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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/2136/2021

ACPR/350/2022 du 13.05.2022 sur JTCO/140/2021 ( TCO ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;DÉPENS
Normes : CPP.3; CPP.135; Cst.29

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/2136/2021 ACPR/350/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 13 mai 2022

 

Entre

 

A______, avocat, Etude ______ [GE], comparant en personne,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 21 novembre 2021 par le Tribunal correctionnel,

 

et

 

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 9 décembre 2021, A______ recourt contre le jugement rendu le 29 novembre 2021, notifié le jour même, par lequel le Tribunal correctionnel (ci-après : TCor) lui a alloué une indemnité de CHF 8'919.40 pour la défense de B______, dans la procédure de première instance.

Le recourant conclut, sous suite d'équitable indemnité pour le recours, principalement, à ce que l'état de frais produit soit accepté sans réduction, subsidiairement, avec une réduction portant exclusivement sur les lectures des demandes de mise en détention/prolongation, "plus subsidiairement, par simplification", avec une réduction limitée à 585 minutes, soit la moitié des "1'170 minutes" déduites, "plus subsidiairement encore, si mieux n'aime", à ce que le forfait courriers/téléphones soit porté à 20% en lieu et place des 10% retenus.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 30 janvier 2021, le Ministère public a ouvert une instruction pénale contre B______ pour infractions à l'art. 19 al. 2 LStup et 116 LEI.

Il lui était reproché d'avoir participé à un trafic de stupéfiants portant sur une importante quantité de cocaïne et d'avoir hébergé C______, démuni d'autorisation de séjour en Suisse et faisant l'objet d'une expulsion judiciaire.

b. Le même jour, A______ a été désigné en qualité de défenseur d'office de B______.

c. Le 21 octobre 2021, le Ministère public a saisi le TCor d'un acte d'accusation en procédure simplifiée dirigée notamment contre B______ pour les faits précités.

d. Sur demande du TCor, A______ a transmis, le 29 novembre 2021, son état de frais intermédiaire pour la période du 30 janvier au 26 novembre 2021, soit 4'255 minutes (70h55) à CHF 200.- de l'heure plus 5 déplacements aller/retour à CHF 100.- chacun.

Il se décompte comme suit :

-          I. Conférences/entretiens : 1'035 minutes – 17h15 – pour 13 entretiens;

-          II. Procédure/Etude dossier/Recherches/Ecritures : 2'780 minutes – 46h20 –;

-          III. Audiences : 440 minutes;

-          IV. Frais et débours : CHF 500.- pour 5 déplacements aller/retour (audiences).

Il y est mentionné que le forfait correspondances et téléphones, l'audience du TCor du 29 novembre 2021 et la vacation y afférant, n'étaient pas compris dans le décompte et devaient s'y ajouter.

C. Dans sa décision querellée, le TCor a indemnisé A______ à hauteur de CHF 8'919.40 au total, soit une activité de 34h55 au taux de CHF 200.- de l'heure (CHF 6'983.35), CHF 698.35 (10% vu l'importance de l'activité déployée) pour le forfait courriers/téléphones, CHF 600.- pour six déplacements et CHF 637.70 de TVA (7.7%).

Sous "observations", le TCor a précisé qu'une réduction de 1'170 minutes avait été opérée dans la rubrique "II. Procédure/Etude de dossier/Recherches/Ecritures". "En particulier, la lecture des demandes de mise en détention/prolongation de détention et des prises de position du Ministère public, des décisions consécutives du Tribunal des mesures de contrainte, des pièces réceptionnées de tiers en vue d'être produites, des ordonnances du Ministère public de type séquestre, et la rédaction de courriers dénués de complexité juridique adressés sont pris en charge, de manière exclusive, par le forfait courrier. Les actes d'instruction sollicités et les recours intentés dans le contexte d'une procédure simplifiée ne sont nullement justifiés, de sorte qu'ils ne seront pas indemnisés. Réduction de certains postes relatifs à la lecture réception/prise de connaissance des pièces de la procédure, préparation d'audience et à la rédaction d'actes juridiques (en particulier déterminations et demande de mise en liberté)."

D. a. Dans son recours, A______ conteste la réduction à 10% du forfait courriers/téléphone et le caractère non justifié des actes d'instruction sollicités et des recours intentés. Il reproche également au TCor d'avoir réduit "certains postes relatifs à la lecture réception/prise de connaissance des pièces de la procédure, préparation d'audience et à la rédaction d'actes juridiques (en particulier déterminations et demande de mise en liberté)", sans autre explication. Enfin, concernant les postes "étude du dossier", l'activité qui y était englobée comprenait des actes juridiques et non de la lecture de simples courriers. En outre, la différence avec l'activité admise pour le conseil du "comparse consommateur" n'était de toute évidence pas équitable, celle consacrée à un prévenu soupçonné de l'infraction la plus grave étant beaucoup plus importante.

b. Le TCor ne formule aucune observation et se réfère intégralement à sa décision.

c.A______ n'a pas répliqué.

 

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP; ATF 142 V 389 consid. 2.2 et 124 V 372 consid. 3b), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (135 al. 1 let. a et 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 3 al. 2 let. c CPP, implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 134 I 83 consid.4.1; 133 III 439 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, qui s'applique aux indemnités dues au défenseur d'office, la décision par laquelle le juge fixe le montant des dépens n'a en principe pas besoin d'être motivée, du moins lorsque celui-ci ne sort pas des limites définies par un tarif ou une règle légale et que des circonstances extraordinaires ne sont pas alléguées par les parties (ATF 111 Ia 1 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2). En revanche, il en va différemment lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais; s'il entend s'en écarter, il doit alors au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (arrêts du Tribunal fédéral 6B_502/2013 du 3 octobre 2013 consid. 3.4; 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).

2.2.       En l'espèce, force est de constater, à la lecture du jugement entrepris, que le TCor a indemnisé le défenseur d'office pour une activité de 34h55 en justifiant une réduction de 19h30 (1'170 minutes) du poste "II. Procédure/Etude dossier/Recherches/Ecritures". Or, l'état de frais provisoire sur lequel s'est fondé l'autorité détaille une activité totale de 70h55 (4'255 minutes), auquel il faut ajouter notamment le temps d'audience du 29 novembre 2021.

Le TCor a donc omis, dans la décision litigieuse, de traiter 16h30 d'activités réclamées [70h55 – 34h55 = 36h (différence entre les heures réclamées et celles acceptées; 36h – 19h30 (les heures réduites justifiées) = 16h30]. Bien qu'interpellée, l'autorité n'a fourni aucune explication.

Ainsi, la décision d'indemnisation querellée est insuffisamment motivée et la Chambre de céans est dans l'impossibilité d'exercer son contrôle.

3.             Le recours sera admis et la cause renvoyée au TCor pour qu'il complète sa décision dans le sens des considérants, l'indemnisation d'ores et déjà allouée à A______ par le jugement du 29 novembre 2021 restant acquise.

4.             Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

5.             5.1. Le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de retenir que le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation, sans pour autant rattacher cette affirmation à une disposition du CPP (ATF 125 II 518 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

5.2. Le recourant réclame une équitable indemnité pour l'activité déployée pour l'écriture de recours qui sera fixée à CHF 500.- TTC et mise à la charge de l'État.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et renvoie la cause au Tribunal correctionnel pour nouvelle décision d'indemnisation, dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 500.- TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant et au Tribunal correctionnel.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 

Par ailleurs, le Tribunal pénal fédéral connaît des recours du défenseur d'office contre les décisions de l'autorité cantonale de recours en matière d'indemnisation (art. 135 al. 3 let. a CPP et 37 al. 1 LOAP). Le recours doit être adressé dans les 10 jours, par écrit, au Tribunal pénal fédéral, case postale 2720, 6501 Bellinzone.