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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/12/2023

ACPR/75/2023 du 30.01.2023 ( PSPECI ) , REJETE

Descripteurs : EXÉCUTION DES PEINES ET DES MESURES;RÉGIME DE LA DÉTENTION
Normes : CP.77.leta

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/12/2023 ACPR/75/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 30 janvier 2023

 

Entre

 

A______, domicilié ______, comparant par Mes Guglielmo PALUMBO et Gabrielle PERESSIN, avocats, HABEAS Avocats Sàrl, rue du Général-Dufour 20, case postale 556, 1211 Genève 4,

recourant,

 

contre la décision rendue le 12 janvier 2023 par le Service de l'application des peines et mesures,

 

et

 

SERVICE DE L'APPLICATION DES PEINES ET MESURES, case postale 1629, 1211 Genève 26,

intimé.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié le 23 janvier 2023, A______ recourt contre la décision du 12 janvier 2023 – notifiée à une date que le dossier ne permet pas de déterminer –, par laquelle le Service de l'application des peines et mesures (ci-après, SAPEM) a ordonné son placement en milieu ouvert et refusé le passage en régime de travail externe.

Le recourant conclut, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif, afin qu'il soit sursis à l'exécution de la peine privative de liberté jusqu'à droit connu sur le recours et que la convocation pour l'entrée en milieu ouvert ne déploie aucun effet ; principalement, sous suite de frais et équitable indemnité de procédure, à l'annulation tant de la décision querellée que de la convocation, et à l'exécution de la peine privative de liberté sous forme de travail externe ; subsidiairement, au renvoi de la cause au SAPEM pour nouvelle décision.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, ressortissant égyptien né le ______ 1990, a été condamné à une peine privative de liberté de quatre ans et six mois – sous déduction de 182 jours à titre d'imputation des mesures de substitution – par arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision du 27 septembre 2021, pour viol et contrainte sexuelle, ainsi qu'à l'expulsion, au sens de l'art. 66a CP, pour une durée de cinq ans.

Le recours interjeté par A______ contre cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral (arrêt 6B_1361/2021 du 25 août 2022).

b. Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 17 novembre 2022, A______ n'a pas fait l'objet d'autres condamnations.

c. A______, qui travaille pour l'organisation internationale B______, à Genève, est titulaire d'une carte de légitimation de fonctionnaire international.

d. Le 20 octobre 2022, un entretien a eu lieu au SAPEM en vue de planifier l'exécution de la sanction pénale, au cours duquel A______ a pu présenter sa situation personnelle.

e. Le 2 novembre 2022, le conseil de A______ a formé auprès du SAPEM une requête d'exécution de peine sous la forme d'un travail externe.

f. Par courriel du 2 décembre 2022, l'Office cantonal de la population et des migrations a informé le SAPEM que A______ continuait de travailler, au moyen de sa carte de légitimation. Après le début de l'exécution de la peine, il bénéficierait d'un délai de courtoisie de deux mois, avant la rupture du contrat de travail et le retrait de sa carte de légitimation. Les démarches relatives à son expulsion seraient entreprises dès ce moment. La Mission permanente de la Suisse était informée de la mesure d'expulsion et attendait de savoir quand la peine serait exécutée.

C. a. Dans sa décision querellée, le SAPEM a retenu que A______ remplit les conditions pour une détention en milieu ouvert, au regard du faible risque de réitération, lequel serait suffisamment contenu dans le cadre du placement ordonné, et de l'absence de risque de fuite concret et imminent.

En revanche, dans la mesure où il n'avait pas encore commencé l'exécution de sa peine, A______ ne pouvait prétendre, de suite, au régime de travail externe, compte tenu de la nature intrinsèque de cet élargissement, étant relevé qu'aucun plan d'exécution de la sanction n'avait été établi (ci-après, PES), que le précité faisait l'objet d'une mesure d'expulsion et que la date de la moitié de la peine serait calculée à la date de son entrée en détention.

b. Par convocation du 13 janvier 2023, le SAPEM a prié A______ de se présenter à la prison C______ le 16 février 2023.

D. a. Dans son recours, A______ expose être bien intégré socialement et professionnellement à Genève. Il avait étudié à l'Université de Genève, où il avait obtenu un Bachelor en ______, en 2016, et un Master en ______, en 2018. Depuis le 16 septembre 2020, il était employé à plein temps en qualité de Junior Accountant Finance & Operation auprès [de] B______, pour une durée indéterminée. Il était par ailleurs engagé dans une relation de couple sérieuse et stable depuis plus d'une année, un mariage étant envisagé. Divers proches (tante et cousins) vivaient à Genève, où ses parents lui rendaient régulièrement visite. Il aidait financièrement ceux-ci, qui dépendaient dès lors de lui.

Les faits pour lesquels il avait été condamné s'étaient déroulés en 2014 et 2017. Il allait interjeter un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme contre l'arrêt du Tribunal fédéral.

Il avait entamé un suivi psychiatrique volontaire en novembre 2018, qu'il continuait à ce jour.

Au fond, il relève, premièrement, que l'absence de PES, qui ne pouvait au demeurant lui être imputé, ne suffisait pas à empêcher le passage en régime de travail externe, l'établissement d'un PES n'étant pas une condition légale. En tout état, le PES pourrait être établi avant qu'il n'entre en détention.

Deuxièmement, en retenant qu'il faisait l'objet d'une expulsion, le SAPEM omettait de tenir compte du fait qu'il bénéficiait encore d'une carte de légitimation.

Troisièmement, le SAPEM avait méconnu l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_78/2022 du 8 juin 2022 [publié aux ATF 148 IV 292] en retenant qu'il n'avait pas encore débuté son exécution de peine. À l'aune de cette jurisprudence, l'usage des termes "en principe" dans le texte légal avait "précisément pour but de ne pas poser ces échéances comme des conditions impératives – et aveuglément strictes – d'octroi d'un régime de travail externe". Dès lors, si, selon les juges fédéraux, le placement en milieu ouvert pour une personne exécutant sa peine dans un établissement fermé n'était pas un prérequis pour passer en travail externe, en dépit du caractère supposé progressif de l'exécution de la peine, c'était a fortiori le cas d'une personne se trouvant encore en liberté.

Quatrièmement, les autres conditions du travail externe étaient remplies, le SAPEM ayant lui-même admis qu'il n'existait pas de risque de fuite et de récidive en milieu ouvert.

Au surplus, la décision querellée violait le principe de la proportionnalité (art. 5 CEDH et 36 Cst. féd.), aucun intérêt public ou privé prépondérant ne justifiant que le régime de travail externe ne soit pas ordonné.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une décision rendue par le SAPEM dans une matière où ce service est compétent (art. 5 al. 2 let. e, 5 al. 5 et 40 al. 1 et 3 LaCP; art. 11 al. 1 let. e du règlement genevois sur l'exécution des peines et mesures ; REPM – E 4 55.05) et contre laquelle le recours auprès de la Chambre de céans est ouvert (art. 439 al. 1 CPP cum art. 42 al. 1 let. a LaCP), et émane du condamné visé par la décision querellée, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation de la décision entreprise (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             3.1. Selon l'art. 76 al. 1 CP, les peines privatives de liberté sont exécutées dans un établissement fermé ou ouvert.

3.2. À teneur de l'art. 77a al. 1 CP, la peine privative de liberté est exécutée sous la forme de travail externe si le détenu a subi une partie de sa peine, en règle générale au moins la moitié, et s'il n'y a pas lieu de craindre qu'il ne s'enfuie ou ne commette de nouvelles infractions.

Les deux conditions sont cumulatives (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET/ S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 3 ad art. 77a).

Le travail externe est soumis à certaines conditions. En premier lieu, le détenu devra avoir subi une partie de sa peine, qui, en général, équivaudra à la moitié de celle-ci. Cette condition montre que le régime du travail externe est une phase de l'élargissement progressif de l'exécution de la peine, et non une modalité d'exécution de celle-ci, qui peut être autorisée au début de la peine. En outre, le travail externe ne pourra être accordé que s'il n'y a pas lieu de craindre la fuite ou la récidive du détenu (ATF 148 IV 292 consid. 2.2).

3.3. L'art. 77a al. 2 CP 2ème phrase prévoit que le passage au travail externe intervient en principe après un séjour d'une durée appropriée dans un établissement ouvert ou dans la section ouverte d'un établissement fermé.

Dans l'arrêt précité (ATF 148 IV 292 consid. 2.5.2), le Tribunal fédéral a retenu qu'il convient d'admettre qu'un condamné à une peine privative de liberté sans sursis qui a passé une longue période en détention provisoire ou en détention pour des motifs de sûreté puisse avoir la possibilité d'exécuter sa peine (restante) directement sous la forme de travail et logement externes s'il en réalise les conditions.

3.4. En l'espèce, le recourant, qui n'a pas encore débuté l'exécution de sa peine, n'est pas un "détenu" et n'a pas déjà subi au moins la moitié de la peine. Il ne remplit donc pas les conditions – strictes – de l'art. 77a al. 1 CP.

Le Tribunal fédéral a clairement rappelé, dans l'arrêt susmentionné – auquel se réfère le recourant –, que le régime de travail externe est une étape de la progression du détenu, et non une modalité d'exécution de la peine, de sorte que cet élargissement ne saurait être autorisé avant même l'exécution de la peine, ni à son début.

Contrairement à ce qu'il semble alléguer, le recourant ne se trouve pas dans une situation comparable à celle évoquée dans l'arrêt susmentionné, dans lequel l'intéressé avait déjà purgé plus de la moitié de la peine, principalement en détention provisoire, de sorte que la peine restante pouvait être exécutée directement sous la forme d'un travail externe. In casu, le recourant n'a pas subi de détention provisoire ni pour des motifs de sûreté.

Certes, 182 jours sont à déduire de la peine de quatre ans et six mois, pour l'imputation des mesures de substitution, mais cela n'atteint largement pas la moitié de la peine, ce que le recourant ne soutient d'ailleurs pas.

Partant, en tant qu'elle est fondée sur l'art. 77a al. 1 CP, la décision querellée n'est pas critiquable, et ne viole pas le principe de la proportionnalité.

4.             Le recours est dès lors rejeté, ce qui rend sans objet la demande d'effet suspensif.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

6. En tant qu'il n'obtient pas gain de cause, le recourant n'a pas droit à une indemnité de procédure.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui ses conseils) et au Service de l'application des peines et mesures.

Le communique, pour information, au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges ; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/12/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00