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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/90/2022

ACPR/179/2023 du 13.03.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Descripteurs : RÉCUSATION
Normes : CPP.56; CPP.58

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/90/2022 ACPR/179/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 13 mars 2023

 

Entre

 

A______, domicilié ______, comparant par Me Cédric KURTH, avocat, boulevard James-Fazy 3, case postale 187, 1233 Bernex,

requérant,

 

et

 

B______, Procureure, p.a. Ministère public, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 13 décembre 2022, intitulé "Complément à demande de récusation (art. 56 lit. f CPP) du 19.08.2022 et nombreux compléments y relatifs", A______ sollicite la récusation de la Procureure B______, en charge de l'instruction de la procédure P/1______/2018.

b. Cette demande a été communiquée par pli du 19 décembre 2022 à la magistrate précitée, qui a formulé ses observations le 11 janvier 2023.

c. Par pli recommandé du lendemain, notifié à A______ le 16 janvier 2023, la Direction de la procédure de la Chambre de céans lui a imparti un délai de cinq jours dès réception pour déposer ses observations éventuelles, étant précisé que son silence serait considéré comme valant renonciation à cette faculté.

d. A______ a répliqué le lundi 23 janvier 2023.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, gynécologue, est prévenu depuis le 13 avril 2019, dans la P/1______/2018, d'actes d'ordre sexuel sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP) voire de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), subsidiairement d'abus de détresse (art. 193 al. 1 CP), au préjudice de neuf patientes, commis entre 14 novembre 2008 et le 11 février 2019.

Il lui est également reproché des infractions d'actes d'ordre sexuel (art. 187 CP) et de contrainte sexuelle (art. 189 CP) perpétrés à son domicile de C______ en France, entre 2006 et 2007, au préjudice d'une camarade de sa fille, alors âgée d'environ 8 ou 9 ans. Le 12 août 2022, l'instruction a été étendue à ces infractions.

Il lui est en outre reproché d'avoir, le 1er novembre 2017 à Genève, conduit en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 1 let. a LCR).

Le précité est encore prévenu de lésions corporelles simples (art. 123 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP), violences contre les fonctionnaires (art. 285 CP), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP), violation grave des règles sur la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a LCR), violation des obligations en cas d'accident (art. 92 LCR), conduite malgré une incapacité (art. 91 al. 2 let. b LCR) et délit à la LStup (art. 19 al. 1 let. b, c et d LStup) pour avoir, le 7 janvier 2022 à Genève, conduit sous l'emprise de cocaïne et commis de multiples infractions à la LCR.

Il lui est enfin reproché d'avoir consommé régulièrement et sans droit de la cocaïne, entre août 2021 et août 2022, à des dates indéterminées (art. 19a al. 1 LStup).

b. Arrêté le 12 avril 2019, A______ a été remis en liberté sous mesures de substitution le surlendemain par le TMC. Sur recours du Ministère public, la Chambre de céans a, par arrêt du 2 mai 2019 (ACPR/312/2019), ordonné la mise en détention provisoire du prévenu jusqu'au 13 juin 2013. Dite détention provisoire a ensuite été régulièrement prolongée jusqu'au 15 octobre 2019. Par ordonnance du 11 octobre 2019, le TMC a mis l'intéressé en liberté moyennant un certain nombre de mesures de substitution destinées à pallier les risques de fuite, collusion et récidive, dont l'interdiction d'exercer une activité en gynécologie et obstétrique au contact de patientes, qui ont été régulièrement prolongées jusqu'au 8 janvier 2023.

Par ordonnance du 9 janvier 2022 (OTMC/39/2022), rendue dans le cadre de la procédure P/487/2022 désormais jointe à la présente procédure, le TMC a aussi ordonné des mesures de substitution à l'endroit du prévenu, lesquelles ont été prolongées jusqu'au 8 janvier 2023, dont l'interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur; l'interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants; l'obligation de se soumettre à des contrôles inopinés d'abstinence; l'obligation de se présenter au SPI le jour ouvrable suivant sa libération et de suivre les règles ordonnées par ce service dans le cadre du suivi des mesures de substitution.

Il était relevé par le TMC que selon les experts psychiatres, il existait un risque de récidive faible de commissions d'infraction à caractère sexuel, ceux-ci ayant précisé lors de l'audience du 21 avril 2021 que le fait pour le prévenu de ne plus exercer sa profession était un facteur protecteur majeur et que si celui-ci devait être absent, le risque de récidive devrait être qualifié de moyen à élevé. Par ailleurs, un rapport du SPI du 1er juillet 2022 mentionnait que A______ avait présenté une consommation excessive et régulière d'alcool durant les deux à trois semaines précédant son contrôle auprès du CURML, ce qui signifiait que le prévenu avait violé les mesures de substitution ordonnées, comportement venant renforcer le risque de récidive. Les nouvelles mesures ordonnées apparaissaient aptes et adéquates pour diminuer les risques présentés par le prévenu.

c. Le 12 octobre 2022, A______ a sollicité du Ministère public la levée partielle des mesures de substitution suivantes : interdiction de conduire tout type de véhicule à moteur jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure; interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants; obligation de se soumettre à des contrôles inopinés d'abstinence.

d. Le Ministère public a refusé de faire droit à cette requête.

e. Par ordonnance du 18 octobre 2022, le TMC a également refusé d'accéder à la demande du prévenu.

f. A______ a recouru contre cette décision.

g. Dans son rapport du 6 décembre 2022 au Ministère public, le SPI lui indique que le prévenu a manqué ses rendez-vous des 7 et 14 octobre 2022 (en raison de son hospitalisation à D______). Il ne s'était pas non plus présenté au CURML les 18 et 25 novembre 2022 et avait reporté son rendez-vous prévu le 29 novembre au 2 décembre 2022.

h. À teneur du rapport d'analyse toxicologique du CURML du même jour, les échantillons de sang du prévenu faisaient état d'une consommation excessive d'éthanol pendant les 2 à 3 semaines ayant précédé le prélèvement.

i. Le 7 décembre 2022, en début d'audience, B______ a ordonné l'arrestation du prévenu.

Interrogé sur sa situation personnelle depuis son arrestation le 7 janvier 2022, A______ a déclaré : "Actuellement, j'essaie de survivre. Je suis extrêmement déprimé". Il avait refusé d'être hospitalisé début 2022, ne réalisant pas la gravité de son état. En juillet 2022, il s'était rendu à l'évidence. Il était sorti de la clinique E______ en septembre 2022 mais n'était plus rentré au domicile conjugal. Il vivait actuellement à l'hôtel. Son moral n'était pas bon et il prenait énormément de médicament. Il n'avait plus aucune relation avec son épouse et ses filles. Depuis le prononcé des mesures de substitution du 9 janvier 2022, il lui était arrivé de boire, mais ce n'était plus le cas. Interrogé sur le rapport du SPI du 6 décembre 2022, il évoquait avoir peut-être manqué ses rendez-vous en raison de son humeur labile et de crises d'angoisses. Il ne s'expliquait pas les résultats positifs à l'éthanol; il n'avait rien bu. Les tests devaient être très sensibles. Il était suivi par le Dr F______, psychiatre, avec lequel il s'entendait très bien.

À teneur du procès-verbal d'audience, la Procureure a indiqué au prévenu que les mesures de substitution avaient été violées en octobre et novembre, soit récemment, et non pas pendant la période d'hospitalisation à E______. Elle entendait proposer au TMC d'ordonner sa détention provisoire aux motifs suivants : violation des mesures de substitution, risques de fuite et de réitération.

Le prévenu a manifesté son désaccord, proposant notamment la production d'une attestation de suivi psychiatrique. Il souhaitait faire seulement l'objet d'un avertissement.

j. Le même jour, le Ministère public a sollicité du TMC la mise en détention provisoire du prévenu.

k. À l'audience du 9 décembre 2022 devant le TMC, A______ a admis avoir consommé de l'alcool et des stupéfiants nonobstant l'interdiction ordonnée car il avait fait une grave dépression ayant nécessité son hospitalisation à la clinique E______, du 13 juillet au 6 septembre 2022, et s'était séparé de son épouse. Concernant les rendez-vous manqués avec le SPI les 2 août, 9 septembre, 7 octobre et 14 octobre 2022, il était soit hospitalisé soit avait éventuellement oublié. Après son hospitalisation à la clinique E______, il avait été hospitalisé à D______, du 13 au 23 ou 24 octobre 2022. Durant cette période, il était perturbé et désordonné dans la gestion de son agenda. Ensuite de sa séparation d'avec son épouse, il s'était mis à boire de façon compulsive, ce qui avait conduit à cette nouvelle hospitalisation. Il ne consommait plus qu'un verre de vin ou deux en mangeant, une ou deux fois par semaine et n'avait consommé qu'à une seule reprise de la cocaïne, plusieurs semaines auparavant. Il avait commencé un suivi avec le Dr F______, psychiatre, à sa sortie de D______. Il s'engageait dorénavant solennellement à respecter les mesures de substitution à l'avenir. Il allait en effet un peu mieux et cela baissait le risque qu'il consomme à nouveau. Il sollicitait sa mise en liberté provisoire immédiate, avec toutes les mesures de substitution que le Tribunal jugerait utiles.

l. Par ordonnance du 9 décembre 2022, le TMC a considéré qu'il existait toujours un risque de fuite concret, possiblement sous la forme d'une disparition dans la clandestinité, le prévenu vivant désormais à l'hôtel, à la suite de la séparation d'avec son épouse. Dit risque pouvait cependant être pallié par les sûretés versées et l'obligation de déférer aux convocations du pouvoir judiciaire.

Le risque de collusion demeurait élevé avec les parties plaignantes et les témoins.

Quant au risque de réitération, il était tangible, au vu de l'état psychique actuel du prévenu, qu'il avait lui-même décrit comme déplorable à l'audience du 7 décembre 2022.

Il était constaté que l'intéressait omettait régulièrement de se présenter à ses rendez-vous au SPI ainsi qu'aux contrôles inopinés du CURML. Le résultat des analyses de prélèvements du CURML démontrait par ailleurs une consommation importante voire quotidienne et excessive d'alcool, ce que réfutait jusqu'alors l'intéressé, expliquant le résultat des tests par le fait que ces derniers seraient trop sensibles. Le résultat des analyses faisait également état d'une consommation de cocaïne. Par courriers des 4 juillet et 9 août 2022, il lui avait été rappelé qu'il devait se conformer aux mesures de substitution ordonnées. Convoqué une nouvelle fois le 13 octobre 2022 pour être entendu sur la violation des mesures de substitution, il ne s'était pas présenté par-devant le Ministère public. Il reconnaissait cependant aujourd'hui la violation de l'interdiction de consommer de l'alcool et de la cocaïne, qu'il mettait notamment en lien notamment avec l'épreuve supplémentaire que constituait pour lui la séparation d'avec sa femme, ainsi que ne pas s'être présenté à certaines convocations du SPI et du CURML. Depuis sa sortie de la clinique D______, il était régulièrement suivi par un psychiatre et poursuivait son traitement médicamenteux. Il s'était en outre engagé formellement à respecter scrupuleusement à l'avenir les mesures de substitution qui lui seraient imposées. Enfin, il ne ressortait pas du dossier qu'il aurait récidivé dans la commission d'infractions pénales depuis le prononcé des mesures de substitution du 9 janvier 2022, hormis la consommation de stupéfiants. Partant, des mesures de substitution, ordonnées jusqu'au 8 juin 2023, pouvaient pallier aux risques susénoncés.

m. Par arrêt du 24 janvier 2023 (ACPR/66/2023), la Chambre de céans a rejeté le recours formé par A______ contre cette ordonnance ainsi que contre celle rendue par le TMC le 18 octobre 2022.

Un recours est pendant auprès du Tribunal fédéral.

n. Préalablement, A______ a, le 9 mai 2019, déposé une première requête de récusation contre B______, complétée le 23 mai suivant, laquelle a été rejetée par arrêt du 25 juin 2019 de la Chambre de céans (ACPR/472/2019).

o. Une deuxième requête de récusation contre la précitée, déposée le 15 juillet 2019, a été rejetée par arrêt de la Chambre de céans du 6 septembre 2019 (ACPR/686/2019).

p. Une troisième requête de récusation contre la Procureure, déposée le 3 décembre 2020, a été rejetée par arrêt de la Chambre de céans du 5 février 2021 (ACPR/75/2021), confirmé par le Tribunal fédéral le 10 mai 2021 (1B_128/2021).

q. Par acte expédié le 19 août 2022, complété les 24 août, 29 août et 5 septembre 2022, A______ a sollicité, sous suite de dépens, une nouvelle fois, la récusation de B______.

r. Par arrêt du 16 décembre 2022 (ACPR/882/2022), la Chambre de céans a rejeté sa demande.

Un recours est pendant auprès du Tribunal fédéral.

C. a. À l’appui de sa requête, A______ reproche à la Procureure d'avoir ordonné son arrestation à l'audience du 7 décembre 2022, respectivement sollicité le même jour du TMC son placement en détention provisoire, et ce faisant, d'avoir été imperméable à sa souffrance. Son état nécessitait des soins et non une détention carcérale, alors qu'il n'avait pas commis d'infractions pénales depuis onze mois. Ce prononcé était "choquant, d'évidence démesuré et inadéquat". Il augmentait encore le doute de prévention à l'égard de la magistrate, laquelle faisait l'objet d'une procédure de récusation depuis août 2022. Il ressentait cette attitude comme une "aversion " pour lui. Ce n'était que devant le TMC qu'il avait été entendu et immédiatement libéré, après deux jours de privation de liberté. Il n'existait pas de risque de récidive (il n'exerçait plus professionnellement, ne recevait plus les camarades de ses filles à la maison, celles-ci étant majeures, et n'avait plus de voiture), ni de risque de fuite, contrairement à l'avis de la magistrate. Cette dernière voulait lui interdire toute consommation d'alcool alors que cette substance n'était pas en cause dans les évènements du 7 janvier 2022. Enfin, la décision de la magistrate avait été prise avant même que la Chambre pénale de recours ne statue sur son recours en lien avec la levée des mesures de substitution.

b. Dans ses observations, B______ conclut au rejet de la demande, sous suite de frais. À teneur des rapports du SPI des 1er juillet, 8 août, 7 octobre et 6 décembre 2022, le prévenu omettait régulièrement de se rendre à ses rendez-vous ainsi qu'aux contrôles inopinés du CURML. Les résultats des analyses de prélèvements démontraient une consommation importante et excessive d'alcool ainsi qu'une consommation de cocaïne. Le suivi psychologique ordonné par le TMC n'avait pas pu être mis en place par le SPI. Le dernier rapport du SPI datait du 6 décembre 2022. Elle contestait que l'arrestation du prévenu ait ainsi été trop tardive. Plusieurs avertissements avaient en outre été formulés à l'endroit de l'intéressé. On ne pouvait dès lors parler de démesure manifeste, le principe de la proportionnalité ayant été respecté. Elle avait formellement procédé à l'arrestation du prévenu en début d'audience du 7 décembre 2022 et sollicité sa détention provisoire auprès du TMC en raison des multiples violations des mesures de substitution uniquement. Ce faisant, elle avait simplement exercé les prérogatives conférées par sa fonction. Les griefs en lien avec l'absence de risques de récidive et fuite devaient s'examiner dans le cadre des recours contre les ordonnances du TMC et non sous l'angle de la récusation.

c. Dans sa réplique, le précité "déplore" que la Chambre de céans n'ait pas tenu compte, dans son arrêt du 16 décembre 2022, de la présente demande, laquelle constituait "l'apogée des contraintes qu'entendait [lui] imposer la Magistrate mis en cause". Le TMC avait constaté l'illégalité de la mise en détention sollicitée. C'était à tort que la Procureure avait prétendu qu'il n'existait pas de mesures de substitution à la détention. Compte tenu de son recours interjeté contre l'arrêt du 16 décembre 2022, il sollicitait la suspension de la PS/90/2022 jusqu'à droit jugé sur la récusation de la magistrate mise en cause.

D. Par ordonnance présidentielle du 10 février 2023 (1B_33/2023), la requête de mesures provisionnelles formée par A______ dans le cadre de son recours contre l'arrêt du 16 décembre 2022 (ACPR/882/2022), tendant à ce que le Tribunal fédéral suspende la procédure cantonale PS/90/2022 jusqu'à droit jugé sur le recours et dise que le recourant n'avait pas à déposer ses observations sur les déterminations de la Procureure dans le délai fixé au 23 janvier 2023 et que son silence ne devait pas être considéré comme valant renonciation à cette faculté, a été rejetée.

EN DROIT :

1.             Partie à la procédure P/1______/2018, en tant que prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP), le requérant a qualité pour agir (art. 58 al. 1 CPP), et la Chambre de céans est compétente pour connaître de sa requête, dirigée contre un membre du ministère public (art. 59 al. 1 let. b CPP et 128 al. 2 let. a LOJ).

2.             2.1. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation. En revanche, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2 et les arrêts cités).

2.2. Lorsque seule l'accumulation de plusieurs incidents fonde l'apparence d'une prévention, il doit être tenu compte, dans l'examen de l'éventuel caractère tardif d'une requête de récusation, du fait que le requérant ne puisse réagir à la hâte et doive, le cas échéant, attendre afin d'éviter le risque que sa requête soit rejetée. Il doit ainsi être possible, en lien avec des circonstances nouvellement découvertes, de faire valoir des faits déjà connus, si seule une appréciation globale permet d'admettre un motif de récusation, bien qu'en considération de chaque incident pris individuellement, la requête n'aurait pas été justifiée. Si plusieurs occurrences fondent seulement ensemble un motif de récusation, celle-ci peut être demandée lorsque, de l'avis de l'intéressé, la dernière de ces occurrences constitue la "goutte d'eau qui fait déborder le vase". Dans un tel cas toutefois, l'examen des événements passés, dans le cadre d'une appréciation globale, n'est admis que pour autant que la dernière occurrence constitue en elle-même un motif de récusation ou à tout le moins un indice en faveur d'une apparence de prévention (arrêt du Tribunal fédéral 1B_118/2020 du 27 juillet 2020 consid. 3.2).

2.3.1. En l'espèce, la requête a été formée six jours après que B______ ait ordonné l'arrestation du prévenu, respectivement sollicité sa mise en détention provisoire auprès du TMC. Partant, elle n'est pas tardive.

2.3.2. En tant qu'elle se fonde sur un motif de récusation distinct de ceux soulevés dans la demande de récusation du 19 août 2022 et ses compléments des 24 août, 29 août et 5 septembre 2022 – laquelle a été rejetée par arrêt du 16 décembre 2022 (ACPR/882/2022) –, il y a lieu de l'examiner pour elle-même, quand bien même le requérant verrait dans le motif invoqué un point culminant dans l'attitude de la citée à son égard. Partant, il ne sera pas fait droit à sa demande visant à suspendre la présente procédure jusqu'à droit jugé sur son recours interjeté au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité.

3. Par pli du 19 décembre 2022, la citée a été invitée à se déterminer sur la demande, ce qu'elle a fait le 11 janvier 2023. Le requérant a été nanti desdites observations et invité à son tour à éventuellement répliquer, ce qu'il a fait le lundi 23 janvier 2023, soit dans le délai imparti (cf. art. 90 al. 2 CPP). Son droit d'être entendu a ainsi été dûment respecté.

4. 4.1. À teneur de l'art. 56 let. f CPP, toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs que ceux évoqués aux lettres a à e de cette disposition, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention. Cette disposition correspond à la garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 Cst. et 6 CEDH. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles de l'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 143 IV 69 consid. 3.2).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1, p. 609; arrêt de la CourEDH Lindon, § 76). Il y a prévention lorsque le magistrat donne l'apparence que l'issue du litige est d'ores et déjà scellée, sans possibilité de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction de l'opinion précédemment exprimée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_425/2017 du 24 octobre 2017 consid. 3.4). Un seul comportement litigieux peut suffire à démontrer une apparence de prévention, ce qu'il faut apprécier en fonction des circonstances (cf. l'arrêt 1C_425/2017 précité, consid. 3.3).

L'inimitié au sens de l'art. 56 let. f CPP exige un rapport négatif prononcé à l'égard d'une partie, qui s'écarte des comportements sociaux habituels ("sozial Üblichen") et, d'un point de vue objectif, est de nature à influencer le magistrat à l'égard d'une partie et de la procédure. L'inimitié sous-entend des tensions personnelles considérables, des désaccords graves, voire une aversion prononcée de la part du magistrat. Il importe de déterminer si le bon déroulement de la procédure est compromis et si le magistrat est encore capable de conduire la procédure de manière impartiale (ATF 133 I 1 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_214/2016 du 28 juillet 2016 consid. 3.3 et les références citées ; 1B_189/2013 du 18 juin 2013 consid. 2.2/3.1).

4.2. Selon l'art. 61 CPP, le ministère public est l'autorité investie de la direction de la procédure jusqu'à la mise en accusation. À ce titre, il doit veiller au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP). Durant l'instruction il doit établir, d'office et avec un soin égal, les faits à charge et à décharge (art. 6 CPP); il doit statuer sur les réquisitions de preuve et peut prendre des décisions quant à la suite de la procédure (classement ou mise en accusation), voire rendre une ordonnance pénale pour laquelle il assume une fonction juridictionnelle. Dans ce cadre, le ministère public est tenu à une certaine impartialité même s'il peut être amené, provisoirement du moins, à adopter une attitude plus orientée à l'égard du prévenu ou à faire état de ses convictions à un moment donné de l'enquête. Tout en disposant, dans le cadre de ses investigations, d'une certaine liberté, le magistrat reste tenu à un devoir de réserve. Il doit s'abstenir de tout procédé déloyal, instruire tant à charge qu'à décharge et ne point avantager une partie au détriment d'une autre (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.2 p. 179; 138 IV 142 consid. 2.2.1 p. 145).

En tant que direction de la procédure (art. 61 CPP), l'attitude et/ou les déclarations du procureur ne doivent pas laisser à penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art. 6 et 10 CPP ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_430/2015 du 5 janvier 2016 consid. 3.2 = SJ 2017 I 50 ; 1B_384/2017 du 10 janvier 2018 consid. 4.3).

4.3. Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que la personne en cause est prévenue ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1). Autre est la question lorsque de telles erreurs dénotent un manquement grave aux devoirs de la charge, un préjugé au détriment d'une des parties à la procédure ou un manque de distance et de neutralité (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2014. n. 59 ad art. 56 CPP).

4.4. En l'espèce, le requérant reproche à la citée d'avoir procédé à son arrestation à l'audience du 7 décembre 2022 et sollicité, le même jour, sa détention provisoire auprès du TMC, pour des motifs fallacieux et alors qu'il n'avait commis aucune nouvelle infraction depuis le 7 janvier 2022.

Or, il ressort de la procédure que le requérant a au contraire, à plusieurs reprises, enfreint les mesures de substitution qui avaient été ordonnées par le TMC, ce que les derniers rapports du SPI du 6 décembre 2022 et d'analyse toxicologique du CURML du 7 décembre 2022 ont confirmé, malgré ses dénégations.

Le TMC a, au demeurant, également constaté, dans son ordonnance du 9 décembre 2022, la violation par le prévenu des mesures de substitution. Il a en outre confirmé l'existence d'un risque de fuite et d'un risque de récidive lié à l'état psychologique actuel du prévenu.

Le requérant ne saurait ainsi prétendre que ce serait sur la base de motifs erronés que la citée a décidé de procéder à son arrestation à l'audience du 7 décembre 2022 et de solliciter du TMC sa mise en détention provisoire pour non-respect des mesures de substitution, risque de fuite et risque de réitération.

Que le TMC n'ait ensuite pas validé cette demande et ordonné la mise en liberté de l'intéressé moyennant des mesures de substitution ne constitue pas un signe de prévention de la citée, sous peine de quoi chaque magistrat désavoué par l'instance de contrôle serait récusable.

Enfin, on ne voit pas que la citée aurait dû attendre la décision de la Chambre de céans sur le recours de l'intéressé contre l'ordonnance du TMC du 18 octobre 2022, celle-ci portant sur sa demande de levée de certaines mesures de substitution et non sur le non-respect de celles-ci.

5. La requête sera ainsi rejetée.

6. Le requérant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 59 al. 4 CPP).

Compte tenu de l'ampleur de ses écritures et du foisonnement de ses griefs, l'émolument sera fixée à CHF 1'500.-.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de récusation.

Condamne A______ aux frais de la procédure de récusation, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au requérant, soit pour lui son conseil, et à B______.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/90/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'500.00

- demande sur récusation (let. b)

CHF

Total

CHF

1'585.00