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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/18683/2023

AARP/114/2024 du 06.04.2024 sur JTDP/1414/2023 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : CONFISCATION(DROIT PÉNAL)
Normes : CP.69
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/18683/2023 AARP/114/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 6 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1414/2023 rendu le 3 novembre 2023 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/1414/2023 du 3 novembre 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 du Code pénal suisse [CP]) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup). Il a été condamné à une peine privative de liberté de six mois et à une amende de CHF 500.-. Le premier juge a ordonné la confiscation et la destruction [du téléphone portable de marque] D______ sous chiffre 1 de l'inventaire n° 1______.

A______ entreprend très partiellement ce jugement, concluant à la restitution du téléphone confisqué.

b. Selon l'acte d'accusation du 4 octobre 2023, il était reproché à A______ d'avoir persisté à séjourner en Suisse, depuis le 13 octobre 2022, lendemain de sa libération, jusqu'au 28 août 2023, jour de son arrestation, alors qu'il faisait l'objet d'une mesure d'expulsion judiciaire prononcée le 27 janvier 2020 pour une durée de cinq ans, dont il avait connaissance. Il a également consommé de la cocaïne, jusqu'à cinq grammes par weekend, entre le 13 octobre 2022 et le 28 août 2023, notamment au cours des heures ayant précédé son arrestation du 28 août 2023.

B. Les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation sont établis et non contestés. Vu les arguments développés en appel, il convient de mentionner encore les éléments suivants, résultant également du dossier.

a. À teneur de l'inventaire des pièces 1______ du 28 août 2023, un D______ "violet, numéro d'appel inconnu, numéro IMEI inconnu, code de déverrouillage inconnu" a été saisi sur A______ et séquestré. Celui-ci a indiqué que le téléphone lui appartenait. Il a refusé de signer le procès-verbal de perquisition (pièce Z 1).

b. Selon le rapport d'arrestation du 28 août 2023, le téléphone portable de l'appelant "a été saisi et porté en inventaire au vu du manque de collaboration de l'intéressé. Il a refusé de signer l'autorisation de fouille d'appareil électronique. De plus, il a refusé de déverrouiller son téléphone portable pour que nous puissions avoir le numéro IMEI de celui-ci afin d'effectuer les contrôles nécessaires" (pièces B 4 et B 14).

Ce même jour, l'intervention de la police avait été requise dans un immeuble de la rue 2______ car des individus causaient des nuisances en sonnant aux portes. Sur place, la police a interpelé A______, dépourvu de papiers d'identité, qui avait de la poudre blanche sous le nez.

c. En première instance, A______ a déclaré que le téléphone lui avait été offert par sa compagne, E______, pour son anniversaire.

d. Un bulletin au nom de sa compagne fait état de la livraison d'un D______ "deep purple" le 4 janvier 2023. Dans une attestation versée à la procédure, E______ a confirmé avoir offert un téléphone de la marque D______ à A______.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

c. Le Ministère public (MP) conclut au rejet de l'appel.

D. Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné à dix reprises depuis le mois de novembre 2013, soit :

-        le 15 novembre 2013 par le MP à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.- le jour, assortie du sursis, délai d'épreuve de deux ans et à une amende de CHF 100.- pour séjour illégal et contravention à la LStup ;

-        le 5 mars 2014 par le MP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.- le jour pour séjour illégal et entrée illégale ;

-        le 4 mai 2014 par le MP à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- le jour pour séjour illégal et entrée illégale ;

-        le 29 mai 2014 par le MP à une peine privative de liberté de 30 jours pour séjour illégal ;

-        le 6 juillet 2015 par le TP à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.- le jour pour séjour illégal ;

-        le 6 avril 2016 par le Tribunal correctionnel (TCO) à une peine privative de liberté de 16 mois pour brigandage et séjour illégal ;

-        le 20 novembre 2018 par le TP à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 10.- le jour et à une amende de CHF 300.- pour contravention à la LStup et séjour illégal ;

-        le 27 janvier 2020 par le TCO à une peine privative de liberté de 36 mois assortie du sursis partiel, d'un délai d'épreuve de quatre ans ainsi qu'à une expulsion de cinq ans, pour séjour illégal, délits contre la LStup, crime contre la LStup, contravention à la LStup ;

-        le 21 février 2020 par le TP à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 10.- le jour et à une amende de CHF 500.- pour violation des obligations en cas d'accident, entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire, conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis, violation des règles de la circulation, séjour illégal et faux dans les certificats ;

-        le 19 octobre 2021 par le TP à une peine privative de liberté de huit mois pour délit à la LStup et pour rupture de ban.

E. Me C______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 0h20 d'activité de chef d'étude et 7h30 de collaborateur, réparties comme suit 2h30 d'entretien avec le client à la prison de B______, 1h20 d'examen du dossier et 4h00 de rédaction du mémoire d'appel.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Selon l'art. 69 CP, même si aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

Il doit y avoir un lien de connexité entre l'objet à confisquer et l'infraction, en ce sens que celui-ci doit avoir servi ou devait servir à la commission d'une infraction (instrumenta sceleris) ou être le produit d'une infraction (producta sceleris). En outre, cet objet doit compromettre la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. Cela signifie que, dans le futur, ce danger doit exister et que, précisément pour cette raison, il faut ordonner la confiscation en tant que mesure de sécurité. Par conséquent, le juge doit poser un pronostic quant à la vraisemblance suffisante que l'objet, dans la main de l'auteur, compromette à l'avenir la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public. La confiscation d'objets dangereux constitue une atteinte à la garantie de la propriété selon l'art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et elle est soumise pour cette raison au principe de la proportionnalité (art. 36 Cst.). Le respect de ce dernier implique d'une part que la mesure qui porte atteinte à la propriété est propre à atteindre le but recherché et d'autre part que ce résultat ne peut pas être obtenu par une mesure moins grave (subsidiarité ; ATF 137 IV 249 consid. 4.4 et 4.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 9.1).

Ces principes s'appliquent, en particulier, aussi aux supports de données numériques (arrêts du Tribunal fédéral 6B_35/2017 du 26 février 2018 consid. 9.1).

2.2. Il ressort du casier judiciaire du prévenu qu'il a été condamné à de nombreuses reprises pour contravention, délits et crimes contre la LStup, la dernière fois en 2021.

Dans la présente procédure, l'appelant a admis consommer de la cocaïne régulièrement, faits pour lesquels il a été condamné à une amende. Cela étant, même s'il est probable qu'il ait utilisé son téléphone pour contacter son fournisseur, le dossier ne contient pas les éléments suffisants pour retenir un lien de connexité, au sens de l'art. 69 CP, entre l'infraction à l'art. 19a Lstup et cet appareil. Le prévenu a expliqué la provenance du téléphone, soit un cadeau de sa compagne, laquelle l'a confirmé, et un bulletin de livraison a été produit.

Partant, [le téléphone portable] D______ sera restitué au prévenu.

3. L'appel ayant été admis, il ne sera pas perçu de frais en relation avec la procédure y relative (art. 428 CPP a contrario). L’émolument complémentaire de jugement du premier juge sera laissé à la charge de l’État. En revanche, au vu du caractère accessoire du point contesté, l’intégralité des autres frais de la procédure de première instance sera laissée à la charge de l’appelant.

4. 4.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3).

4.2. En l'occurrence, la note de frais produite paraît largement excessive. Seul le premier parloir à B______ sera indemnisé, dans la mesure où, une fois que le détenu décide de ne contester ni sa culpabilité, ni sa peine, il n'est plus dans l'incertitude quant à son sort. Vu le cadre très restreint de l'appel, une heure était par ailleurs largement suffisante pour contester la confiscation du téléphone portable.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 508.05 correspondant à 2h30 d'activité (0h20 de cheffe d'étude [tarif horaire : CHF 200.- = CHF 66.65] et 2h10 de collaborateur [tarif horaire : 150.- = CHF 325.-]), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 78.35) et la TVA au taux de 8.1% (CHF 38.05).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1414/2023 rendu le 3 novembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/18683/2023.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants.

Condamne A______ à une peine privative de liberté de six mois, sous déduction de la détention avant jugement et en exécution anticipée de peine subie du 28 août 2023 au 27 février 2024 (art. 40 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 500.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de cinq jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 27 janvier 2020 par le Tribunal correctionnel (art. 46 al. 2 CP).

Renonce à révoquer la libération conditionnelle accordée le 11 mars 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures de Genève (vu le solde de peine de 0 jours) (art. 89 al. 1 CP).

Ordonne la restitution à A______ [du téléphone portable] D______ sous chiffre 1 de l'inventaire n°1______ (art. 69 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'183.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse l’émolument complémentaire de jugement du Tribunal de police et les frais de la procédure d'appel à la charge de l'État.

Prend acte de ce que le premier juge a fixé à CHF 4'129.20 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseure d'office de A______, pour la procédure préliminaire et de première instance et arrête à CHF 508.05, TVA comprise, le montant de ses frais et honoraires pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.