Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/21257/2021

ACPR/388/2022 du 02.06.2022 sur ONMMP/4353/2021 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : DIFFAMATION
Normes : CP.173; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21257/2021 ACPR/388/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 2 juin 2022

 

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparanpar Me Simon Enrique GIL HERNANDEZ, avocat, SANT'ANA LIMA AVOCATS SA, rue de Lausanne 69, 1202 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 7 d t écembre 2021 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 20 décembre 2021, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 décembre 2021, expédiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte déposée le 1er novembre 2021 contre B______, C______, D______, E______, F______ et G______, employés de la société H______ (GE) SA (ci-après : H______ SA), pour diffamation et calomnie.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction. À titre préalable, il sollicite l'assistance judiciaire "totale" à partir du 8 décembre 2021.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier du 1er novembre 2021, reçu le 3 suivant par le Ministère public A______ a déposé plainte pénale contre les précités pour diffamation et calomnie. Il expose que, le 23 avril 2021, il a été licencié par son employeur H______ SA, avec effet immédiat. Lors de l'entretien, le responsable des ressources humaines l'avait accusé de dommages à la propriété et de vol, ce qu'il avait contesté, raison pour laquelle il avait refusé de signer la lettre de résiliation. Par la suite, il avait contacté le Syndicat I______ (ci-après : I______) afin de contester son licenciement. Dans le cadre de sa correspondance avec le I______, H______ SA avait persisté à dire qu'il avait volé et cassé du matériel appartenant à un client. Dans sa dernière lettre, datée du 14 septembre 2021, H______ SA avait encore une fois affirmé qu'il était coupable de vol et de dommages à la propriété, en précisant qu'il aurait tout avoué à B______, C______, D______ et E______. Or, dans la mesure où il n'avait jamais commis les faits reprochés et que, par conséquent, il n'avait jamais rien avoué, il avait décidé de porter plainte contre les employés susmentionnés.

b. À l'appui de la plainte figurent les documents suivants :

b.a. Une lettre de résiliation des rapports de travail du 23 avril 2021, comportant les noms de F______ (Directeur général) et D______ (Directeur), mais signée uniquement par le premier. Cette lettre précise que "[s]uite à l'entretien que vous avez eu ce jour en présence de Monsieur D______ et Madame B______, il a été porté à votre connaissance les faits qui vous sont reprochés ci-après : casse et vol de matériel. Il s'agit donc purement et simplement d'un acte frauduleux envers notre société et nous ne pouvons tolérer de tels agissements, qui naturellement rompent la confiance entre employé et employeur (art. 337 CO). Au vu des éléments de preuve en notre possession vous incriminant et étant donné l'essence même de cette faute grave, nos relations de travail ne peuvent continuer et se sont éteintes de facto le 23 avril 2021".

b.b. Une lettre du 19 mai 2021 du I______ – représentant de A______ – à H______ SA, qui conteste les motifs du licenciement du 23 avril 2021 et requiert la production de toutes preuves utiles étayant ces "graves accusations".

b.c. La réponse de H______ SA du 27 mai 2021, signée par F______ (Directeur général) et G______ (Responsable RH Groupe), qui retient ceci : "Le 02.04.2021, nous avons reçu un courrier de la part de notre client stipulant des dégradations de matériel ainsi que la disparition de robinets et d'un coffre-fort sur le chantier. Nous avons donc eu un entretien le 06.04. en présence de M. A______ et deux de ses collègues pour comprendre cette situation. M. A______ a avoué avoir cassé le matériel sanitaire afin de prendre les robinets, et avoir cachés ces derniers dans sa cave. [ ] Nous avons, ce jour-là, informé M. A______ de notre mécontentement. Après discussion avec la direction et au vu du dossier de M. A______, nous avons décidé de le licencier avec effet immédiat le 23.04.2021 pour faute grave (vol). M. A______ n'a pas contesté le vol et a refusé de signer le courrier de licenciement. [ ] M. A______ n'avait effectivement jamais subi d'accusation de vol tout au long de sa carrière jusqu'à notre discussion du 06.04.2021, en présence de plusieurs collaborateurs."

b.d. Un courrier du 21 juin 2021, dans lequel A______ – par l'intermédiaire du I______ – conteste les accusations de H______ SA concernant l'entretien du 6 avril 2021. Il n'avait jamais rien "avoué". Par ailleurs, si tel était le cas, il ne comprenait pas pourquoi il n'avait pas été licencié à la suite de cet entretien, mais seulement 17 jours après. Il reconnaissait que E______ était venu sur le chantier où il opérait pour lui demander s'il avait eu connaissance du vol. Il avait répondu qu'il n'avait rien volé, qu'il y avait énormément de va-et-vient et que plusieurs entreprises étaient passées sur ce chantier. Il avait été accusé de vol à tort, sans aucune preuve contre lui. Il demandait à H______ SA d'apporter les preuves de ses accusations.

b.e. Une lettre de H______ SA du 14 septembre 2021, toujours signée par F______ et G______, qui fait référence à une séance tenue le 26 août 2021 dans ses locaux et précise qu'"[i]l est clairement établi, témoignages et déclarations écrites à l'appui que [A______] a cassé et subtilisé du matériel sanitaire, afin de se l'approprier. Il l'a lui-même reconnu lors de l'entretien du 6 avril 2021, en présence de Mme B______ ainsi que MM. C______ et D______. Il a fait la même déclaration à M. E______. Ce comportement a d'ailleurs généré des récriminations à notre encontre de la part du représentant du maître de l'ouvrage. Il s'agit ici de dommages à la propriété et, au mieux d'appropriation illégitime, et au pire de vol, soit des infractions pénales commises au détriment de tiers avec lesquels l'employeur est en relations contractuelles [ ]. Au surplus, nous avons agi aussi rapidement que possible, c'est-à-dire immédiatement après avoir pris connaissance et confirmation des faits reprochés à [A______]. Il nous est paru essentiel d'entendre les différentes personnes témoins des circonstances susrappelées [ ]."

C. Dans son ordonnance querellée, rendue sans autre vérification ou acte d'enquête, le Ministère public retient que, en raison du délai de plainte de trois mois (art. 31 CP), seul le courrier du 14 septembre 2021 pouvait faire l'objet de la plainte pénale. Les allégations qu'il contenait étaient parvenues à la connaissance du syndicat I______. Aucun élément au dossier ne démontrait que d'autres personnes auraient été informées de ces propos. Le I______ était conscient des circonstances dans lesquelles ces accusations avaient été énoncées et était dès lors "capable de faire la part des choses". En outre, les éléments constitutifs des infractions de diffamation (art. 173 CP), voire de calomnie (art. 174 CP), n'étaient pas réalisés, faute d'intention. En effet, rien ne permettait d'établir que les responsables de H______ SA avaient agi intentionnellement dans le but de porter atteinte à l'honneur de A______ et qu'ils connaissaient la fausseté de leurs allégations.

D. a. À l'appui de son recours, A______ précise, à titre préalable, avoir entamé le 12 novembre 2021 une procédure prud'homale afin de faire valoir ses droits résultant de son contrat de travail. S'agissant du délai pour déposer plainte pénale, il ne connaissait pas le nom des personnes ayant affirmé qu'il avait admis avoir volé et cassé du matériel avant d'avoir reçu le courrier du 14 septembre 2021. Dans ses autres correspondances, H______ SA s'était bien gardée de donner l'identité de ces personnes. Par ailleurs, le Ministère public n'avait procédé à aucun acte d'instruction; en particulier, il n'avait pas entendu les personnes concernées. Il ne pouvait ainsi pas se prononcer avec certitude sur leur intention, et encore moins en déduire qu'il ne s'agissait pas de fausses accusations.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Si la plainte avait été déposée notamment à l'encontre de B______, C______, D______ et E______, elle ne mentionnait pas si ces derniers avaient tenu des propos diffamatoires à l'encontre de A______. Le pli du 14 septembre 2021 retenait seulement que ce dernier avait reconnu les faits "en présence" des prénommés. Leur audition était dès lors injustifiée. A______ ne précisait pas quand et à qui les propos diffamatoires auraient été tenus. Dans la mesure où les mis en cause étaient présents lors de l'entretien du 6 avril 2021, le recourant ne pouvait prétendre qu'il ignorait leur identité avant la lettre du 14 septembre 2021. Les propos litigieux contenus dans ledit courrier concernaient un motif de licenciement allégué par H______ SA. Enfin, le litige était à caractère essentiellement civil.

c.A______ réplique qu'il ne pouvait pas savoir qui, parmi les personnes présentes lors de la réunion du 6 avril 2021, avait faussement rapporté le fait qu'il avait admis avoir cassé et volé du matériel. Quant à E______, bien qu'il n'était pas présent à la réunion, le pli du 14 septembre 2021 retient qu'il avait lui aussi tenu des propos diffamatoires. Enfin, le caractère pénal de tels propos ne pouvait être justifié par le fait de les avoir tenus dans le cadre d'une procédure de licenciement.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant fait grief au Ministère public d'avoir refusé d'entrer en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte pénale.

2.1.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.1.2. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 CP celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1). L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (ch. 2). Se rend coupable de calomnie au sens de l'art. 174 CP celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération (ch. 1).

L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme. Tel est notamment le cas lorsqu'on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2).

Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3). Il peut s'agir de l'avocat de l'auteur (ATF 145 IV 462 consid. 4.3.3), mais aussi de l'avocat du lésé (arrêt du Tribunal fédéral Klagsbrunn du 12 mai 1944 cité in ATF 86 IV 209 ; voir aussi F. BOHNET / L. MELCARNE, Le client peut-il diffamer en se confiant à son avocat ?, RSJ 116/2020 363 ss, p. 367).

La calomnie est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors pas de place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation. Sur le plan subjectif, la calomnie implique que l'auteur ait agi avec l'intention de tenir des propos attentatoires à l'honneur d'autrui et de les communiquer à des tiers, le dol éventuel étant à cet égard suffisant, et qu'il ait en outre su que ses allégations étaient fausses, ce qui implique une connaissance stricte, de sorte que, sur ce point, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

2.1.3. La diffamation et la calomnie sont des délits qui ne se poursuivent que sur plainte. L'art. 178 al. 2 CP renvoie à l'art. 31 CP s'agissant de la plainte. Selon cette dernière disposition, le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction.

Le point de départ du délai est ainsi la connaissance de l'auteur et, bien entendu également, de l'infraction. La connaissance par l'ayant droit doit être sûre et certaine, de sorte qu'il puisse considérer qu'une procédure dirigée contre l'auteur aura de bonnes chances de succès (ATF 142 IV 129 consid. 4.3 ; 126 IV 131 consid. 2a). Il n'est par contre pas nécessaire que l'ayant droit ait connaissance de la qualification juridique des faits. En outre, le délai ne court pas aussi longtemps que la commission d'une infraction demeure incertaine en raison de la situation factuelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1029/2020 du 5 octobre 2021 consid. 3.1.1). En cas de doute concernant le respect du délai de plainte, il convient d'admettre que celui-ci a été respecté lorsqu'aucun indice sérieux n'indique que le plaignant aurait pu avoir connaissance plus tôt de l'acte ou de l'auteur (ATF 97 I 769 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1029/2020 précité consid. 3.1.2).

2.2. En l'espèce, on peut déjà douter du raisonnement du Ministère public s'agissant du délai de plainte. En effet, les pièces au dossier ne permettent pas d'affirmer clairement que le recourant savait avant le 14 septembre 2021 qui, de ses collègues, avait déclaré à son ancien employeur qu'il avait admis avoir volé et cassé du matériel sur un chantier. Une telle conclusion s'impose d'autant moins que, dans ses courriers successifs, le recourant a toujours nié avoir "avoué" quoi que ce soit, et a requis de son ex-employeur qu'il lui fournisse les preuves fondant ses accusations. Si, pour sa part, H______ SA s'est progressivement ouvert sur les éléments à sa disposition, ce n'est en définitive que dans sa lettre du 14 septembre 2021 – dont le contenu est suffisamment explicite – que les noms des employés concernés ont été révélés au recourant. Dans la mesure où ce dernier conteste avoir reconnu le moindre vol et/ou déprédation, il ne peut lui être reproché – en l'absence de tout autre indice sérieux au dossier – de ne pas avoir déposé plainte précédemment, faute de connaissance certaine des auteurs de l'infraction. Pour ce motif déjà, l'ordonnance querellée, en tant qu'elle retient qu'une condition à l'ouverture de l'action pénale (i.e. l'existence d'une plainte pénale valable : ATF 145 IV 190 consid. 1.5.2) ferait manifestement défaut, ne résiste pas à l'examen.

Il n'en va pas autrement s'agissant des allégations potentiellement attentatoires à l'honneur contenues dans le pli du 14 septembre 2021. Si le I______, à qui ce courrier était adressé, était manifestement au courant de l'affaire et ainsi "capable de faire la part des choses", selon le Ministère public, rien ne permet toutefois de lui nier la qualité de tiers au sens des art. 173 s. CP.

Enfin, il n'apparaît pas que, en l'état du dossier et faute de toute audition – ne serait-ce que par la police – des mis en cause, il soit possible d'exclure le caractère intentionnel des délits contre l'honneur qui pourraient leur être reprochés. Le même constat s'impose, à ce stade, s'agissant des éventuelles preuves libératoires de l'art. 173 ch. 2 CP.

Dans ces conditions, le Ministère ne pouvait pas, sans autre investigation (policière) ou acte d'enquête, retenir que les éléments constitutifs des art. 173 s. CP, respectivement les conditions à l'ouverture de l'action pénale, n'étaient manifestement pas réunis.

3.             Fondé, le recours doit être admis ; partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public.

4.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

5.             Le recourant sollicite l'assistance judiciaire "totale" à partir du 8 décembre 2021.

5.1.       À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles lorsqu'elle est indigente (let. a) et que l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec (let. b). Selon l'al. 2 de cet article, l'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante l'exige (let. c).

S'agissant de ce dernier point, on considère en principe que la procédure pénale ne nécessite que des connaissances juridiques modestes pour la sauvegarde des droits du lésé; il s'agit essentiellement d'annoncer ses éventuelles prétentions en réparation de son dommage et de son tort moral ainsi que de participer aux auditions des prévenus, des témoins et de poser, cas échéant, des questions complémentaires; un citoyen ordinaire devrait ainsi être en mesure de défendre lui-même ses intérêts de lésé dans une enquête pénale. Cela vaut également pour la procédure de recours contre une décision de classement (arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2015 du 22 avril 2016 consid. 2.3 et les références citées ; critiques : Y. JEANNERET / A. KUHN / C.  PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 66 ad art. 136). Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que la partie plaignante ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. Il faut tenir compte notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause en fait et en droit, des circonstances personnelles du demandeur, de ses connaissances linguistiques, de son âge, de sa situation sociale et de son état de santé (ATF 123 I 145 consid. 2b/cc et 3a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_450/2015 précité consid. 2.3).

5.2.       En l'espèce, le point de savoir si le recourant doit être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire dans le cadre de la procédure préliminaire menée devant le Ministère public ne fait pas l'objet de l'ordonnance querellée – strictement limitée au refus d'entrer en matière sur la plainte du 1er novembre 2021 – et n'a dès lors pas à être examiné (cf. art. 385 al. 1 let. a CPP). On comprend toutefois de la motivation de ses écritures que le recourant sollicite également l'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

La condition de l'indigence est attestée par le rapport du 21 janvier 2022 du greffe de l'assistance juridique. Cela étant, on observe que, dans le formulaire qu'il a rempli en date du 13 décembre 2021, à la question "Avez-vous des prétentions civiles ?", le recourant n'a coché aucune case et fourni aucune explication. Il lui appartenait toutefois d'exposer, dans sa requête d'assistance judiciaire déjà, en quoi son action civile ne paraissait pas vouée à l'échec (art. 136 al. 1 let. b CPP ; cf. ACPR/101/2022 du 10 février 2022 consid. 2.1.1 et les références citées). Dans ses écritures de recours, il se contente d'affirmer que les faits lui "porte[raient] préjudice dans sa vie professionnelle" (p. 3), ce qui est manifestement insuffisant, étant du reste précisé qu'il ressort des pièces annexées à la demande d'assistance judiciaire que le recourant a retrouvé un emploi. En tout état de cause, en l'absence d'autres explications sur sa situation personnelle, il n'apparaît pas que la présente procédure de recours – qui porte sur des faits simples et ne nécessitant pas de connaissances juridiques particulières – présentait des difficultés telles que le recourant n'aurait pas été capable de défendre seul ses intérêts. On rappelera à cet égard que l'assistance d'un conseil juridique gratuit ne se justifie en principe pas pour la procédure de recours contre un classement, ce qui doit valoir à plus forte raison pour un recours contre une ordonnance de non-entrée en matière.

Partant, la condition de l'art. 136 al. 2 let. c CPP n'est pas remplie pour la présente procédure de recours et la requête du recourant doit être rejetée.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance de non-entrée en matière du 7 décembre 2021 et renvoie la cause au Ministère public.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Rejette la demande d'assistance judiciaire pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).