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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/1086/2022

AARP/322/2024 du 10.09.2024 sur JTDP/335/2024 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : SURSIS À L'EXÉCUTION DE LA PEINE;FIXATION DE LA PEINE
Normes : CP.42; CP.47; LSTUP.19; LEI.115; CP.286
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/1086/2022 AARP/322/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 10 septembre 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/335/2024 rendu le 12 mars 2024 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 12 mars 2024, par lequel le Tribunal de police l'a reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup et condamné à une peine privative de liberté de huit mois, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, et à une amende de CHF 200.-, la moitié des frais ayant été mis à sa charge.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à une réduction de peine et à l'octroi du sursis complet.

a.c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

b. Selon l'acte d'accusation du 10 janvier 2023, il est reproché à A______ d'avoir, le 14 janvier 2022, à Genève :

·         pénétré sur le territoire suisse au niveau de la douane de C______ dans l'unique but de vendre de l'héroïne, de sorte qu'il présentait une menace pour l'ordre public et la sécurité en Suisse ;

·         vers 16h45, dans un parc à proximité de la rue 1______, de concert avec D______, vendu 36 grammes bruts d'héroïne à E______ contre la somme de CHF 600.- et détenu 58.8 grammes d'héroïne conditionnés en 11 sachets ainsi que 2.5 grammes de cocaïne conditionnés en deux sachets, cette drogue étant destinée à la vente ;

·         dans ces conditions, tenté de prendre la fuite pour échapper à son interpellation malgré les injonctions "Police, arrêtez-vous", rendant plus difficile l'accomplissement d'une tâche entrant dans les fonctions des policiers, l'usage de la force ayant été nécessaire pour y parvenir ;

·         détenu 4.6 grammes d'héroïne et 0.9 grammes de cocaïne destinés à sa consommation personnelle.

B. Faits résultant du dossier de première instance

L'appelant ne conteste pas les faits, de sorte qu'ils peuvent être résumés comme suit, étant, pour le surplus, renvoyé à l'exposé de la première juge, lequel ne prête pas le flanc à la critique (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]).

a. Le 14 janvier 2022, A______ et D______ ont pénétré en Suisse depuis la France, au niveau de la douane de C______, afin d'y vendre de la drogue.

b. Selon le rapport d'arrestation du 14 janvier 2022, la police avait observé A______ et D______ assis sur un banc dans le parc situé devant l'hôpital F______. Le duo y était resté de longues minutes, tout en scrutant et passant des appels. À la suite de l'un d'entre eux, D______ s'était levé, toujours au téléphone et visiblement à la recherche de quelqu'un, et déplacé. E______ était arrivé et avait retrouvé D______, avant que tous deux rejoignent A______ sur le banc. Une première transaction avait eu lieu entre A______ et E______, puis D______ avait ramassé quelque chose derrière un arbre, avant de retourner vers les deux autres et une seconde transaction avait eu lieu entre E______ et D______. Le trio s'était séparé.

La police avait procédé à l'interpellation de E______, lequel était en possession de sept sachets minigrips d'héroïne (poids brut : 36 grammes), qu'il avait dit avoir achetés aux deux autres. Peu avant l'interpellation, D______ avait essayé de remettre à A______ un sac plastique contenant 11 sachets minigrips d'héroïne (poids brut : 58.8 grammes) et deux sachets minigrips de cocaïne (poids brut : 2.5 grammes), qu'il avait jeté au sol lorsqu'il avait été interpellé. À la vue de la police, A______ avait pris la fuite en courant et avait continué sa course jusqu'à être rattrapé par un agent après avoir trébuché. Il n'avait pas obtempéré et s'était débattu, refusant d'être menotté. L'usage de la force et des menottes avait été nécessaire. La fouille de A______ avait permis la découverte d'un sachet minigrip d'héroïne (poids brut : 4.6 grammes) et de cocaïne (poids brut : 0.9 grammes) qu'il avait cachés entre ses fesses.

c. Entendu par la police après son interpellation et par le MP lors de l'audience de confrontation du 15 janvier 2022, E______ a, en substance, reconnu avoir acheté à deux individus qu'il ne connaissait pas sept sachets d'héroïne contre la somme de CHF 600.-. Il a confirmé ses déclarations devant le MP.

d. Entendu par la police après son interpellation, D______ a, en substance, confirmé ce que la police avait observé, soit qu'il s'était livré avec A______ au trafic de stupéfiants en détenant et vendant les substances comme décrit dans l'acte d'accusation (cf. supra. A.b. 2ème point). Il a confirmé ses déclarations devant le MP, alors qu'il était confronté à A______.

e.a. Entendu par la police après son interpellation, A______ a, en substance, contesté toute participation au trafic de stupéfiants et l'entrée illégale dans la mesure où il n'était pas un trafiquant, mais il a admis avoir pris la fuite devant la police et sa possession d'un sachet d'héroïne et de cocaïne. Il a persisté dans ses explications après avoir été averti de ce que sa version ne correspondait pas à celle des autres prévenus.

e.b. Lors de l'audience de confrontation du 15 janvier 2022 par-devant le MP, après l'intervention de D______ (cf. supra B.d.), A______ a présenté ses excuses d'avoir nié les faits devant la police et s'est dit prêt à dire la vérité.

Il avait contacté dernièrement son dealer "G______" qui avait refusé de lui faire cadeau d'un peu de drogue (il n'avait pas d'argent sur le moment), mais son fournisseur lui avait proposé de travailler pour lui. Il avait refusé dans un premier temps car il ne voulait pas d'ennui. Il n'avait que des "galères" dans sa vie et n'en voulait pas une de plus. "G______" lui avait néanmoins dit de trouver un ami pour l'accompagner sur un plan à Genève. Il avait appelé D______ et lui avait expliqué qu'ils gagneraient chacun leur consommation personnelle. D______ était venu le chercher en voiture au travail, et ils avaient récupéré la drogue. Le fournisseur leur avait jeté leur consommation personnelle dans la voiture, soit un sachet d'un gramme de cocaïne et de cinq grammes d'héroïne, et leur avait dit qu'il leur en donnerait encore après avoir vendu pour lui. Ils avaient entamé les sachets sur le trajet, le reste de ceux-ci ayant été trouvé entre ses (A______) fesses. Ils étaient arrivés "sur le plan" et avaient attendu si longtemps qu'ils avaient pensé partir. "G______" avait fini par appeler pour qu'ils aillent chercher un client à l'arrêt de tram. Il était resté pour surveiller la drogue, tandis que D______ était allé chercher le client. Celui-ci s'était assis à côté de lui et avait pris la drogue entre les deux bancs. Il en manquait, alors D______ était allé chercher le reste près d'un arbre. Le consommateur lui avait remis CHF 500.- ou CHF 600.- (il n'avait pas compté). C'était une "belle erreur", "une belle connerie". Le manque faisait faire des choses qui n'étaient pas bien.

f. A______ et D______, convoqués à deux reprises, ne se sont pas présentés aux débats de première instance, de sorte qu'une procédure par défaut a été engagée (cf. procès-verbaux des 2 octobre 2023 et 16 janvier 2024).

C. Procédure d'appel

a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ conclut, principalement, au prononcé d'une peine privative de liberté n'excédant pas quatre mois ainsi qu'à l'octroi du sursis complet tant pour la peine privative de liberté que pour la peine pécuniaire, subsidiairement, à une réduction de peine et à l'octroi du sursis pour les deux peines, et, encore plus subsidiairement, à l'octroi du sursis pour les deux peines.

Souffrant de dépendance à l'héroïne et à la cocaïne, il avait agi en échange de l'obtention d'une dose pour sa consommation personnelle, de sorte que son mobile n'était pas égoïste. Il s'était d'abord refusé à travailler pour son fournisseur, puis, avait cédé en raison du manque. Il fallait tenir compte de ce que sa volonté délictuelle était faible et que sa liberté décisionnelle était réduite. Il avait certes minimisé les faits devant la police, mais avait assumé ses agissements devant le MP et collaboré à l'établissement des faits. Il avait exprimé des regrets et pris conscience de ses actes. Sa situation personnelle et financière était précaire. Il présentait de nombreux antécédents en France, mais sa dernière condamnation remontait à 2018 et était sans lien avec les faits reprochés. Il n'avait qu'une condamnation spécifique en Suisse datant de 2017. Les peines prononcées en première instance étaient donc excessives, et il devait être mis au bénéfice du sursis puisque son pronostic était favorable.

c. Par courrier de réponse, le MP a persisté dans ses conclusions, faisant sien le raisonnement de la première juge.

D. A______ est né le ______ 1984 en France, pays dont il est ressortissant. Il est le père de trois filles nées de deux unions différentes.

Il affirme ne pas avoir terminé l'école obligatoire et ne posséder aucun diplôme. Au moment de son interpellation, il vivait chez sa mère depuis deux mois et était employé par une entreprise à H______ (France) pour un salaire de EUR 1'400.-, contrat qu'il espérait voir prolongé.

Selon ses dires, il consomme depuis dix ans de l'héroïne et de la cocaïne (étant précisé qu'il a parfois fait des "pauses" dans sa prise de stupéfiants), soit environ cinq grammes d'héroïne par semaine (EUR 100.-) et 0.5 gramme de cocaïne de temps en temps (EUR 50.-). Il suit un traitement à base de méthadone (80 mg/jour).

b. L'extrait de son casier judiciaire français présente 11 condamnations entre 2003 et 2018, soit :

·         le 16 octobre 2003, par le Tribunal pour enfants de I______ [France], à une peine d'emprisonnement de deux ans et six mois dont un an et trois mois avec sursis, mise à l'épreuve de trois ans, pour arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi d'une libération avant le septième jour, pour extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, pour détention non autorisée de stupéfiants, pour emploi non autorisé de stupéfiants et pour usage illicite de stupéfiants ;

·         le 20 novembre 2003, par le Tribunal pour enfants de I______, à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, mise à l'épreuve de trois ans, pour violence commise en réunion suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours ;

·         le 10 août 2004, par le Tribunal correctionnel de I______, à une peine de deux mois d'emprisonnement pour vol en réunion (récidive) ;

·         le 28 octobre 2004, par le Tribunal correctionnel de I______, à une peine de trois mois d'emprisonnement pour rébellion ;

·         le 6 décembre 2006, par le Tribunal correctionnel de I______, à une peine de deux ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis, mise à l'épreuve de trois ans, pour destruction du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, vol aggravé par deux circonstances et vol en réunion, ainsi qu'à un mois d'emprisonnement pour évasion ;

·         le 2 mars 2009, par le Tribunal correctionnel de I______, à une peine de huit mois d'emprisonnement dont cinq mois avec sursis, mise à l'épreuve de trois ans, pour transport non autorisé de stupéfiants, détention non autorisée de stupéfiants, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, acquisition non autorisée de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants, menace de crime contre les personnes matérialisées par écrit, image ou autre objet ;

·         le 16 février 2012, par le Tribunal correctionnel de I______, à une peine d'emprisonnement de dix mois dont six mois avec sursis, mise à l'épreuve de deux ans, pour détention non autorisée de stupéfiants (récidive), usage illicite de stupéfiants (récidive), acquisition non autorisée de stupéfiants (récidive), transport non autorisé de stupéfiants (récidive) ;

·         le 2 avril 2014, par le Tribunal correctionnel de I______, à une peine d'emprisonnement d'un an et six mois dont neuf mois avec sursis, mise à l'épreuve de deux ans, pour escroquerie (complicité de tentative), mise en danger d'autrui (risque immédiat de mort ou d'infirmité) par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence, délit de fuite après un accident par conducteur de véhicule terrestre et conduite d'un véhicule sans permis ;

·         le 12 juin 2017, par le Président du Tribunal de grande instance de I______, à une amende de EUR 300.- pour usage illicite de stupéfiants ;

·         le 15 juin 2018, par le Tribunal correctionnel de I______, à une contrainte pénale pendant deux ans à titre principal pour conduite d'un véhicule sans permis (récidive) et à deux mois d'emprisonnement pour fausse déclaration sur l'état civil d'une personne pouvant entrainer des poursuites pénales contre un tiers ;

·         le 8 octobre 2018, par le Tribunal correctionnel de I______, à huit mois d'emprisonnement pour conduite d'un véhicule sans permis (récidive), récidive de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants et pour inexécution d'un stage de sensibilisation aux dangers de l'usage de produits stupéfiants prononcé à titre de peine.


 

En Suisse, il a été condamné à deux reprises par le MP soit :

·         le 7 mars 2017, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, à CHF 30.- l'unité, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) et à une amende de CHF 500.- pour délit contre la Loi fédérale sur les armes (LArm) ;

·         le 26 juin 2017, à une peine pécuniaire de 45 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans) ainsi qu'à une amende de CHF 700.- pour opposition aux actes de l'autorité, contravention à la LStup, voies de faits et appropriation illégitime.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, cinq heures d'activité de collaboratrice dont une heure consacrée à la lecture et à l'analyse du jugement de première instance.

Il a été indemnisé pour sept heures et cinq minutes d'activité en première instance.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. L'appelant ne conteste pas sa condamnation des chefs d'infraction cités supra (cf. A.a.a.), seule la fixation de la peine est remise en question par son appel.

2.2. L'aliénation (let. c) et la détention (let. d) de stupéfiants sont passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 19 al. 1 LStup).

L'entrée illégale est réprimée par une peine privative de liberté d'un an au plus ou une peine pécuniaire (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Quiconque empêche une autorité, un membre d'une autorité ou un fonctionnaire de faire un acte entrant dans ses fonctions est puni d'une peine pécuniaire de 30 jours-amende au plus (art. 286 al. 1 CP).

Quiconque, sans droit, consomme intentionnellement des stupéfiants ou commet une infraction à l'art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible d’une amende (art. 19a al. 1 LStup).

2.3.1. Le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 CP).

2.3.2. En matière de trafic de stupéfiants, il y a lieu de tenir compte plus spécifiquement des éléments suivants. Même si la quantité de drogue ne joue pas un rôle prépondérant, elle constitue sans conteste un élément important. Elle perd cependant de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite, pour la cocaïne de 18 grammes et pour l'héroïne à 12 grammes (ATF 145 IV 312 consid. 2.1.1), à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup (ATF 121 IV 193 consid. 2b/aa). Le type de drogue et sa pureté doivent aussi être pris en considération (ATF 122 IV 299 consid. 2c). Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation. L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux. S'agissant d'apprécier les mobiles qui ont poussé l'auteur à agir, le juge doit distinguer le cas de celui qui est lui-même toxicomane et agit pour financer sa propre consommation de celui qui participe à un trafic uniquement poussé par l'appât du gain (arrêt du Tribunal fédéral 6B_757/2022 du 26 octobre 2022 consid. 2.2).

2.3.3. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci. En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue. Il en va de même des antécédents étrangers (ATF 105 IV 225 consid. 2). Une série d'infractions semblables pèse plus lourd que des actes de nature différente. En outre, les condamnations passées perdent de leur importance avec l'écoulement du temps (ATF 135 IV 87 consid. 2). Les antécédents judiciaires ne sauraient toutefois conduire à une augmentation massive de la peine, parce que cela reviendrait à condamner une deuxième fois pour des actes déjà jugés (ATF 120 IV 136 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_49/2012 du 5 juillet 2012 consid. 1.2).

2.3.4. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).

Dans cette hypothèse, la présomption d'un pronostic favorable, respectivement du défaut d'un pronostic défavorable, ne s'applique plus, la condamnation antérieure constituant un indice faisant craindre que l'auteur puisse commettre d'autres infractions. L'octroi du sursis n'entre donc en considération que si, malgré l'infraction commise, on peut raisonnablement supposer, à l'issue de l'appréciation d'ensemble des facteurs déterminants, que le condamné s'amendera. Le juge doit examiner si la crainte de récidive fondée sur l'infraction commise peut être compensée par les circonstances qui empêchent que l'infraction antérieure ne détériore le pronostic. Tel sera notamment le cas si l'infraction à juger n'a aucun rapport avec l'infraction antérieure ou que les conditions de vie du condamné se sont modifiées de manière particulièrement positive. Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1332/2023 du 13 mai 2024 consid. 2.1).

2.3.5. La faute de l'appelant est importante. Il a pénétré sur le territoire suisse dans l'unique but d'y commettre des infractions contre la LStup. Il a activement participé à un trafic de stupéfiants à connotation internationale en introduisant, depuis la France, de concert avec un coauteur, une quantité relativement importante de drogue dite dure (héroïne et cocaïne). Il a aliéné, avec son comparse, une partie de cette drogue (36 grammes d'héroïne) et ainsi contribué, en tant que vendeur de rue, au fléau du trafic de stupéfiants contre lequel les autorités pénales s'échinent à lutter. Seule l'intervention de la police a permis de faire cesser ses agissements. Il a pris la fuite devant les policiers malgré les sommations d'usage et a ainsi rendu plus difficile son arrestation, l'usage de la force ayant été nécessaire à sa neutralisation.

Vu les déclarations des co-prévenus à ce sujet et la toxicomanie, établie, de l'appelant, il sera retenu que celui-ci a agi avant tout pour se procurer de la drogue, non par appât du gain. Un tel mobile n'en demeure pas moins égoïste, au regard du bien juridique sacrifié – la santé publique –, la quasi-totalité de la drogue saisie étant destinée à être consommée par des tiers. Par contre, sa liberté décisionnelle a sans doute été restreinte, dès lors que le besoin, le manque, ont en partie guidé, voire commandé sa conduite. L'intensité de sa volonté délictuelle n'était pas aussi marquée, partant, que celle d'un dealer de rue chevronné, assumé.

L'appelant a de très nombreux antécédents, notamment spécifiques (stupéfiants). Certes, certaines condamnations sont anciennes, mais elles attestent d'un long et important ancrage dans la délinquance.

Sa collaboration a été contrastée. Il n'a d'abord admis, devant la police, que les faits qu'il ne pouvait que difficilement nier, soit sa fuite à la vue des gendarmes et la détention des stupéfiants retrouvés sur lui, tout en contestant avoir participé au trafic, quand bien même la police l'avait averti de ce que sa version ne correspondait pas à celles des autres prévenus. Il a ensuite assumé l'intégralité de ses agissements par-devant le MP. Ses aveux complets ainsi que les regrets qu'il a exprimés lors de l'audience de confrontation suggèrent que sa prise de conscience a débuté, au cours de l'instruction déjà.

Sa situation personnelle, qui est précaire, notamment en raison de sa toxicomanie, explique ses agissements mais ne les excuse pas, d'autant moins qu'il bénéficiait, à le suivre, d'un emploi qu'il espérait voir prolongé, à l'époque des faits.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant.

2.3.6. Vu les nombreux antécédents de l'appelant, en partie spécifiques, étant souligné qu'il a purgé à plusieurs reprises en France des peines privatives de liberté, sans que cela ne le dissuade de récidiver, il se justifie de sanctionner les délits contre la LStup et l'entrée illégale (dite infraction ayant été perpétrée dans l'unique but de s'adonner au trafic de stupéfiants) par le prononcé d'une peine privative de liberté. L'amorce de prise de conscience observée en cours de procédure ne suffit pas à contrebalancer son historique.

Ainsi, l'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, objectivement la plus grave, doit être sanctionnée par une peine privative de liberté de sept mois. Cette sanction sera aggravée d'une peine privative de liberté d'un mois pour réprimer l'entrée illégale (peine hypothétique : deux mois) (art. 49 al. 1 CP).

En définitive, c'est une peine privative de liberté de huit mois qui sera prononcée.

2.3.7. Une peine pécuniaire de 15 jours-amende sera également fixée pour sanctionner la violation de l'art. 286 CP. Le montant du jour-amende est fixé à CHF 30.-, compte tenu de la situation personnelle et financière de l'appelant.

2.3.8. L'appelant sera en sus condamné à une amende de CHF 200.- en lien avec l'art. 19a LStup.

2.4.1. L'appelant requiert l'octroi du sursis (art. 42 al. 1 CP).

2.4.2. Vu le genre et la quotité de la peine prononcée (huit mois de détention), la condamnation du 8 octobre 2018 fait échec à la présomption d'un pronostic favorable. Elle constitue un indice laissant craindre que l'appelant commettra d'autres infractions, ce d'autant qu'elle s'inscrit, comme relevé supra, parmi de nombreux antécédents, dont certains de même typicité. Bien que les faits jugés le 8 octobre 2018 relèvent d'une problématique de circulation routière, ils ne sont pas dépourvus de lien avec les stupéfiants (conduite sous emprise notamment) et demeurent donc pertinents dans l'examen du risque de récidive. À cela s'ajoute qu'à le suivre, l'appelant souffre d'addictions depuis de nombreuses années (dix ans), ne dispose ni d'une formation ni d'un emploi stable, autant d'éléments qui compliquent ses perspectives d'amendement. Aucun élément du dossier ne suggère du reste que ses conditions de vie se soient modifiées d'une manière particulièrement positive depuis la commission des faits. Partant, le pronostic n'est pas favorable et les conditions d'octroi du sursis ne sont pas remplies.

2.4.3. Par conséquent, l'appel est rejeté et le jugement querellé est confirmé.

3. 3.1. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure d'appel qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP ; art. 14 al. 1 let. e du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

3.2. Vu l'issue de la procédure d'appel, il n'y a pas lieu de revenir sur la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 428 al. 3 CPP a contrario).

3. 3.1. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, à l'exception de l'heure consacrée à la lecture/analyse du premier jugement, laquelle sera écartée – dite activité étant rémunérée adéquatement par le biais de la majoration forfaitaire (cf. ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2).

3.2. Partant, sa rémunération sera arrêtée à CHF 778.30 correspondant à quatre heures d'activité au tarif de CHF 150.-/heure (CHF 600.-) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 120.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 58.30).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/335/2024 rendu le 12 mars 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/1086/2022.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'335.-, qui comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-.

Arrête à CHF 778.30, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 CP) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 8 mois, sous déduction d'un jour de détention avant jugement (art. 40 et art. 51 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 15 jours-amende.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Condamne A______ à une amende de CHF 200.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 2 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

(…)

Ordonne le séquestre, la confiscation et la destruction de la drogue et des cachets de méthadone figurant sous chiffres 1, 2 et 4 de l'inventaire n° 2______ du 14 janvier 2022 et sous chiffres 2 et 3 de l'inventaire n° 3______ du 14 janvier 2022 (art. 263 al. 1 CPP et art. 69 CP).

Ordonne le séquestre, la confiscation et la dévolution à l'Etat des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 3______ du 14 janvier 2022 (art. 263 al. 1 CPP et art. 70 CP).

Ordonne le séquestre, la confiscation et la mise hors d'usage des téléphones figurant sous chiffres 4 et 5 de l'inventaire n° 3______ du 14 janvier 2022 (art. 263 al. 1 CPP et art. 69 CP).

Ordonne la restitution à D______ des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 3 de l'inventaire n° 2______ du 14 janvier 2022 et à A______ des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 6 de l'inventaire n° 3______ du 14 janvier 2022 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ à 5/10 et D______ à 4/10 des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'553.-, y compris un émolument de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse 1/10 des frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 1'600.40 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).

(…)"

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information au Tribunal pénal, au Secrétariat d'État aux migrations (SEM) et à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM).

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'553.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'335.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'888.00