Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

1 resultats
P/23031/2022

AARP/228/2024 du 05.07.2024 sur JTDP/1359/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VOL(DROIT PÉNAL);EXEMPTION DE PEINE
Normes : CP.139; CP.54
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23031/2022 AARP/288/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 5 juillet 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me Lassana DIOUM, avocat, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1359/2023 rendu le 20 octobre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante, comparant par Me C______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.       a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1359/2023 du 20 octobre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnue coupable de vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal [CP]) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, à CHF 300.- l'unité, sous déduction d'un jour-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'aux frais de la procédure et a rejeté ses conclusions en indemnisation. Le premier juge a également ordonné la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 12 de l'inventaire n° 1______ du 31 octobre 2022 et renvoyé B______ à agir par la voie civile.

A______ conclut à son acquittement et à l'admission de ses conclusions en indemnisation.

b. Selon l'ordonnance pénale du 24 janvier 2023, il est reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 31 octobre 2022, vers 15h43, dérobé divers articles pour un montant total de CHF 343.19 dans un magasin B______ sis avenue 2______ no. ______.

B.       Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 31 octobre 2022 à 15h30, A______ a été interpellée par un agent de sécurité de la B______ après avoir dépassé les caisses automatiques sans payer les articles contenus dans un sac à provisions.

b.a. Au nom et pour le compte de B______, D______ a déposé plainte pénale contre A______ le 31 octobre 2022 pour le vol de divers articles d'une valeur totale de CHF 343.19.

b.b. À l'appui de sa plainte, B______ a produit un formulaire, daté du même jour, intitulé "Déclaration", auquel était annexé un ticket de caisse détaillant les 18 articles emportés. Ledit document comportait la mention "Je reconnais avoir quitté le magasin susmentionné sans avoir présenté à la caisse les articles ci-dessous : selon ticket ci-joint". À teneur des cases cochées, l'intervention de la police avait été sollicitée pour une "plainte pénale" pour "vol à l'étalage". Ce formulaire a été signé par A______.

b.c. Il ressort des images de vidéosurveillance du 31 octobre 2022, remises par B______, que A______ sort des rayons et se rend aux caisses automatiques, qu'elle franchit sans s'arrêter, avec un objet rose dans la main gauche et un sac à provisions sur l'épaule gauche. Un homme, dont l'on devine qu'il s'agit d'un agent de sécurité, sort rapidement du magasin à sa suite, après l'avoir observée.

c. À teneur du rapport d'arrestation du 31 octobre 2022, la police s'est rendue dans le commerce B______ de l'avenue 2______ no. ______, [code postal] Genève, où elle a pris langue avec le responsable de la sécurité, en présence de A______, identifiée au moyen de son passeport belge. Celle-ci a reconnu avoir commis le vol des articles en sa possession. Une perquisition de son véhicule, stationné dans le parking du centre commercial de E______, a été effectuée, sans rien révéler de probant. Son domicile a également fait l'objet d'une perquisition, laquelle a permis la saisie de plusieurs vêtements portant encore des étiquettes de magasins. A______ a été menottée et conduite au poste.

d. A______ a été entendue par la police le jour-même.

Celle-ci lui ayant fait remarquer qu'elle avait été interpellée par le service de sécurité du commerce B______ "après avoir volé divers articles, pour un montant de CHF 343.19", elle a déclaré "Je reconnais les faits qui me sont reprochés". Questionnée sur les raisons de ses actes, elle a répondu avoir du mal à les expliquer, précisant vivre une période difficile. Elle a ajouté qu'elle n'avait pas l'intention de voler ces articles, tout en précisant "mais tout ne tourne pas rond dans ma tête". Après avoir eu l'occasion de relire ses déclarations, à teneur du procès-verbal établi par la police, elle en a signé toutes les pages.

e. Devant le Ministère public (MP), A______ a expliqué que ses déclarations à la police avaient été rédigées de manière succincte, "à la va-vite", de sorte qu'elle ne les confirmait pas. Elle n'avait pas pu détailler les choses correctement. Une quinzaine de jours avant les faits, elle avait été victime d'une agression en Italie, en raison de laquelle elle avait été très perturbée et étourdie. Le 31 octobre 2022, c'était l'une de ses premières sorties depuis ladite agression. Elle s'était rendue à la B______ une première fois vers midi, où elle avait acheté du raisin et une boisson. Après un rendez-vous chez le médecin, ayant une "petite faim", elle était retournée dans le commerce pour s'acheter à manger, soit des sushis et une boisson. Elle était alors dans un "état second" en raison de la fatigue et de la faim. Elle n'avait pas l'intention d'acheter autre chose mais s'était finalement rendue au rayon des vêtements pour choisir des leggings, de différentes tailles, pour sa fille enceinte. Elle s'était "un peu lâchée" et en avait pris plusieurs "en gros", également pour elle-même. Comme elle avait les mains pleines, elle avait pris un sac en coton en rayon pour y ranger ses articles. Elle était encore allée chercher des chips, des biscuits et un adaptateur, articles qu'elle avait toutefois gardés dans les mains. Une fois aux caisses automatiques, elle s'était rendu compte qu'elle n'avait pas sa carte bancaire. À cet égard, elle a d'abord indiqué qu'elle "s'était tout fait voler" avant de soutenir que sa carte bancaire se trouvait dans sa voiture, dans un autre sac. Elle avait dès lors reposé en rayons les articles qu'elle avait en main, mais oublié ceux transportés dans le sac qu'elle portait à l'épaule. Elle était ensuite sortie "comme une flèche" pour aller chercher sa carte bancaire et faire ses achats. Elle n'avait pas eu l'intention de voler des articles mais les avait emportés "par étourderie".

Elle avait été attrapée par l'agent de sécurité du magasin, qui lui avait confié la suivre depuis un moment – elle ignorait pourquoi. Elle lui avait expliqué la situation mais il n'avait rien voulu entendre. Par la suite, lors de la perquisition de son véhicule, elle avait montré sa carte de crédit à la police, mais celle-ci n'avait rien noté.

Elle avait des moyens financiers confortables qui lui permettaient d'acheter les articles qu'on lui reprochait d'avoir dérobés.

f.a. Lors de l'audience de jugement, A______ a contesté avoir reconnu le vol devant la police. Celle-ci n'avait pas employé le terme "volé" lorsqu'elle lui avait demandé de se déterminer sur les faits. Elle s'était rendue au commerce B______ car elle avait mal au dos et souhaitait acheter une ceinture chauffante et de la pommade. Ayant faim, elle avait également voulu acheter des sushis, puis avait choisi des leggings et d'autres articles. Elle a confirmé ses déclarations pour le surplus. Elle avait été traitée de manière choquante.

Elle a produit un chargé de pièces contenant notamment un certificat médical délivré le 18 octobre 2023 par la Dresse F______, psychiatre et psychothérapeute, duquel il ressort qu'elle a bénéficié d'un suivi psychothérapeutique du 9 novembre 2022 au 6 mars 2023.

f.b. Entendue par le Tribunal, B______, soit pour elle son représentant D______, lequel n'avait pas été présent sur place jour des faits, a confirmé sa plainte. A______ avait été repérée grâce aux caméras de vidéosurveillance. Elle avait admis les faits dans les locaux du commerce, étant précisé qu'elle avait signé une déclaration. Lorsqu'un vol était contesté, la personne appréhendée ne signait pas cette dernière ou expliquait les raisons de sa contestation, par exemple le fait qu'elle allait chercher sa carte bancaire. Lors de son interpellation par la sécurité, A______ n'avait, à aucun moment, précisé qu'elle voulait récupérer sa carte bancaire dans son véhicule.

f.c. Entendue en qualité de témoin de moralité, G______ a expliqué être une amie de longue date de A______. Cette dernière, qui avait subi une agression en Sicile et n'était depuis "plus la même", avait été très choquée à la suite de son arrestation dans le commerce B______. Elle n'était pas encore complètement remise.

g. Après avoir été entendue par la police en début de soirée, A______ a été mise à disposition du MP puis mise en liberté le lendemain à 10h45.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel et sa réplique, A______ précise conclure principalement à son acquittement, subsidiairement à l'exemption de toute peine, à la condamnation de l'État de Genève à lui verser CHF 3'000.- à titre d'indemnité pour la réparation du tort moral subi ainsi que CHF 23'642.70 à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droit de procédure, et à ce que les frais de l'intégralité de la procédure soient laissés à la charge de l'État.

Le document signé à la suite des faits survenus à la B______ ne s'appelait pas "déclaration de vol" comme retenu par le premier juge mais uniquement "déclaration". Si, en y apposant sa signature, A______ avait admis avoir quitté le magasin sans s'être acquittée du prix de vente des articles emportés, elle n'avait aucunement reconnu s'être rendue coupable de vol. Le simple fait que les cases "plainte pénale" et "vol à l'étalage" avaient été cochées sur le formulaire ne permettait pas de conclure à sa culpabilité. Contrairement à ce que soutenait B______, elle n'avait pas refusé de décliner son identité. Si tel avait été le cas, la case "Contrôle d'identité" aurait assurément été cochée. Devant la police, elle avait admis avoir quitté le magasin sans payer les articles, tout en précisant ne pas avoir l'intention de les voler. Le premier juge avait constaté les faits de manière arbitraire en retenant le contraire. Celui-ci avait également omis de retenir les éléments à décharge, à savoir ses explications au sujet des circonstances qui l'avaient amenée à franchir les caisses sans régler ses achats. Les images de vidéosurveillance permettaient corroboraient ses déclarations dans la mesure où on la voyait revenir des rayons tenant son porte-monnaie dans sa main gauche, ce qui confirmait son intention de payer. Elle avait de manière constante indiqué avoir franchi par mégarde les caisses automatiques avec un sac contenant des provisions, en l'oubliant en raison de sa légèreté. Sa situation financière très confortable permettait d'appuyer sa crédibilité, dans la mesure où elle n'avait pas de motif de commettre un vol d'à peine plus de CHF 300.-. Elle n'avait eu aucun dessein d'appropriation ni d'enrichissement illégitime.

De manière subsidiaire, elle rappelait avoir été menottée, avoir traversé le centre commercial de cette manière à la vue de tous les clients, été emmenée en bas de son immeuble en voiture de police puis conduite à son appartement, toujours menottée. Elle avait subi la perquisition de son domicile avant d'être conduite au poste de police pour y être interrogée. Elle avait ensuite passé la nuit au Violons du vieil Hôtel de police avant d'être remise en liberté, suite au prononcé d'une ordonnance pénale par le MP. Le traitement subi au regard de l'infraction reprochée était disproportionné dans la mesure où elle était issue d'un milieu aisé et inconnue des services de police. Elle avait subi des souffrances psychologiques suite à cette arrestation et été suivie par des psychiatres.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

d. B______, soit pour elle son conseil, conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement querellé et à l'octroi d'une indemnité de CHF 3'456.80 pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure, correspondant notamment à 3h45 de rédaction du mémoire réponse.

À teneur du dossier, il ne faisait aucun doute que A______ avait réalisé les deux éléments constitutifs objectifs de l'infraction de vol, ce qu'elle ne niait pas, mais également les éléments constitutifs subjectifs de ladite infraction. Celle-ci avait apposé sa signature sur la déclaration de vol qui ne laissait place à aucune interprétation, étant au surplus relevé que les cases "plainte pénale" et "vol à l'étalage" avaient été cochées. Elle n'avait pas refusé de signer cette déclaration ni fait mentionner le fait qu'elle souhaitait se rendre à son véhicule pour y chercher sa carte bancaire. Cette dernière explication, donnée devant le MP, apparaissait de circonstance. Au surplus, le comportement de A______, qui avait refusé de décliner son identité, avait nécessité de faire appel aux services de police et était peu compatible avec l'attitude d'une personne étourdie, honnête et sincère. Dans la mesure où B______ avait obtenu gain de cause, elle était fondée à prétendre au versement d'une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

D. A______, ressortissante belge, est née le ______ 1969 en Belgique. Elle est divorcée et mère de deux enfants majeurs qui ne sont plus à sa charge. Elle n'a pas de revenu mais dispose d'une fortune qui s'élève à environ trois millions et demi de francs. Sa fortune lui permet de subvenir à son entretien en Suisse sans avoir à travailler.

Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ n'a pas d'antécédent judiciaire.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art.  404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de
doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345
consid. 2.2.3.3).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3. 3.1. L'art. 139 ch. 1 CP sanctionne quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

L'infraction de vol est constituée de deux éléments constitutifs objectifs, soit une chose mobilière appartenant à autrui et un acte de soustraction (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, N 4 ad art. 139).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle : l'appropriation doit être volontaire (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1096/2021 du 13 juillet 2022 consid. 4.1 ; 6B_1119/2020 du 21 janvier 2021 consid. 2.2 ; 6B_375/2020 du 9 juillet 2020 consid. 3.3), tout comme la soustraction (arrêt du Tribunal fédéral 6B_311/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.4.1). En outre, l'auteur doit agir dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soit avoir pour but d'améliorer son patrimoine ou celui d'un tiers, respectivement de réaliser un profit (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1043/2015 du 9 décembre 2015 consid. 4.2.1 ; 6B_395/2015 du 25 novembre 2015 consid. 2.2 ; 6B_311/2013 du 28 mai 2013 consid. 2.4.1 ; AARP/126/2021 du 8 avril 2021 consid. 4.1).

3.2. En l'espèce, il est établi que l'appelante s'est rendue dans un magasin B______ à Genève et a franchi les caisses automatiques en portant sur l'épaule un sac à provisions contenant des articles pour un montant total de CHF 343.19, dont elle ne s'est pas acquitté. Seule la question de son intention est débattue.

Le document que l'appelante a signé dans le commerce B______ ne s'intitule pas "déclaration de vol" comme celle-ci le soutient. À teneur du texte de ladite déclaration, elle concerne le fait d'avoir quitté le magasin sans avoir présenté à la caisse les articles en question. Toutefois, au moment d'apposer sa signature juste en-dessous des cases, cochées, intitulées "vol à l'étalage" et "plainte pénale", l'appelante n'a pu que se douter que l'intimée lui reprochait d'avoir volé les articles contenus dans son sac, de sorte qu'elle aurait pu refuser de la signer. Elle indique s'être opposée verbalement, en précisant à l'agent de sécurité avoir voulu aller chercher sa carte bancaire, oubliée dans sa voiture. Or, ni la déclaration signée dans le commerce B______ lors de son appréhension, ni le rapport d'arrestation ne font mention d'une telle volonté de l'appelante. Entendue à la police, elle n'en a pas non plus parlé et, si elle reproche à cette dernière la manière dont s'est tenue son audition, elle a non seulement eu l'occasion de relire son procès-verbal mais l'a également signé. En outre, devant le MP, elle s'est contredite s'agissant des raisons pour lesquelles elle ne disposait pas de sa carte bancaire, puisqu'elle a indiqué dans un premier temps que celle-ci avait été volée avant d'expliquer qu'elle se trouvait dans un autre sac à main, dans sa voiture. Pourtant, le rapport de police ne mentionne nullement qu'une carte bancaire aurait été découverte lors de la perquisition du véhicule.

Les déclarations de l'appelante ont également varié et apparaissent contradictoires quant aux motifs pour lesquels elle s'est rendue une seconde fois au commerce B______. Alors qu'elle avait déclaré au MP n'avoir initialement eu d'autre intention que celle d'acheter à manger, elle a expliqué en audience de jugement être entrée dans le magasin pour acheter une ceinture chauffante et de la pommade. En outre, son explication selon laquelle elle aurait oublié l'existence de son sac de provisions – pris en rayon quelques minutes auparavant pour l'occasion –, ainsi que son contenu, ne convainc pas. Il est peu crédible que, comme elle le soutient, elle ait pensé à reposer en rayon les trois articles qu'elle portait à la main mais oublié les 18 autres articles placés dans le sac, lesquels devaient nécessairement peser un certain poids au vu de leur quantité, étant par ailleurs rappelé qu'elle portait ledit sac sur son épaule. En outre, si elle pensait réellement avoir reposé en rayon l'intégralité des articles au moment de quitter le commerce pour se rendre à son véhicule et y récupérer sa carte bancaire, l'on peine à comprendre pour quelle raison elle portait, à la main, son porte-monnaie lors de son passage aux caisses automatiques, comme cela ressort des images de vidéosurveillance et de ses déclarations.

Si le certificat médical produit accrédite l'existence d'une agression survenue en Italie deux semaines avant les faits, dit document atteste uniquement d'un suivi psychothérapeutique, sans en indiquer toutefois les motifs, et ne rend nullement vraisemblable une quelconque altération de la capacité de discernement de l'appelante ou une diminution de sa responsabilité, au moment des faits.

Enfin, l'existence de moyens financiers importants ne permet pas, à elle seule, d'exclure la présence d'un dessein d'appropriation.

Partant, les éléments constitutifs objectifs et subjectifs du vol étant réalisés, le verdict de culpabilité rendu à l'encontre de l'appelante du chef d'infraction à l'art. 139 ch. 1 CP, doit être confirmé.

L'appel sera par conséquent rejeté sur ce point.

4. 4.1.1. L'infraction réprimée à l'art. 139 ch. 1 CP est sanctionnée par une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire.

4.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.1.3. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à la renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de l'art. 54 CP que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques résultant de la commission même de l'infraction, par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué, ou psychiques, comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé (ATF 119 IV 280 consid. 2b). Des conséquences indirectes, telle la perte d’une place de travail, la désunion familiale ou la dégradation de la situation financière, voire d'éventuels problèmes psychiques résultant implicitement des suites de l’infraction, ne devraient pas être pris en considération dans le cadre de l'art. 54 CP (ATF 117 IV 245 consid. 2a).

Les désagréments dus à l'ouverture d'une instruction pénale, le paiement de frais de procédure, la réparation du préjudice, ainsi que la dégradation de la situation financière, le divorce ou le licenciement consécutifs à l'acte délictueux, ne constituent que des conséquences indirectes de l'infraction, sans pertinence au regard de l'art. 54 CP (ATF 117 IV 245 consid. 2a p. 247 ; arrêt 6B_442/2014 du 18 juillet 2014 consid. 2.1).

Une exemption totale de peine suite à un délit intentionnel reste très exceptionnelle (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS, op. cit., n. 3 ad art. 54).

4.2. En l'occurrence, la culpabilité de l'appelante est relativement légère. Elle a agi par appât du gain sans respect pour la propriété d'autrui, mais il convient de tenir compte du faible montant de son butin qui se rapproche de la limite fixée pour l'application de l'art. 172ter CP (CHF 300.-).

La situation personnelle de l'appelante, particulièrement aisée, n'explique et ne justifie nullement ses agissements.

Sa collaboration a été globalement mauvaise. Si elle a dans un premier temps admis les faits, elle les a continuellement contestés dès son audition devant le MP et ce, jusqu'en appel, malgré les éléments à charge au dossier. Dans cette mesure, sa prise de conscience n'apparaît pas même amorcée.

Comme retenu par le premier juge, il sera tenu compte de ce que l'appelante présentait, au vu du certificat médical produit, une fragilité psychique.

L'appelante n'a pas d'antécédents, facteur neutre sur la peine.

L'art. 54 CP ne saurait trouver application. À cet égard, l'interpellation et les visites domiciliaires subies par l'appelante ne constituent que des conséquences indirectes, et non directes, de l'infraction commise. En outre, si le témoin G______ a indiqué qu'elle avait été marquée par ces évènements, la documentation médicale produite ne démontre pas l'existence d'un traumatisme y relatif, lequel ferait apparaître une peine comme choquante et heurterait le sentiment de la justice. Enfin, une exemption de peine, face à un crime intentionnel, doit rester exceptionnelle.

Le prononcé d'une peine pécuniaire et le bénéfice du sursis sont acquis à l’appelante (art. 391 al. 2 CPP). La quotité de la peine fixée par le premier juge (15 unités pénales, sous déduction d'une unité correspondant à un jour de détention avant jugement [art. 51 CP]), tout comme le montant du jour-amende, établi à CHF 300.-, et le délai d’épreuve fixé à trois ans, apparaissent adéquats ; ils seront donc confirmés et l’appel rejeté.

5. Les mesures de restitution ordonnées, non contestées en appel et qui consacrent une correcte application du droit, seront confirmées.

6. L'appelante, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'500.- (art.  428 al. 1 CPP).

Vu l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (cf. art. 428 al. 3 CPP), y compris la mise à la charge de l'appelante de l'émolument complémentaire de jugement.

7.  La partie plaignante ayant obtenu gain de cause, l'appelante sera condamnée à lui verser une indemnité pour ses frais de défense en appel, laquelle sera arrêtée à CHF 3'024.40, une heure étant retranchée à la rédaction du mémoire réponse, 2h45 apparaissant en effet suffisantes pour rédiger un mémoire comprenant quatre pages de droit, la cause n'étant pas complexe (art. 433 al. 1 CP).

8. Les conclusions de l'appelante en indemnisation de ses frais de défense et de son tort moral (art. 429 al. 1 let. a et c CPP a contrario) seront rejetées, vu la confirmation du verdict de culpabilité.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1359/2023 rendu le 20 octobre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/23031/2022.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'755.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Condamne A______ à verser à B______, à titre d'indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure d’appel, CHF 3'024.40, TVA comprise (art. 433 al. 1 let. a CPP).

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch.1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 15 jours-amende, sous déduction de 1 jour-amende, correspondant à 1 jour de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 300.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renvoie la partie plaignante B______ à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffres 1 à 12 de l'inventaire n° 1______ du 31 octobre 2022 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1507.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

(…)

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 1000.-.

Condamne A______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 1000.-."

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Christian ALBRECHT

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'507.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'755.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'262.00