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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7648/2022

AARP/288/2024 du 09.08.2024 sur JTDP/246/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP;RÉVOCATION DU SURSIS;PEINE PRIVATIVE DE LIBERTÉ
Normes : LEI.115; LEI.115; LStup.19
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7648/2022 AARP/288/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 9 août 2024

 

Entre

A______, sans domicile fixe, comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/246/2024 rendu le 26 février 2024 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/246/2024 du 26 février 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) pour la période allant du 6 avril 2022 au 14 septembre 2022, mais l'a reconnu coupable d'une entrée illégale le 15 septembre 2022, d'infractions à la LEI (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) pour la période du 31 mars 2022 au 4 avril 2022 et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup). Le TP a révoqué le sursis octroyé le 17 juillet 2019 par le Ministère public (MP) à l'exécution d'une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, et d'une peine pécuniaire de 15 jours-amende, à CHF 10.- l'unité. Il l'a condamné, pour les faits de la présente cause, à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de trois jours de détention avant jugement, ainsi qu'à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, à CHF 10.- l'unité, sous déduction de deux jours-amende, correspondant à deux jours de détention avant jugement, frais à sa charge.

a.b. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement du délit à la LStup, au prononcé d'une peine pécuniaire clémente mais ferme, à CHF 10.- l'unité, et à la non-révocation du sursis, avec suite de frais et dépens.

b.a. Selon l'ordonnance pénale du 5 avril 2022, il lui est reproché d'avoir, à tout le moins le 31 mars 2022, pénétré en Suisse et d'y avoir séjourné jusqu'au 4 avril 2022, date de son arrestation, alors qu'il était démuni des autorisations nécessaires et de tout document d'identité valable indiquant sa nationalité et dépourvu de moyens de subsistance lui permettant d'assurer ses frais de séjour et de retour.

b.b. Selon l'ordonnance pénale du 16 septembre 2022, il lui est également reproché d'avoir, la veille, dans le quartier C______, vendu à D______ 2.2 grammes de marijuana conditionnés dans un sachet minigrip.

B. Dans la mesure où les faits tels qu'établis par le TP en rapport avec les infractions à la LEI ne sont pas contestés, il est renvoyé au jugement JTDP/246/2024 à cet égard (cf. art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]).

S'agissant de l'infraction à la LStup, les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport d'arrestation du 16 septembre 2022, A______ a été interpellé la veille, à 21h15, à la rue 1______ à Genève, au niveau de l'intersection avec le quai 2______. Dans le cadre d'une opération dans le domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants, une patrouille de gendarmes (sept) avait constaté la présence de nombreux trafiquants, lesquels faisaient le pied de grue et des allers-retours. Un appointé (rédacteur du rapport) avait observé une "prise de contact" et un "échange" entre deux individus. Deux de ses collègues, dont le Gendarme E______, avaient appréhendé l'acheteur, D______, qui leur avait remis la marchandise, soit un sachet minigrip de 2.2 grammes de marijuana obtenu contre un billet de CHF 50.-. Ils avaient ensuite arrêté le vendeur, identifié à l'aide d'une demande d'asile française comme étant A______, lequel était demeuré sur les lieux.

b.a. Entendu sur place (heure du début de l'audition non précisée) via un procès-verbal d'audition manuscrite, D______, anglophone, a déclaré consommer depuis un an une à deux fois par an de la marijuana pour un budget mensuel allant de CHF 50.- à CHF 100.-. Le formulaire précise : "drogue découverte lors de la fouille corporelle et/ou de mes effets personnels : Majijuana env. 5 gr. pour 15.- (ndlr : le nombre 15 est barré) 50.-. Signalement du vendeur : Noir avec capuche Blanche. Je confirme que l'individu que vous me présentez est bien la personne à laquelle j'ai acheté la drogue dont il est question, pour la somme de 15.- (…)". L'acheteur a été déclaré en contravention sur le champ et son audition a pris fin à 21h10.

b.b. Confronté à A______ au Ministère public (MP) le 18 novembre 2022, D______ a déclaré se souvenir de ses premières déclarations et les confirmer. Alors qu'il repartait, soit qu'il rentrait chez lui, il avait été contrôlé aux alentours de 20h30-21h00. Deux policiers en civil l'avaient approché pour "vérifier quelque chose". Ils avaient des photographies, soit des clichés qui le montraient en train d'acheter de l'herbe "au mec", soit à son vendeur. Il n'était pas certain de pouvoir reconnaître ce dernier au vu du temps écoulé. A______ lui était familier. Il croyait qu'il était son vendeur. Il lui faudrait le confirmer avec les photographies que lui avait montrées la police à l'époque. On ne lui avait pas présenté le vendeur en personne ce soir-là. Il avait compris les policiers lors de la première audition, l'un d'eux parlant anglais. Questionné sur la raison pour laquelle il avait coché la case disant qu'il confirmait que la personne "présent[ée]" était le vendeur, il a répondu qu'il ne pouvait pas lire le français, mais que c'était ce que le policier lui avait expliqué. Il lui avait aussi dit que s'il signait le document, il pourrait rentrer chez lui et ensuite aller devant le procureur pour y être entendu. Il avait donné un signalement puis la police lui avait montré la photographie et demandé si la personne était le vendeur, ce qu'il avait confirmé. En fait, il avait livré une description du vendeur après la présentation des clichés. Il ne pouvait cependant plus dire ce que l'homme portait, vu le temps écoulé.

c.a. Lorsqu'il a été entendu par la police, A______ a donné son accord pour qu'un gendarme fonctionne en qualité d'interprète de langue anglaise. L'audition avait été menée en anglais, tandis que le procès-verbal rédigé en français.

Il a contesté la vente et le trafic de stupéfiants. Il avait été interpellé alors qu'il attendait sa copine. Il ignorait qui étaient les autres Africains sur les lieux. Ceux-ci n'étaient pas ses amis. Il lui arrivait de rester avec des inconnus. Il avait effectué des allers-retours entre la rue 1______ et la rue 3______, car il devait passer des appels avec "quelqu'un". Après avoir "hésit[é]" et "balbuti[é] des mots inintelligibles", il a dit qu'il s'agissait de sa mère qui vivait au Nigéria. Il ignorait par ailleurs qu'il s'était trouvé dans un haut lieu du trafic de stupéfiants. Il ne savait pas ce que les gens faisaient là, mais lui-même n'avait rien vendu. Confronté au fait qu'il avait été contrôlé à huit reprises à cet endroit, il a répondu qu'il "ne [savait] pas" et n'avait jamais vendu de drogue, ni participé à un trafic de stupéfiants. Ce n'était pas lui que l'agent avait observé ; il ne savait pas de quoi on lui parlait. La somme retrouvée sur lui, soit CHF 350.80, dont un billet de CHF 50.-, provenait de l'aide sociale qu'il percevait en France. Le contact "F______", qui avait essayé de l'appeler à plusieurs reprises pendant l'audition, correspondait à sa copine. Il l'avait nommé ainsi car elle était "comme un frère jumeau". Après qu'il lui avait été fait remarquer que ses propos n'avaient pas vraiment de sens, il a répondu que sa copine était toujours là pour lui. Elle lui avait prêté un téléphone pour deux jours, de sorte qu'il en ignorait le code ; il ne l'avait pas retenu, il ne pouvait donc pas l'utiliser. Il y avait uniquement inséré une carte SIM et avait enregistré le contact de son amie sur un autre téléphone.

c.b. Devant le MP, en présence d'un interprète, il a déclaré qu'il était venu rencontrer des amis à la rue 1______ et que, quelques heures plus tard, la police était arrivée et l'avait accusé d'avoir vendu de la drogue contre CHF 50.-. Il avait contesté, mais la police l'avait arrêté. Il avait quelque CHF 500.- dans son porte-monnaie, somme que la police avait saisie. Il appelait des amis en faisant des allers-retours, car il allait participer à une fête à G______ [boîte de nuit]. En fait, c'était sa copine qui l'avait appelé pour savoir où il se trouvait. Confronté au fait qu'il avait expliqué avoir appelé sa mère, il a répété avoir appelé sa petite amie, soulignant, avec l'aide de son conseil, qu'il n'était pas accompagné d'un interprète professionnel lors de sa première audition. Il ne consommait pas de stupéfiants et n'en détenait pas le soir en question ni n'en avait vendu. Il s'était écoulé environ trois heures entre le moment où la police l'avait vu et celui où il avait été arrêté. S'il avait vendu de la drogue, il ne serait pas resté sur place et aurait fui. Il n'avait vu personne, notamment pas l'acheteur. Il n'avait pas été confronté à ce dernier devant la police. Peut-être que celui-ci mentait. Il avait changé l'argent de l'aide sociale en francs suisses pour faire la fête avec son ami et sa copine.

c.c. Confronté à D______ (cf. supra B.b.b), il a indiqué ne jamais l'avoir vu.

c.d. Lors des débats de première instance, A______ a persisté dans ses déclarations. Il y avait une "fête" et beaucoup de gens présents lors de son interpellation. Les policiers l'avaient vu au milieu de la foule. L'acheteur l'avait reconnu sur photographie car il se trouvait devant G______. Sur question de son conseil lui demandant s'il avait pu "donner quelque chose à quelqu'un qui ne soit pas de la drogue", il a répondu n'avoir rien remis à qui que ce soit ce soir-là, puis il a dit qu'il avait en fait donné une cigarette à quelqu'un.

d. Selon une note du MP du 17 janvier 2023, le Gendarme E______ (cf. supra B.a.) a, par téléphone du même jour, confirmé la teneur du rapport d'arrestation du 22 septembre 2022. La transaction avait été photographiée par un policier qui prenait part à l'opération avec son téléphone portable. Le cliché avait été soumis à D______, qui avait reconnu la personne lui ayant vendu le sachet minigrip de marijuana. La photographie n'avait pas été imprimée ni jointe au rapport. Les téléphones de service avaient été changés depuis, de sorte qu'il n'existait pas de copie de celle-ci.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 CPP).

b.a. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

Il n'avait jamais fait l'objet d'une condamnation pour infraction à la LStup et avait nié les faits de manière constante. Il n'avait pas varié dans ses explications, les imprécisions dans son discours résultant soit d'une mauvaise traduction de la part du policier, soit du stress lié à l'audience. Contrairement à ce qui ressortait du premier jugement, les gendarmes n'avaient pas observé la remise de la drogue, mais "une prise de contact" et un "échange". Les faits avaient eu lieu de nuit, dans un site faiblement éclairé, alors que la zone était très fréquentée, autant d'éléments propices à une erreur de la police. Aucun des policiers n'avait été entendu. L'acheteur, anglophone, l'avait été sur place, sans interprète, alors qu'il ne savait pas lire le français. On lui avait dit que s'il signait, il pourrait s'en aller. On ne lui avait pas présenté le prévenu en personne. Il l'avait identifié sur la base d'une photographie qui n'avait pas été versée au dossier. Il existait des incohérences dans ses déclarations, s'agissant notamment du poids de la drogue.

Il convenait de prononcer une peine pécuniaire ferme, mais clémente, au vu du temps écoulé depuis la dernière condamnation et du caractère bagatelle des infractions reprochées (période pénale et quantité de drogue).

b.b. À l'appui de son mémoire d'appel, l'appelant produit des preuves du paiement de neuf mensualités (CHF 100.- x 9) dans le cadre d'un arrangement de paiement, dont on comprend qu'il a été passé avec le Service des contraventions en lien avec la procédure P/4______/2020 (cf. infra D.b. 2ème tiret).

D. a. A______ est né le ______ 2000 (______ 1998 selon sa demande d'asile) au Nigéria, pays dont il est le ressortissant. Il est célibataire et n'a pas d'enfant. Sa compagne serait toutefois enceinte. Il vit à H______ (France), où il perçoit des revenus de l'aide sociale allant de EUR 420.- à 440.- par mois. Il s'agit de son seul revenu qu'il lui arrive de compléter à l'appui de menus travaux.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné à deux reprises par le MP, soit :

-          le 17 juillet 2019, à une peine privative de liberté de 60 jours, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, et à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à CHF 10.- l'unité, dites peines ayant été assorties du sursis (délai d'épreuve : trois ans), pour entrée et séjour illégaux ainsi qu'opposition aux actes de l'autorité ;

-          le 3 décembre 2020, à une peine pécuniaire ferme de 90 jours-amende à CHF 10.- l'unité, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, pour entrée et séjour illégaux ainsi qu'opposition aux actes de l'autorité.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, quatre heures et dix minutes d'activité de chef d'étude.

Il a été indemnisé pour 20 heures et dix minutes d'activité en première instance.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.), 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 148 IV 409 consid. 2.2).

Le principe de l'appréciation libre des preuves interdit d'attribuer d'entrée de cause une force probante accrue à certains moyens de preuve, comme des rapports de police. On ne saurait toutefois dénier d'emblée toute force probante à un tel document. Celui-ci est en effet, par sa nature, destiné et propre à servir de moyen de preuve, dans la mesure où le policier y reproduit des faits qu'il a constatés et où il est fréquent que l'on se fonde, dans les procédures judiciaires, sur les constatations ainsi transcrites (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1143/2023 du 21 mars 2024 consid. 2.3 ; 6B_55/2018 du 17 mai 2018 consid. 1.1 ; 6B_146/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1).

2.2. Quiconque, sans droit, aliène ou prescrit des stupéfiants, en procure de toute autre manière à un tiers ou en met dans le commerce se rend coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup.

2.3.1. Il est établi que, dans la soirée du 16 septembre 2022, le consommateur D______ a acheté 2.2 grammes de cannabis contre la remise d'un billet de CHF 50.- à un individu "noir avec une capuche blanche". L'appelant conteste être ce vendeur.

Il existe toutefois un faisceau d'indices sérieux convergeant vers sa culpabilité.

2.3.2. Selon le rapport d'arrestation du 16 septembre 2022, l'appelant a été interpellé vers 21h15, soit cinq minutes après avoir été identifié par l'acheteur sur la base d'une photographie illustrant la transaction, au lieu où une "prise de contact" ainsi qu'un "échange" avaient été observés entre les deux hommes. L'opération de surveillance a été menée par sept policiers – agents assermentés et habitués à ce type d'opération (lutte contre le trafic de stupéfiants) –, dont le rédacteur du document, qui a vu le rapprochement entre les deux hommes, et le gendarme E______ ayant procédé à l'appréhension du consommateur. La teneur du rapport a du reste été confirmée oralement par ce dernier. Ainsi, une erreur d'identification par la police apparaît théorique, quand bien même il faisait sombre et l'auteur se trouvait parmi d'autres trafiquants. Cela étant, dans la mesure où l'appelant conteste les faits et n'a été confronté ni à l'auteur du rapport, ni à ses collègues, le document ne saurait servir d'unique base à un prononcé de culpabilité et doit être examiné à l'aune des autres éléments figurant au dossier.

2.3.3. Le consommateur, entendu sur place directement après la vente, a reconnu l'appelant comme son fournisseur sur la base d'une photographie illustrant la transaction, de sorte qu'il paraît difficile qu'il se soit trompé. Lors de sa seconde audition, deux mois après les faits, il a confirmé ses premières déclarations, dont il a indiqué se souvenir, et précisé avoir compris ce que disaient les policiers (l'un d'eux s'étant exprimé en anglais). Dès lors, rien ne suggère que le premier procès-verbal n'aurait pas restitué ses dires de manière conforme, quand bien même il n'aurait, à le suivre, pas pu le relire. À cet égard, les imprécisions, s'agissant notamment du poids, semblent plutôt résulter d'une mauvaise estimation de l'acheteur dont il n'a pas été tenu compte pour la mise en accusation (seul le poids effectif ayant été repris dans l'ordonnance pénale, cf. art. 9 CPP). Lors de l'audience de confrontation, D______ a encore affirmé que l'appelant lui était familier et qu'il croyait qu'il était son vendeur, mais qu'il lui faudrait la photographie pour le confirmer. Même s'il eût été préférable que le cliché figurât à la procédure, cette réserve de l'acheteur, deux mois après les faits, ne suffit pas à relativiser, sinon annihiler la valeur probante de ses premières déclarations, alors que la transaction venait de s'achever et que l'intéressé n'avait aucun motif de désigner à tort un autre que son fournisseur.

2.3.4. L'appelant, qui n'a certes pas d'antécédent en matière de stupéfiants, a nié de manière constante sa participation au trafic de stupéfiants et la vente de marijuana. Il n'a toutefois pas été en mesure de livrer des déclarations cohérentes sur des points pourtant importants, et on ne saurait le suivre lorsqu'il évoque que les imprécisions résulteraient d'une erreur de traduction – il n'y en pas d'avérée – ou du stress de l'audience. D'une part, il a accepté qu'un policier intervienne comme interprète lors de sa première audition, d'autre part, il n'est pas revenu sur ses déclarations (à l'exception de l'intervention de son avocat sur l'appel qu'il aurait passé ce soir-là). À titre exemplatif, il n'a pas su expliquer pourquoi il avait été contrôlé à huit reprises dans un secteur connu pour le trafic de stupéfiants, élément qu'il a prétendu ignorer, ni pourquoi il se trouvait présent le soir en question parmi des trafiquants, qu'il a expliqué ne pas connaître ("il lui arrivait de rester avec des inconnus"). Il a maintenu dans un premier temps n'avoir rien donné à quiconque, avant de concéder avoir remis une cigarette à un tiers. Il s'est également montré inconsistant au sujet de son téléphone portable. Il a d'abord prétendu qu'il devait passer un appel à sa mère, puis qu'il avait téléphoné à un ami et à sa copine, enfin que cette dernière l'avait contacté. Il a indiqué que le contact "F______" correspondait à sa petite amie, alors même qu'il ne connaissait pas le code de l'appareil appartenant, soi-disant, à cette dernière et qu'il l'utilisait depuis deux jours, avec sa carte SIM. Ce dernier élément suggère plutôt qu'il ne souhaitait pas que l'on accède à ses données. Dès lors, ses déclarations, y compris ses dénégations, sont globalement peu crédibles et sujettes à caution. À cela s'ajoute le fait qu'il détenait lors de son arrestation plus de CHF 350.-, dont un billet de CHF 50.-, soit une coupure identique à celle remise par l'acheteur. Quoi qu'en dise l'appelant, vu la devise et le montant, il n'apparaît pas crédible que cet argent provînt de l'aide sociale française, étant précisé que les explications selon lesquelles il aurait changé cette somme pour faire la fête, soit la quasi-totalité de ses revenus mensuels, ne sont pas convaincantes.

2.3.5. Partant, il n'y a aucune place au doute et la culpabilité de l'appelant du chef d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup est établie.

3. 3.1. L'entrée et le séjour illégaux sont des délits passibles d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 115 al. 1 let. a et b LEI). Le délit de l'art. 19 al. 1 let. c LStup est passible d'une peine de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1).

3.3. Aux termes de l'art. 41 al. 1 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a) ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).

La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 134 IV 97 consid. 4.2.2). Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 147 IV 241 consid. 3.2 ; 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 137 II 297 consid. 2.3.4). La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 137 II 297 consid. 2.3.4 ; ATF 134 IV 97 consid. 4.2 ; ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1 ; 6B_420/2017 du 15 novembre 2017 consid. 2.1), pas plus que sa situation économique ou le fait que son insolvabilité apparaisse prévisible (ATF 134 IV 97 consid. 5.2.3).

3.4.1. Si, durant le délai d'épreuve, le condamné commet un crime ou un délit et qu'il y a dès lors lieu de prévoir qu'il commettra de nouvelles infractions, le juge révoque le sursis ou le sursis partiel. Si la peine révoquée et la nouvelle peine sont du même genre, il fixe une peine d'ensemble en appliquant par analogie l'art. 49 CP (art. 46 al. 1 CP).

3.4.2. Le juge appelé à connaître du nouveau crime ou du nouveau délit est également compétent pour statuer sur la révocation (art. 42 al. 3 CP).

3.5.1. La commission d'un crime ou d'un délit durant le délai d'épreuve n'entraîne pas nécessairement une révocation du sursis. Celle-ci ne se justifie qu'en cas de pronostic défavorable, à savoir lorsque la nouvelle infraction laisse entrevoir une réduction sensible des perspectives de succès de la mise à l'épreuve (ATF 134 IV 140 consid. 4.2 et 4.3).

3.5.2. Lors de l'appréciation des perspectives d'amendement, le juge doit prendre en considération l'effet dissuasif que la nouvelle peine peut exercer, si elle est exécutée. Il peut parvenir à la conclusion que l'exécution, le cas échéant, de la nouvelle peine aura un effet dissuasif suffisant, justifiant de renoncer à la révocation du sursis antérieur. L'inverse est également admissible : si le sursis précédent est révoqué, l'exécution de la peine qui en était assortie peut conduire à nier l'existence d'un pronostic défavorable pour la nouvelle peine et, partant, à assortir cette dernière du sursis (ATF 134 IV 140 consid. 4.4 et 4.5).

3.6.1. En l'espèce, la faute de l'appelant est moyenne. Il a, d'une part, participé activement à un trafic de stupéfiants contre lequel les autorités pénales s'échinent à lutter et, d'autre part, violé pour la troisième fois les dispositions régissant le droit des étrangers. Il a ainsi démontré qu'il ne respectait pas les institutions suisses et qu'il représentait un danger pour l'ordre public. Sa culpabilité est légèrement relativisée par le fait que la période pénale du séjour illégal est courte (quatre jours) et qu'il n'a réalisé qu'une occurrence de vente de stupéfiants, d'une gravité relative vu la quantité aliénée (2.2 grammes).

Ses mobiles relèvent de l'appât du gain facile et de son propre intérêt à demeurer dans notre pays, lesquels sont égoïstes.

Sa collaboration est globalement mauvaise. Il a reconnu les violations de la LEI, infractions qu'il ne pouvait que difficilement contester, mais a persisté à nier la vente de stupéfiants, en fournissant des explications peu cohérentes et qui ont varié. Sa prise de conscience semble avoir légèrement débuté par-devant le premier juge s'agissant des premières, étant précisé qu'il évoque son intention de ne plus revenir en Suisse, sans avoir présenté d'excuses ni fait part de regrets, mais tel n'est pas le cas pour la vente de stupéfiants qu'il persiste à contester en appel.

Sa situation personnelle explique partiellement ses agissements, mais ne les justifie aucunement, d'autant moins qu'il bénéficie d'un revenu de l'aide sociale en France.

Il a plusieurs antécédents, y compris spécifiques.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine.

3.6.2. L'appelant n'a pas hésité à récidiver en matière de LEI, commettant de surcroît une violation à la LStup, alors qu'il avait déjà bénéficié de peines assorties du sursis, avant d'être condamné à une peine pécuniaire ferme de 90 jours. Il n'a pas su saisir les chances offertes et a montré que les précédentes condamnations, malgré l'exécution de la peine pécuniaire selon les pièces produites en appel, étaient restées sans effet sur lui. Dès lors, seule une peine privative de liberté permet de sanctionner de manière adéquate les nouveaux agissements de l'appelant (et cela indépendamment des moyens qu'il aurait de s'acquitter d'une peine pécuniaire) (art. 41 al. 1 let. a CP).

3.6.3. Dans le prolongement de ce qui précède et dans la mesure où l'appelant a recommencé ses agissements par deux fois durant le délai d'épreuve pour des infractions de même typicité (violations de la LEI), le pronostic est défavorable.

3.6.4. Se pose en outre la question de la révocation des sursis octroyés le 17 juillet 2019 par le MP. Le TP, dans son dispositif, s'est manifestement trompé en fixant une peine privative de liberté d'ensemble de 90 jours, après révocation du sursis du 17 juillet 2019 à la peine privative de liberté de 60 jours, alors que la motivation de son considérant 4.2 en page 11 de son jugement laisse explicitement entendre que la peine privative de liberté d'ensemble était arrêtée à hauteur de 150 jours.

En l'absence de rectification d'office par le TP de son prononcé (cf. art. 83 CPP) avant saisine de la juridiction d'appel, l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP) empêche la Cour de corriger le vice, pour autant que la révocation des sursis s'imposerait, de même que de prononcer une peine plus sévère que celle retenue dans le dispositif de la décision attaquée.

3.6.5. Il convient de sanctionner le délit à la LStup, soit l'infraction la plus grave, par une peine d'une quotité de 45 jours, laquelle sera aggravée d'une peine de 40 jours (20 jours par infraction) pour réprimer les deux infractions à la LEI (peine hypothétique : 30 jours par infraction).

Aussi, la peine privative de liberté sera arrêtée à 85 jours, sous déduction de trois jours de détention avant jugement (art. 51 CP).

3.6.6. Malgré les antécédents en partie spécifiques et compte tenu de la prise de conscience débutante de l'appelant mais aussi de l'effet attendu par le fait de devoir purger la peine prononcée, celle-ci paraît encore suffisante à le détourner de la récidive, de sorte que le sursis octroyé par le MP le 17 juillet 2019 ne sera pas révoqué.

3.6.7. Partant, l'appel sera partiellement admis s'agissant de la quotité de la peine et la non-révocation du sursis pendant.

4. 4.1. L'appelant, qui succombe partiellement, supportera le tiers des frais de la procédure d'appel, lesquels comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-, le solde étant laissé à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

4.2. Vu l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 426 al. 1 CPP et art. 428 al. 3 CPP).

5. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de l'avocat sera partant arrêtée à CHF 1'081.- correspondant à 4 heures et 10 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 833.30) plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 166.70) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 81.-).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/246/2024 rendu le 26 février 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/7648/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) pour la période allant du 6 avril 2022 au 14 septembre 2022.

Déclare A______ coupable d'infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (art. 115 al. 1 let. a et b LEI) pour la période du 31 mars 2022 au 4 avril 2022, d'entrée illégale (le 15 septembre 2022 ; art. 115 al. 1 let. a LEI) et d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 85 jours, sous déduction de trois jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 17 juillet 2019 par le Ministère public de Genève (art. 46 al. 2 CP).

Ordonne la restitution à A______ de son téléphone portable et des sommes d'argent figurant sous chiffres 1 de l'inventaire n° 5______ du 16 septembre 2022 et sous chiffre 2 de l'inventaire n° 5______ du 16 septembre 2022 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté les frais de la procédure à CHF 1'516.-, y compris un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.-, et les a mis à la charge de A______.

Prend acte de ce que le Tribunal de police a fixé à CHF 5'756.50 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 135 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'315.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-.

Met le tiers de ces frais, soit CHF 438.-, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1'081.-, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Sarah RYTER

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'516.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

40.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'315.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'831.00