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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21892/2022

ACPR/196/2023 du 16.03.2023 sur OTDP/2255/2022 ( TDP ) , ADMIS

Descripteurs : OPPOSITION TARDIVE;PREUVE
Normes : CPP.396; CPP.85

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21892/2022 ACPR/196/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 mars 2023

Entre

 

A______, domiciliée ______, France, comparant en personne,

recourante,

 

contre l'ordonnance rendue le 11 novembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève, case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

intimés.


Vu :

-          l'ordonnance pénale n° 1______ du 29 mars 2022 du Service des contraventions (ci-après : SdC), condamnant A______, notifiée par pli recommandé le 31 mars 2022 à l'adresse rue 2______ no. ______, à B______/France;

-          le rappel du 24 mai 2022 du SdC envoyé à la même adresse;

-          l'opposition formée par courrier expédié de France le 20 juin 2022, par laquelle A______, mentionnant son adresse à la rue 3______, no. ______ à C______/France, déclare avoir vendu le véhicule visé par la décision pénale, le 26 janvier 2022, certificat de cession à l'appui mentionnant l'adresse de l'intéressée route 4______ no. ______ à D______/France;

-          l'ordonnance sur opposition tardive du 14 octobre 2022, par laquelle le SdC a transmis la cause au Tribunal de police, afin qu'il statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition, tout en concluant à l'irrecevabilité de cette dernière, formée hors délai;

-          l'interpellation faite par le Tribunal de police à A______ de se déterminer sur la question de la recevabilité de son opposition et envoyée à l'adresse de B______; l'absence de réponse de l'intéressée;

-          l'ordonnance du Tribunal de police du 11 novembre 2022, distribuée à A______
le 18 suivant à l'adresse de B______, constatant l'irrecevabilité de l'opposition pour cause de tardiveté et disant que l'ordonnance pénale n°1______ du 29 mars 2022 est assimilée à un jugement entré en force;

-          le recours formé par A______ posté de France le 25 novembre 2022 et parvenu à la Poste suisse, selon le suivi de celle-ci, le 30 suivant;

-          les observations du SdC du 16 décembre 2022 et du Tribunal de police qui s'en remettent à justice;

-          la réplique de la recourante qui persiste.

 

Attendu que :

-          dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police retient que l'ordonnance pénale ayant été valablement notifiée le 31 mars 2022, le délai pour y former opposition arrivait à échéance le 11 avril 2022. Expédiée de France le 20 juin 2022, l'opposition avait été faite après l'expiration du délai de 10 jours;

-          la recourante confirme que son adresse était à C______ et que celle de B______ était l'adresse de ses parents qui ne lui avaient pas remis le courrier dans les temps. Elle se prononce encore une fois sur le fond de l'affaire;

-          le SdC communique les informations qu'il avait reçues du Centre de coopération policière et douanière franco-suisse (ci-après, CCPD) le 14 décembre 2022, selon lesquelles la dernière adresse enregistrée (30 mars 2022) dans les fichiers français pour A______ était celle à D______/France. À la suite des recherches effectuées par leur secteur "enquêtes adresses", les informations figurant dans le système d'information central sur la migration (SYMIC) mentionnaient que A______ avait été domiciliée à l'adresse de B______/France jusqu'au 30 juin 2020 et, à partir du 1er juillet 2020, à celle de D______/France;

-          ce service a ainsi constaté que l'ordonnance pénale n'avait pas été valablement notifiée à A______ et que le délai d'opposition n'avait commencé à courir qu'au moment où elle avait pu en prendre connaissance, soit lorsque ses parents la lui avaient transmise, à une date non précisée.

 

Considérant que :

-          à teneur de l'art. 396 al. 1 CPP, le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours;

-          selon l'art. 85 CPP, sauf disposition contraire du CPP, les communications des autorités pénales sont notifiées en la forme écrite (al. 1); les autorités pénales notifient leurs prononcés – dont les ordonnances (cf. art. 80 al. 1 2ème phrase CPP) – par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police (al. 2);

-          toute communication doit être notifiée au domicile, au lieu de résidence habituelle ou au siège du destinataire (art. 87 al. 1 CPP); les parties et leur conseil qui ont leur domicile, leur résidence habituelle ou leur siège à l'étranger sont tenus de désigner un domicile de notification en Suisse, les instruments internationaux prévoyant la possibilité de notification directe étant réservés (art. 87 al. 2 CPP); 

-          de jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification et de la date de celle-ci incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L'autorité supporte donc les conséquences de l'absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu'il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l'envoi. La preuve de la notification peut néanmoins résulter d'autres indices ou de l'ensemble des circonstances, par exemple un échange de correspondance ultérieur ou le comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1212/2020 du 9 février 2021 consid. 1.1);

-          aux termes de l'art. 356 CPP – applicable en matière de contraventions (art. 357 al. 2 CPP) –, lorsqu'il décide de maintenir l'ordonnance pénale, le SdC transmet sans retard le dossier au tribunal de première instance en vue des débats, et le Tribunal de police statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

-          en l'espèce, il ressort des informations du CCPD que A______ n'était plus domiciliée à l'adresse à laquelle la décision querellée a été notifiée;

-          la recourante indique que l'ordonnance pénale a été adressée à son ancienne adresse, sa nouvelle adresse ayant déjà été mentionnée dans son opposition à celle-ci, et que ses parents la lui avaient remise tardivement, sans plus de précision;

-          il ressort des informations du CCPD [centre de coopération policière et douanière] que la recourante n'était plus domiciliée à l'adresse de B______ lorsque la décision dont est recours a été distribuée à ses parents; faute de pouvoir établir la date exacte à laquelle l'intéressée a pris connaissance du jugement, la charge de la preuve incombant à la Chambre de céans, le recours est recevable;

-          pour les mêmes motifs, il convient de retenir que le SdC, pas plus que le Tribunal de police, ne sont en mesure de déterminer la date à laquelle le délai pour former opposition a commencé à courir, de sorte que cette dernière ne peut être considérée comme tardive;

-          fondé, le recours doit être admis. Partant, l'ordonnance querellée sera annulée et
la cause retournée au Tribunal de police pour la suite de la procédure;

-          l'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours, annule l'ordonnance du Tribunal de police du 11 novembre 2022 et lui renvoie la cause pour suite de la procédure.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt, en copie, à A______, au Service des contraventions et au Tribunal de police.

Le communique pour information au Ministère public.

 

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).