Décisions | Chambre pénale de recours
ACPR/278/2022 du 27.04.2022 sur ONMMP/4474/2021 ( MP ) , ADMIS
république et | canton de Genève | |
POUVOIR JUDICIAIRE P/23388/2020 ACPR/278/2022 COUR DE JUSTICE Chambre pénale de recours Arrêt du mercredi 27 avril 2022 |
Entre
A______, domicilié ______[GE], comparant par Me B______, avocate, ______ Genève,
recourant,
contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 15 décembre 2021 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimé.
EN FAIT :
A. Par acte expédié le 27 décembre 2021, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 décembre 2021, expédiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte déposée le 27 novembre 2020 contre C______ et D______.
Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il ouvre une instruction contre les prénommés. À titre préalable, il sollicite l'assistance judiciaire pour les frais de la procédure de recours.
B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :
a. Le 27 novembre 2020, A______ s'est présenté au poste de police de l'aéroport de Genève pour déposer plainte pénale contre sa femme C______ et contre D______, pour calomnie.
Il expose que sa femme, dont il est séparé, avait publié sur son compte Instagram – suivi par 839 personnes – des articles dans lesquels elle essayait de salir sa réputation ainsi que celle de sa famille. Elle expliquait qu'il aurait kidnappé leur fille E______, âgée de 18 mois. Elle faisait également allusion à la façon dont il aurait été éduqué par son père, se traduisant par un manque de respect et des mauvais traitements envers les femmes, ainsi qu'à la région de Turquie dont sa famille était originaire, qui serait remplie de criminels. Par ailleurs, le 25 novembre 2020, sa tante l'avait averti qu'une vidéo le concernant circulait sur YouTube. On y voyait D______ l'accusant d'avoir délibérément et de manière planifiée kidnappé sa fille, soit un acte "sale". Le prénommé mentionnait le nom et la date de naissance de sa fille. Il interviewait ensuite sa femme, qui divulguait des données privées le concernant, à savoir sa profession ainsi que des détails concernant leur séparation. D______ donnait ensuite la date et le lieu de leur future audition devant le Tribunal de F______ (ZH). Il promettait de tenir les abonnés de sa chaîne YouTube informés de la suite des évènements, annonçant plusieurs autres vidéos, la prochaine le samedi 28 novembre 2020. La vidéo avait été vue plus de 400 fois en deux jours.
Lui et sa femme avaient la garde partagée de leur fille. Toutefois, elle avait quitté le domicile conjugal et lui avait laissé leur fille, afin de privilégier sa carrière. Dans un second temps, elle lui avait dit qu'elle souhaitait rentrer définitivement en Russie avec leur fille. Il existait un risque d'enlèvement de la part de sa femme. Le 24 octobre 2020, le juge avait refusé de prendre une décision sur mesures provisionnelles concernant la garde de leur fille. Une décision devrait être prise après leurs auditions futures par le Tribunal de F______.
b. Annexés au procès-verbal d'audition figurent (i) des photos d'extraits de la vidéo YouTube, sous-titrés en anglais, (ii) une traduction DeepL de la retranscription de cette vidéo, minute par minute, (iii) des captures d'écran d'une publication Instagram depuis le compte "______" et (iv) les déterminations de A______ sur la requête de mesures provisionnelles déposée par C______ auprès du Bezirkgericht de F______.
c. Entendue le 1er mars 2021 par la police en qualité de prévenue, C______ a déclaré que la publication sur Instagram était une sorte de thérapie. Elle avait écrit que son mari avait kidnappé sa fille, mais sans jamais mentionner son nom; elle n'avait pas tenté de salir sa réputation. Elle avait rencontré D______ sur YouTube. Il tenait un blog sur la Suisse et avait été d'un grand soutien psychologique à l'été 2020, alors qu'elle se trouvait en Turquie avec ses deux filles et qu'elle cherchait à quitter le pays. Son mari était opposé à ce qu'elle obtienne un visa suisse et voulait qu'elle rentre en Russie. Il avait tenté d'enlever la plus jeune de ses filles à I______ en prenant son passeport et en retournant à J______, la laissant seule avec son autre fille de neuf ans. Actuellement, il refusait qu'elle rentre en Russie avec leur fille commune. La vidéo avec D______ était là pour expliquer comment faire à d'autres femmes vivant la même situation. Elle voulait montrer que, malgré une éducation et une bonne situation professionnelle (comptable), un "européen standard" pouvait devenir un tyran. Les procédures de divorce et de droit de garde étaient toujours en cours.
d. Entendu le 19 mai 2021 par la police bernoise en qualité de prévenu, D______ a déclaré ne pas connaître personnellement A______, mais avoir rencontré sa femme, C______, qui avait vu une de ses interviews sur YouTube et l'avait contacté pour lui demander conseil. À l'époque, elle était encore à I______ et avait obtenu un visa retour pour la Suisse. Elle voulait se battre pour son enfant. Une fois en Suisse, il l'avait aidée à trouver un logement à F______ ainsi qu'un avocat. Il avait ensuite envoyé un SMS à A______ pour lui demander s'il était disposé à trouver un accord. Le prénommé lui avait répondu de le laisser tranquille.
Il avait effectivement interviewé C______ et posté la vidéo sur YouTube. L'interview avait été menée en russe, pour des Russes. Il n'avait pas été traduit. Le russe était une langue compliquée. Il était ridicule de chercher à le comprendre avec Google Traduction ; un même mot pouvait avoir trois ou quatre significations différentes. A______ ne pouvait pas avoir tout compris. L'affaire était choquante; il s'agissait de la rendre publique. Il n'avait pas parlé d'enlèvement, ni de l'origine de A______. Son nom n'avait pas été prononcé. La vidéo n'avait pas suscité beaucoup de réactions. Sa chaîne YouTube comptait environ 1'000 abonnés, ce qui pouvait être important en Suisse, mais n'était rien en Russie. C______ avait partagé la vidéo sur Facebook. Il était prêt à la supprimer. Pour l'instant, il n'avait pas prévu de poster d'autre vidéo à ce sujet.
e. Le 14 octobre 2021, A______ a informé le Ministère public que plusieurs nouvelles vidéos avaient été publiées depuis sa plainte pénale. D______ et C______ y affirmaient à nouveau qu'il avait kidnappé sa fille. Il se faisait également traiter de "bâtard" et de "cerveau malade". Ces vidéos avaient eu des conséquences négatives sur sa vie et celle de sa fille de deux ans. Des femmes d'origine russe l'avaient harcelé au parc G______, à Genève, alors qu'il s'y promenait avec sa fille, lui parlant de kidnapping. Une femme d'origine russe avait également suivi sa fille – qui se trouvait avec sa grand-mère et sa tante – jusqu'à l'intérieur d'un magasin à Genève, allant même jusqu'à la photographier, vraisemblablement car elle pensait avoir trouvé l'enfant "kidnappé". Lui-même, sa fille et C______ étaient connus au sein de la communauté russe de Genève. Cette dernière avait activement propagé les vidéos au sein de cette communauté, ce qui avait permis à ces personnes de les identifier facilement. Il n'avait pas kidnappé sa fille ; au contraire, il avait obtenu sa garde sur mesures protectrices de l'union conjugale.
C. Dans sa décision querellée, le Ministère public constate que les éléments constitutifs des infractions de diffamation (art. 173 CP), voire de calomnie (art. 174 CP), ne sont pas réalisés, faute d'intention. En effet, rien ne permettait d'établir qu'C______ et D______ avaient agi intentionnellement dans le but de porter atteinte à A______ et de lui nuire alors qu'ils le savaient innocent, étant précisé que ce dernier avait lui-même déclaré être en conflit avec la prénommée s'agissant notamment de la garde de leur fille.
D. a. À l'appui de son recours, A______ affirme, pièces à l'appui, que la vidéo du 25 novembre 2020, intitulée "Voler un enfant à sa mère", était toujours en ligne. Dans la description, il était mentionné qu'un Suisse aux racines turques avait volé un enfant d'un an à une citoyenne russe, que l'affaire était devant un tribunal en Suisse et que personne n'avait été arrêté. D______ avait partagé cette vidéo sur Facebook, avec le message "Les amis, j'ai vraiment besoin de votre aide". Sur la photo de présentation figuraient D______, C______ ainsi qu'un drapeau suisse. D'autres vidéos avaient été postées les 28 novembre, 2 et 9 décembre 2020. La vidéo du 2 décembre 2020 montrait les SMS échangés avec D______, lequel l'appelait par son prénom ("Hallo A______"). En février 2021, D______ avait posté sur son compte YouTube une photo d'une enveloppe reçue de la police genevoise, avec un commentaire "Donc on arrive à quelque chose. L'histoire de C______ a une suite". En mars 2021, le prénommé avait encore partagé la vidéo du 25 novembre 2020, par le biais de son blog "H______.com".
A______ se plaint d'une violation de l'art. 310 CPP cum art. 173 et 174 CP. Les propos litigieux étaient attentatoires à son honneur. Le Ministère public ne pouvait pas retenir d'emblée que l'intention de C______ et de D______ faisait défaut. Ces derniers ne pouvaient ignorer, à tout le moins par dol éventuel, qu'en l'accusant publiquement de commettre des infractions pénales et des "actes contraires au droit", ils portaient atteinte à son honneur.
b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Les propos tenus par C______ et D______ s'inscrivaient dans un contexte particulièrement conflictuel, chaque époux souhaitant obtenir la garde de leur fille. Les déclarations de la prénommée selon lesquelles elle ne communiquait que son opinion personnelle suffisaient à convaincre qu'elle considérait ses propos comme "véritables" et non attentatoires à l'honneur. Les déclarations des mis en cause étaient par ailleurs concordantes sur le fait qu'ils n'avaient pas divulgué le nom de A______, de sorte que ce dernier n'était pas reconnaissable. Aucun élément au dossier ne permettait de retenir qu'ils avaient agi avec conscience et volonté. En tout état, on ne pouvait retenir qu'ils savaient que leurs affirmations étaient erronées. Aucun acte d'instruction n'était susceptible de modifier cette appréciation.
c. A______ a brièvement répliqué.
EN DROIT :
1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).![endif]>![if>
2. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 310 CPP cum art. 173 et 174 CP.![endif]>![if>
2.1.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; 138 IV 86 consid. 4.1.2).![endif]>![if>
2.1.2. Se rend coupable de diffamation au sens de l'art. 173 CP celui qui, en s'adressant à un tiers, aura accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération et celui qui aura propagé une telle accusation ou un tel soupçon (ch. 1). L'inculpé n'encourra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (ch. 2). Se rend coupable de calomnie au sens de l'art. 174 CP celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération (ch. 1). L'art. 176 CP assimile à la diffamation et à la calomnie verbales la diffamation et la calomnie par l'écriture, l'image, le geste ou par tout autre moyen.![endif]>![if>
L'honneur protégé par ces dispositions est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme. Tel est notamment le cas lorsqu'on évoque une infraction pénale ou un comportement clairement réprouvé par les conceptions morales généralement admises (ATF 145 IV 462 consid. 4.2.2). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation objective selon le sens que le destinataire non prévenu devait, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. Les mêmes termes n'ont donc pas nécessairement la même portée suivant le contexte dans lequel ils sont employés. Un texte doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3).
La personne dont l'honneur est visé n'a pas à être désignée, il suffit qu'elle soit reconnaissable, soit identifiable (ATF 124 IV 262 consid. 2a ; 117 IV 27 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1126/2020 du 10 juin 2021 consid. 3.1). Une personne est directement visée non seulement lorsque l’un ou l’autre propos, examiné séparément, est dirigé directement contre elle, mais aussi lorsqu’il résulte de l’ensemble du texte qu’elle est directement concernée. Il n'est pas nécessaire que plusieurs personnes la reconnaissent. Il suffit que l'un des destinataires de la déclaration le puisse ("un tiers", cf. art. 173 ch. 1 CP). Cette question est examinée en tenant compte non seulement des informations contenues dans la déclaration litigieuse, mais également des circonstances connues ou à disposition du tiers qui la reçoit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_440/2019 du 18 novembre 2020 consid. 2.4.1, non publié in ATF 147 IV 65 ; 6B_491/2013 du 4 février 2014 consid. 5.2.1 ; ACPR/864/2020 du 30 novembre 2020 consid. 2.3).
La diffamation peut également être réalisée lorsque l'auteur "propage" une accusation attentatoire à l'honneur (cf. art. 173 ch. 1 al. 2 CP), ce qui suppose que les déclarations préalablement formulées par autrui soient communiquées à un tiers. Tel peut notamment être le cas par l'utilisation des fonctions "j'aime" ou "partager" d'un contenu publié sur Facebook. L'infraction n'est consommée que lorsque les propos attentatoires à l'honneur, auxquels réagit celui qui les propage en utilisant lesdites fonctions, sont accessibles à un tiers et que celui-ci en prend connaissance (ATF 146 IV 23 consid. 2.2.3 et 2.2.4).
La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation (art. 173 CP), dont elle se distingue en cela que les allégations attentatoires à l'honneur sont fausses, que l'auteur doit avoir eu connaissance de la fausseté de ses allégations et qu'il n'y a dès lors pas de place pour les preuves libératoires prévues dans le cas de la diffamation. Sur le plan subjectif, la calomnie implique que l'auteur ait agi avec l'intention de tenir des propos attentatoires à l'honneur d'autrui et de les communiquer à des tiers, le dol éventuel étant à cet égard suffisant, et qu'il ait en outre su que ses allégations étaient fausses, ce qui implique une connaissance stricte, de sorte que, sur ce point, le dol éventuel ne suffit pas (ATF 136 IV 170 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).
2.2. En l'espèce, il n'est pas contesté que les allégations litigieuses, notamment celles portant sur l'enlèvement, par le recourant, de sa fille mineure – ce qui serait constitutif d'un délit (art. 220 CP), voire d'un crime (art. 183 CP) – et les qualificatifs de "bâtard" ou "cerveau malade", sont susceptibles d'être attentatoires à l'honneur au sens des art. 173 ss CPP. Est seul litigieux le point de savoir si le Ministère public pouvait, à ce stade liminaire de la procédure, retenir que l'élément subjectif des infractions de diffamation, voire de calomnie, faisait manifestement défaut. ![endif]>![if>
Tel n'est pas le cas.
En effet, le seul fait que le recourant et sa femme se trouvaient en conflit au sujet de la garde de leur fille commune ne suffit pas pour considérer que la mise en cause, en affirmant que le recourant aurait enlevé leur fille, voire en relayant sur Facebook une vidéo contenant de telles accusations, n'a pas agi avec l'intention de porter atteinte à son honneur, ne serait-ce que par dol éventuel. Les déclarations de la prénommée à la police ne permettent pas d'exclure une telle possibilité, à tout le moins sous l'angle du principe in dubio pro duriore. Quant à D______, qui n'est pas lui-même partie prenante au conflit opposant les époux, son audition permet de constater qu'il a agi dans le but avoué de rendre l'affaire publique, ce qui ne permet pas non plus de nier tout caractère intentionnel à ses actes.
Dans ses observations, le Ministère public insiste sur le fait que les mis en cause ont tous deux déclaré ne pas avoir divulgué le nom du recourant. Cet élément n'est toutefois pas déterminant; ce qui compte, c'est que la personne visée soit reconnaissable par un tiers, cas échéant en tenant compte des déclarations dans leur ensemble. Or, les informations qui semblent avoir été révélées dans les vidéos litigieuses – prénom et profession du recourant, détails de sa séparation avec la mise en cause, nom et date de naissance de leur fille commune, date et lieu de l'audience à F______, voire même simplement le visage et la voix de la mise en cause – ne permettent pas d'exclure qu'un tiers, membre de la communauté russophone de Suisse, à qui lesdites vidéos étaient apparemment destinées, ait pu reconnaître la personne du recourant. C'est d'ailleurs bien ce qui semble s'être passé, le recourant expliquant que lui et sa famille auraient été interpellés par des femmes d'origine russe à Genève sur le prétendu enlèvement.
Enfin, en retenant que la mise en cause considérait les propos comme "véritables", le Ministère public semble faire référence à la preuve libératoire de la bonne foi (art. 173 ch. 2 CP). Le dossier ne contient toutefois pas suffisamment d'éléments pour pouvoir affirmer, à ce stade de la procédure, que l'intéressée avait des raisons suffisantes de croire que le recourant avait enlevé ou kidnappé leur fille commune. Il appartiendra à l'instruction de le déterminer. Il n'en va pas autrement de la connaissance du caractère erroné des affirmations litigieuses, étant par ailleurs relevé que cette circonstance est pertinente pour l'infraction de calomnie (art. 174 CP), mais pas pour celle, subsidiaire, de diffamation (art. 173 CP).
Il résulte de ce qui précède que le Ministère public ne pouvait pas considérer, sous l'angle du principe in dubio pro duriore applicable à ce stade, que les déclarations litigieuses n'étaient manifestement pas punissables, faute d'intention.
3. Fondé, le recours doit être admis. Partant, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.![endif]>![if>
4. L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 4 CPP), ce qui rend sans objet la conclusion préalable du recourant, portant sur l'assistance judiciaire pour les frais de la procédure de recours.![endif]>![if>
5. Le recourant, partie plaignante qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité pour ses frais de défense, à la charge de l'État (art. 433 al. 1 let. a cum 436 al. 1 CPP ; ACPR/675/2020 du 24 septembre 2020 consid. 6.2 et les arrêts cités). Il conclut au versement d'une indemnité de CHF 3'412.-, correspondant à plus de 8h30 d'activité au tarif horaire de CHF 400.-, dont 6h15 consacrée à la rédaction du recours et à l'établissement d'un bordereau de pièces. Compte tenu de l'ampleur de ses écritures (recours de onze pages, dont une de garde, une de conclusions et cinq de développements juridiques, réplique d'une page), cette durée paraît exagérée et sera ramenée à 4h, auquel on ajoutera 2h seulement pour les postes courriers, conférence avec le client et consultation du dossier, ce qui donne une indemnité de CHF 2'400.-, plus la TVA à 7.7% (CHF 185.- arrondis), soit un total de CHF 2'585.-. ![endif]>![if>
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Admet le recours.
Annule l'ordonnance de non-entrée en matière du 15 décembre 2021 et renvoie la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.
Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.
Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'585.-, TVA (7.7%) incluse.
Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Ministère public.
Siégeant :
Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.
La greffière : Arbenita VESELI |
| La présidente : Corinne CHAPPUIS BUGNON |
Voie de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).