Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6847/2017

ACPR/549/2022 du 10.08.2022 sur OCL/269/2022 ( MP ) , IRRECEVABLE

Normes : CPP.382; CPP.319; CP.251; CP.146; CP.139; CP.138

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6847/2017 ACPR/549/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 10 août 2022

 


Entre

 

A______, domiciliée ______, comparant par Me Philippe GIROD, avocat, Boulevard Georges-Favon 24, 1204 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de classement partiel rendue le 7 mars 2022 par le Ministère public,

 

et

 

B______, domicilié ______, comparant par Me Enis DACI, avocat, Lexpro, rue Rodolphe-Toepffer 8, 1206 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 mars 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 mars 2022, notifiée le 9 suivant, aux termes de laquelle le Ministère public a classé sa plainte du 18 janvier 2018 contre B______.

La recourante conclut, sous suite de frais, à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour poursuite de l'instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. C______ SA (auparavant C______ SÀRL) est une société anonyme inscrite au Registre du commerce de Genève, dont le but est l'acquisition, la gestion et la vente de biens immobiliers. B______ en a été l'administrateur unique, disposant de la signature individuelle, du 29 juin 2016 au 14 décembre 2017. Depuis cette date, D______ en a été l'administratrice unique, avec signature individuelle, et ce jusqu'au 9 mai 2022, date à laquelle elle a été remplacée à cette fonction par A______.

Cette dernière en est l'unique actionnaire depuis la transformation de l'entreprise en société anonyme, en juin 2016.

b. E______ SA, actuellement en liquidation, est une société anonyme sise à Genève active dans le domaine immobilier. F______ en a été l'administratrice unique, avec signature individuelle, du 20 avril au 29 septembre 2017, date à laquelle elle a été remplacée par B______, devenu administrateur unique, puis administrateur liquidateur, disposant de la signature individuelle.

B______ et A______ sont actionnaires, à hauteur de 50% chacun, de cette société.

c. Par courrier du 18 janvier 2018, A______ a déposé plainte contre le prénommé des chefs d'abus de confiance (art. 138 CP), vol (art. 139 CP), escroquerie (art. 146 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).

En substance, elle expliquait avoir fait la connaissance de B______ dans le courant de l'année 2013 et lui avoir confié la tenue de la comptabilité et la gestion des comptes de C______ SA. Cette société était domiciliée à la même adresse que l'entreprise G______ SÀRL, dont le prénommé était l'animateur, de sorte que celui-ci réceptionnait et traitait l'intégralité de son courrier. Étant le seul à disposer d'une carte bancaire et d'un accès au compte de C______ SA, il assurait également le paiement des charges de la société. Au fil des années, il avait accompli à satisfaction les tâches qui lui avaient été confiées, si bien qu'elle n'avait eu aucune raison de se méfier.

Cependant, à la fin de l'année 2017, elle avait eu la surprise de se voir notifier un commandement de payer, au motif que le loyer d'un appartement loué par C______ SA n'avait pas été réglé, bien qu'elle eût remis à B______ les montants nécessaires au paiement des charges de la société. Elle avait également découvert que plusieurs mises en demeure avaient été adressées à cette dernière, sans qu'elle-même en eût été informée.

Par ailleurs, durant la même période, deux autres poursuites avaient été engagées contre C______ SA en raison de cotisations AVS impayées et d'un prêt non remboursé, contracté par B______ au nom de la société.

Après avoir interpellé le prénommé, qui avait prétendu qu'il s'agissait d'erreurs, ajoutant qu'elle ne comprenait "rien" à la comptabilité, elle s'était adressée à son employée, F______, qui lui avait révélé "à demi-mots" que B______ avait, à plusieurs reprises, prélevé des fonds sur le compte de C______ SA, qui avaient été affectés à des fins personnelles.

En procédant à une analyse des extraits du compte de la société pour les années 2016 et 2017 – remis par F______ –, elle avait constaté que de nombreux virements et prélèvements en espèces avaient en effet été opérés, sans rapport avec les activités ou les charges de l'entreprise. Divers montants avaient en outre été crédités sur ledit compte, dont elle ignorait les fondements et qui provenaient d'autres sociétés dont B______ était l'administrateur.

N'étant pas en possession de tous les relevés de compte de sa société, depuis sa création, elle n'était pas en mesure de chiffrer de manière précise son dommage, lequel s'élevait à plusieurs dizaines de milliers de francs.

Par ailleurs, "ses ennuis" ne s'étaient malheureusement pas limités aux malversations commises sur le compte de C______ SA. En effet, le 10 mai 2017, afin d'exercer une nouvelle activité, B______ et elle-même avaient racheté la société E______ SA – pour un montant total de CHF 20'000.- –, dont ils étaient devenus actionnaires à hauteur de 50% chacun. F______ en était devenue l'administratrice unique, disposant de la signature individuelle, tandis que B______ était le seul à avoir accès au compte de la société.

Ce dernier ne lui avait jamais versé le moindre montant en lien avec l'activité de E______ SA. À chaque fois qu'elle lui avait réclamé sa part de bénéfice, qu'elle estimait à CHF 15'000.- par mois; il avait prétendu que la société était déficitaire, voire endettée, et lui avait même demandé d'y injecter une somme de CHF 50'000.- en vue d'éviter la faillite.

En septembre 2017, soit la période durant laquelle C______ SA avait fait l'objet de poursuites, elle avait exigé de B______ la remise des relevés bancaires du compte de E______ SA. Lorsqu'elle avait pu en prendre connaissance, après avoir longuement insisté, elle avait découvert de nombreux prélèvements et paiements opérés sur le compte concerné, sans lien avec l'activité de la société. Plusieurs virements avaient également été ordonnés en faveur d'entreprises dont B______ était l'administrateur unique.

Par ailleurs, en consultant le registre du commerce, elle avait constaté que le mandat d'administrateur de F______ avait été révoqué le 29 septembre 2017 et que la fonction d'administrateur de E______ SA était désormais occupée par B______, sans qu'elle en ait été informée. Après s'être renseignée, à cet égard, auprès du registre du commerce, elle avait découvert que le précité avait tenu une assemblée générale extraordinaire de E______ SA le 28 septembre 2018, sans l'avoir convoquée, alors qu'il ressortait du procès-verbal de ladite assemblée qu'elle était absente et excusée.

Finalement, B______ lui avait proposé de lui racheter ses actions dans la société E______ SA pour un montant de CHF 150'000.-, avant de se raviser.

À l'appui de sa plainte, A______ a notamment produit les extraits du compte de C______ SA ouvert auprès de la banque H______ pour les années 2016 et 2017 ainsi qu'une "liste récapitulative des opérations réalisées" sans rapport avec les activités de ladite société ; les relevés du compte de E______ SA auprès de I______ du 31 mai au 31 décembre 2017; le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire de E______ SA du 28 septembre 2017, retenant que la majorité du capital-actions était représentée par B______ et qu'à l'unanimité des actions représentées, il avait été décidé de révoquer le mandat de F______ et de nommer le précité administrateur unique de la société, avec signature individuelle; la feuille de présence de ladite assemblée, portant les signatures de B______, président, et de J______, secrétaire. A______, représentée par B______, était excusée; et une lettre envoyée par l'avocate de la plaignante au mis en cause, le 15 novembre 2017, soulevant les mêmes griefs que ceux énoncés dans sa plainte pénale.

d. D'autres plaintes et dénonciations pénales, jointes à la présente procédure, ont été déposées contre B______ par plusieurs personnes et entités entre les 1er mai 2017 et 11 décembre 2019, notamment pour escroquerie et gestion déloyale.

e. Entendu le 28 février 2018 par la police en qualité de prévenu au sujet de la plainte de A______, B______ a, en substance, contesté avoir prélevé des fonds sur les comptes de C______ SA et E______ SA, autrement que pour percevoir des sommes qui lui étaient dues, respectivement des montants qui avaient été comptabilisés dans les comptes desdites sociétés.

Il avait effectivement tenu une assemblée générale extraordinaire de E______ SA le 28 septembre 2018, à laquelle A______ n'avait pas été convoquée par écrit; elle en avait toutefois été informée oralement. Si cette assemblée avait été organisée "au pied levé", c'était parce qu'il entendait révoquer le mandat d'administrateur de F______, ayant l'intention de déposer plainte contre celle-ci.

Il contestait avoir proposé à A______ de lui racheter ses actions dans la société E______ SA pour un prix de CHF 150'000.- ce qui, au demeurant, aurait été peu vraisemblable, dès lors que la plaignante avait acquis lesdites actions pour un montant de CHF 10'000.- huis mois auparavant.

Au terme de son audition, B______ s'est engagé à produire la liste de l'ensemble des comptes bancaires dont il était l'ayant droit économique et la comptabilité de cinq sociétés, dont celle de E______ SA.

f. À teneur du rapport de renseignements du 2 mai 2018, la police a procédé à l'analyse du compte I______ de E______ SA pour la période du 31 mai au 31 décembre 2017. Il en ressortait, en substance, qu'une somme totale de CHF 819'358.-avait été débitée durant cette période; CHF 473'200.- avaient été prélevés en espèces et de nombreux autres montants de plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de francs, virés en faveur de diverses sociétés ou personnes physiques.

g.a. Une audience s'est tenue le 4 septembre 2018 par-devant le Ministère public, portant sur les diverses plaintes déposées contre B______, dont celle de A______, et lors de laquelle l'intéressé a été formellement prévenu d'avoir :

- durant les années 2016-2017, omis de payer les charges courantes de la société C______ SA, violant de la sorte son devoir de gestion et causant un dommage à A______, actionnaire, laquelle s'était vue notifier plusieurs commandements de payer et réquisitions de poursuite;

- durant les années 2016-2017, sans l'accord de A______, actionnaire de C______ SA, effectué des retraits en espèces sur le compte de la société et procédé à des versements depuis celui-ci, pour plusieurs dizaines de milliers de francs et conservé les montants détournés par-devers lui dans le but de s'enrichir sans droit;

- entre les 31 mai et 31 décembre 2017, sans l'accord de A______, coactionnaire de E______ SA, effectué des versements injustifiés depuis le compte I______ de la société ainsi que des retraits en espèces sur ce compte, d'un montant indéterminé mais de plusieurs dizaines de milliers de francs, voire de centaines de milliers de francs, et conservé les montants détournés par-devers lui dans le but de s'enrichir illégitimement;

- le 28 septembre 2017, établi une fausse feuille de présence de l'assemblée générale extraordinaire de E______ SA, indiquant que l'absence de A______ était excusée, alors qu'elle n'avait pas été informée de la tenue de ladite assemblée.

g.b. B______ a contesté l'intégralité des faits qui lui étaient reprochés et s'est engagé à produire la comptabilité de E______ SA, le livre de caisse de celle-ci ainsi que les récépissés de carte de crédit.

g.c. A______ a confirmé vouloir participer à la procédure en tant que partie plaignante au pénal et au civil, précisant ne pas être en mesure de chiffrer son dommage.

h. Par lettre du 31 décembre 2020, le Ministère public a indiqué à cette dernière que la poursuite de l'instruction nécessitait désormais qu'elle décrive spécifiquement les faits reprochés à B______ (dates des opérations bancaires et montants précis), par référence aux documents versés à la procédure ou à de nouvelles pièces à l'appui.

i. Par missive du 21 janvier 2021, à laquelle était annexée la plainte du 18 janvier 2018, A______ a estimé son dommage à CHF 30'257.- et la contre-valeur de ses actions dans la société E______ SA à CHF 150'000.-, sans plus de précision.

j. Par avis de prochaine clôture du 13 septembre 2021, le Ministère public a informé A______ qu'il entendait classer les faits dénoncés dans sa plainte et que l'instruction se poursuivrait en ce qui concernait les autres agissements reprochés à B______. Un délai au 24 septembre 2021 lui a été imparti pour formuler ses éventuelles réquisitions de preuve et solliciter une indemnité.

k. Par courrier du 17 septembre 2021, la plaignante a sollicité une prolongation du délai pour présenter ses réquisitions de preuves, qui lui a été accordée au 12 octobre 2021.

l. Par pli recommandé du 12 octobre suivant au Ministère public, A______ a exposé que les pièces produites par B______ ne permettaient pas, sans détermination de celui-ci ni plus ample analyse, de répondre à ses interrogations, en particulier au sujet des mouvements de fonds auxquels il avait procédé.

Elle sollicitait par conséquent la production des comptes personnels de B______, de son compte actionnaire à elle et celui du prénommé au sein de E______ SA; de la comptabilité actualisée de celle-ci; une analyse de "l'ensemble des documents produits permettant de déterminer l'ampleur des prélèvements" effectués par le prévenu; l'audition de F______ et la tenue d'une audience contradictoire des parties sur la base de ces éléments.

C. a. Dans sa décision querellée, le Ministère public, après avoir résumé les faits et les actes d'enquête effectués – relevant que A______ n'avait pas présenté de réquisitions de preuve dans le délai imparti –, a considéré que les éléments constitutifs d'une infraction n'étaient pas réunis (art. 319 al. 1 let. b CPP).

En effet, la lecture de la plainte du 18 janvier 2018 ne permettait pas de distinguer les opérations effectuées sur les comptes de C______ SA et de E______ SA susceptibles, par opposition à d'autres, de constituer des infractions pénales.

La plaignante n'avait, à aucun moment, pris la peine de préciser, pièces à l'appui, quels mouvements de fonds étaient litigieux, s'étant limitée à chiffrer son dommage à CHF 30'257.-, sans que ce montant ne figurât dans sa plainte. Elle avait également allégué un montant de CHF 150'000.-, correspondant, d'après elle, au prix que B______ se serait engagé à lui payer pour racheter ses actions dans la société E______ SA. Or, le fait de ne pas honorer un contrat ne constituait pas une infraction pénale, sauf circonstances très particulières, qui n'étaient pas réalisées en l'espèce.

Pour le surplus, il n'appartenait pas à l'autorité d'instruction, dans le cadre d'un litige au demeurant de nature essentiellement civile, de rechercher parmi de nombreuses opérations bancaires celles pouvant éventuellement avoir une connotation pénale, lorsque la personne s'estimant lésée ne lui apportait à cet égard aucune collaboration.

b. Par lettre de son conseil du 10 mars 2022, A______ a indiqué au Ministère public qu'elle avait, par lettre recommandée du 12 octobre 2021, présenté des réquisitions de preuves, de sorte qu'elle lui priait de rectifier l'erreur contenue dans l'ordonnance de classement, voire de revenir sur celle-ci.

c. À teneur d'une note de la Procureure, du 16 mars 2022, figurant au dossier, le courrier de la plaignante du 12 octobre 2021 n'avait, "pour des raisons ignorées", pas été porté à sa connaissance ni versé au dossier.

d. Par courrier du même jour, la Procureure a informé A______ que sa lettre ne lui était pas parvenue mais qu'elle n'entendait pas revenir sur sa décision de classement.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche tout d'abord au Ministère public une constatation incomplète et erronée des faits, pour avoir retenu qu'elle n'avait pas fait valoir de réquisitions de preuve dans le délai imparti à cet effet.

Pour une raison inexpliquée, l'autorité précédente affirmait en effet ne pas avoir reçu sa lettre du 12 octobre 2021, expédiée pourtant par pli recommandé et e-fax, de sorte que la décision querellée devait être annulée pour ce motif déjà.

Ensuite, le Ministère public avait violé l'art. 319 CPP, en considérant que les éléments constitutifs d'une infraction pénale n'étaient pas réunis. Dans sa plainte, elle avait exposé avoir confié au prévenu divers mandats de comptabilité avec pouvoirs de signature et de gestion des encaissements et paiements. La mise en prévention de l'intéressé du 4 septembre 2018 sur les faits qu'elle avait dénoncés portait sur quatre points libellés de manière précise. Dans ce contexte, le prévenu s'était engagé à produire divers documents, parmi lesquels la comptabilité de E______ SA, le livre de caisse de la société et les relevés de comptes, qui n'avaient pourtant pas encore été versés à la procédure.

De plus, les débits opérés sur le compte de E______ SA d'un montant total de CHF 819'358.- et les retraits en espèces effectués à hauteur de CHF 473'200.60 avaient été qualifiés "d'injustifiés ou de suspects" par la police. Les transferts entre diverses sociétés ayant fait l'objet de crédits en retour n'avaient pas non plus été investigués. Or, c'était précisément sur ces différents éléments que portaient ses réquisitions de preuve.

Le Ministère public ne pouvait dès lors considérer que la lecture de sa plainte ne permettait pas de distinguer les opérations bancaires effectuées sur les comptes des sociétés susceptibles de constituer des infractions pénales. Son absence de collaboration à elle ne pouvait pas non plus être retenue, puisqu'elle avait "précisé" ses réquisitions de preuve le 12 octobre 2021.

b. Dans ses observations, le Ministère public s'en remet à l'appréciation de la Chambre de céans quant à la recevabilité du recours, en particulier de la qualité pour recourir de A______. En effet, dans l'hypothèse où les éléments constitutifs d'une infraction étaient réunis – ce qui n'était pas le cas en l'espèce – seules les sociétés C______ SA et E______ SA seraient a priori lésées, et non la recourante.

Sur le fond, cette dernière avait sollicité divers actes d'instruction, sur lesquels il n'était toujours pas en mesure de se déterminer, ignorant quelles opérations bancaires étaient litigieuses. En réalité, les actes demandés par la recourante s'apparentaient à une recherche indéterminée de moyens de preuves, alors qu'il n'appartenait pas à l'autorité de poursuite pénale de rechercher la commission d'éventuelles infractions.

c. Dans ses observations, B______ relève que la recourante, en tant qu'actionnaire des sociétés C______ SA et E______ SA, ne revêtait pas la qualité de lésée au sens de l'art. 115 al. 1 CPP, de sorte que son recours était irrecevable.

Pour le surplus, bien que le courrier de la recourante du 12 octobre 2021 ne soit parvenu à la connaissance du Ministère public qu'après le prononcé de l'ordonnance querellée, ce dernier lui avait néanmoins indiqué, avant l'échéance du délai de recours, que sa missive n'était pas de nature à modifier sa conviction et qu'il n'entendait pas revenir sur sa décision. En tout état, le courrier de la recourante n'apportait aucun élément nouveau, de sorte que l'autorité précédente avait valablement procédé à une appréciation anticipée des preuves.

L'intimé sollicite une indemnisation pour ses frais de défense pour la procédure de recours en CHF 2'246,35 TTC, correspondant à 4h30 d'activité de son avocat au tarif horaire de CHF 450.-.

d. Dans sa réplique, A______ relève que les "moyens développés" par le prévenu pour contester sa qualité de partie plaignante étaient "inefficaces", dans la mesure où B______ avait lui-même allégué, dans le cadre de la procédure, avoir agi pour son compte à elle.

Aucune "analyse plus précise" n'avait été ordonnée en l'état, ce qui l'empêchait – de même que le Ministère public – de déterminer les circonstances exactes des prélèvements litigieux, "les bénéficiaires et les entités juridiques lésées", de même que leurs dommages respectifs. Puisqu'il existait des soupçons suffisants, rendant vraisemblable le fait qu'elle fut lésée dans ses droits, il n'y avait pas lieu à ce stade de lui dénier "la nécessité d'aller de l'avant dans l'instruction des faits".

e. B______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Il concerne en outre une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2. Reste toutefois à examiner si la recourante a qualité pour agir, c’est-à-dire si un intérêt juridiquement protégé à recourir peut lui être reconnu (art. 382 al. 1 CPP).

1.3.1. Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. Tel est, en particulier, le cas du lésé qui s'est constitué demandeur au pénal (art. 104 al. 1 let. b cum 118 al. 1 CPP). La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 141 IV 1 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1274/2018 du 22 janvier 2019 consid. 2.1). Pour être directement touché, le lésé doit, en outre, subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie, ce qui exclut les dommages par ricochet (arrêt du Tribunal fédéral 6B_655/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.1).

1.3.2. Lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.3 p. 386; 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158).

1.3.3. Les différentes dispositions du Titre 2 de la partie spéciale du code pénal (comprenant notamment les art. 137 à 164 CP) tendent à protéger le patrimoine, soit la somme des valeurs économiques juridiquement protégées par le droit civil (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, Bâle 2017, n. 1 ad remarques préliminaires aux art. 137 ss).

1.3.4. Quant à l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP), elle protège en premier lieu un bien juridique collectif, à savoir la confiance que l'on peut accorder, dans les relations juridiques, à un titre en tant que moyen de preuve (ATF 142 IV 119 consid. 2.2 p. 121ss; 137 IV 167 consid. 2.3.1) et dans la vie des affaires, aux pièces de légitimation, certificats et attestations (ATF 95 IV 68, JdT 1969 IV 78). Le faux dans les titres peut toutefois également porter atteinte à des intérêts individuels, en particulier lorsqu'il vise précisément à nuire à un particulier (arrêt du Tribunal fédéral 6B_655/2019 consid. 4.3.3 et les références citées). Tel est le cas lorsque le faux est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine, la personne dont le patrimoine est menacé ou atteint ayant alors la qualité de lésé (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 11 ad art. 115).

1.4.  En l'espèce, on peine à discerner, dans l'argumentation de la recourante, en quoi les faits dénoncés seraient susceptibles de la toucher personnellement et directement. En effet, il résulte du dossier qu'elle reproche à B______ de s'être rendu coupable d'abus de confiance (art. 138 CP), de vol (art. 139 CP) et d'escroquerie (art. 146 CP), pour avoir utilisé à des fins personnelles des fonds se trouvant sur les comptes bancaires des sociétés C______ SA et E______ SA, ou d'y avoir effectué des prélèvements et virements indus.

Force est ainsi de constater que les actes dénoncés – à supposer qu'ils fussent établis – ne touchent que le patrimoine des sociétés précitées, lesquelles sont dotées d'une personnalité juridique distincte de celle de la recourante, qui est leur actionnaire. En cette qualité, la recourante ne subit qu'une atteinte indirecte, insuffisante pour la faire apparaître comme lésée, étant relevé qu'elle ne soutient pas que les infractions dénoncées auraient directement porté atteinte à son patrimoine personnel, s'étant au demeurant limitée à chiffrer son dommage à CHF 30'257.- sans donner plus de précisions. Le fait qu'elle aurait par ailleurs dû, en tant que coactionnaire et propriétaire de la société E______ SA, investir de nouveaux fonds dans celle-ci afin d'en éviter la faillite constitue également un dommage par ricochet, son propre patrimoine servant seulement de manière indirecte à limiter le dommage prétendument subi par ladite société.

Quant à l'infraction de faux dans les titres (art. 251 CP), la recourante n'explique pas en quoi le procès-verbal et la feuille de présence de l'assemblée générale du 28 septembre 2017, lors de laquelle le mandat d'administrateur unique de F______ a été révoqué et l'intimé désigné pour la remplacer, aurait été établi ou utilisé pour lui nuire personnellement, notamment au motif qu'ils constitueraient l'un des éléments d'une infraction touchant son propre patrimoine. Dans la mesure où ces documents ne semblent pas lui avoir causé un préjudice direct – la recourante n'ayant fourni aucun développement au sujet d'un dommage qu'elle aurait personnellement subi –, la qualité de lésée doit également lui être niée sous cet angle.

Au vu de l'ensemble de ce qui précède, la recourante n'a pas d'intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) à l'annulation de la décision querellée.

2.             Partant, son recours est irrecevable. Point n'est dès lors besoin de traiter le grief relatif à une prétendue violation du droit d'être entendue de la recourante, en lien avec ses réquisitions de preuves.

3.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

4.             L'intimé, prévenu, qui obtient gain de cause, a droit à une juste indemnité pour ses dépens selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, applicable en instance de recours (art. 436 al. 1 CPP). Il a chiffré son indemnité à CHF 2'246,35, TVA comprise, correspondant à 4h30 d'activité de son avocat à un tarif horaire de CHF 450.-.

Eu égard à ses observations (quatre pages et demie, dont une de conclusions), une indemnité de CHF 969.30 lui sera allouée, correspondant à 2 heures d'activité d'avocat au tarif usuel de CHF 450.- de l'heure, TVA en sus. Cette indemnité sera mise à la charge de l'État (ATF 147 IV 47 consid. 4.2.5 p. 53 s.), la partie plaignante qui succombe devant l'autorité de recours n'ayant pas à supporter l'indemnité des frais de défense du prévenu lorsque la décision attaquée est une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (ATF 139 IV 45 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_357/2015 du 16 septembre 2015 consid. 2.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Alloue à B______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 969.30, TVA à 7.7% comprise, pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux parties, soit pour elles leurs conseils respectifs, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6847/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total

CHF

1'000.00