'encontre de l'Ordonnance du Ministère public du 10 janvier 2023". À titre de mesures provisionnelles, il conclut à ce que l'avocat précité soit autorisé à lui rendre visite en prison "durant le solde restant des 30 jours du délais [sic] de recours à l'encontre de l'ACPR/112/2023".

b. Le 20 février 2023, la Direction de la procédure, sur mesures provisionnelles, a autorisé une unique visite de Me Cédric KURTH (OCPR/8/2023).

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______ est en détention depuis le 29 juillet 2022, sous l’accusation d’avoir, à Genève, en 2021, avec des complices, brigandé un couple pour dérober la montre de prix que le mari portait au poignet. Par la suite, la police le soupçonnera d’avoir agi pareillement à Bâle, aussi en 2021 (la fixation de for est intervenue le 16 décembre 2022). Pendant la phase d’appréhension policière, il a été vu, à sa demande, par un médecin, qui n’a rien constaté de particulier et lui a remis un médicament à effet bronchodilatateur.

b. Le 31 juillet 2022, le Ministère public lui a nommé, au titre de la défense obligatoire, Me C______.

c. Le 22 novembre 2022, A______ a écrit personnellement au Procureur pour lui dire qu’il rencontrait un "problème" avec son défenseur d’office, parce que celui-ci refusait de remettre le dossier à son nouvel avocat (sans autre précision). Il demandait une copie de la procédure pour qu’il pût la remettre lui-même à celui-là.

d. Consulté, Me C______ a, par courrier du 19 décembre 2022, contesté toute rupture du lien de confiance avec A______.

e. Dans l’intervalle, le 17 décembre 2022, Me Cédric KURTH, à qui le Procureur avait accordé un permis de visite, a fait état par écrit de griefs que lui aurait confiés A______. Le prévenu n’avait pas reçu la visite de Me C______, mais d’un stagiaire, avant une audience d’instruction ; n’était pas encore en possession d’une copie du dossier, au motif qu’il eût fallu selon le défenseur d’office "payer CHF 300.-" ; avait demandé depuis trois mois à son défenseur de "récupérer" son dossier au Service médical de la prison, alors que ledit Service attendait "un titre de procuration déliant du secret médical", en conséquence de quoi il s’était ravisé et avait refusé de signer pareil document préparé par Me C______. Enfin, celui-ci avait fallacieusement affirmé à A______ que, s’il choisissait Me KURTH, la seule "solution" serait qu’il rémunérât [lui-même] cet avocat.

f. Par courrier du 23 décembre 2023, Me C______ a contesté les accusations de A______ à son encontre.

g.a. Par ordonnance du 10 janvier 2023, le Ministère public a refusé de relever MC______ de sa mission de défenseur d'office, aux motifs que la relation de confiance entre ce dernier et A______ n’apparaissait pas gravement perturbée et qu’une défense efficace de celui-ci restait assurée.

g.b. Le 20 janvier 2023, Me Cédric KURTH, au nom de A______, a formé recours contre ladite ordonnance. À l'appui de son recours, il a produit une procuration en sa faveur, signée par A______, concernant la procédure de recours contre l'ordonnance de refus de changement d'avocat d'office.

g.c. Par arrêt ACPR/112/2023 rendu le 13 février 2023, la Chambre de céans a rejeté le recours formé par A______ contre l'ordonnance du 10 janvier 2023. En substance, les griefs du recourant à l'encontre de son conseil d'office ne permettaient pas de retenir une rupture du lien de confiance ni que la défense du précité n'était pas adéquatement assurée par Me C______.

h. Par courriel du 11 février 2023, Me Cédric KURTH a requis l'autorisation de rendre visite à A______. Il avait reçu de ce dernier un courriel manuscrit "désespéré", dont ressortait l'impression générale que le lien de confiance entre celui-ci et son conseil d'office n'était pas rétabli.

C. Par décision du 14 février 2023, le Ministère public a refusé de donner suite à la demande de Me Cédric KURTH de "n'empêche" pour aller rendre visite à A______, aux motifs que l'avocat précité n'était pas le défenseur d'office de celui-ci, ce qui avait été confirmé par la Chambre pénale de recours (ACPR/112/2023), et que rien n'empêchait A______ de charger le conseil juridique de son choix de sa défense privée.

D. a. Dans son recours, A______ soutient que Me Cédric KURTH étant son avocat de choix dans le cadre du recours contre l'ordonnance du Ministère public du 10 janvier 2023, confirmé par la Chambre de céans dans son ACPR/112/2023 du 13 février 2023, il devait pouvoir s'entretenir avec son avocat en vue de préparer un éventuel recours contre ledit arrêt. À cela s'ajoutait que ses courriers étaient difficilement lisibles, car il ne maîtrisait pas le français écrit, rendant d'autant plus importante une rencontre avec son avocat de choix. Le refus du Ministère public d'accorder à Me Cédric KURTH une visite de son client violait le droit à un procès équitable au sens des art. 29 al. 1 Cst. et 6 CEDH ainsi que son droit à "conférer librement" avec son défenseur (art. 32 al. 2 Cst et 6 par. 3 let. c CEDH).

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.              Les décisions relatives à l’exécution de la détention avant jugement et qui ne portent pas directement sur les relations avec le défenseur, au sens de l’art. 235 al. 4 CPP – tel le refus d’une autorisation de visite à un tiers – sont sujettes à recours selon les modalités prévues par le droit cantonal (art. 235 al. 5 CPP), soit en l’occurrence auprès de la Chambre de céans (art. 30 al. 1 de la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 27 août 2009 – LaCP; RS E 4 10), qui appliquera les art. 379 à 397 CPP par analogie (art. 30 al. 2 LaCP).

Le recours ayant été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et émanant du prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de celle-ci (art. 382 al. 1 CPP), il est recevable.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Toute personne accusée doit être mise en état de faire valoir les droits de la défense, ce qui comprend le droit d'être assisté d'un défenseur à tout moment (art. 32 al. 2 in fine Cst.). Ce droit implique que le prévenu en détention peut communiquer librement avec son défenseur et sans que le contenu de leurs échanges soit contrôlé, sous réserve d'un risque fondé d'abus ouvrant la voie à une limite temporaire des relations du prévenu avec son défenseur (art. 235 al. 4 CPP; art. 36 al. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 [RRIP - F 1 50.04]). Les dispositions précitées visent à garantir au prévenu un procès équitable au sens des art. 32 al. 2 Cst. in fine et 6 par. 3 let. b et c CEDH (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du CPP, Bâle 2019, n. 14 ad art. 235 CPP).

3.2. En l'espèce, le recourant est assisté d'un défenseur d'office avec lequel il peut communiquer sans entrave. En plus de sa défense pénale, il a confié à Me Cédric KURTH un mandat, circonscrit à la contestation de l'ordonnance du 14 février 2023 de refus de changement du défenseur d'office. Ce mandat ne confère pas à l'avocat la qualité de défenseur au sens de l'art. 235 al. 4 CPP, de sorte que le recourant ne peut se prévaloir de cette dernière disposition ni des garanties découlant des art. 32 Cst. et 6 CEDH, applicables à la procédure pénale. Dans le cadre du mandat confié à Me KURTH, à savoir l'examen de l'opportunité de déposer un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt rendu le 13 février 2023 par la Chambre de céans en matière de changement de défenseur d'office, un unique entretien avec son conseil a été accordé sur mesures provisionnelles, ce qui paraît suffisant à assurer une défense de qualité, y compris pour clarifier d'éventuels malentendus ressortant de la correspondance échangée entre le recourant et son conseil de choix. La cause – limitée au refus de changement du défenseur d'office – ne présente en effet aucune difficulté, de sorte que des entretiens supplémentaires ne présentent pas d'utilité. Le recourant ne prétend du reste pas le contraire, se limitant, dans son acte, à contester le refus de principe qui lui a été opposé par le Ministère public. Pour le surplus, les garanties de procédure en matière pénale, en particulier les art. 32 al. 2 Cst et 6 CEDH, n'impliquent pas le droit, pour la personne détenue, de communiquer avec n'importe quel représentant juridique, en tout temps et sans entrave, à propos de questions juridiques secondaires par rapport à la procédure pénale proprement dite et aux garanties offertes par celle-ci, au vu de la présence d'un défenseur d'office.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

4. Infondé, le recours doit être rejeté. Partant, l'ordonnance querellée sera confirmée, sous réserve des mesures provisionnelles prononcées par la Chambre de céans.

5. Le recourant, qui ne succombe que partiellement au vu des mesures provisionnelles prises, supportera la moitié des frais envers l'État (soit CHF 500.-), fixés en totalité à CHF 1'000.-, l'autre moitié étant laissée à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6. 6.1. Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, cette indemnisation visant les frais de la défense de choix (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 12 ad art. 429). En application de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine donc d'office celles-ci et peut enjoindre l'intéressé de les chiffrer et de les justifier.

6.2. En l'espèce, le recourant conclut à des dépens qu'il n'a pas chiffrés. Eu égard à l'écriture de recours, de sept pages, pages de garde et conclusions comprises, dont seules quatre concernent l'exposé en droit, à l'absence de difficulté de la cause et au succès partiel obtenu, une indemnité ex aequo et bono de CHF 500.- TTC, à la charge de l'État, sera allouée.

7. Conformément à l'art. 442 al. 4 CPP, ce montant sera compensé avec celui des frais mis à la charge du recourant

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-, soit CHF 500.-, et en laisse l'autre moitié à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 500.- TTC, à titre de dépens réduits.

Dit que les frais de CHF 500.- dus par A______ seront compensés avec les CHF 500.- qui lui ont été alloués ci-dessus.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui Me Cédric KURTH, et au Ministère public.

Le communique pour information à Me C______.

Siégeant :

 

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

P/18105/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

1'000.00