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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/18755/2021

ACPR/587/2022 du 23.08.2022 sur OMP/9302/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : REQUÊTE EN NOMINATION;AVOCAT D'OFFICE
Normes : CPP.132; LEI.116; CP.177

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18755/2021 ACPR/587/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 23 août 2022

 

Entre

 

A______, domiciliée ______, comparant par Me B______, avocat,

recourante,

 

contre l'ordonnance de refus de nomination d'avocat d'office rendue le 1er juin 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 juin 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 1er précédent par laquelle le Ministère public a refusé d'ordonner sa défense d'office.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce que Me B______ soit nommé comme son défenseur d'office, avec effet au 18 mars 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À teneur du rapport d'arrestation du 14 octobre 2021, un conflit était survenu le 11 septembre 2021 entre C______ – qui venait chercher, dans un point rencontre, sa fille de 6 ans arrivée avec sa mère, A______ –, et D______, le nouveau compagnon de cette dernière.

C______ a porté plainte contre D______ qui l'avait agressé avec un couteau. E______, qui s'était interposé, a également porté plainte contre ce dernier.

b. Entendue par la police, A______ a, en particulier, déclaré que D______ était son compagnon depuis fin 2019; il habitait avec elle depuis l'altercation susmentionnée. Elle savait "depuis toujours" que ce dernier se trouvait sur le territoire suisse sans les autorisations nécessaires et, depuis la notification de la décision, qu'il faisait l'objet d'une interdiction de pénétrer sur le territoire genevois. Elle l'hébergeait parce qu'elle attendait un enfant de lui et avait peur de son ex-mari.

c. Les 15 octobre 2021, le Procureur a prévenu D______ de voies de fait, menaces, voire mise en danger de la vie d'autrui, injure ainsi que vol, consommation illicite de stupéfiants et séjour illicite.

d. Le 23 novembre 2021, A______, par son conseil, a demandé à bénéficier de l'assistance juridique, son ex-compagnon l'accusant de faits graves.

e. Par ordonnance du 13 janvier 2022, le Procureur a refusé, la cause ne présentant pas des difficultés particulières de fait ou de droit et la prévenue étant à même de se défendre seule. Les faits reprochés (infraction à l'art. 116 al. 1 LEI) étaient de peu de gravité et la prévenue ne serait passible que d'une peine privative de liberté ne dépassant pas 4 mois ou d'une peine pécuniaire inférieure à 120 jours-amende.

La prévenue n'a pas recouru contre cette décision.

f. Le 13 janvier 2022, le Procureur a prévenu D______, à titre complémentaire, d'infraction à l'art. 119 al. 1 LEI, de tentative de contrainte et menaces sur E______.

E______ a, quant à lui, été prévenu de voies de fait et violation du domaine secret ou privé au moyen d'un appareil de prise de vue au préjudice de D______, empêchement d'accomplir un acte officiel et infraction à l'art. 116 LEI pour avoir facilité le séjour en Suisse de ce dernier.

C______ a été prévenu de diffamation et de voies de fait au préjudice de D______.

A______ a été prévenue d'infraction à l'art. 116 LEI pour avoir, depuis une date indéterminée, à tout le moins le 11 septembre 2021, jusqu'au 14 octobre 2021, facilité le séjour en Suisse de D______ en l'hébergeant dans son appartement.

g. Lors de cette audience, D______ a, en particulier, déclaré qu'il savait faire l'objet d'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève prononcée le 13 mars 2021, mais que A______, qui était dépressive, l'avait appelé, avant le 11 septembre 2021, en pleurant, lui disant souffrir de la jambe, avoir des difficultés avec sa fille et rencontrer un problème avec son ex-époux. Il s'était installé chez elle le 20 octobre 2021. Il attendait la naissance de leur enfant pour entamer les démarches nécessaires pour régulariser son séjour.

A______ a confirmé héberger D______ depuis le 11 septembre 2021, lequel venait auparavant le week-end ou quelques jours en semaine.

h. Le 17 mars 2022, le Procureur a prévenu complémentairement D______, pour avoir injurié et menacé E______ le 30 décembre 2021.

A______ a été prévenue pour avoir dit, le même jour, à E______ :"fils de pute dégage, dégage, connard", ce qu'elle a contesté.

i. Le 18 mars 2022, A______ a, à nouveau, requise d'être mise au bénéfice de l'assistance judiciaire.

C. Aux termes de l'ordonnance querellée, le Ministère public a considéré que, même si la prévenue était indigente, la cause était de peu de gravité, les faits pénaux étant simples et la prévenue n'ayant eu aucune peine à s'exprimer en français lors de ses auditions par la police et devant le Ministère public. Le peu de difficultés de la présente cause en ce qui la concernait ne nécessitait pas qu'elle soit pourvue d'un avocat, même si les autres prévenus l'étaient. La cause ne présentait ainsi pas de difficultés particulières juridiques ou de fait et la prévenue était à même de se défendre efficacement seule. Au demeurant, les faits reprochés étaient, au vu des circonstances, de peu de gravité et n'exigeaient pas la désignation d'un défenseur d'office, dès lors que si elle devait être condamnée, elle ne serait passible que d'une peine privative de liberté ne dépassant pas 4 mois ou d'une peine pécuniaire inférieure à 120 jours-amende à même de se défendre efficacement seule.

D. a. Dans son recours, A______ relève que la peine-menace de l'art. 116 al. 1 LEI est d'un an et qu'elle était poursuivie en concours pour injure.

L'égalité des armes imposait qu'elle puisse être défendue; elle était visée par les plaintes de deux des coinculpés et les trois autres prévenus bénéficiaient d'un conseil juridique gratuit.

Une procédure était pendante devant le Tribunal de protection des adultes et des enfants pour l'attribution du droit de garde. Les faits démontraient ainsi que la procédure pénale s'inscrivait dans un complexe de faits beaucoup plus vaste.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

c. La recourante ne réplique pas.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas lui avoir accordé une défense d'office.

2.1. En dehors des cas de défense obligatoire visés à l'art. 130 CPP, l'art. 132 al. 1 let. b CPP soumet le droit à l'assistance d'un défenseur d'office aux conditions que le prévenu soit indigent et que la sauvegarde de ses intérêts justifie une telle assistance. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).

2.2. Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où la désignation d'un défenseur est nécessaire pour garantir l'égalité des armes – ce principe requérant que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_385/2009 du 7 août 2009 consid. 2.1 et les références citées et 1B_165/2014 du 8 juillet 2014 consid. 2.1) – ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il est en détention, s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession, ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (arrêts du Tribunal fédéral 1B_354/2015 du 13 novembre 2015 consid. 3.2.2 et 1B_234/2013 du 20 août 2013 consid. 5.1).

2.3. En l'espèce, l'indigence de la recourante semble admise par le Ministère public.

La recourante ne soutient pas réellement que la cause présenterait gravité et complexité, sauf à alléguer la peine menace de l'infraction à la LEI en concours avec l'art. 177 CP. Elle considère que l'égalité des armes justifiait qu'elle soit également défendue par un conseil nommé d'office, comme les autres prévenus.

À l'évidence tel n'est pas le cas. Elle n'est mise en cause que par un seul prévenu pour une infraction d'injure, faits qu'elle conteste. Comme telle, cette infraction ne justifie pas qu'elle soit défendue aux frais de l'État, étant précisé qu'elle n'a pas recouru contre l'ordonnance précédente lui refusant l'assistance judiciaire pour l'infraction à la LEI, dont elle a admis la réalité factuelle.

Il importe peu que les autres prévenus soient défendus par avocat, les intéressés n'étant pas ses adversaires dans la cause; le seul prévenu qui la met en cause pour injure est certes défendu par avocat mais ne bénéficie pas de l'assistance judiciaire (art. 136 CPP) pour les faits qu'il reproche à la recourante.

En outre, on peine à voir le rapport que souhaite faire la recourante entre les faits qui lui sont reprochés en lien avec D______ (art. 116 LEI) et E______ (injure) et la procédure pendante devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, dans laquelle son ex-compagnon la dénigrerait.

En définitive, les conditions posées par l'art. 132 CPP n'étant pas remplies, c'est à bon droit, et sans arbitraire, que le Ministère public a considéré que les conditions d'une défense d'office n'étaient pas réalisées.

3.             Justifiée, la décision déférée sera donc confirmée et le recours rejeté.

4.             Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l'État (art. 20 RAJ).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).