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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23860/2024

AARP/348/2025 du 23.09.2025 sur JTDP/457/2025 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : FIXATION DE LA PEINE;SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA PEINE;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP
Normes : LStup.19.al1.letd; CP.47; CP.42
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23860/2024 AARP/348/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 septembre 2025

 

Entre

A______, sans domicile connu, comparant par Me Yann LAM, avocat, MBLD Associés, rue Joseph-Girard 20, case postale 1611, 1227 Carouge,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/457/2025 rendu le 14 avril 2025 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/457/2025 du 14 avril 2025, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d de la loi sur les stupéfiants (LStup) et l'a condamné à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, ainsi qu'aux frais de la procédure.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à la réduction de sa peine, au prononcé du sursis ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 436 al. 2 CPP, frais de la procédure à la charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 15 octobre 2024, valant acte d'accusation, il était reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 14 octobre 2024, sur la rue de Zürich à l'intersection avec la rue du Levant, détenu les stupéfiants suivants destinés à la vente :

-          33.6 grammes de résine de cannabis (11 pochons) ;

-          27.8 grammes de marijuana (9 sachets) ;

-          2.9 grammes de cocaïne (3 boulettes) ;

-          6.7 grammes de crack (7 parachutes) ;

-          20.3 grammes d'ecstasy (43 comprimés).

c. Le jugement du TP a retenu qu'il existait un doute relatif à l'usage et l'intention du prévenu quant à la drogue retrouvée sur lui. Il n'était ainsi pas établi à satisfaction de droit que le but était la vente de stupéfiants. La détention des substances ne faisait en revanche aucun doute, raison pour laquelle l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup a été retenue.

B. Les faits de la cause, qui ne sont pas contestés par l'appelant, peuvent être résumés ainsi ; il est pour le surplus renvoyé au jugement de première instance (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale suisse [CPP]) :

a. Arrêté le 14 octobre 2024, A______ a refusé de répondre aux questions au sujet de la drogue et des sommes d'argent retrouvées sur lui.

b. Devant le MP et le TP, A______ a admis les faits, tout en soutenant que les stupéfiants n'étaient pas destinés à la vente mais devaient être consommés par ses amis et lui-même, à l'occasion d'une fête. Il avait en outre détenu 6.7 grammes de MDMA, et non de crack.

À l'heure de prendre la parole le dernier devant le TP, il s'est dit désolé. Il souhaitait une dernière chance.

C. a. La CPAR a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions. Ses excuses étaient sincères et reflétaient sa prise de conscience. Il travaillait actuellement en France, ce qui l'aidait à s'extraire de la délinquance. Malgré ses antécédents, il n'avait cette fois été condamné qu'à l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup, les stupéfiants étant destinés à sa consommation personnelle, et non à la vente ou à l'achat. Le condamner à une peine ferme aurait pour effet de mettre à néant ses efforts pour s'en sortir.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel. La peine prononcée était juste, voire clémente, eu égard, notamment, aux quantités de drogues diverses détenues par le prévenu au moment de son interpellation, lesquelles étaient destinées à la vente, ainsi qu'à ses antécédents récents et spécifiques. À teneur de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), les autorités étaient fondées à faire preuve d'une grande fermeté à l'encontre de ceux qui contribuaient à la propagation de stupéfiants, compte tenu de leurs ravages dans la population.

d. Le TP se réfère intégralement au jugement rendu.

D. A______ est né le ______ 1997 à B______ au Sénégal et est de nationalité italienne. Il est célibataire et sans enfant. Au 15 octobre 2024, il était sans revenu mais travaille désormais en France dans le bâtiment, pour un salaire net de EUR 1'200.- par mois. Il loge chez un ami et s'acquitte d'un loyer mensuel de EUR 400.-.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire, il a été condamné :

-          le 19 mai 2019, par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- l'unité, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de CHF 100.- pour délit (art. 19 al. 1 let. c LStup) et contravention à la loi sur les stupéfiants (19a LStup) ;

-          le 9 novembre 2022, par le TP à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 20.- l'unité ainsi qu'à une amende de CHF 100.-, sans sursis, pour délit (art. 19 al. 1 let. c LStup) et contravention à la loi sur les stupéfiants (art. 19a LStup ; commission répétée) ;

-          le 27 juin 2023, par le TP à une peine privative de liberté de 60 jours, une peine pécuniaire de 20 jours-amende à CHF 20.- l'unité et une amende de CHF 200.-, pour délit à la loi sur les stupéfiants (art. 19a al. 1 let. d LStup ; commission répétée), consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) et empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP ; commission répétée).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. L'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup est passible d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation personnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 91 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte plus spécifiquement des éléments suivants. Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important (ATF 145 IV 312 consid. 2.1.2). Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération (ATF 122 IV 299 consid. 2c).

Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, sa rechute témoignant d'une incapacité à tirer un enseignement des expériences passées (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, 2e éd., Bâle 2021, n. 54 ad art. 47 CP). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI, Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, n. 5 ad art. 47).

2.2. La faute de l'appelant ne saurait être minimisée. Il était en possession d'une quantité non négligeable de multiples stupéfiants, notamment de la cocaïne, de l'ecstasy, du cannabis et de la marijuana. Certains de ces stupéfiants, dont la cocaïne, sont particulièrement addictifs et devaient, conformément à ses dires, être consommés par des tiers. Le condamné a ainsi pris des risques importants contre la santé des consommateurs et a contribué au fléau que représente la consommation de ces substances.

Il a agi au mépris de la législation sur les stupéfiants, par appât du gain.

Ses antécédents sont mauvais car spécifiques. Contrairement à ce qu'il prétend, sa condamnation la plus récente porte sur une infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup, soit la possession, la détention ou l'acquisition de stupéfiants. L'appelant est ainsi resté imperméable à la sanction pénale et à l'effet dissuasif attendu des peines prononcées à son encontre, dont une peine privative de liberté.

Sa collaboration est sans particularité. Il a certes admis les faits devant le MP mais ne pouvait que difficilement les nier.

Ses regrets ont été exprimés relativement tard dans la procédure, soit à l'occasion de sa dernière parole devant le TP. Dans ces conditions, ils apparaissent de circonstance, prononcés face à l'inéluctabilité de la sanction pénale. Sa prise de conscience ne saurait donc être considérée comme aboutie.

Sa situation personnelle n'explique pas son comportement. Titulaire de la nationalité italienne, il était en mesure de stabiliser sa situation professionnelle et ainsi s'extraire de la délinquance.

Par conséquent, le raisonnement du premier juge, qui tient adéquatement compte de la faute de l'appelant et des éléments évoqués ci-dessus, consacre une application correcte des critères de l'art. 47 CP. La peine privative de liberté prononcée de 90 jours sera confirmée.

2.3. À teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain. Il prime en cas d'incertitude (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1339/2016 du 23 mars 2017 consid. 1.1.1).

La question de savoir si le sursis serait de nature à détourner le prévenu de commettre de nouvelles infractions doit être tranchée sur la base d'une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Le pronostic doit être posé sur la base de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère du prévenu et ses chances d'amendement. Il n'est pas admissible d'accorder un poids particulier à certains critères et d'en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1).

2.4. Alors qu'il avait été récemment condamné à une peine privative de liberté pour des faits similaires, l'appelant n'a pas hésité à commettre une nouvelle infraction à la loi sur les stupéfiants. Le nombre d'antécédents spécifiques dénote d'une certaine persistance à se maintenir dans la délinquance, nonobstant les chances qui lui ont déjà été accordées.

Sa situation personnelle et financière n'est pas claire. Il déclare travailler en France et gagner un salaire mensuel de EUR 1'200.- mais n'a pas produit le moindre justificatif permettant d'étayer la réalité de son projet, en particulier des fiches de salaire ou un contrat de travail. Ces éléments ne sont donc pas suffisamment démontrés.

Comme déjà dit, sa prise de conscience n'est pas complète.

Dans ce contexte, le pronostic de l'appelant est défavorable, si bien que les conditions au prononcé du sursis ne sont pas réalisées.

L'appel sera également rejeté sur ce point.

3. 3.1. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP).

Vu l'issue de la procédure, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance.

3.2. Une indemnité au sens de l'art. 436 al. 2 CPP est exclue, l'appelant n'ayant pas obtenu gain de cause.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/457/2025 rendu le 14 avril 2025 par le Tribunal de police dans la procédure P/23860/2024.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 915.-, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 1 jour de détention avant jugement (art. 40 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n° 46328520241014 (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ de l'argent et des téléphones figurant sous chiffres 3 et 4 de l'inventaire n° 46328520241014 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 736.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP)."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l'Office fédéral de la police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Aurélie MELIN ABDOU

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'036.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

915.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

1'951.00