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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17472/2012

AARP/339/2024 du 30.09.2024 sur AARP/117/2023 ( REV )

Recours TF déposé le 04.11.2024, 6B_890/2024
Normes : CPP.410.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17472/2012 AARP/339/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 30 septembre 2024

 

Entre

A______, domicilié chez et comparant par Me Reza VAFADAR, avocat, VZ LAWYERS, rue Charles-Bonnet 2, 1206 Genève,

demandeur en révision,

 

contre l'arrêt AARP/59/2020 rendu le 30 janvier 2020 et l'arrêt AARP/117/2023 rendu le 27 mars 2023 par la Chambre pénale d'appel et de révision,

et

B______, domicilié ______, Grande-Bretagne, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a. Par acte d'accusation du 21 décembre 2017, B______ a été renvoyé en jugement pour escroquerie (art. 146 du Code pénal suisse [CP]), subsidiairement abus de confiance (art. 138 CP), plus subsidiairement encore gestion déloyale (art. 158 CP), blanchiment d'argent (art. 305bis CP), faux dans les titres et tentative d'extorsion (art. 22 cum art. 156 CP), subsidiairement tentative de contrainte (art. 22 cum art. 181 CP). En substance, il lui était reproché :

-       d'avoir amené A______ à signer un document mentionnant faussement qu'il était actionnaire à hauteur de 50 % de D______ SA et de s'être, par la suite, lui-même présenté comme actionnaire unique de la société, dans le but de s'emparer des avoirs et de la totalité de l'actionnariat, y compris en s'appropriant les deux certificats au porteur dans lesquels était incorporée l'intégralité des actions (point B.I.A de l'acte d'accusation) ;

-       d'avoir convaincu A______ de verser la somme de USD 600'000.- sur le compte de la société D______ SA pour procéder à une augmentation de capital, en lui faisant croire qu'une telle augmentation était nécessaire pour que la réputation financière de la société soit crédible et pour que sa propre autorisation de séjour soit renouvelée, et de s'être emparé de la contrevaleur du montant versé par A______ en faisant inscrire à son nom les nouvelles actions émises à cette occasion, à l'insu du précité (points B.I.B.12-14 de l'acte d'accusation) ;

-       d'avoir détourné et de s'être approprié des fonds puisés sur le compte de D______ SA pour un montant d'à tout le moins CHF 579'805.-, puis d'avoir transféré cet argent sur les comptes bancaires de sociétés lui appartenant, dans le but de l'utiliser à des fins personnelles (points B.I.B.15, B.I.B.16 a.i, ii, iii, iv et b et point B.II de l'acte d'accusation) ;

-       de s'être faussement présenté comme actionnaire, à 50 % ou à 100 %, de D______ SA en apposant sa signature sur divers documents (point B.III 1 à 3 de l'acte d'accusation) ;

-       d'avoir cherché à faire expulser A______ du territoire suisse en le licenciant de la société D______ SA et en le dénonçant aux autorités par rapport à son titre de séjour, dans le but de le contraindre à abandonner D______ SA et les avoirs dont cette dernière était titulaire (point B.IV de l'acte d'accusation).


 

b. Par jugement JTCO/81/2018 du 22 juin 2018, le Tribunal correctionnel (TCO) a notamment :

-       reconnu B______ coupable d'escroquerie (art. 146 ch. 1 CP), d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP), de faux dans les titres (art. 251 CP) et de tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP) ;

-       condamné B______ à une peine privative de liberté de trois ans, assortie du sursis partiel (partie ferme de 12 mois et délai d'épreuve de trois ans) ;

-       déclaré irrecevables les conclusions prises par A______ au nom de D______ SA ;

-       condamné B______ à verser CHF 389'406.-, avec intérêts à 5 % dès le 12 décembre 2012, à A______ à titre de réparation de son dommage matériel (dommage causé directement à A______ par la tromperie en vue de l'augmentation de capital de D______ SA) ;

-       prononcé à l'encontre de B______, en faveur de l'État de Genève, une créance compensatrice de CHF 579'805.- ;

-       alloué ladite créance compensatrice à A______ à hauteur de CHF 389'406.- ;

-       ordonné la levée du séquestre et la restitution à A______ du certificat d'actions n°1 de D______ SA ;

-       ordonné la levée du séquestre et l'attribution à B______ du certificat d'actions n° 2 de D______ SA, sous condition résolutoire que A______ n'intente pas une action civile dans un délai de 90 jours à compter de l'entrée en force de l'arrêt ;

-       fixé un délai de 90 jours à A______ dès l'entrée en force de l'arrêt pour intenter une action civile s'agissant du certificat d'actions attribué à B______ ;

-       condamné B______ à verser CHF 100'000.- à A______ à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance ;

-       mis la totalité des frais de la procédure à la charge de B______.

c. Saisie des appels de B______ et A______, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a, par arrêt AARP/59/2020 du 30 janvier 2020, annulé le jugement précité et, statuant à nouveau, notamment :

-       acquitté B______ des chefs d'escroquerie et de faux dans les titres ;

-       reconnu B______ coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP), de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP) et de tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP) ;

-       condamné B______ à une peine privative de liberté de 26 mois, assortie du sursis partiel (peine ferme de 12 mois et délai d'épreuve de trois ans) ;

-       déclaré irrecevables les conclusions prises par A______ au nom de D______ SA;

-       rejeté les conclusions civiles de A______ ;

-       prononcé à l'encontre de B______, en faveur de l'État de Genève, une créance compensatrice de CHF 282'156.- ;

-       ordonné la levée du séquestre et la restitution à A______ du certificat d'actions n°1 de D______ SA ;

-       ordonné la levée du séquestre et la restitution à B______ du certificat d'actions n° 2 de D______ SA, sous condition résolutoire que A______ n'intente pas une action civile dans un délai de 90 jours à compter de l'entrée en force de l'arrêt ;

-       fixé un délai de 90 jours à A______ dès l'entrée en force de l'arrêt pour intenter une action civile s'agissant du certificat d'action attribué à B______ ;

-       condamné B______ à verser à A______ CHF 121'500.- à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance ;

-       condamné B______ à l'entièreté des frais de la procédure préliminaire et de première instance ;

-       rejeté les conclusions en indemnisation de A______ pour la procédure d'appel ;

-       fixé les frais de la procédure d'appel à CHF 21'385.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 20'000.- ;

-       mis ¾ de ces frais, soit CHF 16'038.75, à la charge de B______ et le solde, soit CHF 5'346.25, à celle de A______.

d. Saisi par B______ et A______, le Tribunal fédéral (TF) a, par arrêts 6B_367/2020 et 6B_369/2020 du 17 janvier 2022 (causes jointes), partiellement admis leurs recours contre l'AARP/59/2020, annulé cet arrêt dans la mesure où il déclarait le premier coupable d'abus de confiance et de blanchiment d'argent, le condamnait à 26 mois de peine privative de liberté, arrêtait à CHF 282'156.- la quotité de la créance compensatrice et le condamnait à verser CHF 121'500.- à A______ à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance. La cause a été renvoyée à la CPAR pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

e.a. À réception de l'arrêt de renvoi du TF, la CPAR a interpellé les parties en les enjoignant de se prononcer sur les montants retenus dans le cadre de l'examen des infractions d'abus de confiance et de blanchiment d'argent.

Dans ce contexte, A______ a, le 1er mars 2022, demandé la révision des acquittements prononcés dans l'AARP/59/2020, au motif qu'ils auraient été influencés par la commission, par l'épouse de B______, d'une infraction dont elle aurait été reconnue coupable en Iran (falsification et usage de faux).

La Présidente de la CPAR a refusé d'entrer en matière sur la demande de révision dès lors qu'elle n'était pas déposée dans le cadre d'une procédure distincte. Elle ne pouvait être dirigée contre un arrêt non définitif et, devant être soumise à une autre composition, ne pouvait être traitée dans l'arrêt consécutif au renvoi du TF.

e.b. Dans l'arrêt AARP/117/2023 du 27 mars 2023, consécutif à l'arrêt de renvoi du TF, la CPAR a d'abord constaté que l'AARP/59/2020 était entré en force en tant, notamment, qu'il avait :

-       acquitté B______ des chefs d'escroquerie et de faux dans les titres ;

-       déclaré B______ coupable d'abus de confiance en lien avec le ch. I.A de l'acte d'accusation (art. 138 ch. 1 CP) et de tentative de contrainte (art. 22 cum 181 CP) ;

-       déclaré irrecevables les conclusions formées par A______ au nom de D______ SA;

-       débouté A______ de ses conclusions civiles ;

-       ordonné la levée du séquestre et la restitution du certificat d'actions n° 1 de D______ SA à A______ ;

-          ordonné la levée du séquestre et la restitution à B______ du certificat d'actions n° 2 de D______ SA, sous condition résolutoire que A______ n'intente pas une action civile dans un délai de 90 jours à compter de l'entrée en force de l'arrêt ;

-          fixé un délai de 90 jours à A______ dès l'entrée en force de l'arrêt pour intenter une action civile s'agissant du certificat d'actions attribué à B______ ;

-          rejeté les conclusions en indemnisation de A______ pour la procédure d'appel.

Puis, statuant à nouveau, la CPAR a notamment :

-          acquitté B______ de blanchiment d'argent en lien avec le ch. II.1 let. e à f de l'acte d'accusation ;

-          reconnu B______ coupable d'abus de confiance en lien avec le ch. I.B.15-16 de l'acte d'accusation (art. 138 ch. 1 CP) et de blanchiment d'argent en lien avec le ch. II.1 let. a à d de l'acte d'accusation (art. 305bis ch. 1 CP) ;

-          condamné B______ à une peine privative de liberté de 26 mois, sous déduction de 131 jours de détention avant jugement, assortie du sursis partiel (peine ferme de six mois et délai d'épreuve de trois ans) ;

-          prononcé à l'encontre de B______, en faveur de l'État de Genève, une créance compensatrice de CHF 244'799.- ;

-          mis 9/10èmes des frais de la procédure préliminaire et de première instance, en CHF 18'428.-, à la charge de B______ et laissé le solde à la charge de l'État ;

-          condamné B______ à verser à A______ une indemnité de CHF 85'000.- pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance ;

-          mis 3/5èmes des frais de la procédure d'appel antérieure à l'arrêt du TF, en CHF 21'385.-, à la charge de B______ et 2/5èmes à celle de A______ ;

-          laissé les frais de la procédure d'appel postérieure à l'arrêt du TF à la charge de l'État.

f. Par acte du 6 octobre 2023, A______ a saisi la CPAR d'une nouvelle demande de révision dirigée contre les arrêts AARP/59/2020 et AARP/117/2023.

g. En parallèle de cette demande de révision, B______ et A______ ont recouru auprès du TF contre l'arrêt AARP/117/2023 (causes jointes 6B_638/2023 et 6B_649/2023).

h. Par ordonnance du 18 mars 2024, le TF a suspendu la procédure fédérale jusqu'à doit connu sur la procédure cantonale en révision des arrêts AARP/59/2020 et AARP/117/2023, introduite par A______ auprès de la CPAR.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Lors des débats de première instance qui se sont tenus entre le 18 et le 22 juin 2018, B______ a produit un affidavit établi le 14 mai 2018 par son épouse, E______, devant un notaire à F______. Dans ce document, elle atteste avoir, depuis 2009, soutenu financièrement son mari à hauteur de GBP 500'000.- pour lui permettre d'investir dans la société D______ SA. Ces fonds provenaient de la vente, en 2009 et 2010, de deux appartements en Iran ainsi que de donations de ses parents.

Jugement JTCO/81/2018 du 22 juin 2018

b.a. S'agissant tout d'abord de la titularité des actions de D______ SA, le TCO a en substance considéré, après analyse des éléments du dossier, qu'il subsistait un doute résiduel quant au fait que A______ était le légitime propriétaire de 100 % des actions. Au regard des certificats d'actions, du contrat de fiducie, des comptes courants actionnaires de la société et de l'activité que B______ réalisait pour la société, il ne pouvait être exclu que le 50 % des actions lui avait été remis pour l'encourager dans son travail, voire à titre de rémunération. Aucune infraction n'avait été commise dans ce cadre. Par la suite, B______ s'était cependant arrogé le certificat d'actions qui lui avait été confié par A______ et en avait fait usage sans droit dans le cadre de l'augmentation de capital du 8 décembre 2011, où il s'était approprié la totalité de l'actionnariat de la société, prenant ainsi le contrôle de D______ SA et de ses biens. B______ a dès lors été reconnu coupable d'abus de confiance pour ces faits (cf. JTCO/81/2018 consid. 2.2.1).

b.b. En sus de cette infraction, le TCO a considéré que B______ s'était rendu coupable d'escroquerie au détriment de A______, pour l'avoir convaincu de procéder à l'augmentation du capital de D______ SA, alors même qu'une telle manœuvre ne répondait à aucune justification économique. Il l'avait induit en erreur sur la situation financière de la société en usant d'un édifice de mensonges constitué notamment de courriels dans lesquels il avait fait état de dettes pour de faux montants, d'avis de tiers et d'un danger de faillite pour D______ SA. Il avait agi de la sorte dans le but de s'approprier les nouvelles actions émises, sans procéder à leur rachat (cf. JTCO/81/2018 consid. 2.2.3.1).

b.c. L'infraction d'abus de confiance a été retenue par le TCO s'agissant des retraits en espèces effectués par B______ depuis le compte de D______ SA. À cet égard, il a été relevé que ces prélèvements n'avaient pas pu servir au paiement de frais de la société compte tenu de leur importance et que de tels frais auraient pu, en tout état, être acquittés au moyen de cartes bancaires. En outre, B______ ne disposait d'aucune note de frais justifiant les prélèvements en cause (cf. JTCO/81/2018 consid. 2.2.3.2.).

b.d. Au chapitre des transferts bancaires reprochés à B______ (cf. JTCO/81/2018 consid. 2.2.3.3), le TCO a notamment relevé que les éléments du dossier ne permettaient d'établir ni la fortune, ni le revenu réel qui lui auraient permis de tels investissements dans la société. L'unique pièce que le prévenu avait déposée à ce sujet était l'affidavit de son épouse du 14 mai 2018, dont la valeur probante était extrêmement faible, puisqu'elle se limitait au constat de l'existence de déclarations devant notaire, sans être compensée par le témoignage de son auteur et/ou par des annexes pertinentes. Pour le TCO, cette pièce n'était pas non plus confirmée par d'autres éléments du dossier, les courriels échangés laissant au contraire plutôt entrevoir que c'était A______ qui avait apporté les fonds de la société. La valeur probante de cette pièce était encore amoindrie par le fait qu'elle émanait d'une proche de B______ et qu'elle comportait des incohérences sur le montant investi par rapport aux déclarations de ce dernier.

Il n'était pas non plus établi que les "dettes en remboursement d'avances" dont se prévalait B______ auraient été exigibles et, si tel avait bien été le cas, à quelle hauteur. Avant l'ouverture de la procédure pénale, il n'avait d'ailleurs jamais indiqué à quiconque, en particulier ni à A______, ni aux témoins G______ et H______, qu'il entendait sortir de l'argent de la société pour se rembourser des avances consenties. Aucune pièce comptable n'avait été établie pour attester de tels mouvements et il n'avait pas, a fortiori, requis la seconde signature d'un administrateur pour se rembourser. Ces éléments plaidaient en faveur de retraits unilatéraux non justifiés.

À l'inverse de A______, dont la surface financière était démontrée par le dossier, B______ ne disposait pas, selon le TCO, d'une fortune et de revenus permettant les investissements dont il se prévalait. Il n'avait donc pas pu effectuer les conséquentes avances alléguées à l'endroit de D______ SA, si bien que sa culpabilité du chef d'abus de confiance a été retenue en lien avec l'intégralité des montants prélevés du compte de la société, visés dans l'acte d'accusation.

b.e. L'infraction de faux dans les titres ne pouvait être retenue en lien avec la signature du contrat de vente de I______ SA, B______ ayant valablement agi comme représentant de A______ conformément au "Power of attorney" du 12 novembre 2009 qui lui avait été délivré. Il en allait de même de la signature du "Fiduciary agreement" du 25 novembre 2009 et des documents de [la banque] J______, dès lors qu'il existait un doute irréductible sur la légitimité de B______ à détenir 50 % des actions de D______ SA.

En revanche, le fait d'avoir fait constater faussement, dans la convention de fiducie conclue avec H______, être l'ayant-droit économique à 100 % de D______ SA, remplissait les conditions du faux dans les titres. Il s'agissait en effet, d'une part, d'un document dont la valeur probante était accrue. D'autre part, l'élément subjectif était réalisé puisqu'en apparaissant, par le biais de la tromperie, comme propriétaire de la société, B______ avait le dessein de parvenir à disposer de l'intégralité des droits sociaux et patrimoniaux de celle-ci. Au regard de ce qui précède, sa culpabilité du chef de faux dans les titres (art. 251 CP) a été retenue pour ce complexe de faits (cf. JTCO/81/2018 consid. 4.2).

b.f. Les conclusions civiles déposées par A______ au nom de D______ SA ont été déclarées irrecevables au motif qu'il n'était pas le seul représentant autorisé de cette société.

b.g. B______ a néanmoins été condamné à verser à A______ CHF 389'406.- à titre de réparation du dommage matériel, correspondant au dommage causé directement à ce dernier par l'escroquerie dans le cadre de l'augmentation de capital de D______ SA.

Arrêt AARP/59/2020 du 30 janvier 2020

c.a. B______ et A______ ont tous deux fait appel du jugement JTCO/81/2018 du 22 juin 2018.

Le premier a notamment conclu à son acquittement de toutes les infractions retenues à son encontre et à la restitution des deux certificats d'actions de D______ SA.

Le second a notamment conclu à ce que B______ soit reconnu coupable d'escroquerie et d'abus de confiance en lien avec l'acquisition de toutes les actions de D______ SA, de faux dans les titres en lien avec la signature de la convention de fiducie du 25 novembre 2009 et l'ouverture de la relation bancaire de la société auprès de J______, à ce qu'il soit fait droit aux conclusions qu'il avait prises au nom de D______ SA, à ses propres conclusions civiles, à ses conclusions en indemnisation de ses frais de défense, ainsi qu'à la restitution des deux certificats d'actions de D______ SA en sa faveur.

c.b.a. B______ a produit les documents suivants, en lien avec la vente de deux appartements à K______ [Iran] :

-      deux promesses de vente ("Bill of sale") des 2 février et 6 avril 2010, à teneur desquels E______ aurait vendu deux appartements situés à K______, pour les sommes de IRR 2'870'000'000.- et 3'150'000'000.- ;

-      un document intitulé "accord sur la lettre de crédit du 7 avril 2010", précisant des modalités de paiement pour l'une des transactions précitées ;

-      trois quittances de sommes reçues de l'un des acquéreurs par E______ ;

-      deux "procurations irrévocables" données aux acquéreurs des appartements.

c.c. Sur invitation de la CPAR, le MP a, le 12 septembre 2019, complété l'acte d'accusation, en ce sens que le détournement des fonds de la société D______ SA pouvait avoir été commis à l'encontre de cette dernière.

c.d.a. Lors des débats d'appel, qui se sont tenus du 17 au 19 septembre 2019, B______ a encore produit les pièces suivantes dans le but de démontrer les moyens financiers de son épouse :

-      un certificat émis par une banque, dont le nom a été caviardé, pour l'achat, le 29 septembre 2008, de titres d'une valeur d'un million, sans que la devise ne soit indiquée ;

-      une attestation selon laquelle E______ avait reçu, le 8 janvier 2010, GBP 40'000.- de son père par le biais d'une opération de compensation ;

-      trois reçus pour l'achat de GBP 105'000.- les 3, 22 et 17 février 2010 ;

-      trois reçus attestant que E______ avait reçu au total GBP 82'000.- les 12 et 22 avril, ainsi que le 24 août 2010 ;

-      l'acte de vente de l'entreprise familiale de E______ du 6 décembre 2010 pour 6.5 milliards de rials, étant précisé que la part revenant à cette dernière était équivalente à GBP 100'000.-, versés sur son compte ou celui de son époux courant 2011 ;

-      quatre quittances de bureaux de change en Grande-Bretagne, pour l'achat d'un total de CHF 13'500.- et USD 2'200.-, les 7 janvier, 2 et 5 octobre 2010.

c.d.b. A______ a soutenu que les prétendus documents en lien avec la vente d'immeubles en 2010, produits en appel, étaient faux.

c.e. Entendue par la CPAR en qualité de témoin, E______ a notamment confirmé la teneur de l'affidavit du 14 mai 2018 et indiqué que les appartements avaient été vendus, pour son compte, par son père.

c.f. Dans la partie en fait de son arrêt AARP/59/2020, la CPAR a consacré un sous-chapitre à l'assise financière de E______, qu'elle a introduit en indiquant que, selon B______, ses fonds provenaient de la fortune personnelle de son épouse (cf. AARP/59/2020 let. B.r). Il avait produit, en appel, plusieurs documents "attestant selon lui de revenus de son épouse, additionnels à ceux de son activité professionnelle" (cf. supra let. B.c.d).

La Cour a retranscrit les déclarations des époux B______/E______ à teneur desquelles E______ avait vendu, en 2010, deux appartements en Iran, ventes ayant généré des liquidités qui avaient été investies dans D______ SA. Elle a énuméré les pièces produites à cet égard au stade de l'appel (cf. consid. B.c.b du présent arrêt).

Toujours selon les explications des précités, E______ avait acquis l'un de ces deux biens pour IRR 26'827'000.- et l'avait revendu pour IRR 3'150'000'000.- (procuration irrévocable en sa faveur du 26 octobre 2003 et acte de vente du 6 avril 2010). Selon une attestation non datée de l'acquéreur, il lui avait versé IRR 2'800'000'000.- à une date indéterminée. Selon un courrier du 10 juillet 2019 du registre central des actes notariés de K______ adressé au parquet iranien, E______ était néanmoins toujours propriétaire de cet appartement. Il ressortait à cet égard de deux avis de droit, rédigés par des avocats établis en Iran, qu'un transfert de propriété de biens immobiliers pouvait être réalisé sans enregistrement auprès des services notariaux, étant précisé que ledit transfert devait toutefois être requis sans délai. E______ avait expliqué à la CPAR qu'elle figurait certes comme propriétaire d'un immeuble à K______, mais qu'elle n'avait aucun droit de disposition sur ce bien.

B______ a produit un affidavit du 31 juillet 2019, émanant de son beau-père L______, dont il ressortait que ce dernier avait aidé financièrement ses enfants E______ et M______ après leur immigration en 2007, en réalisant des achats, ventes, échanges et locations de propriétés ainsi qu'en vendant une entreprise, en obtenant des dividendes, en utilisant son épargne personnelle ou en procédant au recouvrement de créances.

c.g. Dans la partie en droit de l'arrêt, la CPAR a d'abord traité, au considérant 4.6.1, la question de la provenance des fonds ayant permis l'achat de D______ SA (anciennement I______ SA), tant B______ que A______ ayant affirmé en avoir été à l'origine. Tout en soulignant que B______ manquait de crédibilité à cet égard, ce point pouvait souffrir de demeurer indécis puisque l'actionnariat de la société pouvait être déterminé indépendamment de la question de l'origine des capitaux.

À ce titre, les éléments du dossier permettaient d'établir que, le 8 décembre 2009, 100'000 actions au porteur de la société D______ SA avaient été émises et réparties à parts égales dans deux certificats d'actions, dont l'un avait été signé par B______ uniquement, sans que cela ne fasse l'objet d'une quelconque opposition de la part de A______, qui n'avait pu expliquer son absence de réaction. Interrogé à ce sujet, G______ (ancien propriétaire de I______ SA), qui était présent lors de l'émission des actions au porteur, avait souligné l'implication de B______ dans les activités de la société et mentionné le statut d'actionnaire de ce dernier à plusieurs reprises, tant dans sa propre documentation que dans celle de D______ SA. Même si le business plan de la société désignait A______ comme actionnaire majoritaire, ce document avait été réalisé avant l'achat de la société et dans le but de lui obtenir un permis de séjour, si bien que sa force probante devait être relativisée. La Cour a ainsi considéré qu'une collaboration entre les parties, avec à la clé la moitié de l'actionnariat de la société pour B______, ne pouvait être exclue et que A______ et B______ avaient chacun reçu un certificat d'actions.

Par la suite, B______ s'était toutefois, selon la Cour, indûment approprié le certificat d'actions de A______, préalablement confié par ce dernier, dans le but d'intégrer durablement les actions de la société D______ SA à son patrimoine. La CPAR a confirmé la culpabilité de B______ du chef d'abus de confiance pour ces faits. L'escroquerie a quant à elle été exclue, en l'absence d'une tromperie astucieuse suffisamment établie.

c.h. En ce qui concerne l'appropriation du capital-actions de D______ SA, consécutive à l'augmentation de ce dernier, la CPAR a qualifié de peu convaincantes les explications des parties selon lesquelles les CHF 389'406.- versés sur le compte de la société étaient destinés à financer un projet de rénovation d'un site pétrolier, vu leur inexpérience en la matière et l'absence de toute ébauche de projet concret. Il était en outre constant que les parties, sous l'impulsion de B______, cherchaient à augmenter le capital de la société. Or, il paraissait douteux, dans ces circonstances, qu'elles aient cherché à financer une telle augmentation, non pas par des apports des actionnaires, étant relevé que B______ avait prétendu bénéficier d'une fortune importante à travers son épouse, mais par des avances de tiers destinées à entreprendre un projet.

Faute d'informations suffisantes toutefois, il avait été considéré, en application du principe in dubio pro reo, que l'argent ayant servi à l'augmentation du capital-actions était celui de D______ SA et non de A______, comme il l'avait déclaré initialement. Dès lors, une escroquerie au préjudice de ce dernier, telle que décrite dans l'acte d'accusation, ne pouvait être retenue (cf. AARP/59/2020 consid. 4.6.2.1)

c.i. Bien qu'à tout le moins une partie des actions nouvellement émises devaient revenir à A______, elles avaient toutes été souscrites par B______, qui se les était, à tort, intégralement appropriées. Or, dans la mesure où il ne ressortait pas du dossier que A______ était devenu propriétaire d'une partie de ces actions, il ne pouvait être retenu qu'il aurait confié sa part à B______, élément constitutif de l'abus de confiance. La Cour l'a dès lors acquitté de ce chef en lien avec ce complexe de faits (cf. AARP/59/2020 consid. 4.6.2.2).

c.j.a. Au chapitre des détournements de fonds (cf. AARP/59/2020 consid. 4.6.3), la CPAR a d'abord retenu que seul le patrimoine de la société D______ SA avait été directement touché par les actes de B______. A______, actionnaire et créancier, n'avait pas lui-même été lésé. Le cas d'espèce ne constituait pas un cas d'application du principe de la transparence ("Durchgriff"). Une identité économique entre ce dernier et la société ne pouvait être retenue, D______ SA ne servant manifestement pas à contourner des dispositions légales ou à violer des droits de tiers. Il n'y avait pas d'identité économique entre la société et le plaignant, B______ ayant également effectué des apports financiers.

La Cour a ensuite considéré qu'au regard du dossier, à tout le moins la somme de CHF 637'842.- avait été débitée des comptes de D______ SA par B______, sous la forme de retraits en espèces ou de versements opérés vers son propre compte ou celui de sociétés lui appartenant. B______ alléguait avoir agi de la sorte pour récupérer des avances et des investissements qu'il avait réalisés en faveur de D______ SA et pour régler des dettes la société.

c.j.b. B______ soutenait avoir "investi" CHF 332'480.- dans la société par le biais de virements, bancaires ou en espèces.

En se fondant sur certaines déclarations concordantes des parties, sur la présence de A______ en Suisse au moment de certains dépôts d'argent ainsi que sur le contenu de la documentation bancaire versée au dossier (provenance des montants), la CPAR a considéré que B______ avait bien été à l'origine d'un apport en espèces de CHF 42'926.- effectué le 30 novembre 2011 sur le compte de D______ SA à [la banque] J______.

Les dépôts en liquide effectués sur le compte N______ de la société (au total CHF 124'150.-) ont tous été reliés à A______ par la CPAR, à l'exception d'un montant de CHF 22'300.- (CHF 18'000.- et CHF 4'300.-), attribué à B______. Pour parvenir à cette conclusion, la CPAR a tenu compte des déclarations des parties s'agissant de la manière dont elles procédaient aux versements en espèces, de la présence de A______ sur le territoire au moment des versements, du fait que les apports en question avaient été comptabilisés au crédit du compte actionnaire de ce dernier – signe que les montants étaient considérés par la personne chargée de la comptabilité comme provenant de lui –, ainsi que de l'incompatibilité entre les virements au crédit du compte N______ et les transferts subséquents effectués par B______ sur les comptes d'autres sociétés. L'on comprend du raisonnement de la CPAR que les déclarations de E______, selon lesquelles elle avait investi CHF 124'140.- en espèces dans la société, étaient sujettes à caution, dès lors qu'elles avaient été effectuées pour la première fois en appel et qu'elles correspondaient "singulièrement" à tous les dépôts en liquide réalisés sur le compte N______.

À teneur des relevés de J______ et de N______, B______ avait effectué des virements bancaires depuis son compte personnel, celui de ses sociétés ou depuis un compte détenu par son épouse, pour un montant total de CHF 111'160.-.

Au total, la CPAR a ainsi retenu que B______ avait, tout au plus, réalisé des versements en faveur de D______ SA à hauteur de CHF 176'386.- (CHF 42'926.- + CHF 22'300.- + CHF 111'160.-).

c.j.c.a. B______ affirmait ensuite avoir réglé des dettes de D______ SA en espèces ou par le biais de son compte personnel ou de l'une de ses sociétés.

En s'appuyant sur les documents bancaires et comptables au dossier, en particulier sur les inscriptions au crédit du compte actionnaire de B______ ou sur les comptes à l'origine, respectivement destinataires, des fonds, la CPAR a considéré, à cet égard, que seuls CHF 70'874.-, réglés par B______, pouvaient valablement être reliés à l'activité de D______ SA et constituaient dès lors des paiements justifiés pouvant être retenus à décharge du précité.

c.j.c.b. B______ a en sus allégué avoir procédé, dans le cadre de la société, à des paiements, en liquide, en faveur de tiers, grâce à la fortune de son épouse.

Pour la CPAR, vu les preuves matérielles au dossier, telles que des quittances établies au nom de B______ et l'existence de crédits sur le compte actionnaire de celui-ci, et en l'absence d'éléments contraires, il devait être retenu que B______ avait effectivement réglé, pour le compte de D______ SA, la somme totale de CHF 84'336.-.

c.j.c.c. Ainsi, il était considéré comme établi que, outre les versements effectués en faveur de D______ SA, B______ avait réglé pour la société un montant total de CHF 155'210.- (CHF 70'874.- + CHF 84'336.-).

c.j.d. B______ ne pouvait se prévaloir d'une quelconque créance à l'égard de D______ SA pour la prise en charge de ses frais de déplacement (avion, train, location de voiture, essence), d'hébergement, de repas, de téléphonie ou de parking, faute d'obligation contractuelle ou légale de la société en la matière.

c.j.e. Postérieurement aux raisonnements précités, la CPAR a relevé, dans une sous-rubrique intitulée "Conclusion", que A______ avait régulièrement mis en doute que la capacité financière de B______ lui aurait permis de faire un quelconque apport de nature pécuniaire à la société. À cet égard, la Cour a retenu que la procédure et les circonstances du cas d'espèce ne permettaient pas de révéler l'origine exacte des fonds de B______, ajoutant que même si cela ne paraissait pas certain, la mise à disposition de fonds par son épouse ne pouvait être exclue.

En application du principe in dubio pro reo, la CPAR a retenu que B______ avait prélevé du patrimoine de la société, sans aucune justification ou fondement, à tout le moins CHF 306'246.- (CHF 637'842.- – CHF 176'386.- – CHF 155'210.-).

c.j.f. Elle a néanmoins retenu que CHF 24'090.- devaient encore être déduits de cette dernière somme, dans la mesure où ils avaient été utilisés par B______ pour régler le loyer de l'appartement occupé à l'époque par A______. Pour le surplus, B______ avait été animé d'une intention de priver durablement D______ SA de ses valeurs patrimoniales en profitant de son accès à celles-ci et de la confiance dont il bénéficiait, le dommage étant chiffré à CHF 282'156.-.

Sa culpabilité du chef d'abus de confiance – infraction commise au préjudice de D______ SA – a été confirmée.

c.j.g. L'escroquerie au préjudice de A______, telle que décrite dans l'acte d'accusation en relation avec ces mêmes faits, n'a pas été retenue. Il était "douteux" que le patrimoine du précité ait été lésé, dans la mesure où il avait confié ses biens à D______ SA et non à B______. En outre, il n'y avait pas suffisamment d'éléments au dossier pour retenir un échafaudage de mensonges raffinés, respectivement l'exploitation par B______ d'un fort lien de confiance.

c.j.h. L'acquittement de B______ du chef de faux dans les titres, prononcé par le TCO en lien avec deux des complexes de faits mentionnés dans l'acte d'accusation (cf. supra consid. B.b.e), a été confirmé par la CPAR, qui a fait sienne la motivation des premiers juges, notamment s'agissant de l'existence d'un doute irréductible sur la légitimité du prévenu à détenir 50 % des actions de D______ SA.

La CPAR n'a en revanche pas confirmé le raisonnement du TCO s'agissant du troisième complexe de faits reproché à B______, soit l'accusation de s'être indûment présenté comme actionnaire unique de D______ SA lors de la signature de la convention de fiducie avec H______. Pour retenir une infraction de faux dans les titres, le mensonge devait en effet être incorporé dans un écrit. Tel n'était pas le cas en l'espèce, puisque ledit contrat ne faisait nullement mention du fait que B______ revêtait une telle qualité, ce qu'il n'était pas non plus possible de déduire à la lecture de son contenu. Pour le surplus, ce qui faisait foi à l'égard de tiers s'agissant de la détention de l'actionnariat n'était pas tant un contrat de fiducie, gérant les rapports internes de la société, mais bien la possession des certificats d'actions. Ainsi, la convention ne revêtait pas une force probante accrue et ne pouvait dès lors permettre la réalisation d'une infraction de faux dans les titres. B______ a été acquitté de ce chef et le premier jugement reformé en ce sens.

c.k. Les conclusions civiles de A______ ont été déclarées irrecevables, la CPAR considérant qu'il n'avait pas directement été lésé par les agissements de B______. Le patrimoine touché était celui de la société D______ SA, elle seule étant dès lors habilitée à demander des dommages et intérêts.

Pour ces mêmes motifs, et dans la mesure où A______ n'était pas habilité à représenter seul D______ SA puisqu'il était, tout comme B______, administrateur disposant de la signature collective à deux, ses conclusions prises pour D______ SA ont été déclarées irrecevables. Le premier jugement a dès lors été réformé en ce qu'il allouait à A______ un montant de CHF 389'406.- (cf. AARP/59/2020 consid. 9.2).

Arrêts du TF 6B_367/2020 et 6B_369/2020 du 17 janvier 2022

d.a. B______ et A______ ont recouru contre l'AARP/59/2020 auprès du TF.

d.b. Le recours de B______, qui reprochait notamment à la CPAR d'avoir violé le principe d'accusation en le reconnaissant coupable d'abus de confiance sur la base de sommes d'argent qui n'étaient pas mentionnées dans l'acte d'accusation, a été admis sur ces derniers points. Sa culpabilité pour blanchiment d'argent devait être réexaminée dans cette même mesure.

d.c. Le recours interjeté par A______ n'a été admis que sur la question de l'indemnisation de ses dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

Dans ce contexte, le TF a notamment relevé qu'il n'était pas insoutenable de retenir, sur la base du doute raisonnable, que B______ était titulaire de l'un des deux certificats d'actions et que A______ n'était pas l'unique détenteur de D______ SA. Il a également rappelé que l'indépendance juridique de la personne morale par rapport à la personne physique qui la détient économiquement n'était rompue qu'exceptionnellement par le biais de la théorie de la transparence ("Durchgriff"), notamment lorsque l'invocation de l'indépendance juridique de la personne morale servait à contourner des dispositions légales ou à violer les droits de tiers. Cette indépendance ne pouvait toutefois pas être invoquée par la personne physique qui se servait d'une personne morale, comme c'était le cas de A______. Il s'ensuivait que ce dernier n'avait pas, en procédure fédérale, la qualité pour contester l'acquittement de B______ du chef d'escroquerie en relation avec les fonds détournés.

Arrêt AARP/117/2023 du 27 mars 2023

e.a. La partie en fait de l'arrêt rendu par la CPAR le 27 mars 2023 contient la retranscription de l'acte d'accusation, du dispositif du premier jugement et des raisonnements juridiques figurant dans son précédent arrêt de 2020. En dehors de la situation personnelle des parties et d'un résumé global du contexte, l'AARP/117/2023 ne contient pas d'éléments factuels en tant que tels, en particulier s'agissant de E______.

e.b. Dans sa partie en droit, la CPAR a d'abord rappelé qu'au vu de l'arrêt de renvoi, la culpabilité de l'appelant des chefs d'abus de confiance en raison de l'appropriation des actions de D______ SA et de tentative de contrainte était acquise, de même que, sur le principe, ceux d'abus de confiance pour le détournement des fonds de la société et de blanchiment d'argent. Le calcul des montants concernés devait toutefois être réexaminé dans le respect du principe accusatoire, tout comme celui de la créance compensatrice, et il devait être statué sur la peine, sur la répartition des frais de première instance et sur les indemnités à allouer aux parties pour les dépenses occasionnées par la procédure (cf. AARP/117/2023 consid. 1.2).

e.c. Les conclusions et griefs des parties sortant de ce cadre, fixé par l'arrêt du TF, ont été rejetées par la CPAR (cf. AARP/117/2023 consid. 1.3).

Tel a en particulier été le cas de la demande de révision déposée le 1er mars 2022 par A______, qui ne pouvait en outre être traitée par la CPAR dans la composition chargée de statuer sur renvoi (art. 21 al. 3 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

N'ayant ni critiqué le refus de la CPAR de lui allouer la créance compensatrice (cf. arrêt du TF 6B_367/2020 let. C.b), ni soumis le rejet de ses conclusions civiles à l'examen du TF, lequel n'était, faute de griefs recevables, pas entré en matière sur la question de la restitution de la totalité des actions de D______ SA (cf. arrêt du TF 6B_367/2020 consid. 3), les conclusions de A______ sur ces points n'étaient pas non plus recevables.

Il en allait de même des nouveaux moyens de preuve soulevés par A______ concernant sa prétendue qualité d'actionnaire unique de D______ SA ainsi que de sa critique des montants à porter en déduction des fonds détournés par B______. Le TF avait en effet écarté les moyens des parties à ce sujet (cf. arrêt du TF 6B_367/2020 consid. 3, 7 et 10) et n'avait admis un complément d'instruction qu'en rapport avec l'origine criminelle des montants blanchis, pour laquelle la qualité d'actionnaire unique de A______ n'était pas pertinente (cf. arrêt du TF 6B_367/2020 consid. 12.2).

e.d. Sans évoquer à nouveau l'origine des fonds en question, la CPAR a constaté qu'en retenant des prélèvements illicites à concurrence de CHF 637'842.-, elle avait en effet imputé à l'appelant B______ des actes ne figurant pas dans l'acte d'accusation. Il pouvait en définitive lui être reproché d'avoir illicitement détourné un montant de CHF 244'799.- (CHF 600'935.- – CHF 356'136.-), sa culpabilité du chef d'abus de confiance pour ces faits devant être confirmée (cf. AARP/117/2023 consid. 2).

e.e. Après un examen chronologique détaillé des flux financiers, la CPAR est parvenue à la conclusion que B______ s'était rendu coupable de blanchiment d'argent à hauteur de CHF 178'306.- (CHF 13'177.- + CHF 50'000.- + CHF 12'387.- + CHF 84'704.- + CHF 18'038.-), sa condamnation de ce chef ayant été confirmée en lien avec le ch. II.1, let. a à d de l'acte d'accusation (cf. AARP/117/2023 consid. 3).

e.f. Dans le prolongement de ces conclusions, la peine prononcée à l'encontre de B______ a été revue, de même que le montant de la créance compensatrice, la répartition des frais et les indemnisations des parties pour les dépenses occasionnées par la procédure (cf. supra let. A.e).

Procédure P/1______/2018

f.a. Le 28 juin 2018, le MP a ouvert une instruction à l'encontre de E______ en lien avec l'affidavit du 14 mai 2018. Le 12 septembre 2018, A______ a déposé plainte contre cette dernière pour faux dans les titres et complicité de blanchiment d'argent.

Le 18 mai 2022, à l'occasion d'une audience, la mise en prévention de l'intéressée a été étendue aux "Bill of sale" des 2 février et 6 avril 2010 ainsi qu'aux déclarations faites par E______ lors de l'audience de première instance s'étant tenue le 17 septembre 2019 dans le cadre de la P/17472/2012, comportements qualifiés de faux dans les titres et de faux témoignage. Cette dernière en a été informée.

f.b. Entendue en qualité de prévenue, E______ a déclaré avoir été condamnée en Iran pour faux dans les titres et usage de faux en lien avec la documentation produite en Suisse dans le cadre de la P/17472/2012. Ni elle, ni son conseil n'avaient toutefois été autorisés à participer à ce procès, pas plus qu'à l'administration des preuves. Les informations figurant dans l'affidavit étaient conformes à la réalité.

f.c. Après avoir donné l'opportunité aux parties de s'exprimer, le MP a rendu, le 18 août 2022, une ordonnance de classement. Les documents litigieux n'étaient, selon lui, pas des titres au sens de l'art. 251 CP. Par ailleurs, l'instruction n'avait permis ni d'établir que les faits exposés dans ces documents étaient faux, ni d'exclure la réalité de la vente des deux appartements à K______. Le témoignage de E______ ne pouvait, dès lors, pas non plus être qualifié de faux.

f.d. Le recours interjeté par A______ contre cette ordonnance a été déclaré irrecevable par la Chambre pénale de recours (CPR ; arrêt ACPR/92/2023 du 7 février 2023), faute pour l'intéressé de disposer d'un intérêt juridique protégé à recourir contre le classement de la procédure. Il ressortait en effet des arrêts de la CPAR et du TF rendus dans la procédure P/17472/2012 que les infractions contre le patrimoine retenues (abus de confiance et blanchiment d'argent) avaient été commises au préjudice de D______ SA uniquement, une identité avec le patrimoine du recourant ayant été expressément exclue.

f.e. L'arrêt de la CPR a été contesté par A______ devant le TF, qui n'a pas encore statué.

C. a.a. Par demande de révision adressée le 6 octobre 2023 à la CPAR, A______ conclut en particulier, principalement, à l'annulation des arrêts AARP/59/2020 du 30 janvier 2020 et AARP/117/2023 du 27 mars 2023, et, cela fait, à ce que :

-       sa qualité de partie plaignante soit admise pour toutes les infractions commises par B______ ;

-       D______ SA soit considérée comme "une émanation directe et exclusive" de sa propre personne ;

-       son appel du 23 août 2018 contre le jugement JTCO/81/2018 du 22 juin 2018 soit admis ;

-       ses conclusions prises au nom de D______ SA soient déclarées recevables et admises ;

-       ses conclusions en restitution de l'intégralité des actions de D______ SA et en allocation de la créance compensatrice soient admises ;

-       B______ soit condamné à lui payer la somme de CHF 579'805.-, avec intérêts à 5 % dès le 12 décembre 2012, à titre de remboursement du dommage matériel (art. 47 du Code des obligations [CO]) ;

-       une créance compensatrice d'un montant de CHF 579'805.- soit prononcée à l'encontre de B______, en faveur de l'État de Genève, et à son allocation en sa faveur à concurrence des dommages-intérêts réclamés ;

-       B______ soit condamné à lui verser CHF 523'422.-, avec intérêts à 5 % l'an dès le 1er janvier 2017, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure pénale ;

-       les frais de la procédure, y compris ceux de la procédure de révision, soient entièrement mis à la charge de B______.

Subsidiairement, A______ conclut à ce que la cause soit renvoyée à la CPAR pour nouvelle décision, frais de la procédure à la charge de B______.

A______ sollicite, en outre, que E______ soit réentendue par la CPAR.

a.b. A______ fonde sa demande de révision sur une procédure ouverte en Iran à l'encontre de E______. Il produit à cet égard une "ordonnance pénale" rendue le 3 avril 2021 par la "Deuxième chambre d'Instruction du Parquet général et révolutionnaire de K______", un "acte d'accusation" rendu le 5 avril 2021 par "la Chambre d'audition du Parquet général et révolutionnaire de K______", un

"jugement" rendu le 19 octobre 2021 par la "Chambre 2______ du Tribunal pénal 2 – Ensemble juridique O______ – K______", ainsi qu'un "jugement [en appel]" rendu le 24 avril 2022 par la "Chambre 39 de la Cour d'appel de la province de K______" et les traductions en français de ces documents.

Il ressort de ces pièces que A______ a déposé plainte pénale contre E______ en Iran pour falsification de deux compromis de vente datés des 21 mars 2009 et 21 mars 2010 et de deux procurations des 20 février et 29 avril 2010, ainsi que pour l'usage de ces faux documents dans le cadre de la procédure pénale suisse P/17472/2012, dans le but de libérer son époux des accusations portées à son encontre.

L'instruction menée par les autorités iraniennes aurait permis d'obtenir des informations de la part de la Direction nationale des actes et des propriétés, dont la teneur demeure néanmoins inconnue, ainsi que des courriers de "l'étude notariale 262 de K______" et de "l'étude notariale 701", dont il ressortirait qu'elles n'avaient ni établi, ni émis de mandat de procuration. Auditionné par la "Chambre d'instruction", le père de E______ aurait déclaré ne pas avoir vendu de bien pour le compte de sa fille. Ni le courrier en question, ni le procès-verbal d'audition n'ont été produit par A______.

E______ a été condamnée, sur la base du Code pénal islamique, à sept mois et 16 jours d'emprisonnement pour falsification des compromis de vente, à sept mois et 16 jours d'emprisonnement pour usage de faux et à 21 mois et 1 jour d'emprisonnement pour falsification de mandats de procuration. Pour la Chambre 2______ du Tribunal pénal 2 de K______, les fausses déclarations de E______ et les faux compromis de vente avaient influencé la juridiction d'appel suisse et eu pour conséquence que le premier jugement avait été réformé au bénéfice de B______.

b. B______ conclut principalement à ce que la demande de révision de A______ soit déclarée irrecevable et, subsidiairement, à son rejet, avec suite de frais.

c. Le MP conclut à l'irrecevabilité de la demande de révision.

d. Les arguments développés par les parties dans le cadre de leurs écritures seront discutés au fil des considérants en droit dans la mesure de leur pertinence.

D. Me C______, défenseur d'office de B______, dépose, pour la procédure de révision, un état de frais comptabilisant, sous des libellés divers, 15 heures et 42 minutes d'activité de chef d'étude.


 

EN DROIT :

1. La demande de révision a été formée par-devant l'autorité compétente et selon la forme prévue par la loi (art. 411 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force, une ordonnance pénale, une décision judiciaire ultérieure ou une décision rendue dans une procédure indépendante en matière de mesures, d'en demander la révision s'il existe des faits nouveaux antérieurs au prononcé ou de nouveaux moyens de preuve qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ou plus sévère du condamné ou encore la condamnation de la personne acquittée.

Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux. Par faits, on entend les circonstances susceptibles d'être prises en considération dans l'état de fait qui fonde le jugement. Quant aux moyens de preuve, ils apportent la preuve d'un fait, qui peut déjà avoir été allégué. Une opinion, une appréciation personnelle ou une conception juridique nouvelles ne peuvent pas justifier une révision. Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux s'ils sont restés inconnus du juge au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Comme cela ressort sans ambiguïté du texte de la loi, les faits n'en doivent pas moins avoir existé antérieurement à la décision (vor dem Entscheid eingetretene Tatsachen; nuovi fatti [...] anteriori alla decisione). Ainsi, la disparition d'une condition à l'ouverture de l'action pénale, tel qu'un retrait de plainte, survenue seulement après l'entrée en force du jugement ne constitue pas un motif de révision (arrêt du TF 6B_1139/2023 du 26 juin 2024 consid. 2.1.1).

Comme cela résulte du texte même de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, la voie de la révision a uniquement pour but de réparer les erreurs de fait commises dans un jugement et qui sont à l'origine du verdict de culpabilité et/ou du prononcé d'une peine ou d'une mesure, à l'exclusion d'une erreur de droit, même grossière, qu'elle soit de fond ou de forme, qui n'est susceptible d'être éliminée que par les voies ordinaires de recours. La voie de recours extraordinaire qu'est la révision n'est ainsi pas ouverte en cas d'erreur de qualification juridique ou d'appréciation des faits imputés au condamné ou encore d'inobservation de la loi. Il en va de même en cas de revirement de jurisprudence (G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, 3ème éd., Zürich 2011, n. 2067 et note 837, n. 2079 et 2089 s.).

2.1.2. La révision revêt un caractère subsidiaire et suppose un jugement entré en force. Toutefois, dans l'hypothèse où un motif de révision du jugement de la juridiction d'appel apparaît alors qu'un recours en matière pénale au Tribunal fédéral est pendant, on déduit de l'art. 125 LTF que la procédure de révision cantonale selon les dispositions topiques du code de procédure pénale prime et que la procédure de recours fédérale doit être suspendue dans l'intervalle. La subsidiarité de la révision au sens des art. 410 ss CPP se conçoit ainsi par rapport aux moyens de droit ordinaires cantonaux, notamment l'appel au sens des art. 398 ss CPP, mais non par rapport au recours en matière pénale au Tribunal fédéral, dont le dépôt ne fait donc pas obstacle au dépôt d'une demande de révision au plan cantonal (ATF 144 IV 35 consid. 2.3.1 et 2.3.2).

2.1.3. La légitimation pour agir en révision s'examine au regard des dispositions générales sur la qualité pour recourir (art. 381 et 382 CPP, en lien avec les art. 104 et 105 al. 2 CPP). Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. L'intérêt doit être actuel et pratique. L'existence d'un intérêt de pur fait ou la simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 ; arrêt du TF 6B_818/2018 du 4 octobre 2018 consid. 2.1).

La qualité pour recourir de la partie plaignante n'existe pas uniquement par rapport à la question civile ; au pénal, elle est cependant limitée, la partie plaignante ne pouvant pas recourir sur la question de la peine ou de la mesure. La partie plaignante n'est pas tenue de faire valoir ses prétentions civiles dans le procès pénal et peut agir dans un procès civil séparé ; elle a dès lors un intérêt à pouvoir recourir, au pénal, sur l'élément de la faute, même si elle n'a pas pris de conclusions civiles dans la procédure pénale. De même, la partie plaignante peut former appel non seulement pour contester un acquittement, mais aussi pour mettre en cause la qualification juridique retenue contre le prévenu en première instance si elle considère qu'une autre qualification juridique s'impose, en particulier une qualification plus grave (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 11 ad art. 382).

2.2. Les défendeurs soulèvent des griefs relatifs à la recevabilité de la demande de révision, lesquels seront traités ci-après (cf. infra consid. 2.3.1 à 2.3.3) avant l'examen des conditions de l'art. 410 al. 1 let. a CPP en tant que telles (cf. infra consid. 2.4 à 2.6).

2.3.1. B______ et le MP soutiennent que la demande de révision doit être déclarée irrecevable au motif qu'elle serait dirigée contre des arrêts qui ne seraient pas encore entrés en force.

En l'occurrence, la demande de révision visant des jugements de la juridiction d'appel ne pouvant plus être remis en cause par des moyens de droit ordinaires cantonaux, elle doit, conformément à la jurisprudence, être jugée recevable, le dépôt de recours en matière pénale auprès du TF ne constituant pas un obstacle à cet égard.

2.3.2. En ce qui concerne la légitimation pour agir, la question d'un intérêt juridiquement protégé se pose au regard de l'infraction d'escroquerie alléguée par le demandeur.

La CPAR a en effet retenu, dans son arrêt AARP/59/2020, que seul le patrimoine de D______ SA avait été directement touché par les actes de B______, à l'exclusion du patrimoine de A______. Le TF a, de surcroit, considéré qu'il n'y avait pas de place pour l'application de la théorie de la transparence dans le cas d'espèce. Dans ses écritures, A______ soutient toutefois, sans développement véritable, que les moyens de preuve fournis à l'appui de sa demande de révision seraient de nature à remettre en cause le raisonnement par lequel la qualité de lésé direct lui a été déniée par les tribunaux.

Cette question peut demeurer ouverte à ce stade, étant précisé qu'elle sera abordée infra au considérant 2.5.1.3 dans le cadre de l'examen des motifs de révision, une telle manière de procédé ne changeant rien à l'issue. Par ailleurs, le demandeur sollicite la révision des arrêts rendus par la CPAR également en relation avec l'infraction de faux dans les titres, dont la réalisation est susceptible d'avoir une influence directe sur ses droits.

2.3.3. Enfin, en ce qui concerne la recevabilité, l'art. 410 al. 4 CPP ne trouve pas application dans le cas d'espèce, contrairement à ce que soutient le défendeur B______ dans ses déterminations.

En effet, une simple lecture des écritures du demandeur en révision permet de comprendre qu'il conclut, notamment, à ce qu'un verdict de culpabilité pour escroquerie et faux dans les titres soit rendu à l'encontre du précité.

2.4. S'agissant des conditions d'application de l'art. 410 al. 1 let. a CPP, il est relevé ce qui suit, en ce qui concerne le caractère "nouveau" des documents produits par A______ à l'appui de sa demande.

Si les moyens de preuve produits, en l'occurrence des documents judiciaires émanant des autorités iraniennes, apparaissent postérieurs à l'arrêt AARP/59/2020 du 30 janvier 2020, par lequel les infractions d'escroquerie et de faux dans les titres ont été écartées – raisonnement qui n'a pas été remis en cause par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 17 janvier 2022 –, il ressort néanmoins de la procédure que le demandeur avait déjà allégué à l'époque, notamment lors des premiers débats d'appel, que les documents relatifs à la vente d'immeubles en Iran, par E______, constituaient des faux.

Le cas d'espèce constitue ainsi une situation dans laquelle le demandeur produit un moyen de preuve apportant la preuve d'un fait allégué antérieurement à la reddition de la décision dont la révision est sollicitée. La CPAR n'ayant, en outre, pas eu connaissance desdits documents lorsqu'elle a écarté, dans son AARP/59/2020, les infractions d'escroquerie et de faux dans les titres, la condition de la nouveauté est réalisée.

2.5. Reste à déterminer si les moyens de preuve produits sont de nature à motiver une condamnation de B______ du chef d'escroquerie et/ou de faux dans les titres, respectivement une condamnation plus sévère.

2.5.1.1. À cet égard, contrairement aux allégations du demandeur qui soutient que ces "éléments appuient [ses] affirmations selon lesquelles B______ n'avait aucune prise d'intérêt dans D______ SA", il ressort d'abord de l'AARP/59/2020 (consid. 4.6.1) que la CPAR a considéré d'emblée, en lien avec la question de l'appropriation initiale des actions de D______ SA, que l'actionnariat de cette dernière pouvait être déterminé indépendamment de l'origine des fonds ayant permis l'acquisition de la société. Elle a ensuite retenu, en se fondant sur de nombreux éléments au dossier – identité des signataires des certificats d'actions, déclarations de tiers, etc. – à l'exclusion de toute référence à E______ ou à la fortune de celle-ci, que ledit actionnariat avait été partagé à parts égales entre les parties, puis que B______ s'était approprié le certificat d'actions de A______, confié par celui-ci et qu'il détenait pour son compte.

Dès lors, les pièces produites par le demandeur sont, sur ce point, dénuées de toute influence sur la question de la culpabilité du défendeur.

2.5.1.2. En ce qui concerne l'appropriation subséquente des actions dans le contexte d'une augmentation du capital-actions, la CPAR a relevé (consid. 4.6.2) que les parties avaient soutenu que l'apport financier nécessaire à ladite augmentation avait été effectué par une société tierce dans le cadre d'un projet pétrolier, thèse qu'elle a qualifiée de "peu convaincante". La CPAR a estimé que le dossier ne comportait pas suffisamment d'informations pour établir l'origine de ces fonds. En application du principe in dubio pro reo, elle a dès lors retenu qu'ils provenaient de D______ SA elle-même, et non du demandeur, ce qui excluait toute escroquerie au préjudice de ce dernier. Ledit raisonnement n'était pas fondé sur un quelconque apport, par B______, d'argent que son épouse aurait retiré de la vente d'appartements en Iran. Du reste, B______ n'a pas même soutenu, en relation avec ce complexe de faits, que les fonds en question provenaient de E______. L'existence, ou non, d'une aide financière de celle-ci au défendeur a été au demeurant sans pertinence dans le raisonnement ayant mené la CPAR à exclure que A______ avait confié ces mêmes actions à B______ et, partant, à prononcer également son acquittement du chef d'abus de confiance sur ce complexe de faits.

Les pièces produites ne sont, dès lors, pas de nature à motiver une condamnation plus sévère du défendeur.

2.5.1.3. S'agissant des détournements de fonds, il est rappelé, comme mentionné supra au considérant 2.3.2, que la CPAR a considéré, dans son arrêt du 30 janvier 2020 (consid. 4.6.3), que seul le patrimoine de D______ SA avait été touché, à l'exclusion de celui du demandeur, actionnaire et créancier de la société. Elle a ajouté que la théorie de la transparence ne trouvait pas application, puisqu'il n'était pas établi que D______ SA avait servi à contourner des dispositions légales ou violer les droits de tiers. Si la CPAR a retenu qu'il n'y avait pas d'identité économique entre la société et le demandeur au motif que le défendeur avait également effectué des apports financiers, le TF a d'ores et déjà précisé que, même si A______ avait disposé de l'intégralité des actions, l'application de la théorie de la transparence était exclue.

La capacité financière de B______ et de E______ est, à l'évidence, dénuée de toute incidence sur les constatations qui précèdent. Dès lors, contrairement à ce que soutient le demandeur, l'on ne voit pas en quoi les moyens de preuve fournis par ce dernier permettraient désormais de lui reconnaître la qualité de lésé direct.

En tout état de cause, la CPAR a retenu, dans ses arrêts AARP/59/2020 (consid. 4.6.3) et AARP/117/2023 (consid. 2.2), que B______ avait effectué des versements à hauteur de CHF 176'386.- sur les comptes de D______ SA, laquelle lui était en outre débitrice de CHF 155'210.-, sommes qui devaient être déduites des détournements jugés illicites, qualifiés d'abus de confiance. Pour parvenir à cette conclusion, la CPAR s'est fondée sur certaines déclarations concordantes des parties, sur l'identité des titulaires de comptes bancaires – dont le défendeur et son épouse – depuis lesquels des sommes avaient été virées en faveur de D______ SA ou de créanciers de celle-ci, sur la comptabilisation de sommes au crédit du compte actionnaire de B______ au sein de la société, sur d'autres pièces figurant dans la comptabilité de celle-ci, sur des quittances de paiement établies au nom de B______, ainsi que sur l'absence d'éléments contraires.

Dans une rubrique intitulée "Conclusion", la CPAR a mentionné que la procédure et les circonstances du cas d'espèce ne permettaient pas de révéler l'origine exacte des fonds de B______, ajoutant certes que, même si elle n'était pas certaine, la mise à disposition de fonds par son épouse ne pouvait être exclue.

Cela étant, force est de constater que ces considérations ont été placées, dans la systématique du jugement, postérieurement à l'analyse effectuée par la CPAR pour déterminer les montants devant être déduits des détournements illicites effectués par le défendeur, analyse effectuée sur la base des éléments qui viennent d'être rappelés. Par ailleurs, ces considérations témoignent, en tant que de besoin, de la prudence dont a fait preuve d'emblée la CPAR à l'égard des déclarations et autres documents relatifs à la situation financière de E______. Elle avait par ailleurs qualifié de "singulières" certaines déclarations faites par cette dernière. Elle a conclu, en définitive, que l'origine des fonds de B______ demeurait inconnue, une mise à disposition de fonds par son épouse ne constituant, tout au plus, qu'une simple hypothèse.

Enfin, il doit être relevé que les documents judiciaires iraniens produits à l'appui de la demande de révision ont trait à la question de la réalité de transactions immobilières, ainsi qu'aux prises de position de E______ à ce sujet. Dits documents ne permettent pas de démontrer que celle-ci, respectivement sa famille, n'auraient jamais bénéficié du moindre élément de fortune.

À la lumière des développements qui précèdent, la Cour est d'avis que les pièces produites par le demandeur ne sont pas de nature à motiver une condamnation plus sévère du défendeur.

2.5.2. En ce qui concerne l'infraction de faux dans les titres, la CPAR a retenu, s'agissant de la signature du contrat de vente de de I______ SA, que le défendeur avait valablement agi comme représentant du demandeur, conformément à la procuration qui lui avait été délivrée. L'acquittement en lien avec la signature du "Fiduciary agreement" ainsi que des documents de [la banque] J______ a été prononcé dès lors que les éléments du dossier étaient insuffisants pour lever le doute quant à la légitimité du défendeur à détenir 50 % des actions de la société (cf. supra consid. B.b.a et B.c.g). Enfin, la CPAR, contrairement au TCO, a considéré que le fait, pour le défendeur, de s'être présenté comme actionnaire unique de D______ SA lors de la signature de la convention de fiducie avec H______ ne remplissait pas les conditions objectives de l'infractions de faux dans les titres, puisqu'aucune affirmation mensongère n'avait été incorporée dans un écrit, ladite convention ne revêtant, en outre, pas de force probante accrue.

Aucun lien ne peut ainsi être établi entre les acquittements prononcés du chef de faux dans les titres et les documents judiciaires iraniens produits par A______ à l'appui de sa demande de révision.

2.6. En conclusion, au regard de ce qui précède, les moyens de preuve dont se prévaut le demandeur ne sont pas de nature à motiver une condamnation de B______ pour escroquerie et/ou faux dans les titres, respectivement une condamnation plus sévère.

Il sera précisé, en tant que de besoin, que cette conclusion rend, de fait, superflue toute prise de position de la Cour de céans sur la force probante des documents produits par le demandeur, au regard du système judiciaire dont ils émanent.

3. Vu l'issue de la procédure de révision, le demandeur sera condamné à l'entièreté des frais, qui s'élèvent à CHF 4'135.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 4'000.- (art. 428 al. 1 CPP a contrario et art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

4. 4.1.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif du canton du for du procès.

4.1.2. Pour un cas soumis à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du Règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Selon l'al. 1 de cette disposition, l'indemnité en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement, l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (al. 2).

4.1.3. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 10 % lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi la décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2).

4.2. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office du cité, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 3'720.-, correspondant à 15h42 d'activité au taux horaire de CHF 200.- (CHF 3'140.-), plus le forfait de 10 % (CHF 314.-), et l'équivalent de la TVA à 7.7 % en CHF 266.-.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit la demande de révision formée par A______ contre les arrêts AARP/59/2020 du 30 janvier 2020 et AARP/117/2023 du 27 mars 2023 rendus par la Chambre pénale d'appel et de révision.

La rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure en CHF 4'135.-, comprenant un émolument d'arrêt de CHF 4'000.-.

Arrête à CHF 3'720.-, TVA comprise, l'indemnité de procédure de révision due à Me C______, défenseur d'office de B______ (art. 135 CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal fédéral.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le Président :

Christian ALBRECHT

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

4'000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

4'135.00