Décisions | Tribunal pénal
JTCO/20/2025 du 06.02.2025 ( PENAL ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
| république et | canton de genève | |
| pouvoir judiciaire | ||
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JUGEMENT DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL
Chambre 5
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MINISTÈRE PUBLIC
Monsieur C______, partie plaignante, assisté de Me F______
Madame D______, partie plaignante, assistée de Me F______
Madame E______, partie plaignante, assistée de Me F______
contre
Monsieur A______, né le ______ 1980, actuellement en exécution anticipée de peine à l'Établissement de G______, prévenu, assisté de Me B______
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité des chefs de meurtre, d'infraction à l'art. 91 al. 2 let. a LCR et d'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR. Il conclut au prononcé d'une peine privative de liberté de 8 ans, ainsi qu'au prononcé d'une expulsion pour une durée de 15 ans. Il conclut à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions civiles des parties plaignantes. Il conclut à l'établissement du profil ADN du prévenu et à ce que le sort des biens séquestrés soit confirmé. Il conclut enfin à ce que le prévenu soit condamné aux frais de la procédure. Subsidiairement, si un verdict de culpabilité devait être prononcé du chef d'homicide par négligence, le Ministère public conclut au prononcé d'une peine privative de liberté incompatible avec le sursis, même partiel. Le Ministère public conclut également au maintien du prévenu en exécution anticipée de peine.
Me F______, conseil de D______, C______ et E______, conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité du chef de meurtre par dol éventuel et à ce qu'il soit fait bon accueil aux conclusions civiles de ses clients, ainsi qu'aux prétentions fondées sur l'art. 433 CPP sur la base de la note déposée à l'ouverture des débats.
Me B______, conseil de A______, ne s'oppose pas au prononcé d'un verdict de culpabilité des chefs d'homicide par négligence et d'infraction à l'art. 91 al. 2 let. a LCR. Il conclut à l'acquittement de son client du chef d'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR. Il conclut au prononcé d'une peine juste, compatible avec le sursis partiel. Il ne s'oppose pas, sur le principe, aux conclusions civiles des parties plaignantes, et s'en rapporte à justice quant aux montants et aux conclusions prises concernant H______. Il s'en rapporte à justice sur le sort des objets séquestrés.
A. Par acte d'accusation du 12 novembre 2024, il est reproché à A______ d’avoir, à Genève, le 14 août 2023, intentionnellement tué I______, alors que, vers 20h00, il circulait au volant du véhicule de marque J______, qu’il présentait un taux d’alcool minimal dans le sang situé entre 2.08 g/kg et 2.88 g/kg, qu'il avait très fortement accéléré, à la hauteur de la route 1______ no 2______, afin de réaliser une manœuvre de dépassement téméraire de trois véhicules qui le précédaient, à la hauteur de l’îlot central situé avant le passage sous l’autoroute A1, qu'il avait manqué de perdre la maîtrise de son véhicule au moment de se rabattre, qu'il avait ensuite heurté avec la roue avant-droite, à la hauteur du second îlot central, une bordure en béton, à une vitesse estimée entre 80 km/h et 133 km/h sur un tronçon limité à 60 km/h et qu'il avait perdu la maîtrise de son véhicule, roulant alors partiellement sur la bande herbeuse située sur sa droite sur une distance d’environ 74.5 mètres, avant de regagner entièrement la chaussée et de percuter, à une vitesse estimée entre 70 km/h et 85 km/h, l’arrière du cycle au guidon duquel se trouvait I______, lequel circulait normalement au centre de la bande cyclable, le choc ayant provoqué sa projection sur le capot du véhicule et sur la chaussée ainsi que des lésions corporelles, parmi lesquelles un traumatisme crânien et facial sévère, puis son décès le ______ 2023, étant précisé que A______ tenait pour possible que son comportement irresponsable au volant puisse occasionner un accident mortel et acceptait cette éventualité au cas où elle se produirait, faits qualifiés de meurtre par dol éventuel au sens de l’art. 111 CP (ch. 1.1.1. de l’acte d’accusation).
Subsidiairement, il est reproché à A______ d’avoir, à Genève, le 14 août 2023, par négligence, causé la mort de I______, dans les circonstances de fait précédemment décrites, en violant ses devoirs de prudence, faits qualifiés d'homicide par négligence (ch. 1.1.2. de l’acte d’accusation).
Il est également reproché à A______ d’avoir, à Genève, le 14 août 2023, dans les circonstances de fait précédemment décrites, circulé au volant d'un véhicule automobile alors qu'il se trouvait en état d'ébriété qualifié au sens de l'art. 91 al. 2 let. a LCR (ch. 1.2. de l’acte d’accusation) et d'avoir commis des violations graves et fondamentales des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 2, 3 et 4 LCR (ch. 1.3. de l’acte d’accusation).
B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :
Constatations policières
a.a. Selon le rapport d’arrestation du 15 août 2023, A______, automobiliste en état d’ébriété qualifiée présumée, circulait sur la route 1______ en direction de la route 2______ le 14 août 2023. A la hauteur de la route 1______ no 2______, il a très fortement accéléré afin d’effectuer un dépassement téméraire de trois véhicules circulant les uns derrière les autres et conduits, respectivement, par K______, L______ et M______. Il a conclu son dépassement à la hauteur du no 3______ de la route 1______, avant un îlot séparant les deux voies de circulation. Il a ensuite continué sa route à haute vitesse sur la route 1______, passant sous le pont de l’autoroute A1. Arrivé au second îlot situé peu après, A______ a perdu la maîtrise de son véhicule en heurtant, avec la roue avant droite, le trottoir bordant la chaussée. Suite à ce heurt, il a continué sa route avec les deux roues côté droit sur la bande herbeuse. Quelques dizaines de mètres plus loin, alors qu’il avait entièrement rejoint la chaussée, il a heurté, avec l’avant de son véhicule, l’arrière du cycle de I______, qui circulait correctement sur la bande cyclable de la route 1______ en direction de la route 2______. A______ a ensuite parcouru quelques dizaines de mètres, avec le cycliste et son vélo sur le pare-brise, avant de mettre définitivement fin à sa course. Lorsqu’il s’est arrêté, I______ et le vélo sont tombés sur le côté droit de la chaussée. Suite au choc, I______ a été grièvement blessé et a été pris en charge par le personnel de la REGA. Sur les lieux de l’accident, A______ s’est prêté à un éthylotest ayant révélé un taux d’alcool dans l’air expiré 1.18 mg/l. La police n'a pas été en mesure de trouver une caméra ayant filmé les faits.
a.b. Un rapport technique a été établi le 18 août 2023 par le Groupe audio-visuel accident (ci-après : GAVA) afin d’apprécier la luminosité, l’ensoleillement et l’éblouissement de la route à l’heure où s’est déroulé l’accident. Le 17 août 2023, les policiers se sont rendus sur les lieux afin d'effectuer des photographies (depuis l’habitacle d’un véhicule et depuis l’extérieur), un film du parcours effectué par A______ depuis l'habitacle d'un véhicule, ainsi qu’un Time Lapse de la course du soleil depuis les lieux de l’accident.
En se fondant sur les informations recueillies, l'heure de survenance de l'accident a été fixée à 20h05 le 14 août 2023 2023. Sur la base de calculs de positions du soleil, il a été déterminé que les photographies, à la date du 17 août 2023, devaient être prises à 20h00. Lesdites photographies ainsi que les analyses effectuées ont permis de mettre en évidence que, le jour de l'accident, à 20h05, le soleil n’était pas dans l’alignement du champ de vision du conducteur dans le sens de marche des véhicules. La position du soleil pouvait avoir une incidence sur la visibilité du conducteur vers la gauche, mais l’éblouissement était fortement réduit par le montant du pare-brise gauche. La visibilité vers l’avant et la droite n’était pas réduite par le soleil, la luminosité générale était bonne et aucune réverbération lumineuse n’avait été constatée au niveau du revêtement bitumeux.
En conclusion, la position du soleil au moment de l’accident n’avait pas eu d’incidence directe sur la visibilité du conducteur vers l’avant ou tout du moins, une incidence limitée. Il fallait toutefois prendre en considération le fait que les photographies et reconstitutions avaient été effectuées d’après une position de conduite « normale » mais en recourant à une personne de la taille du prévenu. La position de conduite du prévenu, et notamment celle de sa tête, pouvait modifier légèrement les résultats des analyses. De même, l'utilisation du pare-soleil conducteur ou d'optiques solaires au moment des faits pouvait influencer les résultats, sans compter que la présence de nuages lors de l'événement modifiait également la luminosité.
a.c. Dans un rapport du 16 janvier 2024 établi par le GAVA figurent notamment des photographies de l'état du véhicule J______ après les faits. D'importants dégâts sont visibles sur le capot, le pare-brise, le toit, la partie avant et le flanc droit. La présence d'une trace de sang sur la portière avant droite permettait de confirmer que le cycliste avait été « transporté » suite au heurt avec la voiture. Par ailleurs, le positionnement à droite venait valider la cinétique et la zone dans laquelle la police avait placé le cycliste à l'arrêt lorsque la voiture s'était immobilisée, 31.50 mètres après le heurt. Les dégâts et déformations constatés sur le cycle étaient compatibles avec le choc entre la voiture et le cycle. Ils tendaient à confirmer l'importante cynétique de l'accident, à savoir un choc entre l'avant de la voiture et l'arrière du cycle, avant une projection sur le bord droit de la chaussée 31.50 mètres plus loin. Des traces de pneumatiques ainsi que des dégâts sur la bordure de la chaussée provenaient des roues avant et arrière du véhicule, étant précisé que les pneumatiques étaient crevés suite au choc avec la bordure de trottoir. Aucun élément technique de l'expertise des véhicules ne ressortait comme ayant aggravé les circonstances de l'accident.
a.d. Dans un rapport de renseignements du 28 avril 2024, la Brigade routière et accidents a indiqué que l’accident s’était produit sur une route sèche, plate et en ligne droite. La visibilité était normale, il faisait beau et jour. La vitesse maximale autorisée sur cette route, soit la route 1______, était de 60 km/h.
A l'arrivée de la police, I______ recevait les soins prodigués par N______, puis par le personnel de la REGA, tandis que A______ et les témoins K______, L______, M______ et O______, ainsi que P______, attendaient à proximité.
A______ circulait sur la route 1______ en direction de la route 2______. A la hauteur de la route 1______ no 2______, il avait très fortement accéléré afin d’effectuer un dépassement téméraire des voitures de M______, L______ et K______, concluant son dépassement à la hauteur du no 3______ de la route 1______, juste avant un îlot séparant les deux voies de circulation. Poursuivant sa route à haute vitesse, passant sous l’autoroute A1 et parvenu au second îlot, il n'était pas resté maître de son véhicule et avait heurté, avec la roue avant droite, le trottoir bordant la chaussée. Ensuite, il avait circulé avec les deux roues sur le côté droit sur la bande herbeuse, sur une distance approximative de 72.90 mètres. Puis, il avait regagné la chaussée avec l’entier de sa voiture et avait heurté, avec l’avant de son véhicule, la roue arrière du cycle de I______. Il avait encore parcouru environ 31.50 mètres avec I______ et le vélo de celui-ci sur son pare-brise, avant de mettre fin à sa course. Lorsqu'il s'était arrêté, I______ et son vélo étaient tombés sur le côté droit de la chaussée. Lors du choc, I______, qui n'était pas porteur d'un casque, avait été grièvement blessé. Pris en charge par la REGA, il était décédé des suites de ses blessures le ______ 2023 à 01h05 aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après: HUG).
Une analyse sommaire pratiquée sur le téléphone portable de A______ avait permis de constater qu'aucun appel ou message n'était intervenu à l'heure approximative de l'accident. L'enquête technique menée n'avait pas permis de déterminer la vitesse du véhicule de A______, que ce soit lors des dépassements ou lors du choc; il existait cependant des déclarations de divers témoins à ce sujet.
a.e. Dans un rapport du 3 juin 2024, la police a précisé que la distance mesurée séparant le point de choc contre la bordure et le choc approximatif avec le cycliste était de 76.80 mètres.
Séquestres
b. Le 15 août 2023, le vélo de I______ et le véhicule J______ immatriculé Q______/Pologne ont été séquestrés par le Ministère public, ce dont le Service cantonal de la fourrière des véhicules a été informé.
Expertises
c.a. L'Office cantonal des véhicules (ci-après: OCV) a réalisé une inspection technique des deux véhicules impliqués. A teneur des rapports du 16 août 2023, la voiture conduite par A______ et le cycle de I______ ne présentaient aucune défectuosité susceptible d’être à l’origine de l’accident. S'agissant de la voiture, il était relevé qu'elle avait subi un choc à l'avant, que le pare-chocs, le capot et le toit étaient déformés, que le pare-brise était cassé, que les jantes côté droit du véhicule étaient déformées et que le pneu avant droit avait éclaté.
c.b. A teneur du rapport d’expertise technique de la circulation du 20 août 2024 établi par R______, expert du DYNAMIC TEST CENTER (ci-après : DTC), la zone de collision plausible, basée sur les éléments objectifs à disposition, se situait environ 74.5 mètres après la fin de l'îlot et au centre de la bande cyclable, soit à environ 0.7 mètre du bord de la chaussée.
L'événement a été appréhendé en trois séquences. S'agissant de ce qui avait précédé la collision, l'expert a relevé que très peu d'indices étaient disponibles pour déterminer la vitesse de la J______, étant précisé qu'aucune trace de freinage n'était visible et que, hormis les traces de frottement contre la bordure en béton, aucune autre trace n'était visible. La vitesse de la voiture lors du choc contre la bordure en béton, avant de circuler partiellement dans la bande herbeuse, ne pouvait faire l'objet que de suppositions, puisque rien ne permettait de savoir si, sur cette distance d'environ 73 mètres, le conducteur avait circulé à vitesse constante, s'il avait freiné, en relâchant simplement la pédale d'accélérateur (frein moteur) ou en actionnant les freins de service, ou s'il avait au contraire accéléré. Dans le cas le moins favorable, correspondant à un freinage constant sur l'intégralité de la distance de 73 mètres - qui sépare les traces contre la bordure en béton de la zone de collision contre le cycliste - et impliquant la vitesse initiale la plus élevée, c'était une vitesse initiale comprise entre 124 km/h et 133 km/h qui serait obtenue. Ces valeurs étaient des maximas que la J______ n'avait en aucun cas dû dépasser. Dans l’hypothèse d’une décélération de 0.8 m/s2 avec le frein moteur tout au long de cette distance, la vitesse du véhicule serait de 80 km/h au moment de quitter la chaussée, pour une vitesse de collision contre le cycliste de 70 km/h. Dans le cas de la variante maximale, avec une vitesse de collision de 85 km/h, la vitesse à l'endroit du heurt contre la bordure serait de 93 km/h. Toutefois, n’importe quelle valeur comprise entre celle de collision contre le cycliste (entre 70 km/h et 85 km/h) et les maximas de 124 km/h à 133 km/h restait possible, voire même une valeur inférieure à celle de la collision contre le cycliste si la voiture avait accéléré après le choc contre la bordure, ce qui était toutefois moins plausible. S'agissant de la vitesse du cycliste avant la collision, en fonction de sa cadence de pédalage et du rapport engagé, les valeurs dégagées s'échelonnaient entre 17.4 km/h et 28.5 km/h, étant précisé que selon différentes études, pour un cycliste âgé entre 15 et 45 ans, on pouvait s'attendre à une vitesse comprise entre 20 km/h et 27 km/h, ce qui était parfaitement compatible avec les valeurs précédemment évoquées. Invité à mesurer précisément la distance parcourue entre le premier point de choc (contre la bordure en béton) et le deuxième point de choc (collision contre le cycliste), l'expert a estimé que la distance les séparant était d'environ 73.5 mètres au minimum, voire légèrement plus, mais de 75.5 mètres au maximum.
En ce qui concerne la phase de collision, les vitesses avaient été déterminées au moyen de simulations informatiques. Le but recherché était d'obtenir une position finale aussi réaliste que possible pour la J______ et le cycliste. Il devait être tenu compte du fait que le comportement du conducteur de la voiture n'était pas connu après la collision (début du freinage au moment du choc ou phase d'accélération ou encore début du freinage plus tard, au terme d'un certain temps de réaction). L'analyse de la collision avait mis en évidence une vitesse de collision, pour la voiture, entre 70 km/h et 85 km/h et, pour le cycliste, entre 20 km/h et 25 km/h. La vitesse obtenue pour la voiture permettait de considérer que le conducteur avait probablement freiné seulement après la collision et qu'il n'était pas en phase d'accélération.
Après la collision, la voiture avait parcouru une distance approximative de 39 mètres avant de s'immobiliser. En l'absence de la moindre trace de freinage visible sur la chaussée, on pouvait supposer que s'il y avait eu un freinage, il ne devait sans doute pas être maximal. La vitesse post-collision maximale de la voiture serait de 78 km/h. S'agissant du vélo, une distance de projection de 25 mètres (plus ou moins 2 mètres) a été considérée comme plausible. Partant du principe que, durant la phase de chute, la vitesse n'avait pas diminué, la vitesse post-collision pourrait être comprise entre 44 km/h et 66 km/h.
c.c. R______, entendu par le Ministère public le 18 octobre 2024, a déclaré qu'au vu de la déformation du véhicule, il favorisait l'hypothèse selon laquelle le cycliste avait été projeté en l'air. Il ne pensait pas que le cycliste avait été porté par le véhicule, contrairement aux conclusions de la police. Dans toutes les simulations faites, il n’avait pas réussi à établir un effet d’accrochage. Il serait étonnant que le cycliste soit resté sur le pare-brise et peu probable qu'il soit tombé sur le côté.
L'expert a confirmé qu'entre la zone de collision et la bordure, seules des hypothèses pouvaient être émises, faute de savoir si A______ avait accéléré, freiné ou était resté en vitesse constante. Au moment de percuter la bordure, la voiture ne roulait pas plus vite que la fourchette entre 124 km/h et 133 km/h. Interrogé sur le caractère inéluctable de la perte de maîtrise au vu de cette vitesse de collision contre la bordure et du taux d’ébriété qualifié de A______, il a expliqué qu'il s'agissait d'un maximum, qu'à cette vitesse-là, il y avait un fort risque de perte de maîtrise, qu'il y en avait même à une vitesse inférieure et que c'était la rapidité du conducteur à braquer ou à tourner son volant qui faisait qu’il était venu percuter la bordure. Il était possible que le conducteur ait eu des difficultés à négocier la chicane du premier îlot à haute vitesse et que le véhicule ait ensuite été déstabilisé à l’approche du deuxième îlot. Cela étant, on ignorait ce que A______ avait fait sur cette distance.
En rapport avec le caractère inévitable ou non du choc avec le cycliste, l'expert a rappelé qu'il y avait une distance de plus de 70 mètres entre le choc avec la bordure et le choc avec le cycliste et qu'à une vitesse normale, on pouvait partir du principe qu'un conducteur arrivait à s'immobiliser sur cette distance. Par exemple, à 60 km/h, cela était possible, même avec une partie du véhicule roulant sur l'herbe ou en ayant un temps de réaction allongé par l'alcoolémie. En revanche, à une vitesse de 120 km/h, la quasi-moitié de la distance servait à réagir et une immobilisation sur 35 mètres était ensuite impossible. A la question de savoir quelle était la vitesse au-dessus de laquelle il était impossible pour un automobiliste de s'arrêter sur 73 mètres, l'expert a proposé de répondre au moyen d'un complément d'expertise.
En rapport avec une éventuelle mesure d'évitement qui aurait pu être prise par A______, l'expert a mentionné qu'il aurait pu sortir de la bande herbeuse avant l’endroit où il l’avait fait, mais cela était une question de réaction et de perception du cycliste. Il fallait en effet voir le cycliste, sachant que « sans perception, il n'y a pas de réaction ». La perception du cycliste était venue trop tard. Normalement, le temps de réaction moyen était d’une seconde. À partir de 0.5 ‰ d’alcoolémie, le temps de réaction était augmenté de 50 %, donc le temps de réaction s’élevait à 1.5 secondes. Il restait 0.7 seconde pour percevoir le cycliste et réagir, ce qui était trop court pour éviter la collision. Il n’existait pas d’études concernant le temps de réaction pour un taux d’alcoolémie de 2 ‰ et pas non plus pour le fait de savoir si le temps de réaction était linéaire, exponentiel ou sans évolution s'agissant d'un taux d’alcoolémie supérieur à 0.5 ‰.
L'absence de constatation de traces de freinage sur la chaussée par la police pouvait s'expliquer par le caractère insuffisamment visible des traces. Même en sachant qu'un véhicule avait effectué un freinage d'urgence, on pouvait ne pas voir de traces. Il était ainsi possible que la police n'en n'ait pas vu, mais il n'y en avait pas obligatoirement.
A la question de savoir si le fait que des témoins avaient déclaré ne pas avoir vu les feux de freinage ne rendait pas l’hypothèse des maximas (124 km/h et 133 km/h) peu probable, l'expert a répondu que cela était tout à fait possible. Selon l’hypothèse où A______ aurait uniquement freiné avec le frein moteur, soit le fait de lever le pied de l’accélérateur et laisser aller le véhicule, la vitesse lors du heurt contre la bordure aurait été comprise entre 80 km/h et 93 km/h. En tenant compte du fait que les témoins n’avaient pas vu de feux rouges à l’arrière du véhicule, le domaine de 80 km/h à 93 km/h serait le plus plausible dans l’hypothèse d’une décélération du frein moteur. S'agissant de la vitesse de collision contre le cycliste (entre 70 km/h et 85 km/h), elle avait été déterminée purement au niveau des énergies de déformation et de la projection du cycliste.
c.d. Le complément d’expertise technique du 24 octobre 2024 a établi, en abordant plusieurs variantes, la vitesse maximale à laquelle A______ aurait dû circuler lors du heurt contre la bordure pour pouvoir éviter une collision avec le cycliste. Dans l’hypothèse où le conducteur n’aurait eu aucune réaction, hormis un relâchement de la pédale d’accélérateur consécutivement au choc contre la bordure, la vitesse du véhicule n’aurait pas dû dépasser 44 km/h pour atteindre une vitesse de 20 km/h à la hauteur de la zone de collision contre le cycliste. De cette manière, en arrivant derrière le cycliste à la même vitesse que ce dernier, le conducteur aurait évité la collision.
Si au contraire, une réaction du conducteur était survenue suite au choc contre la bordure, au terme d’un temps de réaction de 1.5 secondes (en raison de l’alcoolémie), suivi d’un freinage, selon diverses valeurs de décélération, la vitesse aurait dû se situer entre 42 km/h et 79 km/h pour pouvoir éviter en tous les cas une collision avec un cycliste circulant à la vitesse de 20 km/h, étant précisé que tant le temps de réaction que le moment de survenance de la réaction et le début du freinage pouvaient avoir une influence sur les valeurs précitées. En conséquence, pour toute vitesse supérieure à 80 km/h, même en cas de réaction et de freinage maximal, il n'aurait pas été possible d'éviter la collision avec le cycliste, respectivement la vitesse de la voiture n'aurait pas pu être abaissée suffisamment pour éviter un choc.
S’agissant d’un évitement purement spatial, soit un arrêt juste avant la zone de collision, celui-ci aurait été largement possible en circulant à 60 km/h, en considérant un temps de réaction de 1.5 secondes et une décélération de 6 m/s2, puisque la distance d'arrêt aurait été de 49.8 mètres. Même avec un temps de réaction de 2 secondes et une décélération de freinage plus faible (4 m/s2), un arrêt était possible sur 69.7 mètres, soit toujours moins que les 73 mètres à disposition.
S’agissant de la vitesse à laquelle il était possible de négocier la chicane se trouvant au niveau du 2ème îlot, la vitesse de passage théorique serait d’environ 102 km/h. En effet, il était possible de circuler pratiquement en ligne droite et aucune action sur le volant n’était dès lors nécessaire. La vitesse seule ne permettait toutefois pas d’expliquer le choc contre la bordure droite de la chaussée, dès lors qu'il était possible de négocier cette chicane à haute vitesse.
En lien avec la distance entre le bord de la chaussée et le passage de la voiture dans la bande herbeuse, il a été relevé que, sur certaines photographies prises par la police, une zone plus sombre était visible dans l’herbe, correspondant probablement à l’endroit où les roues avant droites de la J______ avaient circulé. Le véhicule avait empiété d’environ 60 cm dans la bande herbeuse.
Enfin, l’expert a conclu en confirmant qu'en l'absence de réaction du conducteur et en considérant uniquement un ralentissement dû au frein moteur, la vitesse du véhicule au moment de la collision contre la bordure, que l’on pouvait considérer comme hautement plausible, se situait entre 80 km/h et 93 km/h.
Considérations médicales et toxicologiques concernant A______
d.a. A teneur du rapport médical établi le 14 août 2023, A______ a été examiné le jour en question dès 21h50. Le médecin l'ayant ausculté a, entre autres, noté qu'il n'avait pas des mouvements normaux des yeux, qu'il avait les conjonctives injectées, qu'il avait une attitude fatiguée, qu'il était d'humeur triste, qu'il ne présentait pas d'amnésie quant à l'événement, que sa coopération était bonne et que, selon une appréciation globale, l'influence était d'un niveau léger.
d.b. Dans le document intitulé « prélèvement de sang / récolte des urines » établi le 14 août 2023 sont rapportés le résultat du contrôle de l'alcool dans l'air expiré au moyen d'un éthylotest effectué sur A______, soit 1.18 mg/l à 20h30, mais aussi les déclarations de l'intéressé en rapport avec son comportement avant et après l'événement. Selon lesdites déclarations, il avait consommé trois verres de vin et six bières, avec un début d'ingestion le 14 août 2023 vers midi et une fin de consommation le 14 août 2023 vers 15h00. Il n'avait pas bu d'alcool après les faits. Il n'avait pris ni médicaments ni stupéfiants. Sa dernière prise alimentaire remontait au 14 août 2023 à midi.
d.c. Le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale (ci-après: CURML) a déterminé, le 22 août 2023, que la concentration d'éthanol dans le sang de A______, au moment critique, se situait entre 2.24 et 2.88 g/kg. Dans son rapport du 14 septembre 2023, le CURML a confirmé que le calcul en retour montrait une telle concentration. Au vu des déclarations ultérieures de A______ au sujet de sa consommation d'alcool, le CURML a rendu un nouveau rapport d'analyse le 11 décembre 2023, dont il ressort que, d'après le calcul en retour effectué, la concentration d'éthanol dans le sang de A______, au moment de l'événement, était comprise entre 2.08 g/kg et 2.88 g/kg. Aucune autre substance ayant pu altérer la conduite de A______ n’avait été détectée.
Considérations médicales et toxicologiques concernant I______
e.a. A teneur du rapport d'expertise toxicologique du 13 septembre 2023, I______ présentait, dans son sang, diverses substances utilisées lors d'interventions médicales. Par ailleurs, les analyses n'avaient pas révélé la présence d’éthanol.
e.b. Le rapport préliminaire d’autopsie du 17 août 2023 ainsi que le rapport d’autopsie du 2 avril 2024, tous deux établis par le Dr S______ et la Dre T______, ont mis en évidence les nombreuses lésions dont avait souffert I______ des suites de l’accident, soit en particulier un traumatisme crânio-cérébral sévère, prédominant à gauche, avec notamment des plaies contuses au niveau du visage, des ecchymoses et des dermabrasions / plaques parcheminées au niveau du cuir chevelu et du visage, des fractures plurifragmentaires de la calotte crânienne, de la base du crâne et du massif facial, un œdème cérébral diffus et des saignements intrcrâniens aigus. La cause de son décès, survenu le ______ 2023 à 01h05, était un traumatisme crânio-cérébral sévère. Les lésions traumatiques constatées étaient compatibles avec la conséquence d'un accident de la circulation survenu le 14 août 2023, au cours duquel il aurait été percuté par une voiture de tourisme, par l'arrière, à haute cinétique, tel que proposé par la police. Le tableau lésionnel évoquait un impact prédominant sur le côté gauche du corps.
Déclaration des témoins
M______
f.a. Entendu par la police directement après les faits, M______ a déclaré qu’il circulait sur la route 1______, en direction du village du même nom. A la hauteur approximative du [centre sportif] U______, une J______ aux plaques polonaises s’était engagée devant lui. Il ne pouvait pas dire avec certitude de quel axe elle venait, mais il était presque sûr que c'était de sa gauche. Vu que le conducteur de cette voiture roulait très lentement, peut-être à 30 km/h, il l’avait dépassé. Pendant son dépassement, le conducteur avait commencé à accélérer, obligeant M______ à augmenter sa vitesse pour terminer sa manœuvre et se rabattre devant lui. A ce moment, M______ pensait circuler à 60 ou 70 km/h. En regardant dans le rétroviseur, il avait constaté que le conducteur était en train de rire. Rapidement, ce dernier avait commencé à dépasser M______ à la hauteur approximative de la route 1______ no 2______. Il n’avait pas la place pour se rabattre devant M______, car deux véhicules circulaient devant lui, de sorte qu'il avait continué son accélération pour dépasser ces deux autres véhicules. Au vu de la distance les séparant, M______ ne l’avait pas vu se rabattre, mais il pensait qu'il s’était rabattu à la hauteur de l’îlot central avant le pont de l’autoroute. A la hauteur du pont de l’autoroute, les véhicules le précédant avaient ralenti. Il avait vu ensuite un véhicule arriver en face et s’arrêter. La conductrice s’était précipitée vers une personne au sol. Le conducteur fautif était sorti de son véhicule et s’était rendu vers la victime, mais une dame lui portait déjà secours. Il semblait fortement alcoolisé.
f.b. Entendu par-devant le Ministère public le 25 septembre 2023, M______ a confirmé ses précédentes déclarations. En provenance de la gauche, une voiture s'était engagée sur la route 1______ et s'était placée devant lui. Cette voiture roulait doucement, soit à environ 45 km/h. Confronté au fait que devant la police, il avait évoqué une vitesse de 30 km/h, M______ a précisé que le conducteur en cause roulait suffisamment lentement pour que lui-même entame un dépassement à 60 km/h, sans avoir besoin d'accélérer, mais en se déportant sur la gauche, en maintenant sa vitesse. Alors qu'il était arrivé à la hauteur de ce conducteur, celui-ci avait accéléré. M______ avait réussi à le dépasser, mais avait dû accélérer, montant jusqu'à 70 ou 75 km/h. Dans le cadre de cette manœuvre de dépassement, une fois parvenu à la hauteur de ce conducteur, M______ l'avait vu « avoir la tête dans le guidon et rigoler », sans qu'il n'y ait d'échange de regards. Lorsque M______ s’était rabattu devant le conducteur, celui-ci l’avait dépassé instantanément, mais ne s'était pas placé devant M______, malgré la place disponible, était resté tout le long sur la voie de gauche, était arrivé au niveau des deux autres véhicules à une vitesse estimée par M______ à 90 km/h, puis les avait dépassés. Si le conducteur voulait dépasser les deux autres véhicules avant le premier îlot, il n’avait pas d’autre choix que d’accélérer. M______ ne pensait pas que le conducteur aurait eu le temps de se rabattre avant le premier îlot, mais qu’il allait plutôt prendre les deux îlots à contre-sens. Il n’avait ni entendu de bruit de freinage ni vu les lumières de freinage. Le véhicule qui le précédait avait beaucoup ralenti avant de s'arrêter complètement. M______ était sorti de son véhicule et, voyant une femme affolée qui criait d'appeler les pompiers, il avait réalisé que quelqu'un s'était « fait shooter ». Il avait vu le conducteur qui essayait d’aider, mais la dame, qui était infirmière, avait besoin de place. Pour sa part, il avait essayé d’écarter le conducteur, mais il n’y était pas très bien arrivé au vu de la différence de poids et de taille ainsi que du fait que l'intéressé avait consommé de l’alcool. Le conducteur était ensuite allé vers sa voiture pour prendre une trousse de secours qu’il avait posée sur la victime ou plus justement en avait vidé le contenu sur la victime. M______ avait remarqué que le conducteur était alcoolisé, car il l’avait senti. Cela était visible à sa manière de marcher et de regarder. Il n’avait pas exprimé de regrets. Il avait dit quelque chose, mais M______ n’avait pas compris puisque cet homme ne parlait pas bien le français.
L______
f.c. Entendue par la police directement après les faits, L______ a déclaré qu’elle circulait sur la route 1______ en direction de la France à une vitesse d’environ 60 km/h. Avant le pont de l’autoroute, alors qu'elle se trouvait en seconde position dans la file de véhicules, une voiture était arrivée « à fond » sur sa gauche. Elle ne savait pas si ce véhicule se trouvait directement derrière elle, puis l’avait contournée, ou s’il circulait déjà sur la voie en sens inverse. Il était arrivé tellement vite qu’elle ne savait pas d’où il était sorti. Au moment où le conducteur était passé à côté d’elle, elle avait klaxonné plusieurs fois pour l’alerter, en se disant qu'il était fou et qu'il allait tuer quelqu'un. Avant le premier îlot central, il s’était rabattu devant le véhicule qui se trouvait devant elle. Suite au rabattement, elle avait vu la voiture continuer, puis faire un sursaut à la hauteur du second îlot situé après le pont. Il y avait clairement une perte de contrôle du conducteur. Après coup, elle avait compris qu’il avait percuté quelqu’un. Elle n’avait pas vu le moment de la collision. Après l’accident, elle avait remarqué que le conducteur était « bourré » et qu’il voulait bouger le blessé. Malgré les multiples demandes, le conducteur ne voulait pas se déplacer.
f.d. Lors du dépassement de la voiture aux plaques polonaises, L______ était en train d'enregistrer un message vocal WhatsApp qu’elle a versé à la procédure et dont la teneur est la suivante: « (…) Tu vois il fait 30 degrés là. C’est 20h00, il fait 30 degrés [coup de klaxon]. Il y a un taré qui vient de passer. Il veut tuer des gens lui. Il veut clairement tuer des gens. Mais qu’il se fracasse. Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu… ».
f.e. Entendue par-devant le Ministère public le 25 septembre 2023, L______ a réitéré ses précédentes déclarations. Sur la route 1______, une voiture se trouvait devant elle et il lui semblait qu'il y avait une voiture derrière elle, mais assez loin. Elle pensait avoir été dépassée avant le pont, au niveau d'une maison située sur la gauche, avant le premier îlot. Le conducteur qui l'avait dépassée avait manifestement eu le temps de dépasser également la voiture qui la précédait, avant le premier îlot. Lors de cette manœuvre de dépassement, il circulait sur la voie opposée. Elle l'avait vu dans son rétroviseur lorsqu'elle avait entendu le bruit de la vitesse de la voiture, étant précisé que « ça allait hyper vite ». Ce bruit la traumatisait encore à l'heure actuelle. Elle avait eu la peur de sa vie et avait eu « une sensation d’un boulet de canon qui allait fracasser ». Elle avait senti que cela allait se finir mal, pensant initialement qu’il allait se fracasser tout seul, car elle n’avait pas vu le cycliste circulant sur la piste cyclable. Le conducteur s'était rabattu devant le véhicule se trouvant devant elle. Elle ignorait s'il aurait eu de la place pour se rabattre entre sa voiture à elle et celle qui la précédait. Derrière elle, c'était possible. Du fait de sa vitesse, qu'elle estimait en tout cas à 100 km/h et du rétrécissement des voies, le conducteur était parti légèrement en zigzag. C'était des zigzags serrés, comme des à-coups. Il avait alors peut-être tapé quelque chose, possiblement le trottoir. Elle avait vu de la poussière sur l’avant du véhicule de l'automobiliste. Elle n’avait pas vu les feux de freinage s’allumer. Elle ne l'avait ni entendu ni vu freiner. Il avait dû rouler dans la bande herbeuse. A cet endroit, il y avait un pylône et elle pensait qu’il allait foncer droit dedans. Lorsqu’elle s’était approchée de l’accident, elle avait vu le visage du jeune garçon qu’elle connaissait très bien, puisqu'il avait été son voisin et qu'elle l'avait vu grandir. Le conducteur était en train de secouer I______, en ce sens qu'il était accroupi sur son corps, le tenait de ses deux mains et le secouait. Il voulait le changer de position. Il ne les laissait pas vraiment intervenir et faire les premiers soins. A un moment donné, la dame effectuant les premiers soins avait besoin d’un t-shirt. Le conducteur était allé prendre quelque chose dans son coffre, soit une boîte de premiers secours, dont il avait renversé le contenu au niveau des jambes de I______. Il s’était ensuite rassis contre sa voiture. Elle avait compris que l'intéressé était bourré, car il avait le visage rouge et ne comprenait pas les signes qu’elle lui faisait, comme quand elle lui avait indiqué de venir vers elle. Il continuait à marmonner. Les sons qu’il faisait étaient incompréhensibles.
K______
f.g. Entendu par la police directement après les faits, K______ a indiqué que, vers 20h00, il circulait au volant de sa voiture, à une vitesse approximative de 55 km/h, sur la route 1______ en direction de la France. Deux voitures se trouvaient derrière lui. Arrivé à la hauteur du no 3______ de la route 1______, il avait été dépassé par un véhicule aux plaques polonaises qui circulait à toute vitesse, soit à plus de 100 km/h selon son évaluation, dans le même sens de marche. Lorsque ce véhicule était arrivé à la hauteur de la première abeille, avant la hauteur avec l’autoroute, il avait perdu le contrôle de son automobile, mais avait réussi à se reprendre. Cependant, il avait à nouveau perdu le contrôle de son véhicule lorsqu’il était arrivé à la deuxième abeille, après la hauteur avec l’autoroute. De ce fait, la roue avant droite de son automobile avait tapé dans le trottoir. K______ avait alors vu des débris de provenance inconnue voler au-dessus du véhicule. Le conducteur s’était arrêté seulement à environ 100 à 150 mètres plus loin. Pour sa part, K______ n’avait pas vu le véhicule du conducteur freiner après le heurt. K______ s’était arrêté derrière le véhicule fautif. Un jeune homme au sol et son vélo se trouvaient quelques mètres plus loin. Le conducteur fautif était immédiatement allé vers la victime, mais une infirmière présente sur place lui avait demandé de s’éloigner.
f.h. Entendu par-devant le Ministère public le 25 septembre 2023, K______ a confirmé ses précédentes déclarations. Sur la route 1______, il n’y avait pas de véhicule devant lui, mais un véhicule était derrière lui, à environ deux ou trois mètres, lorsqu’ils avaient été dépassés par le conducteur en cause. Lors du dépassement, il avait entendu de la musique forte ainsi que le moteur qui faisait du bruit, car il avait dû grimper dans les tours. L'attention de K______ avait été attirée par ce véhicule qui le dépassait par la gauche. Le conducteur en cause avait eu le temps de se rabattre de manière optimale devant K______, sans lui couper la route, étant précisé que K______ ne l'avait vu ni freiner ni décélérer. C’était à environ 50 ou 60 mètres avant le premier îlot. A propos de la conduite de cet automobiliste, il s’était néanmoins dit « quel connard ! » puisque l’îlot arrivait et que cela était très dangereux. Ayant fait beaucoup de sport mécanique, il avait estimé la vitesse du conducteur aux alentours de 100 km/h, étant précisé qu'il était vraiment passé très rapidement à côté de lui. Au niveau du premier îlot, le conducteur avait chassé de l’arrière, car il roulait trop vite. Il avait réussi à se remettre droit après le premier îlot. Au niveau du deuxième îlot, il avait à nouveau chassé de l’arrière. Toutefois, cette fois-ci, il avait tapé, avec l’avant de son véhicule, le trottoir à droite. K______ avait vu des éclats immédiatement après le choc contre le trottoir. A ce moment-là, il n'avait pas vu le cycliste et se trouvait encore à la hauteur du premier îlot. Suite à l’impact, il n'avait pas entendu ou vu freiner le conducteur. Celui-ci n'avait pas effectué un freinage brusque ou d’urgence et s'était arrêté bien plus loin, considérant qu'il avait dû freiner progressivement. Après être sorti de son véhicule, K______ s’était rendu vers le cycliste. Le conducteur était déjà là et regardait le cycliste, en position accroupie. La passagère du véhicule d’en face, qui était infirmière, avait tout de suite fait le bilan. Ils avaient dit au conducteur de s’écarter, mais il ne l’avait pas fait la première fois. Il était dans un état second, répétant le mot « Kourva », soit possiblement « putain » en français. Il n’avait pas exprimé des regrets ou de la tristesse pour la victime. K______ avait remarqué qu’il présentait des signes extérieurs d’ébriété à sa manière de s’asseoir, de bouger et de réagir. Lorsque l’infirmière avait demandé si quelqu’un avait un tissu ou un mouchoir pour stopper l’hémorragie, l'intéressé était allé chercher une trousse de secours qu’il avait jetée au sol, le contenu de celle-ci s’étant retrouvé par terre. Rien n'était utilisable. Les premiers secours avaient été prodigués et les pompiers avaient été appelés. Plusieurs massages cardiaques avaient été pratiqués jusqu'à leur arrivée. La victime était gémissante et inconsciente.
O______
f.i. Entendu par la police directement après les faits, O______ a déclaré qu’il circulait sur la route 1______ en direction de [commune] V______. Son épouse se trouvait sur le siège passager à l’avant. Il avait aperçu un cycliste sans casque qui circulait dans les limites de la bande cyclable en direction de [commune] W______. Alors qu’il était à environ 80 mètres de la sortie du giratoire, il avait aperçu une voiture qui arrivait en face de lui. Au même moment, sa femme avait exprimé sa surprise en voyant ce véhicule que l’on pouvait qualifier de « voiture folle ». En effet, il avait été frappé par le comportement de ce véhicule, qui était en perdition, qui tanguait et heurtait les bordures. Selon son sens de progression, ledit véhicule avait heurté tout d’abord la bordure du côté gauche (centre de la chaussée), puis le côté droit, avant de se remettre sur la route, d'heurter la bordure gauche, puis de reprendre une trajectoire orientée sur la droite de la chaussée ainsi que de la vitesse. O______ avait en tête un mouvement de « rouleau compresseur ». Le conducteur arrivait « à fond », peut-être entre 70 et 80 km/h. L’avant du véhicule avait percuté de plein fouet l’arrière du vélo. Le jeune homme avait adopté une position fœtale contre le capot, puis contre le pare-brise en effectuant une sorte de rebond, étant précisé que lors de cette phase, O______ se trouvait quasiment à la hauteur du véhicule. Immédiatement après le choc, il s’était arrêté et avait rejoint la voiture accidentée et le jeune homme, dont il avait vu en premier lieu la tête ensanglantée. L’automobiliste fautif était accroupi près du jeune homme qui était immobile sur le flanc droit. Il avait pris sa tête dans ses mains et la manipulait, ainsi que son corps. Il l'avait soulevé et lui avait parlé avant de le reposer. L'épouse de O______ et une autre dame s’étaient occupées de prodiguer les premiers soins avant l’arrivée des secours. Avec l'aide d'autres personnes, O______ avait tenu le conducteur à l'écart de la victime. Celui-ci était ensuite allé chercher une trousse de secours dans sa voiture et l’avait jetée sur le jeune homme. Il n’avait pas manifesté de gestes de violence. Suite à l’accident, O______ s’était soucié de la sécurité des personnes sur place vis-à-vis de l’automobiliste fautif, ayant constaté que celui-ci semblait éméché et qu’il avait des attitudes étranges. S’agissant du comportement routier du cycliste, rien ne l’avait interpellé dans sa manière de rouler. Le cycliste n’avait rien dans les mains. Il circulait normalement sur la bande cyclable, à une vitesse réduite évaluée à environ 15 km/h.
f.j. Entendu par-devant le Ministère public le 25 septembre 2023, O______ a confirmé ses précédentes déclarations. Il avait vu le véhicule du conducteur en cause arriver sur sa voie [celle de O______] et se rabattre sur la bonne voie, juste avant l'îlot. La voiture n’était pas maîtrisée et ce qui était impressionnant, c'était sa vitesse à la sortie de la chicane, marquée par une accélération. O______ avait vu que ça poussait, « comme un rouleau compresseur ». Le son de l'accélération lui était d'ailleurs revenu deux jours après l'accident. Ce véhicule avait tangué à droite, puis à gauche, puis à nouveau à droite et tout droit. Il était sur la piste cyclable. Avec sa femme, ils s’étaient dits : « Purée, regarde ce fou ». La distance qui séparait l'automobiliste du vélo était courte et simultanément, le choc avait eu lieu. O______ n'avait pas eu le temps de voir si le cycliste s'était retourné pour regarder derrière lui, étant précisé qu'il avait juste eu le temps de comprendre que le véhicule fonçait tout droit sur le vélo. Après le choc, il n’avait pas entendu le conducteur piler sur ses freins. O______ avait assisté à la collision et vu le cycliste basculer en arrière, dans une position de fœtus, touchant le capot, puis le pare-brise. Il avait vu le conducteur sortir de sa voiture, aller en direction du cycliste, puis prendre celui-ci dans les bras et le secouer en lui parlant, comme pour le réveiller. Il lui disait « allez… ». L'épouse de O______ avait ensuite prodigué les premiers soins. Au tout début, le conducteur revendiquait que les gens ne savaient pas soigner la victime, disant « ce n'est pas comme ça ». Il avait été chercher sa trousse de secours dans son coffre, l’avait ouverte, avait vidé une partie de son contenu, puis l’avait jetée sur le corps de la victime. A ce moment, O______ s’était dit qu'il devait se calmer et lui avait demandé de se mettre sur le côté. Il avait tout de suite remarqué que l'intéressé avait bu, au vu de ses gestes et de sa parole, « ça sautait aux yeux ». Le conducteur n'avait pas exprimé de regrets ou de la tristesse pour la victime.
N______
f.k. Entendue par la police directement après les faits, N______ a déclaré revenir de W______ avec son époux qui conduisait leur voiture. Alors qu’ils avaient effectué 60 mètres sur la route 1______ depuis la route 2______, elle avait remarqué qu’une voiture, qui venait face à eux, zigzaguait comme si elle voulait chauffer ses pneus « à la manière d’une Formule 1 ou d’une autre voiture de course ». Sa première réaction avait été de se dire que le conducteur était fou. Après avoir fait des zigzags, la voiture avait ses roues droites sur la bordure du champ. Le conducteur faisait toujours des espèces de zigzags en mordant la bande herbeuse et en revenant sur la route. Malgré le fait qu’il avait ses roues dans l’herbe, elle n’avait pas eu l’impression qu'il avait freiné. A la vision d'un vélo qui circulait sur la bande cyclable en direction de la route 2______, elle avait su ce qui allait se passer et que cela serait inévitable. La voiture folle avait heurté le cycliste par l’arrière. Par la suite, le cycliste avait volé en l’air et rebondi sur le toit. Pour elle, le véhicule roulait entre 80 et 90 km/h. Elle avait distinctement entendu le choc, la fenêtre de la voiture étant certainement ouverte, mais elle n’avait pas entendu de coup de frein ou de crissement de pneus. Le moteur vrombissait fort. Pour elle, le conducteur avait toujours le pied sur l’accélérateur au moment du choc. Son mari s’était arrêté et ils étaient sortis. Infirmière de profession, elle avait travaillé aux soins intensifs des HUG et pour MEDECINS SANS FRONTIERES. En s’approchant de la voiture accidentée, elle avait constaté que l’automobiliste fautif essayait de manipuler I______, mais de la mauvaise manière. Il avait même pris la tête de la victime dans ses bras et lui parlait. A cet instant, elle avait su qu’il fallait qu’il se pousse. Elle avait tout de suite remarqué que le conducteur était fortement aviné. En effet, il était extrêmement rouge au niveau du visage et n’était pas du tout coordonné. Il avait de la peine à se saisir d’objet et à avoir une élocution claire. Elle avait ensuite pu faire le bilan de I______ et lui prodiguer un massage cardiaque avant qu’il soit héliporté par les secours. Tout au long de l’intervention, le conducteur était envahissant, leur expliquait quoi faire et les empêchait de prodiguer les soins nécessaires.
f.l. Entendue par-devant le Ministère public le 25 septembre 2023, N______ a confirmé ses précédentes déclarations. Elle a ajouté que ce qui avait attiré son attention, c'était le mouvement en zigzag du conducteur. Celui-ci n’avait pas adopté une conduite naturelle, c’était anormal dans la vitesse et dans la trajectoire qui n’était pas rectiligne. Il y avait des à-coups à gauche et à droite. Selon elle, se fiant au bruit du moteur et à l'accélération, la vitesse était trop rapide. Elle avait entendu tout le long un moteur qui accélérait, puis le bruit de l'impact et du corps. Elle avait vu un membre du cycliste dépasser le toit de la voiture, puis retomber. Aucun freinage n'avait été entendu. Arrivée auprès du cycliste, elle avait vu « une personne accrochée à lui », qui le secouait par les épaules, lui parlait et lui disait « réveille-toi ». Il s’était ensuite écarté lorsqu’elle lui avait signifié de la laisser faire, mais il lui disait « ce n’est pas comme ça, ce n’est pas comme ça ». Il présentait des signes extérieurs d’ébriété. Son élocution était entravée et ses yeux vitreux. Il n’était pas debout, alerte, mais avachi. Plus tard, il était venu jeter une boîte sur les jambes de I______. En exprimant son désaccord, en faisant des commentaires, en intervenant et en jetant sa boîte, il ne lui avait pas facilité la tâche. Depuis l’accident, elle était en arrêt de travail et était suivie pour un choc post-traumatique, étant précisé qu'elle avait travaillé pour MEDECINS SANS FRONTIERES en zone de guerre. Ce qui l’avait choquée dans cet accident, c’était la violence du choc, la vitesse et le côté inexorable dû à l’absence de coup de frein. La voiture était « lancée comme une balle de fusil » et rien ne pouvait l’arrêter. Elle avait assisté à quelque chose d’inexorable. En effet, elle avait entendu l’accélération et le choc dans la continuité. Elle n’avait pas entendu une accélération, un freinage et un choc, comme si la personne avait voulu l’éviter.
Déclarations de personnes de l'entourage de A______
P______
g.a. Entendu par la police le 31 août 2023, P______ a indiqué que A______ travaillait à W______ depuis environ vingt ans dans le domaine de l’agriculture, donnant des coups de main à de nombreux agriculteurs de la région. P______ le connaissait peu. Vers la fin du mois de mai 2023, un ami agriculteur lui avait proposé les services de A______ parce qu’il n’avait pas assez de travail pour lui. Depuis le mois de juin, il l’avait pris à l’essai lorsqu’il était disponible. Durant ses jours d’essai, A______ lui avait un peu raconté sa vie, notamment le fait qu’il habitait actuellement chez sa sœur à V______, qu’il avait travaillé à LL______ [NE] l’année passée et qu’il cherchait une chambre afin de ne pas embêter sa sœur.
Le matin du 14 août 2023, A______ avait travaillé chez P______, mais ce dernier ne l'avait pas vu et pas non plus dans la journée. A______ était allé débarrasser des meubles avec un ami de P______. A 19h52, A______ l’avait appelé. Etant donné la mauvaise qualité du réseau, P______ n’avait pas compris ce qu’il voulait, mais il savait qu’ils allaient se voir le lendemain. Il ne se rappelait pas exactement la teneur de la conversation, mais au vu de l’heure, il ne lui avait pas demandé de venir. Du peu qu’il avait compris, A______ ne lui avait pas semblé bizarre. Il n’avait jamais vu A______ ivre ou conduire en état d’ébriété. Celui-ci consommait uniquement de l’eau durant les heures de travail.
g.b. Entendu par-devant le Ministère public le 7 novembre 2023, P______ a indiqué qu’il avait pris A______ à l'essai dans le courant du mois de juin 2023, afin qu'il s'occupe des chevaux une heure le matin ainsi que de l’entretien des alentours de la ferme, si X______ n'avait pas de tâches à lui confier. A______ avait ainsi travaillé pour P______ de courant juin 2023 à mi-août 2023. A la fin du mois de juillet 2023, P______ avait souhaité l’engager, car il lui donnait satisfaction. Il n'avait toutefois pas eu le temps de procéder à cet engagement au vu des démarches à effectuer, notamment des discussions avec X______, qui était prioritaire s'agissant de l'emploi du temps de A______. En fait, c'était dans le courant du mois de juillet 2023 qu'avait germé, chez P______, l'idée d'engager et d'héberger A______. Il lui en avait parlé, en lui disant qu'il comptait l'engager et qu'il avait une chambre à disposition pour lui, ce qui correspondait à son souhait. Avec X______, ils avaient discuté du fait que A______ travaillerait dans leurs deux fermes.
Le 14 août 2023, A______ était venu s'occuper des chevaux le matin et avait donné un coup de main à Y______, un ami, en vue de déménager et trier des meubles. Ce jour-là, à 10h00, P______ avait appelé A______, qui n'avait manifestement pas répondu, puis à 11h13, c'était A______ qui lui avait téléphoné. Le soir, alors que P______ était sur son tracteur en train de faucher du foin, A______ l'avait appelé. Le réseau était très mauvais et il y avait le bruit du tracteur. P______ ne comprenait rien, ce qu'il avait dit à A______, sans compter qu’il fallait également prendre en considération que le français n’était pas la langue maternelle de A______. Il ne se souvenait pas s’il lui avait dit autre chose. Ils se voyaient de toute façon le lendemain. Selon P______, cet appel avait un lien avec les meubles que A______ avait déménagés dans la journée. En effet, vu qu’il devait l’engager et lui mettre une chambre à disposition, il avait supposé qu’il l’appelait pour le tenir informé du déménagement et lui demander où cela en était avec la chambre pour qu’il vienne y déposer les meubles. Il s'agissait de suppositions, car il n’avait pas compris ce que lui disait A______ au téléphone, étant précisé que c'était bien celui-ci qui l'avait appelé. Il n'était pas correct qu'il avait lui-même appelé A______ pour lui proposer un travail et lui demander de venir le voir. Il ne se souvenait pas avoir demandé, durant la journée du 14 août 2023, à A______ de passer le voir. C'était possible, mais il n'en n'avait aucun souvenir. Il ne se rappelait pas non plus des détails de leur conversation du soir, entre le fauchage et la mauvaise qualité du réseau. Confronté au fait qu’un appel de quatre minutes était long pour des personnes qui ne se comprennent pas, il a répondu qu’il fauchait à un endroit délicat, qu’ils ne se comprenaient pas bien et qu’il avait même dû arrêter le tracteur. Sans souvenir précis de la teneur de l'échange, il était néanmoins certain que c'était en rapport avec les meubles. Il ne s'attendait pas à avoir la visite de A______ le soir du 14 août 2023. S’il avait donné un rendez-vous clair et précis et que A______ n’était pas venu, il l’aurait appelé. Ce jour-là, il n’y avait absolument rien d’important.
S’agissant de la consommation d’alcool, A______ et lui buvaient ensemble une bière vers 11h00 ainsi qu'une bière en fin de journée, lorsqu’ils avaient fini le travail. P______ avait eu d’autres employés polonais sur l’exploitation, de manière occasionnelle, et il en avait souvent vu cacher des bouteilles d’alcool, mais cela n’avait jamais été le cas pour A______. Il ne l'avait vu boire que de l’eau durant le travail, raison pour laquelle il lui faisait confiance.
g.c. P______ a versé à la procédure la capture d’écran de la liste des appels WhatsApp de son téléphone, dont il ressort que A______ était à l’origine de l’appel du soir du 14 août 2023. Cet appel avait débuté à 19h52 et avait duré quatre minutes et six secondes.
X______
h. Entendu par-devant le Ministère public le 1er février 2024, X______ a déclaré que A______ avait été son employé agricole de 2010 à 2020, entre cinq et sept mois par année. Il était revenu dans la région en 2023 et devait travailler pour P______. Depuis la fin du mois de juillet, quand ce dernier n’avait pas assez de tâches à lui donner, A______ venait chez lui pour voir s’il avait du travail. P______ et lui-même avaient convenu que A______ devait être engagé chez P______ après sa période d’essai et que pour sa part, il pourrait continuer à faire appel à A______ lorsqu’il n’était pas occupé à plein temps. La répartition se ferait en fonction des besoins. A______ attendait d’avoir le contrat signé chez P______ et le travail chez X______ pour avoir de la stabilité. Sans ces deux emplois, il n’avait rien d’autre. X______ avait gardé A______ pendant dix ans, car c’était un bon employé. On pouvait compter sur lui, il n’y avait rien à dire. Il était ponctuel et fiable. C’était une bonne personne, très gentille. Il n’avait jamais eu de problème avec lui.
Le 14 août 2023, A______ avait travaillé pour X______. A midi, ils avaient mangé un kebab et bu chacun une seule bière [marque] Z______ de 33 cl, puis, ils étaient partis travailler dans les champs avant d’aller, vers 14h45-15h00, déménager des meubles. Suite au déménagement, ils avaient bu une bière. Il ne lui semblait pas qu'ils avaient bu du vin rosé. A______ était parti de chez X______ vers 15h45-16h00. Durant la journée du 14 août 2023, ils avaient convenu que, le lendemain, A______ irait travailler le matin chez P______, pour s'occuper des chevaux, et qu'il viendrait chez lui par la suite. Il pensait avoir dit à A______ qu’il allait avoir besoin de lui jusqu’à la fin de la semaine du 14 août 2023.
La connaissance du taux d'alcoolémie de A______ [dans le cadre de l'événement routier] avait suscité de l'étonnement. Les personnes avec lesquelles X______ avait discuté ne considéraient pas A______ comme quelqu’un susceptible d’avoir une forte consommation d’alcool. Concernant les habitudes de A______ en termes de consommation d’alcool durant le travail, X______ a indiqué qu’ils buvaient une bière à la pause du matin à 10h30 et une autre bière à la pause de 15h30. Il ne savait pas si A______ buvait à midi. Durant leurs dix années de collaboration, X______ n’avait rien constaté de particulier, ni entendu des histoires au village. A______ ne sentait pas l’alcool. Ce qui s'était produit était « un drame communal ». Il connaissait la famille C______/D______/E______/H______. Ainsi qu'il l'avait dit à la sœur de A______, il ne pourrait plus faire travailler ce dernier sur son exploitation, car c'était « trop proche ».
Y______
i. Entendu par-devant le Ministère public le 1er février 2024, Y______, ami de P______, a confirmé avoir donné des meubles à A______ le 14 août 2023. Ce dernier était accompagné de X______, car il avait un véhicule suffisamment grand pour transporter les meubles. Ils avaient terminé le déménagement à 16h00. Durant le laps de temps où A______ était chez lui, il n’avait pas consommé d’alcool et ne semblait pas alcoolisé. Il avait appris par la presse le taux d’alcoolémie de A______ le jour de l’accident. C’était choquant. Au village, il n’avait pas entendu des choses comme « cela devait arriver vu le personnage ».
AA______
j. Entendue par-devant le Ministère public le 29 février 2024, AA______ a indiqué avoir un lien très fort avec son frère, A______. Depuis petits, ils étaient très proches. Elle l’avait hébergé entre le courant du mois de mai ou de juin 2023 jusqu’à son arrestation. Ce n’était pas la première fois qu’elle l’hébergeait. Il était déjà venu vivre avec elle à plusieurs reprises, toujours pour des petites périodes, entre un à trois mois.
Normalement, quand il travaillait, il ne buvait pas. Cela lui arrivait de boire quelques verres après le travail, par exemple deux bières, sachant qu'en semaine, cela s'arrêtait à deux ou trois bières, car il savait qu'il travaillait le lendemain. C'était une consommation normale et qui ne lui faisait rien, étant précisé qu'il arrivait qu'il ne boive rien. Parfois, lors des repas, ils ouvraient une bouteille de vin pour trois. Lors de fêtes le week-end, A______ pouvait boire un peu plus. Son frère supportait bien l’alcool. A la question de savoir si A______ avait un problème d'alcool, AA______ a expliqué que durant la période où il avait vécu chez elle, en 2023, il avait passablement de soucis et qu'elle considérait qu'il avait « un petit problème d'alcool pendant un petit mois », mais, toutefois, il avait toujours été correct au travail. Il vivait une période difficile et était tendu. Il devait obtenir un logement de son patron, mais ce dernier n’était pas clair avec lui, tant s’agissant du logement que du travail. Tout se bousculait dans sa tête. Avant cela, il était reparti en Pologne, mais il n’avait pas réussi à trouver du travail non plus. Leur père insistait et lui mettait la pression pour qu’il revienne en Suisse gagner de l’argent. Durant cette période, son frère s’était séparé de sa copine. Il avait beaucoup souffert. Le jour de l’accident, elle était en vacances avec son mari et ses enfants, puisqu'ils étaient partis du 12 au 18 août 2023. Elle pensait que son frère s’était lâché, étant perdu et se sentant seul. Il cherchait sa place. Il était aussi en procédure de divorce avec sa femme, en Pologne. Il était très attaché au fils de son épouse et vu que ce n’était pas son enfant biologique, il perdait le lien avec lui, car son ex-épouse lui interdisait tout contact. Il ne manquait jamais le travail et n’était jamais rentré ivre du travail. Il était positif, très correct et aidait beaucoup les autres.
Concernant le type de conduite de A______, elle a indiqué qu’il était un conducteur prudent. Elle se sentait à l’aise avec lui. Il allait en Allemagne et en Pologne en voiture. Elle n’avait jamais eu peur lors de ces longs trajets. Elle ne l'avait jamais vu prendre le volant en étant ivre. Il avait déjà eu un accident quand il était jeune, raison pour laquelle il ne conduisait jamais s'il avait bu.
Interrogée sur ce que lui avait dit A______ au sujet de l'accident, elle a rapporté qu'au début, tout était flou, car il n'avait pas du tout de souvenirs. Il lui avait dit qu'il était très stressé et que son patron l’avait appelé, lui disant de venir. Elle lui avait demandé si cela était vrai et s'il avait dit à son patron qu'il avait bu, ce à quoi il avait répondu par l'affirmative. A______ lui avait confié cela récemment. Il voulait protéger son patron, mais elle lui avait dit de dire la vérité, étant précisé qu'il était loyal et qu'il avait peut-être peur de quelque chose ou de perdre son travail. Lors de ses visites en prison, elle ne voulait pas trop le questionner sur les faits, car elle voyait bien que cela le perturbait. Elle savait qu'il avait perdu la maîtrise du véhicule et qu'il n'avait pas remarqué le garçon. Elle était sûre que son frère avait roulé vite; « il était en colère ». Lorsqu’elle était rentrée le vendredi chez elle, tout était allumé. A______ était parti sans son porte-monnaie, sans son téléphone et sans son sac. La machine à laver était en marche. Elle pensait qu'il avait dû partir vite. Lorsqu'ils abordaient les faits, A______ avait toujours les yeux en larmes et répétait à chaque fois qu'il ne voulait pas ça, qu'il ne voulait pas tuer ce garçon et qu'il n'avait pas fait exprès. Il ne voulait plus jamais toucher à l’alcool et se sentait très mal. Il voudrait s’excuser auprès de la famille de la victime, mais celle-ci ne voulait rien de lui.
Déclarations des parties plaignantes
k.a. Le 4 septembre 2023, D______ et C______ ont porté plainte pénale contre l’automobiliste ayant causé le décès de leur fils I______. Le 6 septembre 2023, la sœur de celui-ci, E______, a également porté plainte pénale contre le responsable. Ils se sont constitués parties plaignantes au pénal et au civil.
k.b. Entendues par-devant le Ministère public le 12 juillet 2024, les parties plaignantes ont confirmé leur plainte.
k.c. C______, père de I______, a déclaré habiter à 700 mètres du lieu de l’accident. Tous les matins, ils devaient passer par là. Pour sa part, il avait été en arrêt durant un mois, ensuite il avait travaillé à 50 %, ce qui lui permettait de penser à autre chose. Il n’avait pas suivi de thérapie. Il avait repris à 100 % depuis le mois de décembre 2023. Il dormait peu. Un ami médecin lui téléphonait souvent et ils discutaient. A l’hôpital, il avait été bouleversé par la manière dont les policiers lui avaient remis les effets de son fils, soit en lui donnant un sac poubelle. Ils auraient pu prendre le temps de parler et démontrer un peu plus d’égards. Le chef de clinique lui avait dit que le pronostic vital de son fil était engagé et qu’il était sur un fil. Sa famille avait « pris à perpétuité ». Ils n’étaient plus comme avant, ils n'étaient plus une famille souriante. A présent, ils devaient ruser et jongler avec la vie. I______ était un pilier de la famille, c’était « comme s’il manquait un pied à une table ». Il était sportif et avait réussi sa rentrée à Macolin pour devenir prof de sport. Il était solaire.
k.d. D______, mère de I______, a déclaré avoir appris le décès de son fils par le biais d’un communiqué de presse du Ministère public. Personne ne les avait appelés. A l’hôpital, les médecins étaient venus leur dire qu’il n’y avait plus rien à faire et qu’il fallait débrancher les machines. « Pour une maman, pour un papa, donner la vie est une chose. De devoir l'enlever, c'est très difficile ». La décision n'avait pas été prise par eux. Leur fils allait de toute façon décéder par lui-même. Apprendre que le cerveau de leur fils avait été prélevé lors de l'autopsie avait été très dur. Pendant quatre mois, elle avait arrêté de travailler en tant que secrétaire dans le garage familial. Il était ensuite compliqué de devoir se justifier auprès des assurances. Elle travaillait désormais depuis sa maison et faisait uniquement le nécessaire en comptabilité pour que l’entreprise puisse fonctionner. Elle n’était pas retournée au garage. Elle avait trouvé une psychologue. Elle considérait l'audience de jugement comme « la fin de la bataille », avec une partie de I______ qui partirait à ce moment-là. Elle ne pourra jamais pardonner à l'homme fautif, car il avait détruit leur famille. Ils essayaient de survivre, en étant « dans une vie parallèle ».
k.e. E______, sœur de I______, a indiqué qu'avec son frère, ils voulaient aller à l’université ensemble. Lui voulait entreprendre des études de mathématiques. Pour sa part, elle avait commencé son parcours universitaire à l’automne 2023, mais avait été rapidement confrontée à des cas similaires abordés en cours, soit des accidents avec conduite en état d’ébriété, ce qui l’avait perturbée. Elle avait décidé de faire une pause en accord avec l’université et de reprendre l’année suivante. Ses parents l’avaient envoyée à Malte pour échapper à cette situation et pour « respirer ». Néanmoins, ce changement ne lui avait pas fait du bien, cela lui avait juste permis de ne pas y penser pendant quelques mois. Elle faisait des insomnies, des cauchemars et ne souhaitait plus se nourrir. Son neuropsychologue lui avait prescrit un traitement médicamenteux pour ses insomnies. Tout cela l'avait beaucoup impactée dans sa santé, y compris mentale. Elle avait un lien très proche avec son frère. Ils étaient toujours ensemble. Son frère était « indispensable » à sa vie. Pour H______, son frère cadet, il était très difficile d'assimiler que I______ était parti et il ne souhaitait pas du tout en parler, sauf un peu avec elle. Elle se battait aujourd'hui pour protéger son petit frère. Ils étaient une fratrie fusionnelle. Le 14 août 2023, I______ revenait du lac, après avoir été aider une amie. Il était très serviable. Avec l'événement, il avait souffert du début à la fin, sans compter qu'il était « parti sans son cerveau, sans ses cheveux, sans son tatouage et il n'avait plus son visage, il n'avait plus rien ».
Déclarations de A______
l.a. Entendu par la police le 15 août 2023, A______ a déclaré avoir fini son travail vers 17h00, le jour des faits. Il était arrivé chez lui à 17h20, avait jeté la poubelle et pris un bain. Entre 17h20 et 20h00, il avait bu entre quatre et cinq canettes de bière de la marque « BB______ » d’une contenance de 0.33 L et, à lui tout seul, une bouteille entière de vin, soit du Gewurztraminer. En fait, il ne se rappelait plus s’il avait bu toute la bouteille, laquelle était d'une contenance normale. Il n'avait pas vraiment senti qu'il était ivre. Il n’avait pas mangé, car il n’avait pas faim à cause de la chaleur. Son dernier repas était un kebab à midi.
Un copain lui avait ensuite téléphoné, car il voulait lui proposer un travail et parler avec lui. A______ était parti tout de suite de son domicile situé au chemin 2______. Il avait emprunté la route 1______, en direction de la France, afin d’aller à W______, situé à dix minutes de route. Il n’avait dépassé qu’une voiture avant l’autoroute, sans pouvoir préciser si c’était sous ou après le pont. Il ne se souvenait ni d’avoir dépassé plusieurs voitures ni de la vitesse à laquelle il circulait lors de ce dépassement. Normalement, il n'était pas possible de dépasser, mais il l'avait fait. Il avait agi de la sorte, car il était pressé de rejoindre cet ami, soulignant que cette rencontre n’était pas prévue. Lors du dépassement, il avait touché le bord du trottoir, moment auquel il avait perdu le contrôle du véhicule. Il n’avait pas été distrait à un quelconque moment de façon à ne pas porter toute son attention sur la route. Il avait perdu le contrôle de son véhicule, puis avait vu un cycliste sur son pare-brise. Sa réaction immédiate avait été de s’arrêter et d’aller lui prêter secours. D’autres personnes s’étaient arrêtées et lui avaient dit « dégage ! ». Il s’était donc assis pour regarder les autres lui porter secours.
Le jour de l’accident, il était fatigué en raison du cumul de ses deux emplois. Il ne se rendait pas compte que son comportement routier, cumulé à son état d’ébriété qualifié, pouvait mettre en danger la vie d’autrui. Il n’avait pas eu l’intention de faire cela. Les risques pris pour se rendre à une adresse située à dix minutes ne valaient pas la peine. Il avait déjà conduit après avoir bu de l’alcool et il avait causé un accident de voiture pour lequel il avait été condamné, étant précisé qu'il était âgé de 24 ans. Il avait tourné à gauche et avait percuté un objet. Les faits du 14 août 2023 n'étaient pas volontaires et il souhaitait s’excuser devant la victime parce qu’il ne voulait pas lui faire de mal.
l.b. Entendu par le Ministère public le 15 août 2023, A______ a demandé d’emblée comment allait le jeune homme. Il a réitéré ses explications selon lesquelles il ne voulait pas prendre la voiture le soir des faits, précisant qu'un ami lui avait téléphoné pour lui dire qu’il lui avait trouvé un travail. Il avait pris le volant pour cette raison.
S’agissant du déroulement de sa journée du 14 août 2023, il était allé donner à manger à des chevaux à 7h00 afin de donner un coup de main à leur propriétaire qui avait de la peine à marcher. De 8h00 à 16h00, il avait travaillé dans une exploitation de pommes sise dans la commune de W______. A midi, il avait bu deux verres de rosé en mangeant un kebab. L’après-midi, il avait labouré un champ en France, puis avait aidé pour un déménagement, pour le compte du même patron qui avait l’exploitation de pommes. A 16h00, ils avaient terminé avec le déménagement. Après avoir discuté une heure avec un employé en buvant un verre de rosé, il était rentré chez sa sœur à V______, où il logeait. Vers 17h30, il était allé jeter les poubelles à la déchetterie à pied, puis avait pris une douche. Ensuite, il avait bu quatre ou cinq bières et du vin, sans savoir s’il avait terminé la bouteille. Il avait bu, car il avait soif et il faisait chaud. Il ignorait pourquoi il avait bu autant d'alcool. Revenant sur sa consommation à son domicile, il a aussi évoqué le fait d'avoir bu environ cinq bières de 33 dl, avant de commencer à boire du Gewurztraminer, sans ingérer toute la bouteille qu'il avait lui-même ouverte. De base, il voulait rester à la maison tranquillement et ne pas ressortir. Il ne voulait pas utiliser sa voiture. Vers 20h00, l’ami pour lequel il nourrissait les chevaux, soit P______, lui avait téléphoné pour lui proposer un logement et un travail à 50 % rémunéré CHF 2'500.- mensuellement. C’était une bonne nouvelle pour lui. P______ lui avait demandé de venir le voir, étant précisé que celui-ci voulait qu'ils se voient pour discuter. A______ avait été stupide de ne pas lui avoir dit qu’il ne se sentait pas bien. Il avait cessé de boire après l’appel et avait pris sa voiture. Il ne s’était « pas senti très bourré ». Au contraire, il s’était senti capable de conduire. Il savait qu’il avait bu beaucoup d’alcool, mais c’était trop loin pour s’y rendre à pied. Le lendemain, il devait travailler à 7h00.
A la question de savoir s'il était dans ses habitudes de boire autant, A______ a répondu « non, pas tout le temps », puisqu'il ne buvait pas tous les jours de cette façon. Il buvait une ou deux bières quotidiennement, mais pas plus. Parfois, il ne buvait pas et parfois il buvait plus. Normalement, il ne buvait « comme ça » que le week-end, mais pas en semaine. Il pensait avoir un petit problème avec l’alcool. Sa consommation n'était pas normale et il devait aller chez les alcooliques anonymes. Il était sensible et avait mal vécu des événements personnels (divorce, rupture avec sa copine). Confronté au fait qu’il présentait plus de quatre fois la limite d’alcool légal, il a fait valoir qu'il ignorait pourquoi, émettant l'hypothèse que cet alcool était resté davantage dans le sang. Normalement, il ne conduisait pas après avoir consommé de l’alcool. Il est vrai qu’il avait conduit après avoir bu du rosé dans la journée, mais c’était des petites quantités. S’il buvait plus, il ne prenait pas la voiture. Ayant son permis de conduire depuis 1998, il savait qu’il était interdit de conduire après avoir bu de l’alcool. Suite à l'accident de la circulation qu'il avait eu, à cause de l'alcool, en Pologne lorsqu’il avait 24 ans, il avait perdu son permis de conduire pendant deux ans. Depuis, il n’avait pas eu d’autres incidents sur la route.
S'agissant des faits du 14 août 2023, il ne se souvenait ni de la vitesse à laquelle il roulait, ni du fait d'avoir dépassé trois véhicules. En fait, il se voyait dépasser un véhicule sous le pont de l'autoroute et ensuite taper quelque chose à droite, puis perdre la maîtrise de son volant. Il avait vu le cycliste sur son pare-brise au moment du choc. Il ne l’avait pas vu avant et ne pouvait pas expliquer pourquoi, une possibilité étant qu'il était concentré sur son volant au moment de la perte de maîtrise. S'il avait effectué un dépassement, c'était en raison de l'absence de voiture en face. Il avait « mis les gaz » et avait vu les îlots, étant précisé qu'il connaissait bien cette route et qu'il l'empruntait souvent. Il ne se rappelait pas avoir roulé sur la bande herbeuse. La perte de maîtrise devait avoir pour origine la vitesse ainsi que la manœuvre effectuée au moment de se rabattre après le dépassement du véhicule. Il pensait avoir ralenti lorsqu'il était en perte de maîtrise, se souvenant aussi avoir dû bouger son volant pour remettre droite sa voiture. Il avait réalisé avoir percuté le cycliste une fois qu'il l'avait vu sur son pare-brise. Il ne se rappelait pas avoir freiné, mais ne comprenait pas pourquoi il n’y avait aucune trace de freinage sur la chaussée. Ses souvenirs reprenaient quand sa voiture était arrêtée et qu’il était descendu pour venir en aide au cycliste. Il n’avait pas pour habitude d’avoir une conduite sportive et rapide. Normalement, il roulait plus doucement, ne faisait des dépassements que sur l’autoroute et respectait les limitations. Il se sentait très mal et voulait payer pour ses actes. Il aimerait prendre la place du cycliste, mais ce n’était pas possible. Il aimerait pouvoir payer pour réparer, mais ce n’était pas l’argent qui donnait la vie.
l.c. Lors de l’audience de confrontation du 7 novembre 2023, A______ s’est prononcé à nouveau sur l’émetteur de l’appel téléphonique du 14 août 2023 au soir, indiquant qu’il ne savait plus qui en était à l’origine. Il voulait parler à P______ des conditions d’engagement pour les deux semaines à venir, car cela pouvait impacter sa disponibilité chez X______. C’était pour cette raison qu’il s'était rendu chez lui.
l.d. Entendu à nouveau par-devant le Ministère public le 5 décembre 2023, A______ a relaté de manière détaillée sa journée du 14 août 2023, indiquant en substance qu’il s’était rendu avec X______ dans ses champs pour labourer, puis qu’ils étaient allés chercher les meubles pour sa chambre. Il avait ensuite appelé P______ pour lui dire qu'il avait récupéré des meubles, mais il avait oublié de lui préciser qu'il ne pourrait pas venir travailler chez lui le lendemain, car il devait travailler tôt chez X______.
Sur le plan de sa consommation d'alcool, il avait bu une petite bière de 33 cl à midi, puis une bière de même contenance vers 16h30 avec X______. Ayant d'abord indiqué avoir bu un verre de rosé à l'apéritif, il a ensuite concédé qu'il ne savait pas ce qu'il avait bu. A son domicile, à son retour de la déchetterie, il avait commencé à boire « une bière, deux bières, trois bières... », sans compter une moitié de bouteille de vin. En fait, il avait commencé à boire de la bière, sous forme de quatre à cinq bières de 33 cl, mais sans certitude. Il avait ensuite ouvert du vin blanc d'Alsace et s'était servi des verres, mais n'avait pas bu toute la bouteille. Il estimait avoir fait trois fois le geste de verser du vin dans le verre, qui était un gros verre rond, un verre à whisky. Il n'avait pas mangé, puisqu'il n'avait pas faim, mais il avait soif. Il avait arrêté de boire du vin avant son appel à P______ et n'avait poursuivi son ingestion d'alcool ni pendant ni après cet appel.
A cet égard, ayant réalisé qu'il avait omis de l'avertir de son absence prévue le lendemain matin, il l'avait appelé vers 19h45 et ils avaient parlé pendant environ quatre minutes. Pour sa part, il avait compris son interlocuteur, avec lequel il s'était accordé ainsi: « On a dit que je venais chez lui pour parler du travail ». En effet, P______ ne s'était pas fâché lorsque, au cours de cette conversation téléphonique, il lui avait dit qu'il ne pourrait pas venir travailler chez lui le lendemain en raison de l'activité prévue durant deux semaines chez X______, mais P______ lui avait dit de venir pour qu'ils en parlent « en face à face ». En réalité, A______ pensait que c'était lui qui avait décidé de venir chez P______ et il ne se souvenait pas si ce dernier lui avait dit textuellement de venir chez lui ce soir-là. Son interlocuteur lui avait indiqué qu'ils n'allaient pas parler par téléphone et qu'ils en parleraient face à face. Il ne se rappelait pas si son patron lui avait dit quelque chose comme « Viens chez moi maintenant et on en parle ». Ensuite, il avait pris sa voiture et son seul téléphone, puis était parti chez P______. Quand il avait pris sa voiture, il était stressé par le travail, car il cherchait un bon emploi tout le temps. Suite à la discussion avec P______, il était stressé, après lui avoir dit devoir travailler deux semaines chez X______. Selon le travail fourni par celui-ci, il n'aurait peut-être pas pu honorer son activité chez P______. C’était difficile, car ses journées duraient entre 12 et 14 heures.
Avant de prendre le volant, il pensait qu'il pouvait conduire et qu'il allait « aller doucement », étant entendu qu'il savait à ce moment-là qu'il avait bu plus qu'une bière. Selon son appréciation, le taux autorisé pour conduire en Suisse était de 0.6 ou 0.2, mais correspondait à une bière. En rapport avec le taux de 0.5 o/oo, il estimait que cela représentait une petite bière. Sur le moment, il n'avait pas pensé au fait qu'il avait trop bu, il était stressé et avait « fait une connerie ». Lorsqu'il était monté dans sa voiture, il ignorait qu'il avait bu plus que ce qui était autorisé. Il avait « roulé doucement » sur le tronçon limité à 50 km/h, ayant d'ailleurs été dépassé par le conducteur français. Il l'avait effectivement dépassé à son tour, mais sur le tronçon limité à 60 km/h. Il ne se souvenait avoir dépassé qu'une seule voiture et avait roulé au-delà de la limitation de vitesse. Questionné sur la raison d'être de ces actes, il a expliqué qu'il faisait très chaud et que, selon lui, l'alcool avait « tapé plus vite ». A ce moment-là, il ne considérait pas que sa conduite était dangereuse, mais désormais, il se rendait compte que tel était le cas. Lors de ce dépassement, il roulait à 80 ou 90 km/h. Il ne se souvenait pas avoir entendu le coup de klaxon donné par L______, étant précisé qu'il y avait de la musique dans sa voiture. Il s'était ensuite rabattu et son volant avait fait des à-coups à gauche et à droite. Il avait perdu la maîtrise de son véhicule à ce stade, se trouvant sous le pont. Il avait tapé le bord de la route, à droite, et son pneu avait été endommagé. Il faisait des zigzags. Il ignorait pourquoi il n'avait pas freiné quand il avait commencé à perdre la maîtrise, considérant qu'il y avait peut-être le soleil qui le gênait, étant précisé qu'il n'avait pas de lunettes de soleil. En fait, s'il avait freiné, les véhicules se trouvant derrière lui pouvaient le percuter. Il ne se souvenait pas de la raison pour laquelle son pied ne s’était pas posé sur la pédale de frein. Il ne se rappelait pas non plus de l'îlot central ou d'une éventuelle accélération après le rabattement. Il n'avait pas vu I______ et n'avait plus de souvenirs après le moment où celui-ci tombait sur son pare-brise. Il l'avait pris dans ses bras, voulait aider et avait souhaité le placer sur le côté. Il n'avait pas jeté sa trousse de secours sur la victime, il l'avait posée au sol.
Il était responsable de cet accident et aimerait changer de place avec I______. Il considérait être « une merde et un connard ». Il éprouvait de très forts regrets. Ce qu'il avait fait de faux, c'est qu'il avait bu de l'alcool ou plutôt qu'il avait pris le volant après une consommation d'alcool. Il n'avait pas de problème avec l'alcool, ayant arrêté la vodka en 2022, car il était violent sous l'effet de cette boisson. Il avait bu seulement des bières et « ce stupide vin ». Il était vrai qu'il était un gros consommateur de bière. Il pouvait en boire jusqu'à dix, le soir après le travail, par exemple lorsqu'il faisait très chaud et qu'elles étaient au frigo, relevant que « comme ce n'est pas très fort, ça se boit comme de l'eau ». Avec toutes ces histoires de travail, il était devenu un peu fou. Vu qu’il savait conduire des tracteurs et qu’il pouvait être très précis en conduisant ce genre d’engins, il se sentait « plus fort que les autres ».
l.e. Suite à l'audition de sa sœur AA______ le 29 février 2024, A______ a tenu à préciser que le soir des faits, lorsqu'il avait eu P______ au téléphone, il ne lui avait pas dit qu'il avait bu de l'alcool.
Courriers de A______ à l’attention de la famille C______/D______/E______/H______
m.a. Au début de l'audience d'instruction du 25 septembre 2023, A______ a exprimé le souhait de remettre au Ministère public un courrier qu'il avait écrit en polonais et qui était destiné à la famille C______/D______/E______/H______. Ce courrier a été traduit en français et transmis, avec sa version originale, le 17 octobre 2023 au Conseil des parties plaignantes. Ces dernières n'ont pas souhaité recevoir ces écrits.
Dans ce courrier (Y-1312), A______ s’est notamment exprimé en ces termes : « C’est moi qui suis l’auteur de ce terrible accident. Je vous prie de m’excuser pour tout cela. Je ne sais pas si vous me pardonnerez un jour ce que j’ai fait. Je voudrais échanger les places, mais il est impossible de remonter le temps ! Je ne l’ai pas fait exprès, j’ai crevé mon pneu contre le rebord de la chaussée et après j’ai perdu le contrôle du véhicule. Je voulais l’aider, je me suis arrêté. J’ai détruit sa vie, la vôtre également (…) ».
m.b. Lors de l'audience du 1er février 2024, A______ a souhaité lire une lettre qu'il avait rédigée en faveur de la famille C______/D______/E______/H______. Le Conseil de cette dernière s'y est opposé. Le 29 février 2024, le Ministère public lui a adressé ladite lettre ainsi que sa traduction en français.
Dans le second courrier (Y-1334), A______ a réitéré ses excuses et ses regrets. Ses explications quant au déroulement de l’accident étaient les suivantes : « J'ai tué votre fils I______ ce qui est impardonnable. Mais je ne le voulais pas je ne l’ai pas vu sur la route j’ai fait une crevaison et j’ai perdu la maîtrise de la voiture j’ai été aveuglé par le soleil j’ai conduit en zigzagant je ne l’ai pas aperçu sur la route c’est arrivé alors je l’ai heurté et perdu connaissance pendant quelques secondes quel CHOC ! Je suis sorti en courant de la voiture pour lui porter secours je l’ai pris dans les bras ensuite d’autres personnes sont arrivées qui m’ont éloigné de lui. Je n’ai pas fui je suis resté près de lui à côté de la voiture (...) Pourquoi suis-je monté dans cette voiture (...) ».
Audience de jugement
C.a. L’audience de jugement par-devant le Tribunal correctionnel s’est déroulée entre le 3 et 6 février 2025. A l’ouverture des débats, le Tribunal a rejeté la question préjudicielle soulevée par le Conseil des parties plaignantes sollicitant un transport sur place, référence étant faite à la motivation figurant dans le procès-verbal. Le Tribunal a ensuite procédé à l’audition du prévenu, des parties plaignantes et des témoins.
Auditions
b. A______ a admis avoir tué I______, mais sans le vouloir et sans avoir fait exprès.
En relation avec son profil de conducteur, il a confirmé qu'il conduisait beaucoup de tracteurs. Il était parfait dans cette conduite et à l'aise avec ce genre d'engins. S'agissant de la voiture, il la considérait comme un moyen de transport pour le travail. Il avait confiance en lui au volant d'un véhicule. Il connaissait bien la route 1______, qu'il considérait comme très facile. Il avait déjà vu des cyclistes rouler sur la bande cyclable sur cette route.
S'agissant de sa limitation personnelle entre l'alcool et la conduite, il considérait qu'il pouvait boire une petite bière et c'était tout. Il ne fallait pas boire, car cela provoquait des accidents et avait un impact sur les réflexes. Durant l'instruction, il s'était peut-être mal exprimé et il fallait comprendre qu'il aurait pu boire jusqu'à dix bières par soir, mais qu'il ne les buvait pas.
A l'été 2023, il cherchait à avoir son propre logement et voulait vraiment avoir un emploi, fixe et déclaré. N'ayant pas été engagé chez [entreprise] CC______ ainsi qu'il le souhaitait, il avait dû travailler au noir et ce n'était pas idéal. A cette période, comme il travaillait, il ne buvait pas d'alcool, mais lorsqu'il rentrait chez lui, il buvait une ou deux bières. Il est juste qu'il buvait principalement de la bière, également du vin, mais plus de vodka.
La journée du 14 août 2023 était une journée ordinaire. Il s'était rendu chez P______ pour nourrir les chevaux, puis était allé travailler chez X______. Il était bien et n'était pas inquiet. Il a confirmé avoir bu, ce jour-là, une bière de 33 cl avec le repas de midi, puis une autre bière de 33 cl en fin d'après-midi. Une fois revenu à son domicile, il comptait boire seulement de la bière, mais pas toucher à une bouteille de vin. Il a cependant confirmé avoir bu plusieurs bières, soit entre quatre et six bières de 33 cl ainsi que du vin blanc d'Alsace, soit probablement la moitié de la bouteille. S'il avait bu autant, c'était parce qu'il avait soif. Il était vrai qu'il aurait pu boire de l'eau. Si, ce soir-là, il était passé de la bière au vin, c'était parce qu'il n'y avait plus de bière.
Il voulait rester tranquille à la maison. S'il avait d'abord indiqué que c'était P______ qui l'avait appelé ce soir-là, c'était probablement à cause d'un mauvais souvenir du déroulement des choses, puisqu'avec le dossier, il s'était rendu compte qu'il avait lui-même appelé son patron. Il se rappelait que, lors de l'appel téléphonique, il avait dit à P______ qu'il n'allait pas pouvoir travailler pour lui les deux prochaines semaines, étant mobilisé par X______. P______, qui était sur son tracteur, lui avait dit de venir parler de cela avec lui. Il avait compris qu'il voulait le voir tout de suite, le soir. Pour A______, c'était important, considérant qu'il était « l'esclave de ces gens » et utilisé par eux. P______ lui avait dit qu'il souhaitait l'engager à 50 % et qu'il ne voulait plus qu'il travaille pour X______, de sorte qu'il ne savait pas quoi dire à P______ et voulait discuter avec lui. Il était un peu pris entre ces deux employeurs et il était difficile pour lui de concilier ces deux patrons. Il pensait beaucoup à cela et c'est pour cela qu'il avait pris cinq bières à la maison ainsi que du vin, ce à quoi s'ajoutait le fait qu'il se trouvait seul. Il ignorait s'il avait dit ou pas à P______ s'il avait bu ou pas. A la maison, il était « encore en bon état ». Il était parti un peu dans la précipitation, oubliant par exemple de prendre son permis de conduire. Il ne se souvenait pas s'il avait eu un moment d'hésitation, s'il s'était dit qu'il devait peut-être renoncer à aller voir P______. Il n'avait pas pensé à utiliser un autre moyen de transport que sa voiture. Au moment de partir au volant de sa voiture, il n'avait pas ressenti physiquement les effets de l'alcool et pas non plus psychologiquement. Il n'était pas conscient d'être ou non en conformité avec la loi. Il ne pensait pas être autant alcoolisé, estimant n'avoir pas un taux élevé, lequel avait ensuite augmenté. Il considérait avoir surestimé sa capacité à conduire ce soir-là.
Si sa vitesse initiale était faible, c'était peut-être parce qu'il conduisait mal. Il ne se souvenait ni du trajet jusqu’au STOP de la route 3______, ni de la hauteur où il avait débuté son dépassement. Entre M______ et lui, il n'y avait pas de jeu. Peut-être que M______ l'avait énervé, car il l'avait dépassé. Il ne s'en souvenait pas. A l'évocation des propos de M______ qui avait mentionné le fait qu'il l'avait vu rire dans sa voiture, A______ a répondu ne pas s'en souvenir, puis a contesté avoir rigolé, cela n'étant pas possible. Il ne rigolait pas en conduisant et n'était pas fou. Il se remémorait uniquement avoir dépassé une voiture, mais avait lu dans le dossier qu'il avait dépassé trois voitures, ce qu'il ne contestait pas. A ce moment, selon son appréciation, il pouvait réussir ce dépassement. Les motifs de ce dépassement étaient a priori le fait d'être pressé pour rejoindre son ami, l'absence d'une voiture en face ainsi que le fait que l'alcool avait dû taper plus vite, vu qu'il faisait très chaud. Confronté aux dires des témoins quant à sa vitesse, il a fait valoir qu'il ne voulait tuer personne et ne cherchait qu'à dépasser une voiture, sans compter qu'il n'avait vu personne qui arrivait devant. Une vitesse de 80 km/h ou 90 km/h au moment du dépassement lui paraissait la plus juste. Il n'était pas conscient des risques pris au vu de la configuration des lieux. Il ne se souvenait pas du coup de klaxon donné par L______ pour attirer son attention. Il se rappelait avoir perdu le contrôle de sa voiture avant d'aller taper la bordure. Il avait pensé que s'il freinait, d'autres gens allaient le taper par derrière. Il ne se souvenait pas de la manière dont il avait perdu le contrôle de la voiture. A la hauteur du deuxième îlot, son but était d'aller tout droit. Il n'avait vu à aucun moment le cycliste. Le choc contre la bordure était dû à sa perte de maîtrise du véhicule. Il était d'accord pour dire qu'un conducteur qui réagit à temps et qui braque son volant n'aurait probablement pas heurté cette bordure. Confronté aux données issues de l'expertise, notamment une vitesse maximale entre 124 km/h et 133 km/h lors du choc contre la bordure, il a estimé que cela était peut-être possible. Il avait cassé son pneu à droite et voulait aller tout droit. Cela avait eu pour conséquence qu'il avait percuté I______. Il n'avait pas le souvenir d'avoir roulé sur une bande herbeuse. Il avait l'impression de ne rien voir devant lui, possiblement à cause de la poussière. Sur la distance d'environ 73.5 mètres, il n'avait pas eu de réaction, car il n'avait pas vu le cycliste. Tout avait été très vite, dans l'enchaînement. C'était une fraction de seconde. Il ignorait la raison pour laquelle il n'avait pas vu le cycliste, tout en admettant qu'il aurait dû le voir et qu'il y avait un lien entre le fait de ne pas avoir vu I______ et son alcoolisation. Quand ce cycliste était arrivé sur son pare-brise, il avait dit ceci: « Merde, qu'est-ce que j'ai fait ! ». Ensuite, il ne se souvenait de rien, si ce n'est qu'il était sorti de sa voiture pour aller aider. A l'évocation de la brutalité de la scène décrite par les témoins, il a répété ne pas l'avoir vu et n'avoir pas freiné. Il ne se souvenait de rien, après avoir heurté le cycliste, hormis une fois qu'il était sorti de la voiture. Il réalisait les conséquences de son excès de vitesse ainsi que la gravité de ce qu'avait subi I______. A partir du moment où I______ était tombé sur son pare-brise, c'était comme s'il avait « un voile noir » devant lui. Pour éviter la collision avec I______, il aurait pu arrêter la voiture. Il aurait tout tenté s'il l'avait vu. Il aurait freiné et n'aurait pas conduit aussi vite. Au vu de toutes les circonstances, la probabilité d'une telle collision, était moyenne, selon l'analyse qu'il aurait pu faire au moment des faits et dans l'hypothèse où il était à jeun. Avec 2 grammes d'alcool, la probabilité était plus élevée. De son point de vue actuel, la probabilité était très élevée. Il avait effectivement adopté un comportement dangereux. A la question de savoir si I______ aurait pu faire quelque chose pour échapper à sa voiture qui fonçait sur son vélo, A______ a répondu qu'il aurait pu aller plus à droite sur la bande cyclable. En fait, peut-être que cela aurait été même mieux s'il était plus à gauche.
S'agissant de son comportement après le choc, il a déclaré qu'il voulait porter secours au cycliste, en particulier éviter qu'il ne s'étouffe dans son sang, raison pour laquelle il voulait le mettre en position latérale. Il avait très peur pour la vie de I______. Il avait donné sa trousse de secours, mais n'en n'avait pas renversé le contenu, puisqu'il l'avait ouverte et laissée à côté.
C'était par l'intermédiaire de son avocat qu'il avait appris les graves lésions subies par I______. Avec le recul, il regrettait toujours ce qu'il s'était passé le 14 août 2023, soit d'avoir tué I______, et il demandait en permanence pardon à Dieu. Il lui était arrivé de penser à mourir, mais il fallait vivre. Pour sa part, il avait déjà vécu la moitié de sa vie, mais pas ce jeune homme, c'était pour cela qu'il aurait voulu prendre sa place. En rapport avec les deux lettres qu'il avait préparées à l'attention de la famille de I______, il a affirmé avoir été très sincère, sous réserve que les médicaments qu'il prenait l'avaient peut-être un peu perturbé. Il ignorait pourquoi, dans ces lettres, il n'avait pas mentionné le fait qu'il était fortement alcoolisé et qu'il roulait vite. Alors qu'il lui était fait remarquer qu'il n'apparaissait pas, lors de ses différentes auditions ou encore dans ses échanges avec sa propre famille, qu'il se serait intéressé à la personne qu'était I______, comme s'il lui était indifférent, il a fait valoir sa timidité. En rapport avec les conclusions civiles présentées par C______, D______, E______ et H______ à titre de réparation de leur tort moral ainsi que leurs prétentions en indemnisation de leurs frais de défense, il a indiqué être d'accord sur le principe d'une indemnisation, mais laisser le Tribunal trancher s'agissant des montants. Il souhaitait demander pardon à la famille de I______ pour ce dramatique accident. S’il avait pu savoir qu’il allait tuer quelqu’un, il n’aurait jamais pris le volant. Il savait que les parents de I______ vivaient un véritable drame. Il était détruit par la prison. Il souhaiterait tout réparer, mais il ne savait pas comment. Il ignorait comment il allait pouvoir vivre avec tout ça.
c. C______ a confirmé sa plainte pénale du 4 septembre 2023 et ses déclarations à la procédure. Près d’an et demi après le décès de son fils, il n’allait pas très bien. I______ était un rayon de soleil qui avait disparu tout à coup. Ils étaient très soudés et jouaient par exemple au foot ensemble. Il avait une souffrance extrême et son fils lui manquait. A l’hôpital, les médecins leur avait dit qu’il fallait arrêter les machines. Ils avaient vu leur fils respirer, puis tout s’était arrêté. Il n’était pas allé consulter un psychologue, car sa douleur était tellement grande que personne ne pourrait lui fournir une thérapie. Il n’avait pris aucun médicament, même s’il ne dormait jamais bien. Il exprimait ses sentiments à ses amis DD______ et EE______. Le Ministère public leur avait envoyé l’ordonnance d’autopsie par courriel à leur garage, alors que ce dernier était fermé. Ils n’avaient pas vu le courriel et ne s’étaient pas rendus compte que le corps de leur fils leur avait été rendu sans son cerveau. Il avait donc été enterré sans son cerveau. Pour eux, c’était extrêmement grave. Il ne pouvait pas pardonner A______. C’était trop grave.
d. D______ a confirmé sa plainte pénale du 4 septembre 2023 et ses déclarations à la procédure. Depuis un an et demi, elle avait suivi toute la procédure. Elle s’était infligée cela, car son fils s’était battu toute sa vie pour tout. Il avait une force et une détermination incroyables. Il faisait cinq ou six heures de sport par jour et avait une excellente hygiène de vie. Dans le [terrain multisports] FF______, à W______, il y avait une plaque à la mémoire de son fils. Elle était suivie par un thérapeute, notamment pour passer le cap du procès. Les gens étaient venus les soutenir aux soins intensifs, puis chez eux, en leur apportant des choses ou à manger. I______ était aimé. Son fils lui manquait énormément. Ils avaient dû l’enterrer le jour de l’anniversaire de son père, n’ayant pas pu faire autrement. Elle n’avait jamais voulu prendre des médicaments. Elle voulait être dans la réalité. Sa fille et I______ étaient comme des jumeaux, très complices. Ils s’aidaient mutuellement et étaient tout le temps ensemble.
e. E______ a confirmé sa plainte pénale du 6 septembre 2023 et ses déclarations à la procédure. La personne la plus importante de sa vie était partie. Elle avait perdu son identité. Avant, elle était très travailleuse, mais désormais elle s’était renfermée sur elle-même. Elle ne dormait plus et faisait des cauchemars. Elle avait dû arrêter son année scolaire. Pour son petit frère, I______ était comme un deuxième père. En effet, leur père travaillait beaucoup et rentrait tard le soir. I______ remontait les bretelles de H______ et le guidait dans la vie. Aujourd’hui, elle avait repris ce rôle. Elle voulait que H______ soit épanoui et se mettait beaucoup de pression. Elle avait consulté tardivement un psychologue, soit en octobre 2024, car sa mère voulait qu’elle puisse parler. A l’hôpital, le visage de son frère était méconnaissable. Ils avaient dû lui raser ses cheveux, qu’il adorait, et lui lacérer son tatouage représentant la famille. Elle tenait à souligner combien ils étaient fusionnels. Ils allaient au cinéma, au restaurant et faisait des soirées. Elle était perdue maintenant dans sa vie. Elle avait eu une chance inouïe d’avoir I______ comme frère.
f. DD______, ami de longue date de C______ et parrain de I______, a déclaré avoir passé une partie de la nuit à l’hôpital. Ils gardaient espoir. I______ était solaire, c’était un moteur pour son frère et sa sœur. Il était un grand frère pour les enfants de la commune. C______ et son fils avaient une relation fusionnelle. C______ survivait désormais, il n’était plus comme avant. S’il avait besoin de parler, il le faisait avec lui. Avant ce drame, il n’avait jamais vu C______ pleurer.
g. EE______, ami proche des époux C______/D______, a indiqué avoir vu l’accident de loin. Ils avaient pris les époux C______/D______ en voiture pour aller à l’hôpital. Le parrain de I______ était également venu. Ils avaient attendu les résultats. I______ était dynamique, sportif et joyeux. Il était aimé dans le village. Il avait réussi à fédérer tous les enfants du village pour faire du sport ensemble. Depuis la mort de I______, il n’y avait plus d’âme dans le village. La peine des parents ne pouvait pas être comprise et elle était insurmontable. Il lui était arrivé de passer par le cimetière et de voir C______ allongé le long de la tombe de son fils. La famille était très importante pour C______. La souffrance de D______ était énorme. Leur famille avait toujours été solidaire et soudée. Ils aimaient partir en vacances ensemble. Le fait d’être obligés de passer tous les jours devant le lieu où leur fils était décédé était une peine indélébile. I______ avait le rôle de l’homme qui protège sa famille. La restitution du corps incomplet de I______ avait occasionné une douleur dévastatrice au sein de la famille.
h. FF______, amie proche des époux C______/D______, a indiqué que tout le village avait été en deuil. I______ était un jeune homme qui avait beaucoup de détermination. Il était tout le temps à FF______ en train de faire du sport. Il était proche de sa mère et de sa famille. Les C______/D______/E______/H______ avaient un grand esprit de famille. C______ avait une blessure béante. Il tentait de la calmer par le sport ou le travail afin d’être extenué et ne pas souffrir. D______ était une mère qui ne se remettait pas, elle pleurait son fils. Elle était animée par la colère, dont elle avait besoin pour avancer. Elle se battait pour essayer de sauver sa famille qui était partie en éclats avec cet évènement.
i. HH______, amie proche de E______, a indiqué avoir été présente pour la famille. Elle connaissait bien I______. Il était drôle, studieux, aimant et amical. Il était extrêmement proche de sa sœur et ils se racontaient tout. Ils avaient quasiment grandi comme des jumeaux et étaient inséparables. E______ était complètement brisée moralement. Elle ne se reconnaissait plus et était perdue. Avant, elle était très scolaire et très organisée. Désormais, elle ne révisait plus et n’avait pas de motivation. Elle était plus passive.
Pièces versées à la procédure
j.a. A______, par le biais de son Conseil, a déposé un chargé de pièces complémentaire comportant notamment un certificat de suivi médico-psychothérapeutique du Service de médecine pénitentiaire (SMP) du 28 janvier 2025, aux termes duquel il ressort qu’il souffrait d’un état anxio-dépressif et reconnaissait avoir une problématique de dépendance à l’alcool. A sa demande, il avait débuté une psychothérapie. Il se rendait compte que ses consommations étaient un moyen dysfonctionnel de contenir ses angoisses. Il se montrait plus conscient des conséquences de ses abus de substance et était dans une démarche de réparation de ses actes au sujet desquels il exprimait des regrets, des remords et une tristesse authentique. A ce jour, il ne montrait aucun signe de consommation de substance illicite ou d’alcool. En cas de libération, il envisageait l'abstinence totale et la poursuite d'un travail sur lui-même à long terme, ce qui était d'ailleurs préconisé.
j.b. A______ a aussi versé une lettre datée du 2 février 2025, rédigée en français et destinée au Tribunal. Dans cet écrit, il a réitéré ses regrets et demandé pardon. Il a aussi indiqué avoir, dans le cadre de son suivi avec un psychologue, réalisé à quel point il était malade.
j.c. D______, par le biais de son Conseil, a déposé une attestation médicale du 30 janvier 2025 de II______, dont il ressort qu’elle était suivie depuis le 7 juillet 2024 à un rythme hebdomadaire et, dès novembre 2024, à un rythme bimensuel. Depuis l'événement du 14 août 2023, elle présentait des symptômes marqués de choc post-traumatique (flashbacks, cauchemars récurrents liés à l’accident), de la colère, des difficultés d’endormissement, des pleurs, de la tristesse et des angoisses. Le processus de deuil qu'elle traversait était particulièrement complexe et accentué par un sentiment d'injustice.
j.d. E______, par le biais de son Conseil, a déposé une attestation de suivi psychologique établie le 30 janvier 2025 par JJ______ dont il ressort qu’elle était suivie en psychothérapie depuis mi-octobre 2024. E______ présentait des signes de stress post-traumatique chronique, caractérisés par des souvenirs envahissants liés à l’événement traumatique, de l’irritabilité, ainsi que des difficultés de concentration et de mémorisation. Elle présentait également les symptômes d’un trouble du deuil prolongé, se traduisant par une profonde douleur liée à la perte du défunt, un engourdissement émotionnel et le sentiment d’avoir perdu une partie d’elle-même. Sur le plan psychologique, elle ne s'était jamais remise de l'événement. A l'heure actuelle, l'imminence du procès la plaçait dans un état de stress intense.
j.e. A également été fournie une note de frais et d'honoraires du 3 février 2025 établie par Me F______ à l'attention de D______ et C______. L'activité déployée du 4 septembre 2023 au 5 février 2025 avait généré des honoraires de CHF 46'740.- et des frais de greffe de CHF 1'500.-, TVA en sus, soit CHF 52'192.85 au total. Le détail de la facture, sous forme de time-sheet, a aussi été déposé.
Situation personnelle
D.a. A______, ressortissant polonais, est né le ______ 1980. Il est divorcé, sans enfant et n’a pas de compagne. Son père vit en Pologne, pays où il n'a pas d'autres membres de sa famille. Il a sa sœur à V______.
Après avoir effectué sa scolarité obligatoire, il a suivi une formation et obtenu un diplôme de mécanicien. Arrivé en Suisse pour la première fois en 1999, il a effectué les vendanges. Il est revenu ensuite chaque année, pendant plusieurs mois, pour travailler dans l’agriculture. De 2010 à 2020, il a travaillé pour la ferme KK______ et pour X______ à raison de neuf mois par année. Il faisait des allers-retours entre la Pologne et la Suisse en voiture.
De mars 2020 à juillet 2020, il a travaillé dans une usine de pièces automobiles en Pologne, puis est revenu en Suisse pour travailler à LL______ [NE] jusqu’en février 2023. Il a obtenu la délivrance d’un permis B. En mars 2023, il s’est installé chez sa sœur à Genève. A partir du mois de mars 2023, il a travaillé pour X______, puis dès le mois de juin 2023, pour P______. Pour chacun de ces emplois, il était rémunéré CHF 20.- à CHF 25.- nets de l’heure. Sans fortune, il a des dettes à hauteur de CHF 5'000.-.
En lien avec ses habitudes de consommation d’alcool, il dit avoir commencé à boire à l’âge de vingt ans et avoir eu un problème d’alcool. En détention, il a commencé une psychothérapie pour traiter sa dépendance à l’alcool, substance qu'il ne consomme plus. Dans le futur, il souhaite être suivi par un addictologue. Il a consulté un psychiatre et prend un traitement médicamenteux pour traiter différents aspects (diabète, cholestérol, somnifère et antidépresseur).
En détention, il travaille à la boulangerie. A sa sortie de prison, il prévoit d’ouvrir une entreprise de pêche en Pologne, voire en Suisse s'il ne fait pas l'objet d'une expulsion.
b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 18 janvier 2025 ainsi que de l'extrait de son casier judiciaire polonais, A______ n’a aucun antécédent.
Il ressort cependant de ses propres déclarations qu’il avait causé un accident à l’âge de 24 ans, soit en 2004, en raison de son état d’alcoolisation. A la sortie d’un restaurant, il avait effectué 300 ou 400 mètres pour rentrer chez lui. La route était enneigée. Il avait percuté une statue en tournant à gauche et s’était cassé la main. Il avait un taux d’alcoolémie d’environ 1 ‰. Il avait été condamné à une peine privative de liberté avec sursis pendant deux ans. Son permis avait été retiré pendant la même durée. Par la suite, il n’avait pas commis de nouvelles infractions routières, n'avait pas repris son permis de conduire pendant cinq ans et avait repassé l'examen qu'il avait réussi du premier coup.
Culpabilité
1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).
2.1.1. Selon l'art. 111 CP, se rend coupable de meurtre celui qui aura intentionnellement tué une personne.
L’infraction est intentionnelle. L’intention doit porter sur tous les éléments constitutifs, le dol éventuel étant suffisant (CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, Berne 2010, n. 17 ad art. 111 CP).
2.1.2. Selon l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où elle se produirait. Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat illicite, mais agit néanmoins même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 135 IV 152 c. 2.3.2; ATF 134 IV 26 c. 3.2.2 et 3.2.4; arrêt du Tribunal 6B_355/2011 du 23 septembre 2011 c. 4.2.1).
Suivant les cas, la délimitation entre le dol éventuel et la négligence consciente peut être délicate. Non seulement l’auteur qui agit par dol éventuel, mais également celui qui le fait par négligence consciente, a conscience de la possibilité de la survenance du résultat, voire du risque de la réalisation de l’état de fait punissable. Il y a donc concordance entre ces deux manifestations de l’état de fait subjectif en ce qui concerne la conscience. Des divergences existent cependant au niveau de la volonté. L’auteur qui agit par négligence consciente pense (par une imprévoyance coupable) que le résultat qu’il considère comme possible ne surviendra pas et que le risque que l’état de fait punissable se produise ne se réalisera donc pas. Au contraire, l’auteur qui agit par dol éventuel prend au sérieux la survenance du résultat qu’il tient pour possible, s’y attend et s’en accommode. Celui qui s’accommode à ce point du résultat le « veut » au sens de l’art. 12 al. 2 CP. Il n’est pas nécessaire que l’auteur « approuve » le résultat (en détail : ATF 96 IV 99, in JdT 1971 IV 83; ATF 130 IV 58 c. 8.3, in JdT 2004 I 486 c. 8.3).
Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait figurent notamment la probabilité, connue par l'auteur, de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celle-ci est grande, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, a accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1 p. 84; 135 IV 12 consid. 2.3.3 p. 18). Ainsi, le dol éventuel peut notamment être retenu lorsque la réalisation du résultat devait paraître suffisamment vraisemblable à l'auteur pour que son comportement ne puisse raisonnablement être interprété que comme une acceptation de ce risque (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3 p. 4; 133 IV 222 consid. 5.3 p. 226). En d’autres termes, avant de retenir le dol éventuel, le juge doit être en mesure de constater successivement que, vu son degré, le risque n’a pu qu’être envisagé par l’auteur et, une fois envisagé, qu’il n’a pu qu’être accepté (ATF 6B_519/2007 du 29 janvier 2008). Dans le doute, il faut retenir qu'il y a seulement eu négligence consciente (arrêts 6B_796/2013 du 30 juin 2014, consid. 2.2; 4A_653/2010 du 24 juin 2011, consid. 3.1.3 et 4A_594/2009 du 27 juillet 2010, consid. 3.5).
2.1.3. En matière d’accidents de la circulation routière, le Tribunal fédéral a encore précisé qu’on sait, par expérience, que les conducteurs sont enclins, d’une part, à sous-estimer les dangers et, d’autre part, à surestimer leurs capacités, raison pour laquelle ils ne sont pas conscients, le cas échéant, de l’étendue du risque de réalisation de l’état de fait. Or, il n’y a pas de dol éventuel sans conscience. En cas d’accidents ayant entraîné des lésions corporelles ou la mort, le dol éventuel ne doit donc être admis qu’avec retenue, dans les cas flagrants pour lesquels il résulte de l’ensemble des circonstances que le conducteur s’est décidé en défaveur du bien juridiquement protégé (ATF 133 IV 9 e. 4.4 précité, JT 2007 I 573 e. 4.4).
Par ailleurs, par sa manière risquée de conduire, un conducteur peut devenir sa propre victime. C'est pourquoi, en cas de conduite dangereuse, par exemple en cas de manœuvre de dépassement téméraire, on admet en principe qu'un automobiliste, même s'il est conscient des conséquences possibles et qu'il y a été rendu formellement attentif, pourra naïvement envisager – souvent de façon irrationnelle – qu'aucun accident ne se produira. L'hypothèse selon laquelle le conducteur se serait décidé en défaveur du bien juridique protégé et n'envisagerait plus une issue positive au sens de la négligence consciente ne doit par conséquent pas être admise à la légère (ATF 130 IV 58, consid. 9.1.1).
2.1.4. Le Tribunal se réfèrera ci-après à différents arrêts du Tribunal fédéral ayant trait à la problématique du meurtre par dol éventuel.
2.1.5. Le meurtre par dol éventuel a été retenu dans plusieurs cas, à commencer par une affaire impliquant deux conducteurs qui ne se connaissaient pas et avaient décidé spontanément de se lancer dans une course-poursuite. Traversant un village un soir à 22h30, à une vitesse de l’ordre de 120 à 140 km/h, l’un d’eux avait perdu la maîtrise de son véhicule durant une manœuvre de dépassement et percuté deux jeunes gens qui étaient décédés. Dans l'arrêt considéré, il avait été relevé que l'un des conducteurs ne pouvait, en conduisant comme il l'avait fait, plus qu'espérer s'en tirer sans dommage, la réalisation ou non du risque étant en définitive laissée à la chance ou au hasard, et que le but de ce dernier était de prouver à son rival sa propre supériorité en matière de conduite, prisant d'avantage cet objectif que ses conséquences possibles, à savoir la mort de deux victimes (ATF 130 IV 58, in JdT 2004 I 488).
Le meurtre par dol éventuel a aussi été admis dans le cas où, après une course sur l’autoroute entreprise avec deux véhicules, le premier avait fortement ralenti à l’approche d’une sortie, en raison de la présence d’un véhicule qui circulait normalement à 90 km/h, signalant ce fait à son poursuivant en actionnant de manière répétée la pédale de frein. Ce nonobstant, le véhicule venant de l’arrière avait entrepris une manœuvre de dépassement par la droite, en empiétant sur la bande d’arrêt d’urgence, à une vitesse minimale de 170 km/h (vraisemblablement 200 km/h, étant précisé que le tronçon était limité à 100 km/h), perdu la maîtrise de son véhicule et terminé sa course dans un candélabre, le passager du véhicule étant tué sur le coup. Le Tribunal fédéral a considéré qu’en conduisant de la sorte, n’importe quel conducteur se serait rendu compte des conséquences inévitables de son comportement et que le recourant ne pouvait pas espérer éviter l’accident. Une expertise avait en effet démontré qu'il était impossible d'empêcher ce résultat dans ces circonstances. Son comportement démontrait qu’il avait comme but premier de prouver sa supériorité, faisant passer au second plan sa propre sécurité, ainsi que celle de son passager. Dès lors, la réalisation du risque lui était indifférente et le simple fait qu’il ait pu espérer, à un certain moment, que la chance lui permettrait d’éviter un accident ne suffisait pas pour admettre qu’il avait fait simplement preuve d’une négligence consciente (arrêt du Tribunal fédéral 6S.114/2005 du 28 mars 2006).
Le Tribunal fédéral a également retenu le meurtre par dol éventuel dans le cas d'un conducteur qui, sous l'effet du cannabis, avait effectué des dépassements à une vitesse excessive alors qu'il ne voyait pas la sortie d'un virage « aveugle », le temps de réaction étant insuffisant pour lui permettre de réagir face à un véhicule venant en sens inverse. Compte tenu des circonstances et de la grande probabilité d'une collision frontale, il ne pouvait pas ne pas avoir conscience du danger de causer un accident. L'issue fatale ressortait, à nouveau, du hasard, l'impossibilité de réagir à temps ayant été prouvée par une expertise (arrêt du Tribunal fédéral 6B_411/2012 du 8 avril 2013).
Enfin, le Tribunal fédéral a admis la réalisation d'un meurtre par dol éventuel dans le cas d'un conducteur qui, sous l'effet du cannabis, s'était livré à une course-poursuite, circulant à plus de 160 km/h en pleine ville; son adversaire s'étant déporté sur la voie de gauche afin de dépasser un bus immobilisé sur la voie de droite, le conducteur avait choisi d'emprunter la voie de circulation inverse, après avoir franchi la double ligne de sécurité. Surpris par la présence d'une voiture arrivant en sens inverse, et au lieu de freiner vigoureusement, il avait donné un coup de volant sur la droite et avait percuté un piéton. En substance, le Tribunal fédéral a considéré qu'en s'engageant à plus de 160 km/h sur la voie de circulation inverse sans visibilité, les probabilités de percuter un piéton ou un autre véhicule étaient si élevées que l'intéressée devait avoir nécessairement accepté la réalisation du résultat dommageable. Son comportement téméraire ne pouvait en effet être interprété que comme une acceptation de ce risque. Il avait consciemment et volontairement adopté un comportement qui rendait l'issue fatale inévitable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_987/2017 du 12 février 2018).
2.1.6. Le meurtre par dol éventuel n'a pas été retenu dans les cas suivants:
Il a été jugé qu'un automobiliste qui avait abordé une courbe à grand rayon à 130-140 km/h sur une route secondaire, avait perdu la maîtrise de son véhicule et était parti dans une très violente embardée au cours de laquelle son passager avant - son neveu – était décédé, tandis que son fils et lui-même avaient été blessés, n'avait pas agi par dol éventuel. Dans ce cas, le Tribunal fédéral a exclu que le conducteur avait accepté la survenance du risque au motif qu’il connaissait bien l’endroit, que son véhicule avait une bonne tenue de route, que le virage pouvait être abordé à vive allure sans grand risque et qu’il savait que personne ne venait en sens inverse, de sorte que la perte de maîtrise ne paraissait pas inéluctable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_519/2007 du 29 janvier 2008).
Il en a été de même d'un conducteur qui, roulant au volant d'une voiture puissante à une vitesse de 188 km/h dans un virage alors que la limite était de 100 km/h, s'était retrouvé sur la voie venant en sens inverse, avait évité de peu une collision avec un tiers puis était revenu sur sa voie, avant de partir à la dérive sur la gauche et sortir de la route; ses deux passagers, projetés de la voiture, étaient décédés. En effet, à teneur d'expertise, le déportement du conducteur dans le virage sur la voie opposée n'était pas inévitable et il était possible de passer ledit virage à cette vitesse sans accident (ATF 136 IV 76 du 27 avril 2010).
N'avait pas agi non plus par dol éventuel le conducteur qui manipulait son téléphone portable pour passer des commandes sur un site d'achat en ligne tout en conduisant et qui avait bifurqué à gauche sans accorder la priorité à un scootériste qui circulait en sens inverse, provoquant un accident mortel. Dans ce cas, le Tribunal fédéral a considéré que l'automobiliste n'avait pas obliqué à gauche « à l'aveugle » puisqu'il avait réduit sa vitesse de 20 km/h à l'approche de sa destination, avait enclenché son indicateur de direction et avait observé le trafic. La perspective d'une collision ne paraissait pas suffisamment vraisemblable pour que la manœuvre de changement de direction dût être interprétée comme une acceptation de ce risque (arrêt du Tribunal fédéral 6B_259/2019 et 6B_286/2019 du 2 avril 2019).
Enfin, le dol éventuel n'a pas non plus été retenu dans le cas d'un conducteur fortement alcoolisé (1,77 et 2,36 g/kg) et sous l'effet du cannabis (3,2 ug/l), qui avait circulé de façon rapprochée avec un automobiliste sur une courte distance (400 à 525 mètres); ces derniers avaient commis de multiples et graves infractions à la LCR (queue de poisson, vitesse très excessive, distances extrêmement proches, tentatives de dépassement par la droite). Après que l'autre automobiliste eut empiété involontairement sur sa voie de circulation, le conducteur alcoolisé avait donné « un coup de volant à gauche », percutant de la sorte par l'arrière, à une vitesse d'environ 105 km/h, un automobiliste immobilisé au feu rouge. En dépit de son intoxication sévère, le Tribunal fédéral a estimé qu'il n'était pas encore impossible que le conducteur puisse réagir et éviter un autre usager de la route sur le parcours qu'il connaissait bien, de sorte que l'issue mortelle n'était pas encore inéluctable pour ce motif. En effet, il avait été en mesure de suivre la légère sinuosité de la route avant l'accident, de rester sur sa voie de circulation sans aucune difficulté et de réagir à la queue de poisson en freinant énergiquement. L'expertise avait en outre établi que les intéressés étaient fondés à croire qu'ils pouvaient garder la maîtrise de leur véhicule même en circulant à 120 km/h sur ce tronçon, de sorte qu'ils n'avaient pas consciemment et volontairement adopté un comportement qui rendait l'issue fatale inévitable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_454/2016, 6B_455/2016, 6B_489/2016, 6B_490/2016 et 6B_504/2016 du 20 avril 2017).
Concernant la question du conducteur sous l'effet de l'alcool, on peut également citer un arrêt dont l’objet était la fixation de la peine, mentionnant que les faits suivants se situaient « à la limite du dol éventuel » : un conducteur dépendant de l’alcool avec de nombreux antécédents de conduite en état d'ébriété, qui prend le volant en toute connaissance de cause avec un taux d’alcoolémie qualifié (1.93 g/kg) et qui, en raison de son état, se laisse déporter sur la gauche, alors qu’il circule en dehors d’une localité et cause une collision frontale avec le véhicule venant en sens opposé, tuant ses deux occupants (arrêt du Tribunal fédéral 6S.85/2003 du 8 septembre 2003).
2.1.7. En résumé, le Tribunal fédéral admet le meurtre par dol éventuel lorsque les circonstances ne permettent plus à l'auteur de penser sérieusement que son habileté de conducteur lui permettra d'éviter une issue mortelle, cette issue étant en définitive laissée à la chance ou au hasard.
2.2. En l'espèce, au stade de l’établissement des faits, le Tribunal s’est principalement fondé sur les constatations de la police, de l’expert et des médecins-légistes ainsi que sur les déclarations des témoins qui sont crédibles et se recoupent. Pour sa part, A______ n’a pas été en mesure de fournir beaucoup d’éléments sur le déroulement de l’accident, ce qui est relativement compréhensible.
Il apparaît que le 14 août 2023, vers 20h00, les conditions météorologiques étaient bonnes dans la commune de W______, qu’il faisait encore jour et qu’il y avait un trafic sans particularité. Sur le tronçon considéré, la route 1______ offrait une visibilité normale, elle était sèche et se trouvait dans une configuration classique, en l’absence de travaux. La vitesse autorisée sur cette route était de 60 km/h.
Le Tribunal tient pour avéré que le 14 août 2023, A______ s’est alcoolisé à trois occasions, à savoir par l’ingestion d’une première bière avec le repas de midi, puis d’une deuxième bière en fin d’après-midi et enfin par une consommation massive d’alcool une fois revenu à son domicile, sous forme de quatre à six bières et à tout le moins d’une demi-bouteille de vin.
Rien n’indique que A______ avait prévu d’utiliser sa voiture le soir en question, de sorte qu’on ne saurait lui reprocher d’avoir bu alors qu’il savait qu’il devrait ensuite prendre le volant.
L’appel passé à 19h52 à P______ a fait naître chez A______ un besoin urgent de s’entretenir en face à face avec son patron afin de régler un point d’ordre professionnel, mais il est évident que l’urgence ressentie n’existait pas objectivement.
La précipitation avec laquelle il a quitté son logement du chemin 2______ est plausible, vu les constatations ultérieures de sa sœur et ses propres dires, notamment quant à l’oubli de son permis de conduire.
Sur la base du prélèvement auquel il s’est soumis par la suite et du calcul en retour effectué par le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale, il est établi que A______ présentait dans son organisme, au moment critique, intervenu quelques minutes après son départ, une concentration d’éthanol comprise entre 2.08 g/kg et 2.88 g/kg. C’est la valeur la plus basse, soit 2.08 g/kg, qui sera retenue, car elle est objectivement la plus favorable pour lui.
En provenance de la route 3______, au volant de sa voiture J______, A______ s’est engagé, à une vitesse mesurée de l’ordre de 30 à 45 km/h, sur la route 1______ et s’est placé devant le véhicule conduit par M______, de sorte que ce dernier automobiliste l’a dépassé, étant précisé que, pendant cette manœuvre, A______ s’est mis à accélérer.
De l’avis du Tribunal, cette interaction marque le début d’un changement de comportement chez A______ qui a concédé, lors des débats, qu’il avait peut-être été énervé après avoir été dépassé.
A______ ne s’est pas contenté de dépasser la voiture de M______, puisqu’il a, dans le même mouvement, également dépassé les véhicules situés devant celle-ci, qui étaient conduits par L______ et K______, ce qui ressort de leurs témoignages et n’est au demeurant pas contesté par le prévenu, même s’il dit se souvenir d’avoir devancé une seule voiture.
Le caractère périlleux de cette manœuvre résulte non seulement du nombre de véhicules doublés, mais aussi de la forte accélération qu’elle a impliquée et de la vitesse excessive à laquelle elle a été réalisée, à savoir à tout le moins 80 km/h, considérant la vitesse minimale mise en évidence ultérieurement par l’expert et les propres déclarations de A______ qui a évoqué une vitesse de 80 à 90 km/h lors de ce dépassement.
Les témoins présents ont relaté le passage fulgurant de A______ en utilisant des mots évocateurs tels que « à toute vitesse », « très rapidement », « à fond », « tellement vite », « hyper vite », « boulet de canon ». A cela s’ajoute que le message vocal enregistré par L______ laisse clairement entendre le moteur vrombissant de cette voiture lancée dans une course folle ainsi que le coup de klaxon donné pour tenter de raisonner son conducteur.
Juste avant le premier îlot, qui comporte un passage pour piétons, A______ s’est rabattu devant le véhicule de K______, dans une manœuvre peu contrôlée correspondant quasiment à une perte de maîtrise, étant précisé que rien ne permet de considérer qu’il aurait entrepris de freiner.
Après avoir emprunté le passage situé sous l’autoroute A1, passage bordé d’un trottoir sur lequel des piétons auraient pu cheminer, A______ est arrivé à la hauteur d’un deuxième îlot et, à une vitesse toujours très élevée, a percuté, avec sa roue avant droite, une bordure en béton située sur le côté droit. Il est à souligner que, selon l’expert, la vitesse seule ne permet pas d’expliquer ce choc.
Le Tribunal retient que la vitesse à laquelle A______ conduisait au moment de ce choc se situait entre 80 km/h et 93 km/h, dès lors que l’expert a considéré que ce domaine était hautement plausible.
Suite au choc contre la bordure, A______ a perdu la maîtrise de son véhicule, lequel a été vu par le couple N______/O______ en train de tanguer et faire des zigzags. Ce défaut complet de contrôle de la trajectoire du véhicule apparaît comme une étape déterminante.
Alors que ses jantes du côté droit étaient désormais endommagées et que son pneu avant droit avait éclaté, A______ a poursuivi sa route, en roulant partiellement sur la bande herbeuse longeant la chaussée, étant rappelé que, sur des clichés pris par la police, il est possible de constater, dans l’herbe, une zone plus sombre, et que ce passage dans la bande herbeuse a été remarqué par L______ et N______. A______ a ensuite replacé sa voiture entièrement sur la route.
L’expert a considéré que le comportement de A______, en termes de vitesse, sur la distance d’environ 73.5 mètres séparant le choc contre la bordure et la zone de collision avec le cycliste, n’était pas déterminé, puisqu’on ignorait s’il avait accéléré, freiné ou était resté en vitesse constante. Cela étant, dans la mesure où le prévenu a lui-même déclaré n’avoir eu aucune réaction, n’avoir pas vu le cycliste et n’avoir pas freiné, où la police n’a pas constaté de traces de freinage, où aucun témoin n’a rapporté une telle manœuvre et où l’expert a privilégié la fourchette de vitesse impliquant un seul ralentissement dû au frein moteur, tout porte à croire qu’il n’y a pas eu de freinage.
C’est ainsi dans cette configuration, à une vitesse indéterminée, mais d’au moins 70 km/h, selon les calculs de l’expert, que A______ est venu violement percuter, avec l’avant de sa voiture, l’arrière du cycle conduit normalement par I______ sur la bande cyclable longeant la route 1______.
I______ a été projeté sur le véhicule de A______, lequel a indiqué l’avoir vu sur son pare-brise, puis sur la chaussée, étant observé que l’expert a évoqué, en rapport avec le vélo, une distance de projection plausible d’environ 25 mètres. Les photographies de la voiture et du vélo prises par la police démontrent la violence de l’impact.
Après la collision, A______ a encore roulé sur une distance d’environ 39 mètres, puis il s’est immobilisé.
Une fois sorti de son véhicule, il a cherché, d’une manière inappropriée selon différents témoignages, à venir en aide à I______. Les secours ont été appelés par des personnes présentes et N______ a effectué les premiers gestes de soin en faveur de I______.
En raison du choc avec la voiture conduite par A______, I______ a été grièvement blessé, souffrant des multiples lésions mises en évidence par les médecins-légistes dans leur rapport d’autopsie du 2 avril 2024, soit en particulier un traumatisme crânio-cérébral sévère récent, prédominant à gauche, avec notamment des fractures plurifragmentaires de la calotte crânienne, de la base du crâne et du massif facial.
L’existence de ces lésions a abouti à la mort de I______ le ______ 2023 à 01h05 du matin.
De l’avis du Tribunal, c’est exclusivement le comportement adopté par A______ le soir du 14 août 2023 qui est à l’origine de ce décès.
En effet, les expertises techniques pratiquées sur la voiture J______ de A______ et sur le cycle de I______ n’ont révélé aucune défectuosité susceptible d’être à l’origine de la collision. Par ailleurs, dans leurs constatations, les enquêteurs n’ont jamais relevé une quelconque faute commise par I______. Il ressort d’ailleurs du témoignage de O______ que le jeune homme circulait dans les limites de la bande cyclable, qu’il roulait normalement et avait les deux mains sur son guidon.
Pour apprécier juridiquement le comportement de A______, le Tribunal s’est fondé sur différents éléments, à commencer par la connaissance que le prévenu avait des lieux.
Habitant à V______ et travaillant à W______, A______ empruntait très fréquemment la route 1______, il était ainsi en terrain plus que connu, sans compter qu’ainsi qu’il l’a lui-même déclaré, il avait déjà vu des cyclistes circuler sur la bande cyclable présente sur cette route. Même s’il estimait que cette route était « très facile », il ne pouvait ignorer l’existence, sur le tronçon en cause, à tout le moins d’un premier îlot, assorti d’un passage pour piétons, d’un passage sous l’autoroute, qui impliquait un assombrissement, d’un second îlot, d’une bande cyclable et enfin d’un giratoire. Une telle configuration commandait nécessairement une prudence accrue.
Le profil de conducteur de A______ a aussi été pris en considération. Titulaire d’un permis de conduire depuis 1998 et, bien que privé du droit de conduire pendant plusieurs années, il était de toute évidence un conducteur expérimenté, puisqu’il effectuait régulièrement des allers-retours entre la Pologne et la Suisse et qu’il avait appris à conduire des tracteurs dans le cadre de son activité d’employé agricole. Ainsi qu’il l’a lui-même déclaré, A______ avait confiance en lui au volant d’un véhicule. Un probable excès de confiance l’a conduit à surestimer sa capacité à conduire le soir des faits, ce qu’il a d’ailleurs reconnu.
Le thème de l’alcool est fondamental dans cette affaire. A cet égard, le Tribunal a retenu que A______ connaissait non seulement son problème de gestion de sa consommation d’alcool, laquelle était marquée par des excès réguliers, mais aussi les effets négatifs d’une prise d’alcool en cas de conduite d’un véhicule automobile, puisqu’il avait déjà été impliqué dans un accident lié à son alcoolisation, ce qui lui avait d’ailleurs valu d’être blessé. En conséquence, plus que quiconque, il était sensibilisé à ces problématiques. A cela s’ajoute qu’il savait que le fait de boire avait un impact sur les réflexes.
Lors de son départ le soir du 14 août 2023, A______ n’ignorait pas l’ampleur et la nature de l’alcool ingéré, dès lors qu’entendu par la police quelques heures plus tard, il avait été en mesure de décrire ce qu’il avait bu. Il n’ignorait pas non plus le fait que cette consommation n’était pas compatible avec la conduite d’un véhicule automobile, étant rappelé que, selon ce qu’il a expliqué, il était conscient, à titre de limite, qu’il pouvait se permettre de « boire une petite bière et c’était tout ».
Si, devant le Ministère public, il avait déclaré qu’au moment de prendre le volant, il ne s’était « pas senti très bourré », il a soutenu à l’audience de jugement qu’il n’avait pas ressenti les effets de l’alcool, tant sur le plan physique que psychologique. En l’absence d’une appréciation d’un professionnel, il est a priori délicat d’avoir une certitude à ce sujet.
Cela étant, au vu des signes extérieurs décrits par les automobilistes mis en présence de A______ sur les lieux de la collision, laquelle est intervenue quelques minutes après son départ, on conçoit mal qu’il ne soit pas rendu compte des effets de l’alcool sur sa propre personne et ce, dès son installation dans sa voiture. Un autre indice allant dans ce sens réside dans le fait que, selon ses dires, il pensait qu’il allait rouler « doucement », ce qui correspond à une prise de précaution particulière. Un conducteur qui n’est pas sous l’effet de l’alcool n’a pas besoin de prévoir une adaptation de sa conduite, il lui suffit de rouler normalement, en conformité avec les règles.
En décidant de conduire après avoir bu massivement, A______ a bafoué ce qui est attendu de tout conducteur de véhicule et il a fait le choix d’avoir une capacité de réaction et des réflexes nettement amoindris.
En état d’ébriété caractérisé, il a accumulé des comportements déraisonnables et dangereux, en accélérant fortement, en roulant à une vitesse excessive, en dépassant de manière téméraire trois automobilistes, en ne réduisant pas sa vitesse, en manquant de perdre la maîtrise de sa voiture, en poursuivant sur sa lancée, en heurtant une bordure, en perdant effectivement le contrôle de son véhicule, en quittant partiellement la chaussée, en ne remarquant pas la présence de I______ qui pédalait normalement sur un espace de la route qui lui était dévolu, en ne freinant pas et en le percutant de plein fouet par l’arrière. Ce faisant, il a gravement violé le devoir de prudence.
Pour déterminer l'intention du prévenu, il s'agit d'examiner s'il avait conscience que son comportement routier pouvait créer un danger de mort et s'il acceptait une issue mortelle au cas où elle se produirait.
Pour le Tribunal, au moment des faits, A______ avait forcément conscience, comme tout usager de la route, que de tels agissements faisaient naître la possibilité évidente d’un terrible accident de la circulation aux conséquences mortelles. Ce risque qualifié ne pouvait lui échapper, quand bien même il avait foi en ses compétences de conducteur.
La probabilité d’une collision avec un autre usager positionné devant son véhicule était absolument majeure et A______ n’est pas crédible lorsqu’il l’estime à un niveau moyen, voire plus élevé. Il s’est placé dans une situation où il lui était objectivement impossible de pouvoir empêcher ce violent choc, étant rappelé que, selon l’expert, pour toute vitesse supérieure à 80 km/h lors du heurt contre la bordure, il n’aurait pas été possible d’éviter la collision avec le cycliste.
A______ ne pouvait pas sérieusement compter sur sa capacité à éviter l’issue fatale qui ne dépendait ainsi que du hasard.
De par sa position, I______ n’était pas en mesure de voir arriver la voiture conduite par A______ et même s’il avait pris l’initiative de se retourner, cela n’aurait rien changé. Il n’avait aucun moyen d’échapper à cette collision par une réaction appropriée.
Au vu de ce qui précède, le Tribunal considère que A______, conscient que le risque mortel pourrait se produire, a accepté ce risque pour le cas où il se produirait. Ses actes relèvent ainsi du dol éventuel et non de la négligence.
En conséquence, il sera reconnu coupable de meurtre au sens de l’art. 111 CP.
3.1. Selon l'art. 91 al. 2 let. a LCR, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine.
Sont considérés comme qualifiés un taux d'alcool dans le sang de 0,8 gramme pour mille ou plus, ainsi qu'un taux d'alcool dans l'haleine de 0,4 milligramme ou plus par litre d'air expiré (art. 2 de l'Ordonnance de l'Assemblée fédérale du 15 juin 2012 concernant les taux limites d'alcool admis en matière de circulation routière).
3.2. En l'espèce, les faits de conduite en état d'ébriété reprochés au prévenu sont établis sur la base de ses déclarations et des éléments du dossier, considérant notamment le calcul en retour effectué par le CURML, qui a mis en évidence une concentration d'éthanol dans son sang, au moment de l'événement, comprise entre 2.08 g/kg et 2.88 g/kg.
Le prévenu sera ainsi reconnu coupable de conduite malgré une incapacité et violation de l’interdiction de conduire sous l’influence de l’alcool (art. 91 al. 2 let. a LCR).
4.1.1. A teneur de l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d’une peine privative de liberté d’un à quatre an.
L'art. 90 al. 3 LCR contient deux conditions objectives : (i) la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière et (ii) la création d'un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (ATF 143 IV 508 consid. 1.1 p. 510 et les références citées).
Concernant la première condition, la loi donne une liste exemplative, non exhaustive, de ces règles fondamentales en évoquant trois types de comportements appréhendés (ATF 142 IV 137 consid. 6.1 p. 142). D'autres règles peuvent entrer en ligne de compte, comme le talonnage, le dépassement par la droite ou le non-respect d'une signalisation lumineuse, pour autant que les circonstances, notamment lorsqu'elles sont cumulées avec d'autres violations, les fassent apparaître comme atteignant le degré de gravité extrême requis par la norme (Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème éd., 2015, Helbing & Lichtenhahn, n°5.1 et 5.2 ad art. 90 LCR). Un cumul de violations simples des règles de la circulation routière est susceptible de constituer une violation grave « qualifiée », pour autant qu'elle créé un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (arrêt du Tribunal fédéral 6B_34/2017 du 3 novembre 2017 consid. 2.4)
Quant à la deuxième condition, le risque, pour être qualifié, doit se rapporter à un accident entraînant des morts ou des blessés graves. La survenance du résultat doit en outre être relativement évidente. Étant donné que le danger abstrait accru au sens de l’art. 90 al. 2 LCR présuppose la possibilité évidente d’une mise en danger concrète, il est nécessaire de poser comme condition la possibilité particulièrement évidente d’une mise en danger concrète, autrement dit un danger abstrait et accru qualifié pour que l’art. 90 al. 3 LCR soit applicable. Le danger doit donc être imminent (arrêt du Tribunal fédéral 6B_486/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.1). L'imminence du danger se concrétise lorsque le chauffard frôle un autre usager de la route et que l'absence de collision n'est due qu'à la chance ou aux réflexes salvateurs de ce dernier (DÉLÈZE / DUTOIT, Le "délit de chauffard" au sens de l'art. 90 al. 3 LCR : éléments constitutifs et proposition d'interprétation, in PJA 2013 p. 1'209).
4.1.2. Concernant les dépassements téméraires, on pourrait considérer comme téméraire tout dépassement insensé et totalement absurde, quand le conducteur ne sait pas s'il pourra se rabattre à temps sur sa voie, ou au cours duquel il n'est pas en mesure de savoir si, dans l'autre sens, lors de sa manœuvre, la voie sera libre. Par exemple, lors de la commission parlementaire, des dépassements à des endroits sans aucune visibilité et des dépassements entrepris alors que survient un véhicule en sens inverse à brève distance ont été considérés comme téméraires. La dangerosité particulière peut résulter en effet des conditions de visibilité et du trafic particulièrement défavorables et également d'une vitesse très élevée (GALLIANO, Le délit de chauffard, Analyse et implications de l'art. 90 al. 3 LCR, Berne 2019, p. 103 et les références citées)
4.1.3. Dans le domaine particulier de l'excès de vitesse, la jurisprudence, afin d'assurer l'égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, le cas est objectivement grave au sens de l'art. 90 al. 2 LCR, sans égard aux circonstances concrètes, en cas de dépassement de la vitesse autorisée de 25 km/h ou plus à l'intérieur des localités, de 30 km/h ou plus hors des localités et sur les semi-autoroutes dont les chaussées, dans les deux directions, ne sont pas séparées et de 35 km/h ou plus sur les autoroutes (ATF 132 II 234 consid. 3.1 p. 237 s.; ATF 124 II 259 consid. 2b p. 261 ss; ATF 123 II 106 consid. 2c p. 113 et les références citées).
Selon l'art. 90 al. 4 LCR, l'excès de vitesse est particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 3 LCR lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 50 km/h, là où la limite est fixée au plus à 50 km/h (let. b) et d'au moins 60 km/h, là où la limite est fixée au plus à 80 km/h (let. c). En vertu du principe in dubio pro reo, lorsque le dépassement des limites de vitesse est réalisé dans des zones à 20, 40, 60 et 70 km/h, il conviendra d'appliquer le seuil de l'intervalle de l'art. 90 al. 4 LCR immédiatement supérieur (GALLIANO, Le délit de chauffard, Analyse et implications de l'art. 90 al. 3 LCR, Berne 2019, p. 90 et les références citées).
4.2. En l'espèce, dès lors que, par différents comportements précédemment mentionnés (cf. ch. 2.2), A______ a violé des règles fondamentales de la circulation routière et engendré un grand risque d’accident aux sérieuses conséquences, sous forme de graves blessures ou de mort, à l’égard des autres usagers de la route, il y a lieu de le reconnaitre coupable de l’infraction visée à l’art. 90 al. 3 LCR.
Peine
5.1.1. Selon l'article 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 et arrêts cités).
5.1.2. Si en raison d'un ou plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines du même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois pas excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (art. 49 al. 1 CP).
5.1.3. Aux termes de l'art. 40 CP, la durée minimale de la peine privative de liberté est de trois jours ; elle peut être plus courte si la peine privative de liberté est prononcée par conversion d'une peine pécuniaire (art. 36) ou d'une amende (art. 106) non payées (al. 1). La durée de la peine privative de liberté est de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté est prononcée à vie (al. 2).
5.1.4. Selon l'art. 19 al. 2 CP, le juge atténue la peine si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.
Selon la jurisprudence, la responsabilité sera en règle générale diminuée lorsqu'une personne présente un taux d'alcool situé entre 2 et 3 ‰ dans le sang, alors qu'en dessous de 2 ‰, on admettra en principe une responsabilité pleine et entière. Il ne s'agit cependant que d'une présomption, par ailleurs réfragrable, qui peut être renversée en raison d'indices contraires (ATF 122 IV 49 consid. 1b ; ATF 119 IV 120 consid. 2b ; ATF 117 IV 292 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_590/2014 du 12 mars 2015 consid. 4).
Si l'auteur pouvait éviter l'irresponsabilité ou la responsabilité restreinte et prévoir l'acte commis en cet état, les al. 1 à 3 ne sont pas applicables (art. 19 al. 4 CP). Cette disposition vise notamment l'actio libera in causa par négligence, à savoir le cas de celui qui se met intentionnellement ou par négligence en état d'irresponsabilité ou de responsabilité restreinte, sans vouloir l'infraction mais en pouvant et devant se rendre compte ou tenir compte du fait qu'en diminuant ses facultés, il s'expose au danger de commettre une infraction (Petit commentaire du code pénal, 2e édition, art. 19 CP N 28 et les références citées).
5.1.5. En vertu de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.
5.2 En l'espèce, la faute de A______ est objectivement très lourde, mais elle sera en définitive qualifiée de lourde, en raison d’une très légère diminution de la responsabilité, considérant en particulier la concentration d'alcool dans son sang, ce qui justifie une telle atténuation.
A l’occasion d’un événement unique, il a porté atteinte au bien juridique le plus précieux, soit la vie d’un jeune homme, et a mis en danger d’autres usagers de la route.
« Boire ou conduire, il faut choisir », comme le dit la formule, mais A______ a décidé de ne pas choisir, pour des motifs égoïstes et futiles. Rien ne l’obligeait à se rendre chez son employeur le soir en question. S’il voulait absolument y aller, il pouvait alors renoncer à conduire lui-même et se faire véhiculer par une tierce personne.
La survenance de la collision est ce qui a mis un terme à son comportement dangereux.
Sa situation personnelle n’explique pas ses agissements. Si l’on peut comprendre qu’il était préoccupé par son avenir professionnel et qu’il cherchait à bénéficier d’une certaine stabilité, il ne se trouvait néanmoins pas dans un état désespéré.
Il a fait preuve d’une bonne collaboration, dans la mesure de ses possibilités, considérant également que la nature de l’affaire n’impliquait pas une coopération accrue. Il a spontanément évoqué l’accident causé dans son passé, accident dont aucune trace n’aurait pu être trouvée, puisqu’il ne figure pas sur l’extrait de son casier judiciaire polonais, qui est vierge.
Sa prise de conscience paraît authentique, étant observé qu’il a exprimé des regrets à plusieurs reprises, durant l’instruction et lors des débats. Cela étant, elle est perfectible, si l’on garde à l’esprit que dans des courriers destinés aux parents de la victime, il n’a pas évoqué les paramètres importants que sont l’alcool et la vitesse.
Il semble réellement affecté par le drame qu’il a engendré, même s’il est aussi touché par les conséquences qui le concernent personnellement. Tant qu’il n’est pas en capacité d’accéder librement à des boissons alcoolisées, sa volonté affirmée de renoncer à l’alcool n’est pas garantie. La psychothérapie qu’il a entamée en détention est toutefois un signal positif.
Aucune circonstance atténuante n’entre en ligne de compte, en particulier pas celle du repentir sincère au sens de l’art. 48 let. d CP.
Il n’y a pas de fait justificatif.
Il existe un concours d’infractions, ce qui est un facteur aggravant.
Le prévenu n’a pas d’antécédents judiciaires, ce qui n’a cependant rien de méritoire.
L’infraction de meurtre est passible, à elle seule, d’une peine privative de liberté de cinq ans au moins, de sorte que seule une peine privative de liberté ferme est envisageable.
Le Tribunal s’est posé la question du genre de peine applicable aux autres infractions retenues et il est parvenu à la conclusion qu’elles devaient aussi être sanctionnées par une peine privative de liberté.
La peine de base, relative à l’infraction la plus grave, qui est le meurtre, sera ainsi aggravée pour tenir compte des autres infractions.
Compte tenu de ce qui précède, A______ sera condamné à une peine privative de liberté de 6 ans et demi, sous déduction de 543 jours de détention avant jugement (dont 249 jours en exécution anticipée de peine).
Expulsion
6.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. a CP, le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour meurtre, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.
Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l’intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (art. 66a al. 2 CP).
6.2. En l’espèce, une condamnation du chef de meurtre implique le prononcé d’une expulsion obligatoire du territoire suisse.
La clause de rigueur ne trouve pas à s'appliquer dans le présent cas, considérant notamment que A______, même s'il est titulaire d'un titre de séjour, n'a vécu que par intermittence en Suisse, en tant qu'adulte, et n'y a pas d'attaches sérieuses, en particulier sur le plan familial, puisque seule sa sœur y réside. Ses liens avec la Suisse ne revêtent pas une intensité suffisante pour retenir la réalisation d’une situation personnelle grave en cas d'expulsion. Même si tel était le cas, il est manifeste que l’intérêt public à l’expulsion devrait prévaloir sur ses intérêts privés à demeurer en Suisse, dès lors, qu'il a commis un meurtre et qu'il présente une évidente dangerosité. La durée de cette mesure d’expulsion sera fixée à 10 ans, ce qui correspond à une durée moyenne et proportionnée.
Conclusions civiles
7.1.1. A teneur de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.
Le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 lit. a CPP), étant précisé que si le prévenu acquiesce aux conclusions civiles, sa déclaration doit être consignée au procès-verbal et constatée dans la décision finale (art. 124 al. 3 CPP).
7.1.2. Aux termes de l'art. 47 CO, applicable en l'espèce par le renvoi de l'art. 62 al. 1 LCR, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale. L'ampleur de la réparation morale prévue par cette disposition légale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par l'ayant droit et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Sa détermination relève du pouvoir d'appréciation du juge. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage ne pouvant que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable. Le juge en proportionnera donc le montant à la gravité de l'atteinte subie et évitera que la somme accordée n'apparaisse dérisoire à la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_369/2012 du 28 septembre 2012 consid. 2.1.1).
7.1.3. En cas de décès, le juge doit prendre en compte le lien de parenté entre la victime et le défunt pour fixer le montant de base. La perte d'un conjoint est ainsi généralement considérée comme la souffrance la plus grave, suivie de la mort d'un enfant et de celle du père ou de la mère. Le juge adapte le montant de base au regard de toutes les circonstances particulières du cas d'espèce, avant tout de l'intensité des relations entretenues par les proches et le défunt et le caractère étroit et harmonieux de ces dernières. La pratique retient également, comme autres circonstances à prendre en considération, l'âge du défunt et de ceux qui survivent, le fait que le lésé ait assisté à la mort, les souffrances endurées par le défunt avant son décès, le fait que ce dernier laisse les siens dans une situation financière sûre, le comportement vil de l'auteur ou, au contraire, la souffrance de celui-ci (WERRO, La responsabilité civile, 2017, n. 1453 et 1456; GUYAT, L'indemnisation du tort moral en cas d'accident, in SJ 2003 II 17ss).
7.1.4. Les frères et sœurs comptent parmi les membres de la famille qui peuvent prétendre à une indemnité pour tort moral (ATF 118 II 404 consid. 3b/cc p. 409). Ce droit dépend cependant des circonstances. À cet égard, le fait que la victime vivait sous le même toit que le frère ou la sœur revêt une grande importance. En principe, un frère ou une sœur a droit à une indemnité si la victime vivait sous le même toit. En revanche, un frère ou une sœur qui ne faisait plus ménage commun avec la victime n'a droit à une indemnité pour tort moral que s'il ou elle entretenait des rapports étroits avec cette dernière et si, en outre, la disparition de celle-ci lui a causé une douleur qui sort de l'ordinaire (ATF 89 II 396 consid. 3 p. 400 s.; arrêt 6S.700/2001 du 7 novembre 2002, consid. 4.3, publié in Pra 2003 no 122 p. 652, et les références citées).
7.1.5. Pour fixer le montant de l'indemnité prévue à l'art. 47 CO, la comparaison avec d'autres affaires doit se faire avec prudence, dès lors que le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation (cf. ATF 125 III 269 consid. 2a p. 274).
7.1.6. La doctrine propose des montants de l’ordre de CHF 40'000.- à CHF 50'000.- pour la perte d'un conjoint, de CHF 27'000.- à CHF 40'000.- pour la perte d’un enfant, de CHF 25'000.- à CHF 40'000.- pour la perte d’un parent et de CHF 5'000.- à CHF 20'000.- pour la perte d’un frère ou d’une sœur (A. GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident : une mise à jour, in SJ 2013 II 215, p. 250 ; cf. également K. HÜTTE / P. DUCKSCH / K. GUERRERO, Le tort moral, une présentation synoptique de la jurisprudence, Genève, Zurich, Bâle 2006, affaires jugées de 2001 à 2002 et de 2003 à 2005).
7.2. En l'espèce, les conclusions civiles de H______ devront être déclarées irrecevables, faute de constitution en qualité de partie plaignante.
Pour le surplus, il est établi que les parties plaignantes C______, D______ et E______ ont souffert et souffrent encore terriblement de la disparition brutale de leur fils et frère.
Le Tribunal a constaté leur détresse lors des débats et leurs amis venus témoigner l’ont aussi illustrée. I______, en tant qu’aîné de la fratrie, avait un rôle particulier au sein de cette famille particulièrement soudée. Il suscitait la fierté de ses proches par son parcours, mais aussi par ses engagements dans son cercle amical et au sein de la commune, sur le plan sportif.
Les caractéristiques de la collision, notamment son lieu, à savoir sur une route située à proximité de leur domicile, les circonstances de la mort de I______, dans le contexte de soins intensifs et de difficiles décisions, ainsi que les conséquences liées à la réalisation d’une autopsie ont amplifié la douleur ressentie.
Le choix de C______ de se réfugier dans son activité professionnelle, les symptômes mis en évidence chez D______ et E______ et les prises en charge thérapeutiques qui se sont avérées nécessaires pour les soutenir donnent la mesure de leur souffrance. Tous les aspects de leurs vies ont été impactés.
Vu ce qui précède, il se justifie de leur allouer, à chacun d’eux, un montant significatif à titre de réparation du tort moral, étant précisé qu’il a été considéré qu’il ne se justifiait pas d’opérer une distinction entre le montant accordé à chacun des parents et celui accordé à E______, dans la mesure où celle-ci avait un lien particulièrement intense avec son frère.
Dans ces circonstances, il sera constaté que le prévenu a acquiescé, dans leur principe, aux conclusions civiles des parties plaignantes et, pour le surplus, il sera condamné au paiement d’une indemnité de CHF 50'000.- à chacune d'elles, avec intérêts à 5 % dès le 14 août 2023, à titre de réparation du tort moral.
Indemnisation et frais
8.1.1. A teneur de l'art. 433 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause (let. a), si le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 (let. b). La partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale ; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande (al. 2).
8.1.2. La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat. Les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_924/2017 du 14 mars 2018 consid. 3.1 et les références citées).
8.2. En l’espèce, le versement d’une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure sera ordonné, avec toutefois une réduction par rapport au montant de CHF 52'192.85 réclamé, dès lors que l’activité déployée a aussi porté sur des démarches externes à la procédure pénale proprement dite. Statuant ex aequo et bono, le Tribunal considère que l'indemnité correspondant à une activité raisonnable déployée par le Conseil des parties plaignantes doit être fixée à CHF 47’000.-.
9. Compte tenu du verdict de culpabilité prononcé à son encontre, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, y compris un émolument de jugement de CHF 3’000.- (art. 426 al. 1 CPP et 10 al. 1 let. e RTFMP).
10. En sa qualité de défenseur d'office, le Conseil du prévenu se verra allouer une indemnité, décision dont la motivation figure dans la section dédiée (art. 135 CPP).
Sort des biens séquestrés
11.1.1. Selon l'art. 69 CP, alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d’usage ou détruits (al. 2).
11.1.2. Selon l'art. 267 al. 1 et 3 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (al. 1). La restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (al. 3).
11.2. En l'espèce, la voiture de A______ ainsi que le cycle de I______ seront confisqués et détruits. Le téléphone portable de A______ lui sera restitué.
Etablissement du profil ADN
12.1. Selon l’art. 257 CPP, dans le jugement qu’il rend, le tribunal peut ordonner le prélèvement d’un échantillon et l’établissement d’un profil d’ADN sur une personne condamnée pour un crime ou un délit si des indices concrets laissent présumer qu’elle pourrait commettre d’autres crimes ou délits.
Le Message du Conseil fédéral concernant la modification du code de procédure pénale indique que si le ministère public a fait établir un profil d’ADN en se fondant sur l’art. 255 CPP (pour élucider l’infraction sur laquelle porte la procédure ou d’autres infractions) et que le prévenu est condamné, le profil reste dans la banque de données (aussi longtemps que le délai applicable à l’effacement en vertu des art. 16 s. de la loi du 20 juin 2003 sur les profils d’ADN n’est pas écoulé) et peut servir à élucider des infractions futures. De ce fait, le recours à cet article restera vraisemblablement exceptionnel (FF 2019 6406).
12.1. Il ressort de la procédure que le Ministre public a fait établir le profil d’ADN de A______ le 15 août 2023 (cf. Y-1'013). Vu le verdict condamnatoire et en application de l’art. 16 al. 2 let. c de la loi sur les profils d’ADN, son profil restera dans la banque de données pendant 30 ans. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’ordonner l’établissement de son profil ADN. Les conclusions en ce sens seront ainsi rejetées.
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL
statuant contradictoirement :
Déclare A______ coupable de meurtre (art. 111 CP), de conduite malgré une incapacité et violation de l'interdiction de conduire sous l'influence de l'alcool (art. 91 al. 2 let. a LCR) et de violation fondamentale des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR).
Condamne A______ à une peine privative de liberté de 6 ans et demi, sous déduction de 543 jours de détention avant jugement (dont 249 jours en exécution anticipée de peine) (art. 40 CP et 51 CP).
Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 10 ans (art. 66a al. 1 let. a CP).
Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).
Constate l'irrecevabilité des conclusions civiles de H______ (art. 118 et 122 al. 2 CPP).
Constate que A______ acquiesce aux conclusions civiles dans leur principe (art. 124 al. 3 CPP).
Condamne A______ à payer à C______ CHF 50'000.- avec intérêts à 5% dès le 14 août 2023, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).
Condamne A______ à payer à D______ CHF 50'000.- avec intérêts à 5% dès le 14 août 2023, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).
Condamne A______ à payer à E______ CHF 50'000.- avec intérêts à 5% dès le 14 août 2023, à titre de réparation du tort moral (art. 47 CO).
Condamne A______ à verser à C______, D______ et E______ CHF 47'000.-, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).
Ordonne la restitution à A______ du téléphone portable figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 42481220230815 du 15 août 2023 (art. 267 al. 1 CPP).
Ordonne la confiscation et la destruction de la voiture J______ ainsi que du cycle MM______ (art. 69 CP).
Rejette les conclusions du Ministère public en établissement d'un profil ADN (art. 257 CPP).
Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 31'701.65, y compris un émolument de jugement de CHF 3'000.- (art. 426 al. 1 CPP).
Fixe à CHF 23'562.70 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service cantonal des véhicules, Service de la réinsertion et du suivi pénal, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
| La Greffière | La Présidente |
Voies de recours
Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).
Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.
Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
| Frais du Ministère public | CHF | 28228.65 |
| Convocations devant le Tribunal | CHF | 360.00 |
| Frais postaux (convocation) | CHF | 63.00 |
| Emolument de jugement | CHF | 3000.00 |
| Etat de frais | CHF | 50.00 |
| Total | CHF | 31701.65 |
| ======= | ||
Indemnisation du défenseur d'office
Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;
| Indemnité : | CHF | 18'833.35 |
| Forfait 10 % : | CHF | 1'883.35 |
| Déplacements : | CHF | 1'100.00 |
| Sous-total : | CHF | 21'816.70 |
| TVA : | CHF | 1'746.00 |
| Total : | CHF | 23'562.70 |
Observations :
- 21h45 admises à CHF 200.00/h = CHF 4'350.–.
- 72h25 admises à CHF 200.00/h = CHF 14'483.35.
- Total : CHF 18'833.35 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art. 16 al. 2 RAJ) = CHF 20'716.70
- 5 déplacements A/R à CHF 100.– = CHF 500.–
- 6 déplacements A/R à CHF 100.– = CHF 600.–
- TVA 7.7 % CHF 406.95
- TVA 8.1 % CHF 1'339.05
En application de l'art. 16 al.2 RAJ, s'agissant de l'état de frais intermédiaire :
- réduction de 00h30 (chef d'étude) pour le poste "conférence", les conférences avec des tiers hors audience (soeur) ne sont pas des activités prises en charge par l'assistance juridique;
- ajout de 7h20 et suppression de 12 déplacements (chef d'étude) pour tenir compte du forfait de 1h30 appliqué aux visites en détention.
S'agissant de l'état de frais final, il est accepté, sous réserve de 1h00 de déplacement à G______, compris dans le forfait de 1h30 appliqué aux visites en détention. Il est ajouté 12h45 d'audience de jugement.
Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets
Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.
Notification au prévenu, aux parties plaignantes et au Ministère public par voie postale.