Décisions | Tribunal pénal
JTDP/464/2025 du 15.04.2025 sur OPMP/2529/2024 ( OPOP ) , JUGE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |
pouvoir judiciaire | ||
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE POLICE Défaut Chambre 11
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MINISTÈRE PUBLIC
Madame A______, partie plaignante
Monsieur B______, partie plaignante
C______, partie plaignante
Monsieur D______, partie plaignante
contre
Monsieur E______, né le ______ 1988, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me F______
CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :
Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité des chefs d'appropriation illégitime (art. 137 ch. 1 CP), de vol (art. 139 ch. 1 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), de dommages à la propriété d'importance mineure (art. 144 al. 1 cum 172ter CP) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup), à ce que le prévenu soit condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction de la détention subie avant jugement et à une amende de CHF 1'100.-, la peine privative de liberté de substitution devant être fixée à 11 jours. Il renonce à prononcer l'expulsion de E______ et conclut à ce que le prévenu soit condamné au paiement des frais de la procédure.
E______, par la voix de son conseil, conclut à ce qu'il soit acquitté de l'infraction de vol, subsidiairement à ce qu'il soit qualifiée de complicité de vol, à ce qu'il soit reconnu coupable d'appropriation illégitime uniquement en ce qui concerne le porte-clés et à ce qu'il soit fait application de l'art. 52 CP et à une renonciation de peine, à ce qu'il soit acquitté de dommage à la propriété, à ce qu'il soit reconnu coupable de violation de domicile et d'infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup. Il conclut à ce qu'une peine clémente ne dépassant pas la quotité d'un mois soit prononcée et s'oppose à son expulsion.
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Vu l'opposition formée le 19 mars 2024 par E______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 8 mars 2024;
Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 11 avril 2024;
Vu l'art. 356 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;
Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;
*****
A.a. Par ordonnance pénale du 8 mars 2024 valant acte d'accusation, il est reproché à E______ de s'être rendu coupable de dommages à la propriété, violation de domicile et vol au sens des art. 144 al. 1, 186 et 139 ch. 1 du Code pénal suisse (CP) pour avoir, à Genève, le 8 octobre 2023, de concert avec G______ et H______, pénétré sans droit dans la vélostation de Montbrillant, après en avoir coupé le grillage, puis participé à la soustraction du vélo électrique de B______ dans le but de se l'approprier et de se procurer un enrichissement illégitime, étant précisé qu'il a effectué le guet pendant que G______ procédait au meulage du cadenas du cycle et que H______ s'emparait du vélo et sortait par une porte, plaintes pénales ayant été déposées par B______ et C______ en raison de ces faits le 8 octobre 2023, respectivement le 16 octobre 2023.
b. Il lui est également reproché de s'être rendu coupable d'appropriation illégitime au sens de l'art. 137 ch. 1 CP pour s'être approprié, sans droit, le 18 novembre 2023, à Genève, de concert avec son frère I______, un sac contenant des affaires appartenant à A______, sac qui avait été dérobé dans le véhicule automobile immatriculé ______ de cette dernière, entre le 16 novembre 2023 à 17h45 et le 17 novembre 2023 à 12h30, ainsi que de très nombreuses clés et trousseaux de clés, dans le but de s’enrichir illégitimement, A______ ayant déposé plainte pénale en raison de ces faits le 17 novembre 2023.
c. Il lui est aussi reproché de s'être rendu coupable de vol et de dommages à la propriété d'importance mineure au sens des art. 139 ch. 1 et 144 al. 1 cum 172ter CP pour avoir, le 8 mars 2024, à 04h35, à la rue ______14, à Genève, de concert avec I______, dérobé le téléphone portable appartenant à D______ et endommagé la sacoche de ce dernier dans laquelle se trouvait le téléphone, étant précisé que D______ a déposé plainte pénale en raison de ces faits le 8 mars 2024.
d. Il lui est enfin reproché de s'être rendu coupable de consommation de stupéfiants au sens de l'art. 19a ch. 1 de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) pour avoir, à Genève, entre le 9 mars 2021 et le 18 novembre 2023, date de son interpellation, régulièrement consommé des stupéfiants, en particulier du crack, à raison d’une à deux fois par semaine, de la cocaïne, de l’héroïne et de la marijuana, à raison d’une à deux fois par semaine.
B. Le Tribunal tient pour établis les faits pertinents suivants:
a.a. S'agissant des faits du 8 octobre 2023, le Tribunal tient pour établi que E______ a pénétré dans la vélostation de Montbrillant en compagnie de G______ et H______ et qu'il a participé au vol du vélo électrique appartenant à B______, en faisant le guet.
a.b. L'établissement des faits repose tant sur les aveux partiels de E______, lequel a reconnu avoir été présent lors du vol et avoir pénétré dans le local à vélo en compagnie de G______ et H______ (B-13, C-3), que sur les images de vidéosurveillances, lesquelles montrent E______ faire des allers retours en observant avec insistance les vélos, pendant que G______ procède au meulage du cadenas du cycle et que H______ s'empare du vélo de B______.
a.c. Ces faits sont corroborés par les déclarations de H______ – lequel s'est identifié sur les images de vidéosurveillance en train de sortir du local avec le vélo (C- 66, C-176), expliquant l'avoir ensuite remis à G______, 50 mètres plus loin, en échange d'un kebab (C-73) – et par celles de G______, lequel a admis avoir coupé le cadenas et pris possession du vélo volé, afin de l'échanger contre une "demie-boulette" dans le quartier des Pâquis immédiatement après les faits (C-174, C-175).
a.d. S'il ressort certes des éléments du dossier que E______ n'est pas l'auteur principal du vol, puisqu'il n'a pas lui-même soustrait le vélo et qu'il n'a tiré aucun bénéfice dudit vol, le Tribunal ne saurait suivre ce dernier lorsqu'il indique avoir pénétré dans le local uniquement pour regarder les vélos (C-4) et s'être borné à suivre ses comparses, ignorant les intentions délictuelles de ces derniers (B-14). Il ne saurait davantage donner du crédit aux déclarations de G______ et H______, d'après lesquelles ils avaient agi en l'absence de tout plan et vraisemblablement sous l'effet de substances psychotropes (C-176), dès lors que les images de vidéosurveillance montrent bien une action coordonnée et notamment E______ agir en tant que guet, en regardant avec circonspection autour de lui pendant que ses compares s'emparent du vélo. Par ailleurs, si G______ n'a certes pas mis en cause E______ pour le vol du vélo (C-176), H______ a indiqué qu'ils avaient "pris les trois le vélo" (C-176).
a.e. Il n'est, en revanche, pas établi par la simple découverte d'une pince coupante dans la poche du pantalon de E______, lors de son interpellation du 15 octobre 2023 (B-4), que ce dernier aurait coupé le grillage de la vélostation afin d'y pénétrer le 8 octobre 2023. En effet, E______ a constamment nié ce fait (B-12, C-3), précisant être passé par un trou déjà présent dans le grillage (B-14), ce qui est corroboré par les dires de G______, lequel a affirmé que le grillage était coupé depuis longtemps et que la présence dudit trou était notoire parmi les bénéficiaires du Quai 9 (C-174).
b.a. Quant aux évènements du 18 novembre 2023, il ressort du rapport d'interpellation du 18 novembre 2023 (C-85 ss) que le jour même, trois toxicomanes – soit E______, I______ et J______ – ont été interpellés par la police alors qu'ils sortaient de l'immeuble sis rue ______6 [GE]. La fouille de E______ avait permis de découvrir deux pipes à crack, un trousseau de clés, un porte-clés avec inscription "Fée marraine" et d'autres objets appartenant à A______, laquelle avait déposé plainte pénale la veille pour vol par effraction dans son véhicule.
b.b. Entendu par la police le 19 novembre 2023 (C-99 ss), E______ a indiqué avoir trouvé les objets découverts en sa possession dans un sac K______ abandonné à côté d'un container situé à proximité de l'ascenseur de l'immeuble sis rue ______6 [GE] (C-100). Il s'était emparé d'un trousseau de clés, d'un porte-clés, d'un tube de crème, d'un bout de carte et d'une paire de lunettes de soleil, tous des objets de faible valeur. Il comptait poser les clés à un endroit où elles auraient pu être retrouvées et se débarrasser des autres objets, à l'exception du porte-clés, qu'il avait apprécié et qu'il entendait utiliser pour ses propres clés. S'il avait emporté les objets destinés à être "balancés", c'était parce qu'il s'était empressé à quitter l'immeuble, par peur de se faire contrôler par la police.
b.c. Lors de l'audience de confrontation par devant le Ministère public, le 9 mars 2024 (C-230 ss), E______ a confirmé ses déclarations à la police et persisté à nier son intention de garder les effets personnels de A______. Il n'avait simplement pas eu le temps de les jeter, ni d'entreposer les clés et les autres objets importants dans une boîte aux lettres à la poste, soit dans un endroit où il pensait qu'on pourrait aisément les retrouver.
b.d. À défaut d'autres éléments pouvant éclairer le Tribunal quant aux intentions de E______, il sera retenu que ce dernier n'a voulu s'approprier que d'un objet trouvé, soit un porte-clés, de très faible valeur. Rien dans le dossier ne permet de s'écarter des déclarations du prévenu selon lesquelles il était sur le point de se débarrasser des autres objets de A______, dont le Tribunal ne voit effectivement pas quelle aurait été l'utilité de les garder.
c.a. Le 8 mars 2024, à 3h45, E______ a, de concert avec I______, endommagé la sacoche et dérobé le téléphone portable appartenant à D______.
c.b. Le Tribunal retient que ces faits sont établis malgré les dénégations de E______ (C-198), au vu de la plainte pénale déposée par D______, lequel a affirmé s'être fait dérober le portable par un homme qui venait de passer derrière lui, en compagnie d'un autre individu (A-36), ainsi que des vidéos de la CVP qui montrent E______ et I______ fouiller la sacoche d'D______, puis E______ en extraire un objet (C-196).
Par ailleurs, confronté aux images de vidéosurveillance, E______ a admis avoir regardé dans la sacoche d'D______, expliquant son geste par une simple curiosité, ce qui ne convainc pas le Tribunal et qui ne trouve aucune assise dans le dossier.
c.c. Il ressort de surcroit du rapport d'interpellation du 8 mars 2024 (C-181 ss) que E______ a été interpellé par la police le jour-même, à 4h35, alors que son frère, I______, a été interpellé à 5h. Si la fouille de ces derniers n'a certes pas permis de retrouver le téléphone portable de D______, force est de constater que l'interpellation des intéressés a eu lieu 50 minutes, respectivement 1 heure et 15 minutes après les faits, soit un laps de temps suffisant pour dissimuler, voire se débarrasser du butin. Il sera par ailleurs relevé que lors de son interpellation, I______ était en possession d'une baïonnette susceptible d'avoir été utilisée pour couper la sangle de la sacoche d'D______ (C-194). Les explications fournies par ce dernier à l'audience de confrontation du 9 mars 2024 pour justifier la présence de cette arme, à savoir qu'il avait trouvé la baïonnette derrière l'endroit où il avait été interpellé et que c'était un hasard s'il détenait ce type d'objet peu de temps après avoir fouillé une sacoche retrouvée avec la bandoulière sciée, n'emportent aucunement conviction (C-234).
d. Enfin, il est établi par les aveux de E______ (B-24, C-234, C-101) que celui-ci consomme régulièrement des stupéfiants, en particulier du crack, à raison d’une à deux fois par semaine, ainsi que de la cocaïne, de l’héroïne et de la marijuana, à raison d’une à deux fois par semaine.
C. E______, ressortissant colombien, est né le ______ 1988. Il est célibataire et a deux enfants qui vivent en Suisse. Ses parents, ainsi que ses frères et sœur habitent à Genève. Il a fréquenté l'école obligatoire à Genève, ville où il vit depuis 1997, sans toutefois obtenir de diplôme. Il indique être sans emploi et sans revenu mais avoir bénéficié de prestations de l’aide sociale.
Selon l'extrait du casier judiciaire suisse, E______ a été condamné à deux reprises, soit :
- le 4 juin 2014, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire ferme de 120 jours-amende à CHF 30.-, ainsi qu'à une amende de CHF 500.-, pour menaces, agression et contravention à la loi sur les stupéfiants ;
- le 30 avril 2018, par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire ferme de 30 jours-amende à CHF 30.-, pour recel.
Procédure par défaut
1.1.1. Selon l'art. 366 al. 1 CPP, si le prévenu, dûment cité, ne comparaît pas aux débats de première instance, le tribunal fixe de nouveaux débats et cite à nouveau le prévenu ou le fait amener. Il recueille les preuves dont l’administration ne souffre aucun délai. Si le prévenu ne se présente pas aux nouveaux débats ou ne peut y être amené, ils peuvent être conduits en son absence. Le tribunal peut aussi suspendre la procédure (al. 2). Si le prévenu s’est lui-même mis dans l’incapacité de participer aux débats ou s’il refuse d’être amené de l’établissement de détention aux débats, le tribunal peut engager aussitôt la procédure par défaut (al. 3). La procédure par défaut ne peut être engagée qu’aux conditions suivantes : a. le prévenu a eu suffisamment l’occasion de s’exprimer auparavant sur les faits qui lui sont reprochés; b. les preuves réunies permettent de rendre un jugement en son absence (al. 4).
1.1.2. La procédure par défaut présuppose l'absence du prévenu, malgré la notification valable d'un mandat de comparution. L'art. 366 al. 1 et 2 CPP n'attache aucune importance à la raison de l'absence à ce stade de la procédure; ce n'est que lors de la demande d'un nouveau jugement en application de l'art. 368 CPP que le tribunal devra examiner si l'absence était excusable (arrêt 6B_44/2020 du 16 septembre 2020 consid. 1.1.1 et les références citées).
1.2. En l'occurrence, le Tribunal a valablement convoqué le prévenu à l'audience de jugement du 20 novembre 2024, puis à la seconde audience tenue le 20 février 2025, mais l'intéressé n'a pas comparu. En conséquence, la procédure par défaut a été engagée conformément aux art. 366 et ss CPP et les débats ont été conduits en l'absence du précité. En effet, il a été retenu que les deux conditions cumulatives de l’art. 366 al. 4 CPP étaient réalisées. En premier lieu, le prévenu avait eu au préalable suffisamment l'occasion de s'exprimer sur les faits qui lui sont reprochés, ayant pu présenter, depuis l'ouverture de la procédure en 2023, sa version des faits à l'occasion des auditions des 15 octobre 2023, 19 novembre 2023 et 8 mars 2024 à la police et lors des audiences tenues par-devant le Ministère public les 16 octobre 2023, 19 novembre 2023 et 9 mars 2024. En second lieu, le Tribunal a constaté que les preuves réunies permettaient de rendre un jugement en l'absence du prévenu. Conformément à l'art. 367 al. 1 CPP, le défenseur a été autorisé à plaider.
Culpabilité
2.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH (RS 0.101) et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale (RS 101) et l'art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a et ATF 120 Ia 31 consid. 2c et d).
Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c).
2.1.2. A teneur de l'art. 137 al. 1 CP, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, s’approprie une chose mobilière appartenant à autrui est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire, en tant que les conditions prévues aux art. 138 à 140 ne sont pas réalisées.
2.1.3. Selon l'art. 139 ch. 1 CP, quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l’approprier est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
2.1.4. En vertu de l'art. 144 al. 1 CP, quiconque, sans droit, endommage, détruit ou met hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui, est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.
2.1.5. L'art. 172ter al. 1 CP prévoit que si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende. Un élément patrimonial est de faible valeur au sens de cette disposition, s'il ne vaut pas plus que CHF 300.- (ATF 142 IV 129 consid. 3.1; 123 IV 155 consid. 1a; 123 IV 113 consid. 3d).
Selon la jurisprudence, c'est l'intention qui est déterminante et non le résultat obtenu. L'art. 172ter CP n'est applicable que si l'auteur n'avait d'emblée en vue qu'un élément patrimonial de faible valeur (ATF 123 IV 155 consid. 1a; 122 IV 156 consid. 2a; arrêt 6B_158/2018 du 14 juin 2018 consid. 2.2). L'art. 172ter CP impose de ne pas s'arrêter au résultat concret de l'acte, mais d'examiner ce que l'auteur voulait ou acceptait sur le plan subjectif (cf. ATF 122 IV 156 consid. 2a; arrêts 1B_437/2016 du 5 décembre 2016 consid. 2.2; 6B_208/2010 du 15 juillet 2010 consid. 3.1).
2.1.6. L'art. 186 CP dispose que quiconque, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, pénètre dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y demeure au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2.1.7. La peine est atténuée à l’égard de quiconque a intentionnellement prêté assistance à l’auteur pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP)
Le complice est un participant secondaire qui prête assistance pour commettre un crime ou un délit (art. 25 CP). La complicité suppose que le participant apporte à l'auteur principal une contribution causale à la réalisation de l'infraction, de telle sorte que les événements ne se seraient pas déroulés de la même manière sans cette assistance. Il n'est pas nécessaire que celle-ci soit une condition sine qua non de la réalisation de l'infraction, il suffit qu'elle accroisse les chances de succès de l'acte principal. L'assistance prêtée par le complice peut être matérielle, intellectuelle ou consister en une simple abstention ; elle est notamment intellectuelle lorsque celui-ci encourage l'auteur, entretient ou fortifie sa décision de commettre l'infraction (ATF 79 IV 145 p. 147 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_894/2009 du 19 janvier 2010 consid. 1.5.3 et les références). Subjectivement, il faut que le complice sache ou se rende compte qu'il apporte son concours à un acte délictueux déterminé et qu'il le veuille ou l'accepte. A cet égard, il suffit qu'il connaisse les principaux traits de l'activité délictueuse qu'aura l'auteur, lequel doit donc avoir pris la décision de l'acte. Le dol éventuel suffit (ATF 132 IV 49 consid. 1.1 p. 51 s.).
2.1.8. A teneur de l'art. 19a ch. 1 LStup, quiconque, sans droit, consomme intentionnellement des stupéfiants ou commet une infraction à l’art. 19 pour assurer sa propre consommation est passible d’une amende.
2.2.1. Faits du 8 octobre 2023
En l'espèce, ainsi qu'il ressort de la partie en fait, le prévenu a pénétré dans la vélostation de Montbrillant sans droit et contre la volonté de son ayant droit, en passant par un trou dans le grillage. Ce faisant, il s'est rendu coupable de violation de domicile au sens de l'art. 186 CP, infraction dont il sera reconnu coupable.
S'agissant de la soustraction du vélo électrique, si le prévenu n'a certes pas assumé un rôle principal, il a tout de même prêté assistance à ses comparses dans la réalisation du vol, en faisant le guet. Subjectivement, ce dernier ne pouvait ignorer l'intention avec laquelle ses comparses ont pénétré illégalement dans la vélostation, n'ayant aucun vélo à entreposer ou à récupérer. Dans cette mesure, le prévenu sera reconnu coupable de complicité de vol au sens des art. 139 ch. 1 cum 25 CP.
En revanche, le prévenu sera acquitté du chef de dommages à la propriété en application du principe in dubio pro reo, compte tenu du doute qui subsiste quant à l'identité de la personne ayant sectionné le grillage de la vélostation.
2.2.2. Faits du 18 novembre 2023
Quant aux évènements du 18 novembre 2023, il sera retenu qu'en s'appropriant le porte-clés de A______ dans le but de le conserver et, par conséquent, de se procurer un enrichissement illégitime, le prévenu s'est rendu coupable d'appropriation illégitime au sens de l'art. 137 ch. 1 CP.
Néanmoins, compte tenu de la faible valeur du porte-clés en question, ne dépassant pas la somme de CHF 300.-, l'atténuante de l'art. 172ter trouvera application in casu.
Il s'ensuit que le prévenu sera reconnu coupable d'appropriation illégitime d'importance mineure au sens des art. 137 ch. 1 cum 172ter CP.
2.2.3. Faits du 8 mars 2024
Le prévenu sera également reconnu coupable de dommages à la propriété d'importance mineure (art. 144 al. 1 cum 172ter CP) et de vol (art. 139 ch. 1 CP) en lien avec les faits du 8 mars 2024, dès lors qu'il a, de concert avec son frère, endommagé la sacoche de D______ en coupant la bandoulière et qu'il a soustrait le téléphone portable de ce dernier.
2.2.4. Enfin, en consommant régulièrement des stupéfiants, en particulier du crack, de la cocaïne, de l’héroïne et de la marijuana, le prévenu s'est rendu coupable de contravention à l'art. 19a ch. 1 LStup, contravention dont il sera reconnu coupable.
Peine
3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
3.1.2. Conformément à l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur. En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Le juge peut exceptionnellement, lorsque la situation personnelle et économique de l’auteur le justifie, réduire le montant du jour-amende à concurrence d’un minimum de 10 francs. Il peut dépasser le montant maximal du jour-amende lorsque la loi le prévoit. Il fixe le montant du jour amende selon la situation personnelle et économique de l’auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d’assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).
3.1.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.
Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel -, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis.
Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).
3.1.4. L'art. 49 al. 1 CP dispose que si, en raison d’un ou de plusieurs actes, l’auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l’infraction la plus grave et l’augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.
3.1.5. En vertu de l'art. 106 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l’amende est de 10 000 francs (al. 1). Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l’amende, une peine privative de liberté de substitution d’un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2). Le juge fixe l’amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l’auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).
3.1.6. En vertu de l'art. 52 CP, si la culpabilité de l’auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l’autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.
3.2.1. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas anodine. Il s'en est pris à la liberté et au patrimoine d'autrui, agissant par appât du gain facile. Son mobile est égoïste.
Il y a concours d'infraction (art. 49 CP).
La collaboration du prévenu a été globalement mauvaise, dès lors qu'il a contesté la plupart des faits qui lui sont reprochés, malgré les éléments matériels figurant à la procédure.
Sa prise de conscience n'est pas bonne non plus, le prévenu n'ayant exprimé aucun regret.
La situation personnelle du prévenu, certes précaire, n'explique pas ses agissements.
Il a deux antécédents relativement anciens.
Il sera mis au bénéfice de la circonstance atténuante de l'art. 52 CP s'agissant de l'appropriation illégitime du porte-clés, compte tenu des conséquences de peu d'importance de ses actes.
La peine sera également atténuée en ce qui concerne le vol du vélo électrique, auquel le prévenu a participé en qualité de complice.
Au vu de ces éléments, seule une peine privative de liberté ferme est envisageable, dont la quotité de 90 jours paraît adéquate pour sanctionner les agissements du prévenu.
La consommation de stupéfiants, les dommages à la propriété de peu d'importance et l'appropriation illégitime de peu d'importance seront, quant à elles, réprimées par une amende de CHF 500.-.
Expulsion
4.1.1. L'art. 66a al. 1 let. d CP dispose que le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour vol en lien avec une violation de domicile, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans.
4.1.2. L'art. 66a al. 1 CPP oblige le juge à prononcer le renvoi du délinquant reconnu coupable d’une des infractions prévues à l’alinéa 1. Toutefois, aucune précision n’est faite quant au degré de réalisation de l’infraction. Vu le texte de la loi, qui ne prévoit d’exception qu’en cas d’état de nécessité ou de légitime défense, l'art. 66a al. 1 CP semble s’appliquer même en cas de participation secondaire à l’infraction. Ainsi, tout participant secondaire (instigateur ou complice) condamné devra être expulsé, à l’instar de l’auteur principal ou du coauteur d’une des infractions listées à 66a CP. Le texte de loi ne laisse aucune marge de manœuvre au juge à cet égard (CR CP I-Perrier Depeursinge/Monod, art. 66a N 37).
4.1.3. L'art. 66a al. 2 CP prévoit que le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave (première condition) et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (deuxième condition). À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse. Les conditions posées par cette disposition sont cumulatives (ATF 144 IV 332 consid. 3.3).
4.2.1. En l'espèce, l'infraction de vol en lien avec une violation de domicile constitue un cas d'expulsion obligatoire, ce malgré la participation secondaire du prévenu au vol du vélo électrique en sa qualité de complice.
Néanmoins, en application de la clause de rigueur de l'art. 66a al. 2 CP, il sera renoncé à prononcer l'expulsion du prévenu, compte tenu de ses liens avec la Suisse et du fait que l'intérêt public à son expulsion ne l'emporte pas sur l'intérêt privé de celui-ci à demeurer dans notre pays.
Inventaires, indemnités et frais
5.1. Il sera statué sur les inventaires.
5.2. Vu l'issue de la procédure, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP).
5.3. Le défenseur d'office du prévenu sera indemnisé selon motivation figurant en pied de jugement (art. 135 CPP).
*****
LE TRIBUNAL DE POLICE
statuant sur opposition :
Déclare valables l'ordonnance pénale du 8 mars 2024 et l'opposition formée contre celle-ci par E______ le 19 mars 2024.
statuant par défaut :
Acquitte E______ de dommages à la propriété s'agissant des faits du 8 octobre 2023 (art. 144 al. 1 CP).
Déclare E______ coupable d'appropriation illégitime d'importance mineure (art. 137 ch. 1 cum 172ter CP), de complicité de vol (art. 139 ch. 1 cum 25 CP), de vol (art. 139 ch. 1 CP), de violation de domicile (art. 186 CP), de dommages à la propriété d'importance mineure (art. 144 al. 1 cum 172ter CP) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).
Condamne E______ à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 8 jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).
Condamne E______ à une amende de CHF 500.- (art. 106 CP).
Prononce une peine privative de liberté de substitution de 5 jours.
Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.
Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de E______ (art. 66a al. 2 CP.
Renvoie les parties plaignantes A______, B______ et D______ à agir par la voie civile s'agissant de leurs éventuelles conclusions civiles (art. 126 al. 2 CPP).
Ordonne la confiscation des objets figurant sous chiffres 46 à 50 de l'inventaire n° 43176420231015 du 15 octobre 2023 (art. 69 CP).
Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 à 43 et 51 à 58 de l'inventaire n° 43176420231015 du 15 octobre 2023 (art. 69 CP).
Ordonne la restitution à L______ du titre de séjour figurant sous chiffre 44 de l'inventaire n° 43176420231015 du 15 octobre 2023 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).
Ordonne la restitution à M______ du portemonnaie et de son contenu figurant sous chiffre 45 de l'inventaire n° 43176420231015 du 15 octobre 2023 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).
Condamne E______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'145.- y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).
Fixe à CHF 3'034.35 l'indemnité de procédure due à Me F______, défenseur d'office de E______ (art. 135 CPP).
Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service de la réinsertion et du suivi pénal et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).
La Greffière | Le Président |
Voies de recours
La personne condamnée par défaut peut demander un nouveau jugement au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans les 10 jours dès la notification du jugement, par écrit ou oralement. Dans sa demande, la personne condamnée expose brièvement les raisons qui l'ont empêchée de participer aux débats. Le Tribunal rejette la demande lorsque la personne condamnée, dûment citée, a fait défaut aux débats sans excuse valable (art. 368 CPP). La personne condamnée peut également faire une déclaration d'appel en adressant une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé (art. 371 al. 1, 399 al. 3 et 4 CPP). Un appel n'est recevable que si la demande de nouveau jugement a été rejetée (art. 371 al. 2 CPP).
L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).
Etat de frais
Frais de l'ordonnance pénale | CHF | 440.00 |
Convocations devant le Tribunal | CHF | 105.00 |
Frais postaux (convocation) | CHF | 38.00 |
Frais d'intervention Clefs Drac Sàrl | CHF | 420.00 |
Frais fourrière | CHF | 550.00 |
Emolument de jugement | CHF | 500.00 |
Etat de frais | CHF | 50.00 |
Frais postaux (notification) | CHF | 42.00 |
Total | CHF | 2'145.00 |
========== |
Indemnisation du défenseur d'office
Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;
Bénéficiaire : | E______ |
Avocate : | F______ F______ |
Etat de frais reçu le : | 8 novembre 2024 |
Indemnité : | CHF | 2'214.15 |
Forfait 20 % : | CHF | 442.85 |
Déplacements : | CHF | 150.00 |
Sous-total : | CHF | 2'807.00 |
TVA : | CHF | 227.35 |
Total : | CHF | 3'034.35 |
Observations :
- 10h40 à CHF 150.00/h = CHF 1'600.–.
- 5h35 à CHF 110.00/h = CHF 614.15.
- Total : CHF 2'214.15 + forfait courriers/téléphones 20 % = CHF 2'657.-
- 2 déplacements A/R à CHF 75.- = CHF 150.-
- TVA 8.1 % CHF 227.35
Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets
Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.
Notification à E______, soit pour lui son Conseil, Me F______
(par voie postale)
Notification à D______, B______, A______, et C______
(par voie postale)
Notification au Ministère public
(par voie postale)