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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/26067/2024

AARP/25/2025 du 21.01.2025 ( REV ) , JUGE

Recours TF déposé le 05.02.2025, 6B_131/2025
Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ DE SUBSTITUTION;CONCOURS D'INFRACTIONS;DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ;RÉVISION(DÉCISION);COMPÉTENCE;NOUVEAU MOYEN DE PREUVE;NOUVEAU MOYEN DE FAIT;SIGNATURE
Normes : CPP.21.al1.letb; LaCP.8; LOJ.129.al4; LOJ.130.al1.leta; CPP.410.al1.leta; CPP.80.al2; CPP.353.al1.letk; CPP.412; CP.106.al2, 3; CP.49.al1; CPP.425; CPP.428
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26067/2024 AARP/25/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 janvier 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______, ROUMANIE, comparant par Me B______, avocate,

demanderesse en révision,

 

contre les ordonnances pénales converties en peines privatives de liberté par décisions des 11 octobre 2023 et 17 janvier 2024 du Service des contraventions,

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a. Par demande de révision du 12 novembre 2024, déposée le jour même au greffe de la Cour, A______ requiert l'annulation et la mise à néant des ordonnances pénales rendues à son encontre entre mars 2023 et avril 2024 par le Service des contraventions (SDC) et visées dans l'annexe qu'elle produit, au nombre de 135 [recte : 108], s'agissant essentiellement d'affaires de mendicité représentant un montant cumulé d'amendes de CHF 139'920.-, lesquelles, impayées, ont fait l'objet de conversions en peines privatives de liberté échéant le 22 avril 2026. A______ a été mise en détention le 29 octobre 2024.

b.a. Cette dernière sollicite que lui soit accordé l'effet suspensif en rapport avec l'exécution de la peine et que sa mise en liberté immédiate soit ordonnée.

Par ordonnance présidentielle OARP/78/2024 du 18 novembre 2024, l'effet suspensif a été octroyé et la peine, dont l'exécution avait débuté, ajournée, avec mise en liberté immédiate de l'intéressée.

Me B______ a été nommée comme défenseure d'office de A______, avec effet au 4 novembre 2024 (cf. date de la procuration conférée).

b.b. A______ a également conclu à son indemnisation pour détention illicite à raison de CHF 250.- par jour, avec intérêts à 5% l'an dès son arrestation.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ s'est très régulièrement adonnée à la mendicité à Genève. Elle a été contrôlée par la police à moult occasions dans le cadre de cette activité, qu'il lui arrivait d'exercer en compagnie de l'un ou l'autre de ses enfants, jeunes mineurs (cf. 34 occurrences sur les 108).

Elle a été déclarée en flagrante contravention à plus d'une centaine de reprises entre le 3 mai 2022 (ordonnance pénale n° 1______) et le 14 août 2023 (ordonnance pénale n° 2______), s'agissant des affaires ayant donné lieu aux ordonnances de conversion du SDC du 11 octobre 2023 (cinq ordonnances) et du 17 janvier 2024. Ces verbalisations concernent essentiellement de la mendicité, à l'exception, notamment, de deux occurrences pour avoir voyagé sans titre de transport valable dans les transports publics, d'une occurrence pour s'être attardée, en tant que piétonne, inutilement sur la chaussée, enfin de quatre occurrences pour avoir souillé le domaine public par l'abandon de sachets, de mégots, par un crachat, etc.

Ces ordonnances pénales sont devenues définitives et exécutoires en l'absence d'opposition de A______, alors que les amendes au paiement desquelles elle a été condamnée, sont restées impayées.

b. Le Ministère public (MP) a produit le détail de deux de ces affaires, dont les ordonnances pénales du SDC au bas desquelles figure la mention "La Direction" et une signature préimprimée, sans signature manuscrite, étant précisé que A______ allègue – sans être contredite sur ce point par le MP – que toutes les ordonnances pénales qui lui ont été notifiées et ayant fait l'objet de conversions en peines privatives de liberté ont le même format.

c. Le SDC a procédé à la conversion desdites ordonnances pénales comme suit :

c.a. Par ordonnance de conversion n° 3______ du 11 octobre 2023, 20 ordonnances pénales pour un montant total d'amendes impayées de CHF 31'000.- ont été converties en 310 jours de peine privative de liberté de substitution.

c.b. Par ordonnance de conversion n° 4______ du 11 octobre 2023, 20 ordonnances pénales pour un montant total d'amendes impayées de CHF 27'100.- ont été converties en 271 jours de peine privative de liberté de substitution.

c.c. Par ordonnance de conversion n° 5______ du 11 octobre 2023, 15 ordonnances pénales pour un montant total d'amendes impayées de CHF 9'560.- ont été converties en 96 jours de peine privative de liberté de substitution.

c.d. Par ordonnance de conversion n° 6______ du 11 octobre 2023, 20 ordonnances pénales pour un montant total d'amendes impayées de CHF 25'000.- ont été converties en 25 [recte : 250] jours de peine privative de liberté de substitution.

c.e. Par ordonnance de conversion n° 7______ du 11 octobre 2023, 15 ordonnances pénales pour un montant total d'amendes impayées de CHF 26'300.- ont été converties en 263 jours de peine privative de liberté de substitution.

c.f. Par ordonnance de conversion n° 8______ du 17 janvier 2024, 18 ordonnances pénales pour un montant total d'amendes impayées de CHF 20'960.- ont été converties en 210 jours de peine privative de liberté de substitution.

c.g. Aucune opposition n'a été formée à l'encontre de ces ordonnances de conversion (totalisant 1400 jours de peine privative de liberté de substitution).

d. Un ordre d'exécution a été émis par le Service d'application des peines et mesures (SAPEM) le 30 octobre 2024, la fin de peine étant fixée au 22 avril 2026. Chaque ordonnance de conversion a donné lieu à un quantum de 90 jours de peine privative de liberté (soit 540 jours à purger au total).

C. a. À l'appui de sa demande de révision, A______ soutient que les ordonnances pénales, ne comportant pas de signature manuscrite et ne respectant pas les conditions prévues en la matière par le Code de procédure pénale (CPP) (cf. art. 80 al. 2 et 353 al. 1 let. k CPP), seraient affectées d'un vice devant conduire à leur annulation puisque ces décisions seraient invalides. Elle se fonde sur une jurisprudence du Tribunal fédéral rendue dans le cadre d'une affaire bâloise en 2022 (cf. ATF 148 IV 445). La pratique du SDC, soit d'utiliser une signature préimprimée, empêchait de vérifier l'identité de l'auteur de la décision ainsi que sa compétence pour prononcer une sanction, ce qui pouvait être de nature à affecter le fond de la cause.

De fait, elle avait été séparée de ses enfants, alors qu'on lui avait fait craindre de "nombreuses années d'emprisonnement sur la base d'amendes illicites" prononcées en violation patente de l'art. 106 al. 3 du Code pénal (CP), ce qui représentait par ailleurs une violation des art. 3, 5, 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). Elle alléguait n'avoir découvert l'absence de signature manuscrite, à savoir un "vice caché", qu'après consultation de son conseil, après l'expiration du délai d'opposition. Elle avait accordé sa confiance à la Direction du SDC, qui avait "abusé de son autorité en créant l'apparence d'un contrôle de légalité ( … ) en réalité ( … ) inexistant", ce qui portait atteinte au principe de la bonne foi. Elle estimait avoir été trompée, étant partie du principe que chacune des décisions qui lui avaient été notifiées avait été rendue par l'autorité compétente, en conformité du droit ; elle avait donc été conduite à s'abstenir de s'opposer aux ordonnances pénales. Les délais prolongés en matière de révision lui avaient permis de se constituer pour la première fois une défense juridique. Elle ne pouvait avoir identifié plus tôt le vice, l'absence de signature constituant un fait nouveau au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP.

b. Le SDC conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision, subsidiairement à son rejet.

À l'exception de quelques contraventions de droit fédéral (ndr : à cet égard, le SDC, dans son tableau récapitulatif, a indiqué, sous motif de l'infraction, "intérieur d'une gare" et, dans ses observations, que A______ avait enfreint notamment la loi fédérale sur les organes de sécurité des entreprises de transports publics [LOST]), les ordonnances pénales rendues avaient sanctionné des infractions à la loi pénale genevoise (LPG). Les 108 affaires en cause avaient été regroupées sous six numéros d'affaires distincts en vue de l'établissement d'ordonnances de conversion, vu l'absence de paiement des amendes, puis, en l'absence d'opposition, transmises au SAPEM.

Le CPP ne réglait pas la révision de prononcés et jugements rendus en application du droit pénal cantonal (Petit commentaire CPP, art. 410 CPP, N 10). L'ouverture de cette voie dépendait du point de savoir si le législateur cantonal avait prévu, dans une loi d'introduction au CPP, cette solution, soit de manière expresse, soit de manière générale (Petit commentaire CPP, art. 410 CPF, N 10 et références citées).

À son avis, le législateur genevois avait "de prime abord" décidé d'exclure de la compétence de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) la voie de la révision pour des prononcés pris en application du droit pénal cantonal, référence étant notamment faite à l'art. 42 de la loi d'application du Code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP) qui ne la prévoyait pas expressément (ndr : l'art. 42 LaCP est englobé dans le chapitre IX intitulé "Exécution des décisions").

Même s'il devait être entré en matière, il fallait alors constater, la voie de la révision n'étant pas ouverte pour réparer un vice de procédure, que celui allégué n'était pas un fait susceptible d'être invoqué et ne représentait pas un élément nouveau puisque A______ en avait eu connaissance dès la notification des ordonnances pénales querellées.

c. Le MP conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision, subsidiairement à son rejet, sous suite de frais.

A______ avait eu connaissance de chacune des ordonnances pénales et de leur mode de signature lorsque celles-ci lui avaient été notifiées. Elle aurait pu contester leur validité par le biais d'une opposition, ce à quoi elle avait renoncé. Dans la mesure de sa négligence, puisque la révision n'était pas là pour pallier à ses manquements, il ne fallait pas entrer en matière, étant précisé que les éléments invoqués ne constituaient ni des faits nouveaux antérieurs au prononcé des ordonnances pénales en cause ni des moyens de preuve nouveaux au sens de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, ce que la CPAR avait déjà tranché dans le cadre d'affaires identiques (cf. AARP/434/2024 du 6 décembre 2024 et AARP/444/2024 du 12 décembre 2024).

À titre subsidiaire, la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 148 IV 445) n'avait pas vocation à s'appliquer dans le cas d'espèce dans la mesure où elle portait sur une ordonnance pénale rendue par un procureur à la suite d'un délit – et non d'une contravention établie par une autorité administrative (art. 17 CPP) –, ce qui n'imposait pas les mêmes exigences de forme. Par ailleurs, les ordonnances pénales dont la révision était demandée, n'étaient pas affectées d'un défaut à ce point grave – leur signature préimprimée – que celui-ci pouvait être relevé d'office et en tout temps, à tous les stades de la procédure. La sécurité du droit ne permettait pas d'admettre sans autre la nullité de jugements entrés en force, à l'instar desdites ordonnances.

d. Le 19 décembre 2024, les parties ont été informées de ce que la cause serait gardée à juger sous vingtaine, sans réaction de leur part.

EN DROIT :

1. 1.1. La CPAR est l'autorité cantonale compétente en matière de révision (art. 130 al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire [LOJ] ; art. 21 al. 1 let. b CPP).

Sur le plan matériel, la juridiction d'appel a pour vocation de statuer sur les demandes en révision (art. 21 al. 1 let. b CPP), qui peuvent concerner toutes décisions des autorités pénales entrées en force, soit les décisions du Ministère public, des autorités compétentes en matière de contraventions, du Tribunal de première instance, du Tribunal des mesures de contrainte, de l'autorité de recours et même de la juridiction d'appel (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2ème édition, Bâle 2019, n. 6a ad art. 21).

L'art. 8 de la loi d'application du code pénal suisse et d'autres lois fédérales en matière pénale (LaCP) prescrit, d'une manière générale et sous le chapitre "Champ d'application et poursuites", que les infractions prévues par la législation genevoise sont poursuivies et jugées conformément au Code de procédure pénale, appliqué à titre de droit cantonal supplétif, ainsi qu'à ses dispositions cantonales d'application. Le législateur cantonal n'a édicté aucune norme spécifique en matière de révision dans le chapitre VIII de la LaCP relatif aux "Voies de recours", étant rappelé que la révision (art. 410 et ss CPP) fait partie du titre 9 du CPP consacré à celles-ci.

Conformément à l'art. 129 al. 4 LOJ, lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ou la demande de révision ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure statue.

1.2. Il s'ensuit que la CPAR est bien l'autorité disposant d'une compétence générale en la matière et devant laquelle la révision d'une contravention de droit cantonal entrée en force peut être portée, le CPP étant appliqué à titre de droit supplétif.

2. 2.1.1. À teneur de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, peut en demander la révision s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont notamment de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Les faits ou moyens de preuve invoqués dans la demande de révision doivent être nouveaux et sérieux (ATF 141 IV 349 consid. 2.2 ; 145 IV 197 consid. 1.1). Par "faits", on entend des circonstances susceptibles d'être prises en considération dans l'état de fait qui fonde le jugement (ATF 141 IV 93 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_676/2015 du 26 septembre 2017 consid. 2.2).

Les faits et moyens de preuve nouveaux qui sont de nature à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et qui permettent de rendre une décision plus favorable à la personne condamnée sont pris en compte par le droit de la révision. En revanche, les violations de procédure ne peuvent en principe pas être corrigées par le biais d'une révision, mais doivent être invoquées dans le cadre de la procédure de recours ordinaire. La révision doit être admise lorsque la modification du jugement antérieur paraît probable (ATF 116 IV 353 consid. 4e p. 360 s.). La révision ne sert pas à remettre en cause en tout temps des décisions entrées en force ou à réparer des omissions procédurales antérieures (arrêt du Tribunal fédéral 6B_517/2018 du 24 avril 2019 consid. 1.1 et les références citées).

Il existe un numerus clausus des motifs de révision et l'on ne saurait en déduire d'autres de la Constitution ou de la CEDH. Hormis le cas spécifique de l'internement a posteriori (art. 65 al. 2 CP), les motifs de révision sont régis exhaustivement par le CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 19 ad art. 410).

2.1.2. Aux termes de l'art. 357 al. 1 CPP, lorsque des autorités administratives sont instituées en vue de la poursuite et du jugement des contraventions, elles ont les attributions du ministère public. Dans cette hypothèse, les dispositions sur l'ordonnance pénale sont applicables par analogie à la procédure pénale en matière de contraventions (art. 357 al. 2 CPP). Les cantons ne peuvent prévoir de dispositions de procédure contraires ou complémentaires (ATF 140 IV 192 consid. 1.3 p. 194).

2.1.3. La jurisprudence retient que la signature du jugement constitue une exigence de validité conformément à l'art. 80 al. 2 CPP. La signature manuscrite de la décision confirme l'exactitude formelle de l'expédition et sa conformité avec la décision prise par le tribunal. L'exigence de la signature participe ainsi à la sécurité du droit. En ce qui concerne les ordonnances pénales, le Tribunal fédéral exige la signature de la personne compétente et l'art. 353 al. 1 let. k CPP prescrit que l'ordonnance pénale indique qui l'a rendue. La seule signature de l'ordonnance pénale ne peut pas être déléguée ; l'auteur et le signataire doivent être identiques (ATF 148 IV 445 consid. 1.3.2 et 1.3.3).

2.1.4. Selon le Tribunal fédéral, les décisions erronées sont nulles au sens de la théorie de l'évidence si le vice qui leur est attaché est particulièrement grave, s'il est manifeste ou du moins facilement reconnaissable et si, en outre, la sécurité du droit n'est pas sérieusement menacée par l'acceptation de la nullité (ATF 129 I 361 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6S.4/2006 du 26 juin 2006 consid. 3).

Parmi les motifs de nullité entrant principalement en ligne de compte, il y a l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité qui a pris la décision ainsi que la violation des règles essentielles de la procédure. La nullité d'une décision doit être relevée d'office, en tout temps et à tous les stades de la procédure, par les autorités d'application (ATF 144 IV 362 consid. 1.4.3 et les références citées).

Une ordonnance pénale qui, au lieu d'être signée de la main de la personne qui l'a délivrée, est munie par le personnel du greffe d'un cachet en fac-similé, n'est pas nulle. Dans le domaine du droit pénal, la sécurité du droit revêt une importance particulière, ce qui ne permet pas d'admettre sans autre la nullité des jugements entrés en force. Le vice d'un cachet en fac-similé sur une ordonnance pénale ne s'avère pas d'une gravité telle qu'elle justifierait, compte tenu de l'importance particulière de la sécurité du droit en droit pénal, de considérer l'ordonnance pénale comme nulle au sens de la théorie de l'évidence (ATF 148 IV 445 consid. 1.4.2).

2.1.5. L'art. 412 CPP prévoit que la juridiction d'appel examine préalablement la demande de révision en procédure écrite (al. 1). Elle n'entre pas en matière si la demande est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (al. 2).

Cet examen préalable et sommaire porte principalement sur les conditions formelles de recevabilité de la demande de révision. Il n'en est pas moins loisible à l'autorité saisie de refuser d'entrer en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive. Une demande de révision doit, en particulier, être considérée comme telle lorsqu'elle repose sur des faits connus d'emblée du condamné, qu'il a tus sans raison valable. L'abus de droit ne doit toutefois être retenu qu'avec réserve. Il s'agit, dans chaque cas, d'examiner, au regard des circonstances de l'espèce, si la demande de révision tend à contourner les voies de droit ordinaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1214/2015 du 30 août 2016 consid. 2 et les références citées).

Le seul fait que la juridiction d'appel invite une partie à se déterminer ne suffit pas à retenir qu'elle est déjà, par ce fait même, entrée en matière. La question décisive demeure celle de savoir si, au vu des motifs de révision invoqués, les conditions pour rendre une décision d'irrecevabilité sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1122/2020 du 6 octobre 2021 consid. 2.3).

2.2. Une ordonnance pénale non signée par la personne compétente n'étant pas nulle de plein droit, il y a lieu d'examiner la recevabilité de la demande de révision.

2.2.1. La demanderesse allègue n'avoir pu découvrir l'absence de signature manuscrite sur les ordonnances pénales en cause qu'après consultation de son conseil à la Prison de C______, le 4 novembre 2024, et que, de bonne foi, elle était partie du principe que ces décisions avaient été rendues en conformité au droit.

Or, au-delà du fait que les ordonnances pénales querellées ne sont pas ipso facto nulles (cf. supra 2.1.4), eu égard au principe fondamental de la sécurité du droit, son grief, en tant que tel, n'entre pas dans le champ des motifs exhaustifs mentionnés à l'art. 410 al. 1 let. a CPP qui ouvrirait la voie de la révision. En effet, le vice invoqué ne constitue ni un fait nouveau, ni même un nouveau moyen de preuve qui n'était pas connu et permettrait d'accéder à la révision. Il s'agit d'un vice procédural ne pouvant être remédié par la voie de la révision, une voie de droit extraordinaire, étant rappelé qu'un changement de jurisprudence ne permet pas plus d'entrer en matière.

2.2.2. La demande de révision tendant strictement à l'annulation des ordonnances pénales, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la violation alléguée des art. 3, 5, 8 et 14 CEDH, dès lors qu'il n'existe aucun motif de révision permettant de contester l'entrée en force des ordonnances querellées.

Dans la mesure où les ordonnances pénales de conversion du SDC et l'ordre d'exécution émis par le SAPEM le 30 octobre 2024 ne font pas l'objet de la demande en révision, outre qu'ils ne sont par ailleurs pas sujets à révision, il n'y a pas plus lieu d'examiner les griefs soulevés en lien avec de prétendues violations des dispositions de la CEDH.

2.3. Au vu de ce qui précède, il ne sera pas entré en matière sur la demande de révision, laquelle doit être déclarée irrecevable.

3. En référence aux art. 106 al. 2 et 3 CP, lorsqu'une ou des amendes impayées sont converties, le juge fixe la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (cf. art. 47 CP). Il doit tenir compte des règles sur le concours et augmenter la peine dans une juste proportion, en étant lié par le maximum légal du genre de peine (cf. art. 49 al. 1 CP), en l'occurrence trois mois de peine privative de liberté.

Or, le SDC a choisi de statuer le même jour en procédant, le 11 octobre 2024, à la conversion de toute une série d'amendes impayées, les regroupant. Ce faisant, il n'a pas respecté les réquisits légaux dans chaque ordonnance de conversion, puisque celles-ci ont abouti à des peines privatives de liberté excédant le maximum légal du genre de peine, et cela même si le SAPEM les a correctement interprétées dans son ordre d'exécution, en fixant, pour chacune d'elles, un quantum maximum de 90 jours de peine privative de liberté. Cette façon d'agir ne respecte de surcroît pas l'esprit de la loi puisqu'en procédant de la sorte, au jour de la conversion, le SDC a en réalité prononcé une peine privative de liberté de substitution cumulée de 1190 jours (310 + 271 + 96 + 250 + 263) à l'encontre de la demanderesse, peine illégale. Le MP l'a d'ailleurs observé puisque "en regroupant artificiellement les ordonnances pénales dans plusieurs ordonnances de conversion, il deviendrait ainsi possible de dépasser le maximum de trois mois de peine privative de liberté de substitution prévu à l'art. 106 al. 2 CP" (cf. détermination du 15 novembre 2024 sur effet suspensif).

Compte tenu de ce qui précède (cf. supra, consid. 2.1.4), le SDC sera invité à reconsidérer la peine privative de liberté convertie à l'appui de ses décisions du 11 octobre 2023, tout comme celle définie le 17 janvier 2024 (210 jours), lesquelles ne devront, chacune, excéder trois mois.

À cet égard, sera rappelée la teneur de l'art. 4 de l'ordonnance relative au Code pénal et au Code pénal militaire (O-CP-CPM), à savoir, lors de l'exécution, s'il y a concours de plusieurs peines privatives de liberté, elles sont exécutées simultanément, conformément aux art. 76 à 79 CP, leur durée totale étant déterminante.

4. 4.1. La partie dont l'appel est irrecevable est considérée comme ayant succombé. En conséquence, la demanderesse supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument de jugement, limité à CHF 400.- vu sa situation personnelle, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 425 et 428 CPP).

4.2. Compte tenu de l'issue de la présente, il n'y a pas lieu d'indemniser une éventuelle détention illicite, vu le solde de peine à subir par la demanderesse.

5. MB______, nommée en qualité de défenseure d'office de A______, n'a pas produit d'état de frais. Son activité s'est limitée à un rendez-vous avec la demanderesse en prison ainsi qu'à la demande déposée. Elle sera indemnisée ex aequo et bono (1h30 pour la visite à la prison et 2h pour son écriture).

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 908.05 correspondant à 3h30 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20% et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 68.05.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LE PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :

 

Déclare irrecevable la demande de révision formée par A______ contre les ordonnances pénales converties en peines privatives de liberté par décisions des 11 octobre 2023 et 17 janvier 2024 du Service des contraventions.

Invite le Service des contraventions à reconsidérer le quantum des peines privatives de liberté en conversion des amendes impayées par A______ figurant dans ses décisions du 11 octobre 2023, ainsi que dans sa décision du 17 janvier 2024.

Condamne A______ aux frais de la procédure de révision en CHF 615.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 400.-.

Arrête à CHF 908.05, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseure d'office de A______, pour la procédure de révision.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Service de l'application des peines et des mesures (SAPEM).

 

La greffière :

Sonia LARDI DEBIEUX

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière pénale.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

400.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

615.00