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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21288/2019

ACPR/419/2022 du 14.06.2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION
Normes : CPP.29; CPP.30

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21288/2019 ACPR/419/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 14 juin 2022

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant par Me Kevin SADDIER, avocat, Saint-Léger Avocats, rue de Saint-Léger 6, case postale 444, 1211 Genève 4,

recourante,

contre l'ordonnance de jonction rendue le 2 février 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 6 mai 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 2 février 2022, communiquée par pli simple le 25 avril 2022 et reçue selon elle le lendemain, par laquelle le Ministère public a joint les procédures pénales P/665/2022 et P/21288/2019 sous ce dernier numéro de procédure.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance, sous suite de frais et dépens.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 500.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. B______, gynécologue, est prévenu d'actes d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de résistance (art. 191 CP) voire de contrainte sexuelle (art. 189 al. 1 CP), subsidiairement d'abus de détresse (art. 193 al. 1 CP), sur des patientes, ainsi que de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 1 let. a LCR), dans le cadre de la procédure pénale P/1______/2018.

b. Le 17 octobre 2019, il a déposé plainte pénale contre C______, assistante médicale dans le cabinet qu'il partage avec son épouse, A______, gynécologue également, pour calomnie, voire diffamation, faux témoignage et violation du secret médical.

Cette procédure fait l'objet de la P/21288/2019.

c. Par ordonnance du 22 novembre 2021, le Ministère public a suspendu l'instruction de la P/21288/2019 jusqu'à droit jugé dans la P/1______/2018, C______ étant témoin dans celle-là et devant être réentendue à ce titre.

d. Le 11 janvier 2022, A______ a déposé plainte contre C______ pour calomnie, voire diffamation, violation du secret professionnel, faux dans les titres et détérioration de données.

La plainte a été enregistrée sous la P/665/2022.

e. Le 2 février 2022, le Ministère public a repris l'instruction de la P/21288/2019.

f. À la même date, il a joint les procédures P/665/2022 et P/21288/2019 sous ce dernier numéro de procédure, vu la qualité des parties et la connexité des faits (art. 29 et 30 CPP).

Cette ordonnance a été notifiée uniquement à B______.

Elle est l'objet du présent recours.

g. Le 2 février 2022 toujours, le Ministère public a ordonné la suspension de l'instruction de la P/21288/2019 jusqu'à droit jugé dans la P/1______/2018.

Cette ordonnance a été notifiée uniquement à B______.

Par acte séparé, A______ a également recouru contre cette décision.

h. Par courrier du 22 avril 2022, A______ s'est enquise auprès du Ministère public du sort réservé à sa plainte.

i. Dans sa réponse du 25 avril 2022, le Ministère public l'a informée qu'une ordonnance de jonction et une ordonnance de suspension avaient été rendues le 2 février 2022 mais qu'elles ne lui avaient pas été notifiées par erreur. Il les lui communiquait en l'informant qu'un délai de 10 jours pour former éventuellement recours courait dès la notification.

C. a. Dans son recours, A______ reproche au Ministère public une violation de son droit d'être entendue. La décision de jonction querellée n'était pas motivée. Elle ignorait les tenants et aboutissants de la procédure engagée par son mari, à laquelle elle n'était pas partie. Elle avait certes pu déduire de "la qualité des parties" mentionnée dans l'ordonnance que tant sa plainte que celle de son époux étaient dirigées contre C______. Par contre, elle n'était pas en mesure de se déterminer sur la connexité entre les reproches érigés par son époux à l'encontre de la prénommée et les reproches qui étaient les siens. La motivation de l'ordonnance n'était ainsi pas suffisante pour qu'elle puisse se prononcer sur le bien-fondé de la jonction, notamment sur l'état d'avancement des procédures. Son second grief avait trait à l'inopportunité de ladite ordonnance. Elle n'était pas directement concernée par la suspension de l'instruction ordonnée le 2 février 2022 mais y était contrainte par le truchement de la jonction de sa plainte à celle de son époux. Or, il existait un risque qu'une partie des infractions dénoncées soit prescrite "d'ici à l'année prochaine".

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.


 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – les réquisits de l'art. 85 al. 2 CPP n’ayant pas été respectés – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3. 3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; ATF 135 I 265 consid. 4.3; ATF 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; ATF 138 I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 1.1 et 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2).

Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1). La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_23/2009 du 25 mai 2009 consid. 3.1).

3.2.1. À teneur de l'art. 29 CPP ("Principe de l'unité de la procédure"), les infractions sont poursuivies et jugées conjointement lorsqu'un prévenu a commis plusieurs infractions (al. 1 let. a) ou s'il y a plusieurs coauteurs ou participants (al. 1 let. b).

Si des raisons objectives le justifient, le ministère public et les tribunaux peuvent ordonner la jonction ou la disjonction de procédures pénales (art. 30 CPP).

Le principe d'unité de la procédure découle déjà de l'art. 49 CP et, sous réserve d'exceptions, s'applique à toutes les situations où plusieurs infractions, respectivement plusieurs personnes, doivent être jugées ensemble (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand du Code de procédure pénale suisse, Bâle 2019, n. 1 ad art. 29). Ce principe tend à éviter les jugements contradictoires quant à l'état de fait, l'appréciation juridique ou la quotité de la peine. Il sert en outre l'économie de la procédure (ATF 138 IV 214 consid. 3; 138 IV 29 consid. 3.2).

3.2.2. L'art. 30 CPP prévoit la possibilité de déroger au principe de l'unité de la procédure. Cette faculté entraîne une extension de l'unité de la procédure à des situations qui ne sont pas incluses dans l'art. 29 CPP (ACPR/133/2013 du 10 avril 2013; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 3 ad art. 30). Une telle dérogation exige toutefois des raisons objectives, ce qui exclut de se fonder, par exemple, sur de simples motifs de commodité (ibid., n. 2 ad art. 30).

La disjonction des causes en vertu de l'art. 30 CPP doit cependant rester l'exception et l'unité de la procédure la règle, dans un but d'économie de procédure, d'une part, mais aussi afin de prévenir le prononcé de décisions contraires, d'autre part. Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré qu'en vertu du principe de l'unité de procédure, le ministère public était tenu de joindre des procédures à l'encontre du même prévenu quand bien même la nature des infractions était fort différente, en l'occurrence violences domestiques et escroquerie (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7; L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du CPP, Bâle 2016, n. 5 ad art. 29; ACPR/581/2016 du 14 septembre 2016).

3.3.1. En l'espèce, la recourante reproche tout d'abord au Ministère public d'avoir violé son droit d'être entendue, faute de motivation de son ordonnance de jonction.

La motivation de l'ordonnance querellée est ici sans conteste succincte.

La recourante indique cependant ne pas ignorer que son époux a lui-même déposé plainte pénale contre C______ et admet donc que la qualité des parties est identique.

Sous l'angle de la connexité des faits, quand bien même la recourante ignorerait les tenants et aboutissants de la plainte pénale déposée par son époux contre la prénommée – laquelle fait l'objet de la P/21288/2019 –, elle est désormais partie à cette procédure, de par la décision de jonction de sa plainte avec celle de son mari. La procédure P/21288/2019 lui étant accessible – elle ne soutient en tout cas pas le contraire – rien ne l'empêchait d'en prendre connaissance pour s'assurer, le cas échéant, que les faits dénoncés par elle étaient connexes à ceux dénoncés par son époux.

Cela dit, si la connexité entre les infractions reprochées à un prévenu appelle évidemment une jonction des causes, l'absence de connexité ne constitue pas un motif pour déroger au principe de l'unité de la procédure de l'art. 29 CPP, qui veut que l'ensemble des infractions reprochées à un prévenu soit poursuivi et jugé en même temps, sous peine de quoi cette disposition n'aurait quasiment aucune portée (cf. ACPR/231/2021 du 8 avril 2021 consid. 2.3).

Il en résulte que la recourante était parfaitement à même de saisir les motifs ayant présidé à la jonction des deux procédures et de contester cette décision.

Le grief est rejeté.

3.3.2. La recourante invoque ensuite l'inopportunité de la jonction, laquelle a eu pour conséquence que l'instruction de sa plainte était suspendue jusqu'à droit jugé dans la procédure diligentée contre son mari.

La décision de suspension de l'instruction du 2 février 2022 n'est pas l'objet du présent recours. La recourante l'a contestée dans un acte séparé, lequel fait l'objet d'un arrêt distinct. Partant, il n'y a pas lieu d'examiner ici le bien-fondé de ladite décision.

Quant à l'inopportunité de la jonction alléguée, elle se confond en réalité avec le bien-fondé de la décision de jonction, contre laquelle la recourante n'émet, sous réserve de la violation du droit d'être entendu écartée ci-dessus, aucun grief.

4. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 500.-, émolument de décision compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). Ils seront prélevés sur les sûretés fournies.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 500.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/21288/2019

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

-

CHF

Total

CHF

500.00