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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/675/2022

ACPR/575/2022 du 19.08.2022 ( JMI ) , REJETE

Descripteurs : MINORITÉ(ÂGE);PLACEMENT D'ENFANTS DANS UNE INSTITUTION;DÉFENSE OBLIGATOIRE
Normes : PPMin.24; PPMin.25; DPMin.15.al2; DPMin.10.al1

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/675/2022 ACPR/575/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 août 2022

 

Entre

 

A______, actuellement détenu au Centre éducatif fermé de B______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre les décisions rendues les 30 juin et 1er juillet 2020 par le Tribunal des mineurs,

 

et

 

LE TRIBUNAL DES MINEURS, rue des Chaudronniers 7, 1204 Genève - case
postale 3686, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 12 juillet 2022, A______ recourt contre les décisions rendues par le Tribunal des mineurs (ci-après: TMin), les 30 juin et 1er juillet 2022, communiquées respectivement par pli simple et courriel, à teneur desquelles l'autorité a, par la première, refusé de nommer d'office Me C______ et, par la seconde, refusé d'accorder au précité l'accès au dossier.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de ces décisions, à la nomination d'office de Me C______ avec effet au 25 mai 2022 et à pouvoir consulter le dossier relatif au suivi de son placement.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______, né le ______ 2000, a été condamné, le 14 avril 2021, par le Tribunal des mineurs (JTMI/8/2021), à une peine privative de liberté de trois ans et six mois. Son placement pénal (art. 10 et 15 al. 2 DPMin), au Centre éducatif fermé de B______ (ci-après: CEP) – lequel prime la peine privative de liberté (art. 32 al. 1 DPMin) –, a été confirmé.

Par arrêt du 26 janvier 2022 (AARP/128/2022), la Chambre pénale d'appel et de révision a confirmé cette condamnation, aujourd'hui entrée en force.

b. Me C______ avait été désigné à la défense d'office de A______ depuis le 26 février 2019.

c. Le 25 mai 2022, A______ a requis la nomination d'office de Me C______, soutenant être indigent et dans l'incapacité à se défendre lui-même "en lien avec son placement", et a posé plusieurs questions sur le suivi de sa mesure.

d. Le 27 suivant, le TMin lui a répondu que le mandat d'office de Me C______ serait levé avec l'entrée en force de sa condamnation, nonobstant la procédure de suivi des mesures.

e. Le 20 juin 2022, A______ a informé le JMin que l'arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision n'avait pas fait l'objet d'un recours, si bien qu'il était définitif. Il réitérait néanmoins sa requête en nomination d'avocat d'office, expliquant que les art. 24 et 25 PPMin restaient applicables au stade de l'exécution des sanctions et mesures prononcées à l'encontre d'un mineur, citant à cet égard une jurisprudence du Tribunal fédéral (arrêt 6B_532/2011 du 29 septembre 2011). Le TMin était invité à rendre une décision formelle.

C. a. Par sa première décision querellée, le TMin souligne, d'abord, que la jurisprudence invoquée par A______ ne trouvait pas application au cas d'espèce, car il concernait la libération conditionnelle d'une peine privative de liberté. Il relève ensuite que le précité, largement majeur et dont l'évolution positive devait être saluée, bénéficiait désormais de nombreux congés, pour des retours en famille et pour des stages. Il était ainsi parfaitement à même de "se positionner quant à ses besoins". Les conditions d'une défense obligatoire, selon l'art. 24 al. 1 let. b PPMin, n'étaient dès lors pas réunies, les autres cas prévus par cette disposition ne s'appliquant pas non plus.

b.a. Par lettre du 1er juillet 2022, l'avocat a accusé réception de cette décision et demandé que le dossier relatif à l'exécution du placement de A______ soit mis à sa disposition pour consultation.

b.b. Le 5 juillet 2022, le TMin a refusé, en faisant référence à sa décision de la veille ("Cf. décision du 30 juin 2022").

D. a. Dans son recours, A______, comparant par Me C______, se plaint d'une violation des art. 24 let. b et 25 al. 1 let. c PPMin. Dans le cadre de l'exécution de la mesure, des rapports thérapeutiques le concernant devaient normalement être adressés au TMin. Il souhaitait dès lors pouvoir s'assurer que de tels rapports avaient bien été rendus, et, le cas échéant, en prendre connaissance pour se déterminer en vue du prochain contrôle de son placement. Ces démarches justifiaient l'assistance d'un conseil, par analogie avec l'arrêt du Tribunal fédéral susmentionné, ce d'autant plus que le TMin refusait de lui accorder l'accès au dossier ou de répondre à ses questions sur le suivi de la mesure. Aucun motif légal ne justifiait en outre de lui refuser l'accès au dossier, cette consultation étant au demeurant nécessaire en perspective de l'examen périodique de son placement.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échanges d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1. 1.1. L’acte a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 3 al. 1 PPMin cum 396 al. 1 et 385 al. 1 CPP), auprès de la Chambre de céans, autorité de recours de la juridiction des mineurs (art. 7 al. 1 let. c et 39 al. 3 PPMin, 20 al. 1 let. a CPP et 128 al. 1 let. b LOJ), contre deux décisions du Tribunal des mineurs agissant comme autorité d'exécution (art. 16 DPMin, art. 42 al. 1 PPMin et art. 44 al. 1 let. d LaCP), par le condamné (art. 18 let. a PPMin), qui dispose de la qualité pour recourir (art. 38 al. 1 let a PPMin).

1.2. Les deux décisions sont sujettes à recours immédiat (art. 39 al. 1 PPMin cum 393 al. 1 let. b CPP, art. 39 al. 2 let. c PPMin).

1.3. Le recours est donc recevable.

2. Le recourant reproche au TMin de lui avoir refusé une défense obligatoire.

2.1. La PPMin régit non seulement la poursuite et le jugement des infractions commises par des mineurs, mais aussi l'exécution des sanctions prononcées (art. 1 PPMin ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2011 du 29 septembre 2011 consid. 2.2 et les références citées).

2.2. L'art. 24 PPMin (défense obligatoire) dispose que le prévenu mineur doit avoir un défenseur dans les cas suivants: il est passible d'une privation de liberté de plus d'un mois ou d'un placement (let. a); il ne peut pas suffisamment défendre ses intérêts dans la procédure et ses représentants légaux ne le peuvent pas non plus (let. b); la détention provisoire ou la détention pour des motifs de sûreté a duré plus de 24 heures (let. c); il est placé dans un établissement à titre provisionnel (let. d); le ministère public des mineurs ou le procureur des mineurs intervient personnellement aux débats (let. e).

Il s'agit de conditions alternatives (ATF 138 IV 35 consid. 6.1.).

L'art. 25 al. 1 PPMin (défense d'office) prévoit que l'autorité compétente désigne un défenseur d'office lorsque le prévenu mineur doit avoir un défenseur et que l'une des conditions suivantes est remplie : le prévenu mineur ou ses représentants légaux n'ont pas choisi de défenseur malgré une sommation (let. a); le défenseur s'est vu retirer son mandat ou l'a abandonné et le prévenu mineur ou ses représentants légaux n'ont pas désigné un nouveau défenseur dans le délai imparti (let. b); le prévenu mineur et ses représentants légaux ne disposent pas des ressources financières nécessaires (let. c).

Le prévenu mineur peut bénéficier d'un défenseur d'office si l'une des hypothèses de l'art. 24 PPMin est réalisée et que l'une des conditions (alternatives) figurant sous let. a à c de l'art. 25 al. 1 PPMin l'est également. Il s'agit là d'une dérogation importante, à tout le moins sous l'angle systématique, aux règles générales sur la défense d'office découlant de l'interprétation des art. 6 par. 3 let. c CEDH, 4 aCst., 29 al. 3 Cst. et 132 al. 2 et 3 CPP (N. QUELOZ (éd.), Droit pénal et justice des mineurs en Suisse, Zürich 2018, n. 211).

Que le recourant ait désormais atteint l'âge de la majorité n'ôte pas toute portée aux dispositions précitées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2011 précité consid. 2.2).

2.3. Dans l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2011 précité, le recourant, détenu en exécution d'une peine privative de liberté, s'était vu refuser la libération conditionnelle alors qu'il n'avait pas été pourvu d'une défense obligatoire. Le Tribunal fédéral a retenu qu'au vu du parcours du recourant et de son manque de formation, on ne saurait considérer qu'il était à même de défendre personnellement ses intérêts dans une procédure de libération conditionnelle. Que l'autorité d'exécution doive examiner d'office la possibilité d'accorder la libération conditionnelle (art. 28 al. 2 DPMin) et qu'en cas de refus, elle doive réexaminer au moins une fois tous les six mois cette question (art. 28 al. 4 DPMin) n'impliquent pas d'appréhender le droit à un défenseur de manière plus souple. Les conditions pour admettre une défense obligatoire au sens de l'art. 24 let. b PPMin étaient ainsi réunies (consid. 2.2).

2.4. En l'espèce, le recourant est placé en milieu fermé (art. 15 al. 2 DPMin), à titre de mesure de protection (art. 10 al. 1 DPMin).

Le recourant semble estimer avoir droit à une défense obligatoire du seul fait qu'il est placé en milieu fermé. Or, l'art. 24 let d. PPMin ne vise que les placements dans un établissement à titre provisionnel. Partant, le placement après la condamnation, à titre de mesure, n'ouvre pas, en tant que tel, de droit à la défense obligatoire.

Le recourant expose ensuite, sous l'angle de l'art. 24 let. b PPMin, devoir s'assurer que les rapports thérapeutiques devant être remis au TMin l'avaient bien été, vouloir en prendre connaissance et, le cas échéant, se déterminer sur ceux-ci dans la perspective du prochain contrôle de la proportionnalité du placement, au sens de l'art. 19 DPMin. Dans la mesure où le TMin lui refusait l'accès au dossier et refusait d'informer son conseil, il n'était pas en mesure de défendre suffisamment ses intérêts.

C'est cependant en vain que le recourant, pour étayer ce grief, se fonde sur l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_532/2011 précité. Dans l'affaire, la défense obligatoire était justifiée par la procédure de libération conditionnelle, dans le cadre de laquelle le prévenu mineur bénéficie expressément d'un droit de recours (art. 43 let. c PPMin). Ici, il n'est nullement question de procédure, mais du suivi du placement. Le recourant, âgé de 22 ans, bénéfice de congés et semble évoluer favorablement. Il est en mesure de demander, seul, à son éducateur référent, voire aux autres intervenants, à être tenu informé du suivi de la mesure et à faire valoir son point de vue.

La décision rendue le 30 juin 2022 par le TMin n'est ainsi pas critiquable.

3. Le recourant reproche au TMin de lui avoir refusé, respectivement d'avoir refusé à son conseil, le droit de consulter le dossier relatif au suivi du placement en cours.

3.1. L'art. 15 al. 1 let. a PPMin prévoit que, dans l’intérêt du prévenu mineur, le droit de consulter des informations sur sa situation personnelle peut être restreint pour le prévenu mineur.

Le défenseur et le ministère public des mineurs peuvent consulter tout le dossier. Ils ne sont pas autorisés à en divulguer le contenu dans la mesure où le droit de le consulter a été restreint (al. 2).

3.2. Le prévenu mineur capable de discernement et ses représentants légaux peuvent désigner un avocat (art. 23 PPMin).

3.3. En l'espèce, Me C______ a requis, le 1er juillet 2022, que le dossier du recourant soit mis à sa disposition. Il ressort ainsi de la chronologie des faits et de la brève motivation de la décision du 1er juillet 2022 que le droit de consulter le dossier n'a nullement été refusé au recourant, mais à Me C______, dont la nomination en qualité de défenseur d'office avait été refusée la veille. L'avocat ne s'étant pas légitimé au moyen d'une procuration signée par son client (art. 129 al. 2 CPP cum art. 3 al. 1 PPMin), il ne pouvait être considéré comme agissant en qualité de conseil privé du recourant.

Partant, c'est à bon droit que le TMin a refusé de remettre le dossier à la consultation de l'avocat.

Il appartiendra au recourant, en personne, ou à son conseil dûment muni d'une procuration, de renouveler la demande s'il s'y estime fondé.

4. Les frais de la procédure de recours seront laissés à la charge de l’État.

5. Aucune indemnité n'est due à l'avocat, qui n'est pas nommé d'office. Aucune indemnité n'est due au recourant, qui n'obtient pas gain de cause (art. 429 al. 1 let. a CPP a contrario, cum art. 3 al. 1 PPMin).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit pour lui Me C______) et au Tribunal des mineurs.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdanes Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).