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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9286/2022

AARP/1/2025 du 07.01.2025 sur JTDP/783/2024 ( PENAL ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 08.02.2025, 6B_136/2025
Descripteurs : DROIT CONSTITUTIONNEL À LA PROTECTION DE LA BONNE FOI;OBSERVATION DU DÉLAI
Normes : CPP.399; CPP.91.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9286/2022 AARP/1/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 janvier 2025

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE],

appelant,

 

contre le jugement JTDP/783/2024 rendu le 20 juin 2024 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante,

C______, partie plaignante, comparant par Me Eric BEAUMONT, avocat, Eardley Avocats, rue De-Candolle 16, 1205 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Le 26 juin 2024, A______ a adressé à la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) un document intitulé "appel du jugement du Tribunal de police du 20 juin 2024". Par ledit jugement, le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de tentative de contrainte (art. 22 cum 181 du code pénal [CP]), de dénonciation calomnieuse (art. 303 ch. 1 par. 1 CP) et de diffamation (art. 173 ch. 1 CP) et l'a condamné à une peine pécuniaire de 75 jours-amende à CHF 50.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans. Le TP l'a également condamné à payer à C______ un montant de CHF 500.-, avec intérêts à 5% dès le 8 février 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 49 al. 1 CO) et à B______ un montant de CHF 200.-, avec intérêts à 5% dès le 16 mai 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 49 al. 1 CO). Il a débouté C______ et B______ de leurs conclusions civiles pour le surplus et condamné A______ à verser à C______ un montant de CHF 7'912.85 TTC, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 du code de procédure pénale [CPP]).

À réception, la CPAR a transmis ce document au TP comme valant annonce d'appel.

b. Le jugement motivé, expédié le 28 juin 2024, a été notifié à l'appelant le 5 juillet 2024 ; conformément à une instruction de réexpédition donnée par A______ à la poste, cette notification est intervenue à l'étranger.

Ce jugement retranscrit notamment, dans les voies de droit, l'art. 399 al. 3 et 4 ainsi que l'art. 91 al. 2 CPP.

c. La CPAR a attiré l'attention de l'appelant par courrier du 15 juillet 2024 sur le fait que le document reçu le 27 juin 2024 ne valait pas déclaration d'appel, ayant été déposé avant la notification du jugement motivé, et que dite déclaration devait être formée dans le délai de vingt jours dès cette notification, soit jusqu'au 25 juillet 2024.

d. Par lettre non datée, mais remise à la poste française le 24 juillet 2024, arrivée en Suisse le 28 juillet 2024 et reçue le 31 juillet 2024 au greffe de la CPAR, A______ a formé une déclaration d'appel dont la teneur diffère légèrement de son annonce d'appel, mais dont les conclusions sont les mêmes.

A______ entreprend intégralement le jugement, concluant en substance à son acquittement et au déboutement des intimés de leurs conclusions civiles, ainsi qu'à leur condamnation à lui verser divers montants au titre de tort moral.

f. L'annonce et la déclaration d'appel ainsi que le courrier de la CPAR du 15 juillet 2024 ont été transmis aux intimés. Le MP a indiqué ne former ni demande de non-entrée en matière, ni appel joint. Les autres intimés ont conclu à l'irrecevabilité de l'appel en raison du non-respect du délai de 20 jours de l'art. 399 al. 3 CPP.

g. Nanti des conclusions en irrecevabilité, le MP et l'appelant ont conclu à ce que la CPAR entre en matière sur l'appel. Les intimés ont persisté et la cause a été gardée à juger sur cette question.

h. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

EN DROIT :

1. 1.1. Aux termes de l'art. 399 al. 1 CPP, la partie annonce l'appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement.

Lorsque le jugement motivé est rédigé, le tribunal de première instance transmet l'annonce et le dossier à la juridiction d'appel (art. 399 al. 2 CPP).

La partie qui annonce l'appel adresse une déclaration d'appel écrite à la juridiction d'appel dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 399 al. 3 CPP), en indiquant si elle entend attaquer le jugement dans son ensemble ou seulement sur certaines parties (let. a), les modifications du jugement de première instance qu'elle demande (let. b) et ses réquisitions de preuves (let c).

Lorsque l'annonce d'appel n'a pas été suivie d'une déclaration d'appel, l'appel est irrecevable, même si l'on parvient à deviner, à la lecture de l'annonce d'appel, quelles auraient pu être les modifications du jugement demandées dans la déclaration d'appel, celle-ci eût-elle été déposée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_458/2013 du 4 novembre 2013 consid. 1.4 ; AARP/249/2016 du 23 juin 2016).

1.2. Le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai (art. 91 al. 1 CPP). Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale ou à la Poste suisse (al. 2).

Pour pouvoir se prévaloir à l'égard d'une partie domicilié à l'étranger de la règle prévue à l'art. 91 al. 2 CPP, concernant l'exigence de la remise d'un écrit à la Poste suisse, l'autorité pénale doit faire référence à cette disposition légale dans l'indication des voies de droit. Le justiciable qui plaide en personne et n'est donc pas familier du droit suisse doit être informé, de manière appropriée, des exigences légales (ATF
145 IV 259, consid. 1.4.2 et 1.4.4).

La remise à un bureau de poste étranger n'est pas assimilée au dépôt en mains de la poste suisse. Pour que le délai judiciaire soit sauvegardé en pareil cas, il faut que le pli contenant le mémoire arrive le dernier jour du délai au plus tard au greffe de la juridiction concernée ou que la poste suisse en prenne possession avant l'expiration du délai. La partie qui choisit de transmettre son acte judiciaire par une poste étrangère doit ainsi faire en sorte qu'il soit reçu à temps en le postant suffisamment tôt (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2023 du 30 janvier 2024 consid. 15 ; 6B_350/2023 du 28 juin 2023 consid. 3).

1.3. La sanction de l'irrecevabilité du recours en cas de non-respect du délai pour déposer celui-ci n'est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d'égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 104 Ia 4 consid. 3 p. 5 ; ACPR/530/2012 du 27 novembre 2012). Le recourant ne peut se prévaloir d'une indication inexacte du délai de recours de la part de l'autorité cantonale, si lui ou son avocat avaient pu découvrir l'erreur par une simple lecture du texte de loi (ATF 129 II 125 consid. 3.3 p. 134 ; ATF 124 I 255 consid. 1a/aa p. 258 ; ACPR/180/2014 du 2 avril 2014).

1.4. La jurisprudence a tiré à la fois du principe de la bonne foi et de l'interdiction du formalisme excessif le devoir qui s'impose à l'autorité, dans certaines circonstances, d'informer d'office le plaideur qui commet ou s'apprête à commettre un vice de procédure, à condition que le vice soit aisément reconnaissable et qu'il puisse être réparé à temps (ATF 124 II 265 consid. 4a p. 270 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_678/2017 du 6 décembre 2017 consid. 5.3 ; 6B_704/2015 du 16 février 2016 consid. 4.2 ; 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 4.2.1). L’autorité judiciaire a un devoir de vigilance, qui découle directement de l'art. 3 CPP et stipule entre autres que le juge est tenu, en tout cas en présence d'une partie au procès qui ne connaît pas le droit et qui n'est pas représentée par un avocat, de l'informer d'office d'une erreur de procédure si la partie en commet une et si l'erreur est découverte à temps et peut encore être réparée dans le délai imparti (ATF 124 II 265 p. 270 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_37/2021 du 1er mars 2021, 6B_1217/2013 du 18 février 2014).

1.5. En l'espèce, les voies de droit figurant au pied du jugement motivé rappellent expressément la teneur de l'art. 91 al. 2 CPP et l'obligation, pour respecter un délai légal, de faire parvenir l'acte à la poste suisse au plus tard le dernier jour de l'échéance du délai.

L'appelant est francophone et a son domicile officiel à Genève. Il a été en mesure de rédiger des documents parfaitement clairs qu'il a adressés à l'autorité. Il dispose donc de toutes ses capacités et pouvait prendre connaissance de la teneur de l'art. 91 al. 2 CPP, reproduit dans le jugement entrepris. C'est donc alors qu'il avait été clairement informé des règles en vigueur qu'il a choisi d'expédier sa déclaration d'appel de l'étranger, sans s'assurer de son arrivée en Suisse dans le délai qui lui avait pourtant été rappelé clairement.

Dans de telles circonstances, il ne peut qu'être constaté que la déclaration d'appel parvenue en Suisse le 28 juillet 2024 était tardive, et qu'en conséquence l'appel doit être déclaré irrecevable.

Il n'y a au surplus pas matière à restitution de délai au sens de l'art. 94 CPP. L'appelant, dûment interpellé sur l'apparente irrecevabilité de son appel, n'a pas exposé en quoi il aurait été empêché, sans faute de sa part, d'observer le délai prescrit pour le dépôt d'une déclaration d'appel recevable à la forme.

3. La partie dont l'appel est irrecevable est considérée comme ayant succombé ; elle supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument de jugement, limité à CHF 300.-, vu le stade peu avancé de la procédure d'appel (art. 428 CPP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/783/2024 rendu le 20 juin 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/9286/2022.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel par CHF 695.-, qui comprennent un émolument de CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut le cas échéant être porté dans les trente jours qui suivent sa notification
avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral
(1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'147.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

320.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

695.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

1'842.00