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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19866/2020

ACPR/40/2023 du 18.01.2023 sur OMP/18000/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE OBLIGATOIRE;AUDITION OU INTERROGATOIRE;OUVERTURE DE LA PROCÉDURE;AVOCAT;PRÉSENCE;PREUVE ILLICITE
Normes : CPP.309; CPP.131; CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19866/2020 ACPR/40/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 18 janvier 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 17 octobre 2022 par le Ministère public,

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 31 octobre 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 octobre 2022, notifiée le 19 suivant, par laquelle le Ministère public a refusé de retrancher de la procédure P/19866/2020 le procès-verbal de son audition par la police du 17 mai 2021 et le rapport de renseignements du 9 juin 2021.

Le recourant conclut au constat de l'inexploitabilité desdites pièces et à leur retrait du dossier, subsidiairement, au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède "au sens des considérants".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Selon l'extrait de son casier judiciaire (dans sa teneur au 31 mai 2022), A______, ressortissant suisse né en 1993, a été condamné le 4 septembre 2013, par le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, à une peine pécuniaire et à une amende pour, notamment, conduite d'un véhicule automobile dans l'incapacité de conduire et conduite d'un véhicule malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis.

Il a également été condamné, par jugement du Tribunal correctionnel de Genève du 26 mai 2016, à une peine privative de liberté de 33 mois, dont sursis à l'exécution de la peine de 24 mois avec délai d'épreuve de 5 ans, ainsi qu'à une peine pécuniaire et à une amende, des chefs, notamment, de violations simples et graves à la circulation routière, usage abusif de permis et/ou plaques de contrôle, conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis, conduite d'un véhicule automobile dans l'incapacité de conduire, opposition ou dérobade aux mesures visant à déterminer l'incapacité de conduire, violation des obligations en cas d'accident, conduite d'un véhicule défectueux et conduite d'un véhicule sans assurance responsabilité-civile.

b. Le 19 septembre 2019, dans le cadre d'une procédure P/1______/2020, quatorze ordonnances pénales ont été prononcées par le Service des contraventions (ci-après, SdC) contre A______. Ce dernier a été condamné à des amendes pour des stationnements non conformes ou interdits survenus entre les 14 mai et 10 décembre 2018, après que la société C______ SÀRL [garage] – au nom de laquelle les deux véhicules relevés en contravention étaient immatriculés – l'eut désigné comme le conducteur fautif.

A______ y a formé opposition, au motif qu'il n'avait jamais conduit les deux voitures en cause, n'étant ni titulaire d'un permis de conduire aux dates concernées, ni le détenteur desdits véhicules.

c. À la suite de ses oppositions aux ordonnances pénales, la cause a été portée devant le Tribunal de police.

d.a. Par courriel du 7 juillet 2020, cette autorité a demandé à l'Office cantonal des véhicules (ci-après, OCV) de lui indiquer si A______ faisait l'objet d'un retrait de permis de conduire et/ou de sanctions administratives entre les mois d'avril et décembre 2018.

d.b. Par courriel du 9 juillet 2020, l'OCV a répondu que le prénommé n'avait pas fait l'objet de sanctions administratives à la période concernée mais qu'une décision de caducité de son permis de conduire à l'essai avait été prononcée le 29 octobre 2013, de sorte qu'il n'était plus titulaire d'un permis de conduire depuis cette date.

e. Lors de l'audience du 17 août 2020 par-devant le Tribunal de police, A______ a nié être l'auteur des quatorze contraventions litigieuses, affirmant ne pas avoir conduit de véhicule automobile depuis sa sortie de prison.

Entendu comme témoin, D______, associé-gérant de la société C______ SÀRL, a expliqué que les deux véhicules relevés en contravention étaient immatriculés au nom de sa société mais, en réalité, avaient été acquis par A______ en leasing. Ce dernier était le conducteur fautif, étant précisé qu'il avait régulièrement conduit en 2018, ce dont plusieurs personnes pouvaient attester.

D______ a fourni une liste de témoins susceptibles de corroborer ses propos et a montré une vidéo sur son téléphone portable, datée du 10 juillet 2018, sur laquelle on voyait A______ conduire un véhicule automobile. Par courriel du même jour adressé au Tribunal de police, il a encore transmis une photographie, datée du 3 juillet 2018, le montrant en compagnie du prénommé, lequel apparaissait au volant d'une voiture.

f. Le 14 octobre 2020, sous la plume de son conseil, A______ a déclaré retirer ses quatorze oppositions.

g. Par missive du 19 octobre 2020, reçue par le Ministère public le 22 suivant, le Tribunal de police a, en application des art. 33 LaCP et 302 al. 2 CPP, dénoncé les faits susdécrits, ceux-ci pouvant être constitutifs de délits. En effet, A______ n'était plus titulaire d'un permis de conduire depuis le 29 octobre 2013 et avait déjà fait l'objet d'une condamnation pour conduite d'un véhicule automobile malgré le refus, le retrait ou l'interdiction de l'usage du permis. Le Tribunal de police a transmis en annexe de son pli une copie de la P/1______/2020.

Cette dénonciation a été référencée sous le numéro P/19866/2020.

h. Le 5 février 2021, l'OCV a adressé un courriel à une greffière-juriste du Pouvoir judiciaire, avec pour objet "M. A______, Caducité du 29.10.2013", dont la teneur était la suivante: "Madame, comme convenu, vous trouverez ci-joint une copie de notre décision du 29 octobre 2013.

Je vous confirme qu'une caducité de son permis de conduire probatoire a été prononcée et qu'il n'est dès lors plus titulaire d'un permis de conduire".

i. Le 17 mai 2021, dans le cadre de la P/19866/2020, A______ a été auditionné par la police en qualité de prévenu. Après avoir été informé des faits qui lui étaient reprochés – à savoir d'avoir, entre les 14 mai et 10 décembre 2018, conduit deux véhicules sans autorisation valable – et pris connaissance de ses droits, il a déclaré ne pas souhaiter la présence d'un avocat.

En substance, il a contesté, une nouvelle fois, être le conducteur des véhicules relevés en contravention. Sur conseil de son avocate, il s'était acquitté des quatorze amendes qui lui avaient été infligées, car il ne voulait plus rencontrer de problèmes avec les autorités ou avec D______, lequel le "terrorisait". Cela ne signifiait pas pour autant qu'il reconnaissait les faits reprochés.

j. Dans son rapport de renseignements du 9 juin 2021, la police a résumé les déclarations de A______ du 17 mai 2021, expliquant avoir, sur demande du Ministère public du 15 février 2021, procédé à son audition, à la suite d'une dénonciation du Tribunal de police.

k. À teneur d'un second rapport de renseignements daté du 3 mars 2022, le Ministère public a, le 23 septembre 2021, transmis une nouvelle fois la procédure P/19866/2020 à la police afin que celle-ci procède à l'audition de six personnes appelées à donner des renseignements (PADR), dont les noms figuraient sur la liste de témoins communiquée par D______.

l. Le 30 mai 2022, parallèlement à cette procédure, une instruction pénale a été ouverte, sous la référence P/11688/2022, contre A______ pour des faits de violences conjugales (art. 123, 126, 144, 177 et 180 CP), à la suite de la plainte pénale déposée contre lui par E______, le 17 mai 2022.

m. Par ordonnance du 3 juin 2022, le Ministère public a, dans le cadre de ladite procédure, ordonné la défense d'office de A______ et nommé Me B______ à cet effet, retenant qu'il relevait du régime de la défense obligatoire.

n.a. Par mandat de comparution du 13 septembre 2022, notifié à l'adresse de son conseil, A______ a été cité par le Ministère public à comparaître personnellement à une audience fixée au 17 octobre 2022, dans le cadre de la P/19866/2020.

n.b. Par lettre du 15 septembre suivant au Ministère public, l'avocate de A______, qui a expliqué ne pas avoir connaissance de la procédure précitée, dans laquelle elle n'était pas constituée, a sollicité sa nomination d'office dans le cadre de cette cause.

Par "n'empêche" du jour-même, la Procureure a répondu que la P/11688/2022 allait être jointe à la P/19866/2020, de sorte qu'il n'était pas nécessaire de procéder à une nouvelle nomination d'office.

o. Toujours le même jour, le Ministère public a ordonné la jonction des causes P/11688/2022 et P/19866/2020 sous ce dernier numéro de procédure.

p. Par ordonnance du 17 octobre 2022, rendue dans le cadre de la P/19866/2020, une instruction pénale a été ouverte contre A______ pour avoir, à tout le moins entre les mois de mai 2018 et juin 2022, circulé à Genève au volant de plusieurs véhicules, alors qu'il n'était plus titulaire d'un permis de conduire valable, par suite de la caducité de son permis de conduire à l'essai, prononcée le 29 octobre 2013 (art. 95 al. 1 let. b LCR).

q. Lors de l'audience du même jour, le Ministère public a informé A______ qu'une procédure préliminaire était ouverte contre lui pour les faits précités, lesquels ont, en substance, été reconnus par l'intéressé.

Le conseil de A______ a demandé à ce que le procès-verbal de son audition à la police du 17 mai 2021 ainsi que le rapport de renseignements du 9 juin 2021 soient retirés du dossier, au motif que son client n'avait pas été assisté d'un avocat lors de l'audience concernée, alors que la situation relevait d'un cas de défense obligatoire.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public refuse d'écarter du dossier les deux pièces litigieuses, retenant que la défense obligatoire n'avait pas à être mise en œuvre lors de l'audition par la police. En outre, une telle défense était intervenue avant l'ouverture formelle de l'instruction, survenue le 17 octobre 2022, puisque, le 3 juin 2022, A______ avait été mis au bénéfice d'une défense obligatoire dans le cadre de la P/11688/2022, laquelle avait été jointe à la présente procédure, le 15 septembre 2022.

D. a. Dans son recours, A______ relève avoir été auditionné par la police le 17 mai 2021 pour conduite d'un véhicule automobile sous retrait, refus ou interdiction d'utilisation du permis (art. 95 al.1 let. b LCR), qui était une infraction passible d'une peine privative de liberté maximale de 3 ans. De plus, le 26 mai 2016, il avait été condamné par le TCo à une peine privative de liberté de 33 mois et mis au bénéfice d'un sursis de 24 mois ainsi que d'un délai d'épreuve de 5 ans. Dans ces circonstances, il s'exposait concrètement à une peine supérieure à celles mentionnées à l'art. 130 let. b CPP. À cela s'ajoutait que les faits dénoncés par le Tribunal de police étaient clairs. Dans ces circonstances, il se trouvait, lors de son audition par la police, dans un cas reconnaissable de défense obligatoire et, dans une telle situation, le Ministère public devait veiller à ce qu'il soit assisté d'un avocat au plus tard au moment où il ouvrait l'instruction, ce qui était matériellement le cas dès le moment où il commençait à s'occuper de l'affaire.

Or, en l'occurrence, il apparaissait qu'une instruction avait été matériellement ouverte en 2020 déjà, puisque la cause (P/19866/2020) portait un numéro de procédure de cette année-là. En outre, le 5 février 2021, en réponse à une question d'une greffière-juriste du Pouvoir judiciaire, l'OCV avait confirmé qu'il n'était plus titulaire d'un permis de conduire et transmis une copie de la décision de caducité prononcée le 29 octobre 2013. Le 15 février 2021, fort de ces constats, le Ministère public avait chargé la police de l'entendre puis avait ordonné d'autres actes d'enquête, comme cela ressortait du rapport de renseignements du 3 mars 2022. Ainsi, l''instruction avait été ouverte au plus tôt en 2020 mais, au plus tard, le 5 février 2021.

En définitive, il résultait du dossier que, sur la base de la dénonciation du TP, des informations recueillies auprès de l'OCV et de l'extrait de son casier judiciaire, le Ministère public avait chargé la police de l'auditionner. Une telle manière de procéder ne pouvait être considérée autrement que comme une "délégation déguisée". L'autorité précédente avait ainsi violé les art. 309, 312, 130 et 131 CPP, de sorte que le procès-verbal de son audition du 17 mai 2021 ainsi que le rapport de renseignements du 9 juin 2021 devaient être retranchés du dossier.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger sans échanges d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure, a qualité pour agir (art. 104 al. 1 let. a CPP), ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant considère que ses déclarations à la police du 17 mai 2021 ainsi que le rapport de renseignements du 9 juin 2021 seraient inexploitables et devraient être écartés du dossier, au motif qu'il aurait dû obligatoirement être assisté d'un défenseur lors de son audition.

3.1. Selon l'art. 130 CPP, le prévenu doit avoir un défenseur notamment lorsqu'il encourt une peine privative de liberté de plus d'un an, une mesure entraînant une privation de liberté ou une expulsion (let. b) ou en raison de son état physique ou psychique ou pour d'autres motifs, il ne peut suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et si ses représentants légaux ne sont pas en mesure de le faire (let. c).

3.2. Dans les cas d'une défense obligatoire, la direction de la procédure pourvoit à ce que le prévenu soit assisté aussitôt d'un défenseur (art. 131 al. 1 CPP). Si les conditions d'une telle défense sont remplies lors de l'ouverture de la procédure préliminaire, cette défense n'a pas à être mise en œuvre lors de l'audition du prévenu par la police (ACPR/710/2022 du 13 octobre 2022 ; ACPR/539/2022 du 9 août 2022 ; ACPR/104/2022 du 11 février 2022 ; ACPR/472/2014 du 23 octobre 2014) : elle doit l'être seulement après la première audition par le ministère public et, en tout état de cause, avant l'ouverture de l'instruction (art. 131 al. 2 CPP). C'est donc seulement à l'issue de la première audition par le ministère public ou si un certain temps s'écoule après l'audition du prévenu par le ministère public et que les conditions de la défense obligatoire sont remplies que ledit ministère public devra ordonner une défense obligatoire avant de rendre son ordonnance d'ouverture d'instruction (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 7 ad art. 131). Les preuves administrées avant que le défenseur obligatoire n'ait été désigné, alors que la nécessité d'une défense aurait dû être reconnue, ne sont exploitables qu'à condition que le prévenu renonce à en répéter l'administration (art. 131 al. 3 CPP).

3.3. À teneur de l'art. 309 al. 1 CPP, le ministère public ouvre une instruction lorsqu'il est en présence de soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise (let. a) ou qu'il est informé par la police d'une infraction grave ou de tout autre événement sérieux (let. c).

Il ressort de l'al. 1 let. a de cette disposition que le ministère public, avant d'ouvrir une instruction, peut procéder à ses propres constatations. Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles, ainsi que de demander à la personne mise en cause une simple prise de position, telle que prévue, en particulier, à l'art. 145 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_239/2019 du 24 avril 2019 consid. 2.1).

Quand bien même l'art. 309 al. 3 CPP prévoit que le ministère public ouvre l’instruction par une ordonnance dans laquelle il désigne le prévenu et l’infraction qui lui est imputée, celle-ci n'a qu'une portée déclaratoire et l'ouverture de l'instruction au sens de l'art. 131 al. 2 CPP s'entend au sens matériel, soit dès que les conditions de l'art. 309 al. 1 CPP sont réalisées (ATF 141 IV 20 consid. 1.1.4 p. 24 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_178/2017 du 25 octobre 2017 consid. 2.5). L’instruction pénale est considérée comme tacitement ouverte dès que le Ministère public commence à s’occuper de l’affaire, et en tout cas lorsqu’il ordonne des mesures de contrainte. L'ouverture matérielle, implicite, ne doit toutefois pas être admise trop facilement au vu des conséquences sur la procédure, notamment sur la défense obligatoire (art. 131 al. 2 CPP) ou le droit de participation des parties (art. 147 CPP). À cet égard, la transmission d’un dossier par le ministère public à la police pour complément d’enquête (art. 309 al. 2 CPP) n’équivaut pas à une ouverture matérielle de l’instruction, même lorsque la police procède à des vérifications, prend contact avec des tiers et auditionne des personnes appelées à donner des renseignements (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE, [éds], op. cit., n. 3c-3d ad art. 309).

3.4. Même si la question est controversée en doctrine, le Tribunal fédéral a confirmé, à plusieurs reprises, que le Code de procédure pénale ne prévoyait pas de droit à une "défense obligatoire de la première heure" lors du premier interrogatoire dans le cadre de l'investigation policière (c'est-à-dire avant l'ouverture de l'instruction pénale); la défense obligatoire ne commence qu'après l'enquête préliminaire de la police (art. 131 al. 2 CPP), même si celle-ci vise une infraction pour laquelle un défenseur obligatoire doit être en principe désigné (arrêts du Tribunal fédéral 1B_464/2022 du 10 novembre 2022, 1B 159/2022 du 13 avril 2022 consid. 4.5.3, 6B_322/2021 du 2 mars 2022 consid. 1.3 et les références citées).

3.5.1. En l'espèce, il n'y a pas lieu de s'écarter de la jurisprudence claire du Tribunal fédéral, suivie par la Chambre de céans, selon laquelle une défense obligatoire n'a pas à être mise en œuvre au stade du premier interrogatoire par la police, et cela même si les investigations concernent des faits pour lesquels une telle défense devrait en principe être ordonnée.

Au surplus, le recourant, dûment informé de ses droits par la police lors de son audition, n'a pas souhaité être assisté d'un avocat et il ne ressort pas du dossier que l'intéressé n'aurait pas été en mesure de comprendre tant l'énoncé de ses droits que la portée de sa renonciation expresse à la présence d'un conseil. Il ne le soutient du reste pas.

Dans ces circonstances, on ne saurait d'emblée retenir que le procès-verbal d'audition et le rapport de renseignements litigieux seraient manifestement inexploitables.

3.5.2. Le recourant relève toutefois que le moment décisif pour examiner la nécessité d’une défense obligatoire est celui où le Ministère public ouvre ou aurait dû ouvrir une instruction. Or, il considère que ce dernier aurait matériellement ouvert une instruction en 2020, eu égard au numéro de procédure attribué (P/19866/2020), ou, au plus tard, le 5 février 2021, date à laquelle l'OCV a transmis à l'autorité précédente une copie de la décision de caducité de son permis de conduire à l'essai du 29 octobre 2013.

En l'occurrence, formellement, le Ministère public a ouvert l'instruction le 17 octobre 2022. Il convient cependant d'examiner si une ouverture matérielle a eu lieu avant le prononcé de cette ordonnance, en déterminant si cette autorité s'est personnellement occupée de l'affaire avant cette date ou si elle en a délégué l'instruction à la police.

En l'espèce, après réception de la dénonciation du Tribunal de police, le Ministère public a, semble-t-il, demandé à l'OCV de lui confirmer que le recourant n'était plus titulaire d'un permis de conduire, et ce depuis le prononcé de la décision de caducité du 29 octobre 2013, à laquelle il était fait référence dans le dossier. Cette unique activité, non contraignante, ne saurait impliquer à elle seule une ouverture d'instruction, étant précisé que le Ministère public peut préalablement procéder à ses propres constatations, comprenant notamment le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles.

Quant aux mesures prises par le Ministère public – à savoir charger la police d'entendre le recourant et des PADR (art. 309 al. 2 CPP) –, elles répondaient strictement aux besoins d'éclaircissements avant de décider de la suite de la procédure. Aussi, rien ne permet de retenir, comme le soutient le recourant, qu'il s'agissait d'actes de procédure délégués à la police après l'ouverture d'une instruction, le dossier ne contenant aucune référence à l'art. 312 CPP ni aucune ordonnance en ce sens. Pour le surplus, l'attribution d'un numéro de cause à la procédure ne saurait à l'évidence avoir en elle-même valeur d'ouverture d'information pénale, étant précisé que ledit numéro se rapporte à l'année de la dénonciation par le Tribunal de Police, à savoir 2020.

Ainsi, rien ne laisse supposer que l'instruction aurait été matériellement ouverte au moment de l'audition du recourant par la police, le Ministère public s'étant limité aux mesures d'investigations possibles avant l'ouverture d'une instruction, conformément à l'art. 309 CPP.

Enfin, la mise en œuvre de la défense obligatoire du recourant a été effective lors de sa première audition par le Ministère public, puisqu'il était assisté par son défenseur d'office au moment de se voir notifier formellement les charges retenues à son encontre. Partant, la procédure a été pleinement respectée et aucune violation des droits de la défense ne doit être constatée.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera ainsi confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 600.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03), étant précisé que, même lorsqu'il bénéficie de l'assistance judiciaire, le recourant débouté peut être condamné à prendre à sa charge les frais de la procédure, dans la mesure de ses moyens (arrêt du Tribunal fédéral 6B_380/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5).

6.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP), la procédure n'étant pas terminée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19866/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

600.00