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Décisions | Tribunal pénal

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P/2860/2023

JTDP/229/2025 du 26.02.2025 sur OPMP/8596/2024 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.125; LCR.91
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 24


26 février 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

Madame A______, partie plaignante, assistée de Me B______

contre

Monsieur C______, né le ______ 1965, domicilié ______ [VS], prévenu, assisté de Me D______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité des infractions de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP) et de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR), au prononcé d'une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 100.- sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement avec sursis et un délai d'épreuve de 3 ans, d'une amende de CHF 2'400.- à titre de sanction immédiate avec une peine privative de liberté de 24 jours et à la condamnation d' C______ au paiement des frais de la procédure.

A______, par la voix de son conseil, conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité pour infraction à l'art. 125 CP et 91 al. 2 LCR, au paiement d'une indemnité pour tort moral de CHF 10'000.- avec intérêts à 5% dès le 24 octobre 2022, au renvoi de la partie plaignante à agir par la voie civile pour le solde des conclusions civiles et à l'admission de ses conclusions en indemnisation au sens de l'art. 433 CPP à hauteur de CHF 27'640.-

C______, par la voix de son conseil, ne s'oppose pas à un verdict de culpabilité de l'art. 91 al. 2 LCR et conclut à son acquittement de l'infraction à l'art. 125 CP. S'agissant de la peine, il conclut à ce qu'il soit renoncé au prononcé d'une peine en vertu de l'art. 54 CP, au paiement d'une indemnité au sens de l'art. 429 CPP correspondant au 80% de ses frais d'avocat et à ce que les frais de la procédure soient réduits compte tenu de son acquittement partiel.

*****

Vu l'opposition formée le 4 septembre 2024 par C______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 28 août 2024;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 16 septembre 2024;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 4 octobre 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par A______ le 4 septembre 2024.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par acte d'accusation du 28 août 2024, il est reproché à C______ (ci-après : C______) d'avoir, à Genève, le 24 octobre 2022, aux environs de 19h50, sur l'avenue de France, en direction de la place des Nations :

-          circulé au volant du véhicule de marque E______, immatriculé GE ______, en état d'ébriété, avec un taux d'alcool qualifié, étant précisé que l'éthylomètre a permis d'établir qu'il présentait un taux d'alcool de 0.43 mg/l dans l'haleine ;

-          circulé au volant du véhicule précité et à la hauteur du n°20 de l'avenue de France, au niveau du passage pour piétons, percuté avec l'avant de son véhicule A______, piétonne, qui traversait de droite à gauche selon le sens de progression, lui causant de la sorte une fracture de l'arc latéral de la 12ème côte gauche, un hématome du muscle glutéal moyen gauche, une fracture du plancher de l'orbite droite, des fractures au niveau de l'épaule et une commotion cérébrale, ainsi que des douleurs aux genoux en cas d'immobilité prolongée, une plaie saignante au niveau de la fesse droite, des hématomes et des griffures sur le visage et la hanche droite, une rupture des tendons de l'épaule gauche, une vision altérée, des troubles du sommeil et des effets secondaires causés par le traitement prescrit par son médecin à la suite de l'accident, à savoir un dérèglement hormonal, des inflammations dermatologiques sur la poitrine, sur le dos des mains et sur le visage, un multi fibrome de l'utérus susceptible d'affecter sa fertilité, ainsi que des souffrances psychiques sous la forme d'une dépression moyenne ;

faits qualifiés de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP) et de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR).

B. Il ressort de la procédure les faits pertinents suivants :

a. Le 24 octobre 2022, à 19h50, un accident de la circulation s'est produit à l'avenue de France 20, 1202 Genève, impliquant C______, automobiliste, et A______, piétonne.

Selon le rapport de renseignements du 21 janvier 2023, C______ – venant de la rue de Lausanne – a percuté avec l'avant de son véhicule, A______, qui traversait la chaussée de droite à gauche, dans son sens de marche, en direction de l'arrêt de tram TPG "Maison de la Paix". A l'éthylotest, C______ présentait une alcoolémie de 0.43 mg/l. Grièvement blessée, A______ a été prise en charge par les ambulanciers.

D'après les constatations policières, le tracé de la route était en montée, la vitesse maximale autorisée de 50 km/h et la chaussée sèche. Le point de choc a été situé approximativement d'après les indications fournies par les parties et les témoins, ainsi que les éléments recueillis sur place.

La police a établi un croquis selon lequel, sur les lieux de l'accident se trouve un passage pour piétons coupé en deux tronçons par un arrêt de tram lesquels sont longés par une bande cyclable et un trottoir.

Des photographies du lieu de l'accident ont été versées à la procédure, desquelles il ressort que le point de choc approximatif se trouve sur le passage pour piétons menant à l'arrêt de tram "Maison de la Paix".

Par ailleurs, il ressort de Google Maps, que le passage où a eu lieu l'accident est, dans le sens où circulait le prévenu, précédé de quelques dizaines de mètres d'un premier passage piéton.

b.a. Le 3 janvier 2023, A______ a déposé plainte à la police contre C______. Elle n'avait aucun souvenir des faits, étant précisé qu'elle avait repris connaissance à l'hôpital, où il lui avait été expliqué qu'elle avait été victime d'un accident de la circulation. Elle avait subi plusieurs lésions : une fracture de l'os sous l'œil droit, des points de suture à proximité de l'œil droit à la suite "d'une grande" plaie, une commotion cérébrale, un hématome à l'œil droit, une luxation de l'épaule gauche, une côte gauche cassée, des douleurs aux deux genoux en cas d'immobilité prolongée, une plaie saignante sur la fesse droite, ainsi que plusieurs griffures et hématomes sur le visage et la hanche droite. A la suite de l'accident, elle avait dû reporter la fin de ses études universitaires et avait perdu son emploi consistant à donner des cours de chinois sur internet car elle ne parvenait plus à regarder un écran et éprouvait des difficultés à se concentrer. Elle consultait un thérapeute car elle avait peur de traverser la rue.

b.b. A l'appui de sa plainte, A______ a produit des constats médicaux, établis entre les 24 octobre et 20 décembre 2022, faisant état d'une incapacité totale de travailler pour cause d'accident du 24 octobre 2022 au 31 décembre 2022, d'une fracture de l'arc latéral de la douzième côte gauche, d'un hématome du muscle glutéal moyen gauche, d'une fracture du plancher de l'orbite droit et d'une commotion cérébrale.

c. Auditionné par la police les 25 octobre 2022 et 11 janvier 2023, C______ a déclaré avoir, le jour de l'accident, entre 19h00 et 19h45, consommé un décilitre de pastis et trois décilitres de vin. Cinq minutes après avoir ingurgité son dernier verre d'alcool, il avait pris le volant. Alors qu'il circulait en direction de la place des Nations à une vitesse avoisinant les 25-30 km/h, une piétonne – qu'il n'avait pas vue – avait surgi en courant, juste après le passage pour piétons, pour traverser la chaussée. Au moment du choc, l'avant de son véhicule se situait donc après le passage pour piétons, peu avant la fin de l'ilot de l'arrêt de tram. Aucun tram n'était à l'arrêt et aucun piéton n'avait demandé à traverser. Il regrettait les évènements. Cette piétonne n'avait rien demandé. Il était là au mauvais moment et se sentait coupable. Il était en arrêt de travail depuis 3 mois car l'accident avait été un gros choc pour lui.

d. Le 2 mai 2023, le Ministère public a tenu une audience de confrontation lors de laquelle il a entendu des témoins, la plaignante et le prévenu.

d.a. F______, témoin, a indiqué qu'elle connaissait A______ comme étudiante. Elles étaient sorties de la Résidence Picciotto – elle à une distance de deux mètres derrière A______ – puis avaient voulu traverser la rue en courant pour prendre le tram qui venait d'arriver. A______ s'était faite renverser au bord droit du passage pour piétons par rapport à son sens de marche et avait volé quelques mètres dans les airs.

d.b. G______, témoin, a indiqué que le 24 octobre 20222, alors qu'elle se trouvait à une distance de 5 ou 6 mètres du lieu de l'accident, elle avait vu une dame entrer très rapidement sur "l'endroit où on pouvait traverser, à savoir sur les lignes blanches", une voiture la renverser et celle-ci voler dans les airs. La voiture qui se trouvait déjà sur le passage pour piétons ou juste avant n'avait pas eu le temps de s'arrêter. La plaignante s'était dirigée très vite vers ledit passage – à tel point qu'elle pensait qu'elle était à vélo –alors que le véhicule circulait à une allure normale.

d.c. A______ a confirmé sa plainte pénale. Elle se souvenait que juste avant l'accident, elle s'était rendue au fitness, qu'elle devait rentrer chez elle, puis voir un ami. Ensuite, elle ne se souvenait pas de ce qu'il s'était passé, jusqu'à ce qu'elle reprenne conscience à l'hôpital. L'accident avait eu des conséquences sur son apprentissage et son travail. Ses traitements médicaux étaient importants, ce qui lui mettait beaucoup de pression psychologique. En plus des lésions constatées par les certificats médicaux versés au dossier, elle avait subi plusieurs fractures à l'épaule gauche, une rupture des tendons de l'épaule et souffert de douleurs aux genoux. Elle poursuivait, chaque semaine, des séances de physiothérapie. Sa vision s'était par ailleurs altérée et son sommeil perturbé. Afin de soulager ses douleurs à l'épaule, son médecin lui avait prescrit des injections de cortisone, lesquelles avaient eu pour effets secondaires de causer un dérèglement hormonal et des inflammations dermatologiques. La veille de l'audience, elle avait consulté un gynécologue qui avait en outre diagnostiqué de multiples fibromes à l'utérus, susceptibles d'affecter sa fertilité. Souffrant d'une dépression moyenne depuis les faits, elle avait entamé un suivi psychologique.

Elle a produit un bordereau contenant notamment des photographies d'elle au moment de l'accident, à l'hôpital et à la suite des infiltrations du 8 mars 2023.

d.d. C______ a confirmé ses précédentes déclarations. Juste avant les faits, il avait pris un apéritif entre 18h45 et 19h45 au centre-ville, soit à 500 mètres du lieu de l'accident, où il avait ingurgité un pastis et trois grands verres de vin blanc. Ensuite, il avait pris le volent sur l'avenue de France pour se rendre chez lui. A la hauteur du n°20, alors qu'il roulait à environ 35km/h, il n'avait vu personne aux abords du passage pour piétons. Il avait ensuite aperçu A______ au milieu du capot de sa voiture, qui était "tombée du ciel" et qu'il avait percutée. Or, sa voiture, qui était équipée du système "anti-accident" et "anti-angle mort" n'avait rien détecté. Pour sa part, il n'avait rien vu. Le "danger" était donc arrivé immédiatement sur le véhicule au moment de l'impact, sinon le système aurait eu le temps de réagir. Il regrettait d'avoir pris le volant en ayant consommé de l'alcool, ce qui n'était pas dans ses habitudes et qui relevait d'une "stupidité totale". Cela étant, il n'aurait pas pu éviter l'accident même en étant sobre. Il a présenté des excuses à la plaignante pour les douleurs occasionnées, précisant regretter profondément cet accident. Il reconnaissait totalement sa responsabilité, à savoir d'avoir pris la voiture en étant alcoolisé.

e. Le 9 janvier 2025, A______ a déposé des conclusions civiles tendant à ce que C______ lui verse la somme de CHF 10'000.- plus intérêts à 5% dès le 24 octobre 2022 à titre de tort moral.

Le 14 février 2025, elle a notamment produit une attestation pour avoir suivi neuf séances de psychothérapie du 6 avril 2023 au 20 mai 2024, un rapport médical établi par son gynécologue le 5 février 2025, ainsi qu'une photographie de son visage et de sa cicatrice au 7 février 2025.

f. Le 9 février 2025, C______ a versé le courrier de son employeur mettant un terme à leurs rapports contractuels avec effet immédiat le 7 février 2023 en raison de l'accident du 24 octobre 2022, ainsi qu'une attestation selon laquelle il a développé, suite aux faits, un état anxio-dépressif.

C. L'audience de jugement s'est tenue les 19 et 26 février 2025, lors de laquelle le Tribunal a auditionné un témoin, la partie plaignante et le prévenu.

a. H______, témoin, ingénieur HES en technique automobile, a déclaré que le système anti-accident des véhicules permettait de couvrir un certain angle par des caméras et/ou des radars afin d'avertir le conducteur, respectivement freiner en cas d'obstacle. Les systèmes basiques ne permettaient toutefois pas de systématiquement détecter des piétons. S'agissant du système anti-accident du prévenu (cf. Pièce n°TDP 96), il ne pouvait pas dire qu'il était fiable à 100% dans la mesure où il ne l'avait pas testé. De manière générale, si l'obstacle était loin, le système d'avertissement, puis de freinage se mettait en place. Si l'obstacle était près, les deux réagissaient ensemble. L'objectif était de ne pas avoir d'accident mais cela n'était pas possible. Si un piéton surgissait, le système n'avait pas le temps de faire quoi que ce soit.

b.a. A______ a confirmé ne pas se souvenir de l'accident. Après avoir été percutée, elle avait été inconsciente de 19h00 à 23h00. Elle ne se souvenait pas de la manière dont elle s'était rendue sur le trottoir. Elle contestait les déclarations du prévenu selon lesquelles elle était arrivée en courant très vite car elle n'était pas très sportive et portait ce jour-là des bottes à talons. De manière générale, elle prenait toujours ce passage pour piétons qui se trouvait en face de son immeuble. Elle n'avait pas pour habitude de courir.

Depuis les faits, elle avait terminé ses études – qui avaient été retardées – en 2024. Aujourd'hui, après 87 consultations médicales et 2 ans de guérison, elle se portait plutôt bien. En raison de l'accident, elle avait encore des problèmes de vue. Sa gynécologue lui avait par ailleurs diagnostiqué un syndrome des ovaires polykystiques. Son épaule était rétablie à 95%. Les 5% restants constituaient des lésions à vie. Elle ressentait des douleurs à la côte gauche pendant la nuit. Sa cicatrice au visage est encore visible. Elle souffrait d'anxiété et d'une dépression. Elle avait bénéficié d'un suivi psychologique qui avait été interrompu en raison de ses finances. L'assurance pour étudiants internationaux à laquelle elle était affiliée avait mis à sa charge la plupart des frais médicaux, soit plus de CHF 10'000. Or, suite à l'accident, elle avait été en arrêt complet de travail pendant 6 mois. Elle avait ensuite repris son activité à 50%, avant de décrocher un contrat de trois mois auprès de l'ONU. Actuellement, elle était dans l'attente d'un contrat au Danemark.

b.b. La plaignante a sollicité une indemnisation pour les dépenses occasionnées par la procédure à hauteur de CHF 27'640.- (TVA comprise).

c. C______ a en substance admis avoir circulé le 24 octobre 2022, aux environs de 19h50, sur l'avenue de France, en direction de la place des Nations, au volant du véhicule E______, GE ______, avec un taux d'alcool de 0.43 mg/l dans l'haleine. Pour le surplus, il contestait l'infraction de lésions corporelles par négligence concernant A______. Le 2 mai 2023 il avait certes déclaré au Ministère public qu'il reconnaissait "totalement" sa responsabilité dans l'accident. Il entendait par là qu'il se sentait coupable d'avoir pris le volant en étant alcoolisé. En effet, s'il n'avait pas pris le volant, l'accident n'aurait pas eu lieu.

Avant les faits, il empruntait hebdomadairement la route de l'accident. Ce 24 octobre 2022, juste avant l'accident, il ne se souvenait pas si un véhicule le précédait, ni s'il avait remarqué des panneaux routiers signalant le passage pour piétons. En revanche, il se souvenait avoir vu des personnes sur le trottoir. Au moment de l'impact, A______ n'était pas sur le passage pour piétons, ni sur le trottoir. Elle était "tombée du ciel" sur son parechoc au milieu de son véhicule. Il en avait déduit qu'elle était arrivée en courant car elle n'était pas dans son champ de vision. Il n'y avait pas d'autre possibilité. Il s'était senti coupable à 300% avant d'entendre les témoignages selon lesquels la plaignante n'était pas sur le passage pour piétons et était arrivée en courant. Il regrettait toutefois les lésions qu'il lui avait infligées.

D.a. C______, né le ______ 1965, de nationalité suisse est marié et père de deux enfants. D'après ses déclarations, il travaille dans la ventilation et la climatisation, pour un revenu mensuel de CHF 6'500.- brut. S'agissant de ses charges mensuelles, il honore les primes de son assurance-maladie en CHF 550.- et participe à l'intérêt hypothécaire de la maison de son épouse en CHF 500.-. Il n'a pas de fortune. Il a des "petites" dettes.

b. Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il est sans antécédent.

 

EN DROIT

 

Culpabilité

1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c).

1.1.2. Selon l'art. 10 al. 2 CPP, le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure. Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu (al. 3).

2.1. Selon l'art. 91 al. 1 let. b LCR, quiconque ne respecte pas l'interdiction de conduire sous l'influence de l'alcool est puni de l'amende. La peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire lorsque le taux d'alcool est qualifié dans le sang ou dans l'haleine (art. 91 al. 2 let. a LCR).

Selon l'art. 2 let. b de l'Ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux d'alcoolémie limites admis en matière de circulation routière du 15 juin 2013 (RS 741.13), est considéré comme qualifié un taux d'alcool dans l'haleine de 0.4 mg/l ou plus par litre d'air expiré.

2.2. En l'espèce, en conduisant intentionnellement, le 24 octobre 2022, un véhicule avec un taux d'alcool de 0.43 mg/l dans l'haleine, ce qu'il reconnait, le prévenu s'est rendu coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR).

3.1.1. Selon l'art. 125 CP, quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). Si la lésion est grave, l'auteur est poursuivi d'office (al. 2).

La réalisation de l'infraction réprimée par l'art. 125 CP suppose la réalisation de trois conditions, à savoir une négligence imputable à l'auteur, des lésions corporelles subies par la victime, ainsi qu'un lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et les lésions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_473/2024 du 12 mars 2025 consid. 1.2).

Conformément à l'art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l'auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. Il faut que l'auteur ait, d'une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d'autre part, il n'ait pas déployé l'attention et les efforts que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 143 IV 138 consid. 2.1). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence on peut se référer à des normes édictées par l'ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents (ATF 143 IV 138 consid. 2.1). S'agissant d'un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1149/2023 du 7 août 2024 consid. 2.1.1).

Il faut en outre qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3). La causalité adéquate sera admise même si le comportement de l'auteur n'est pas la cause directe ou unique du résultat. Peu importe que le résultat soit dû à d'autres causes, notamment à l'état de la victime, à son comportement ou à celui de tiers (ATF 131 IV 145 consid. 5.2).

La causalité adéquate peut être exclue si une autre cause concomitante, par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou d'un tiers, constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait s'y attendre. L'imprévisibilité d'un acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener et notamment le comportement de l'auteur (ATF 143 III 242 consid. 3.7 ; ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 ; ATF 133 IV 158 consid. 6.1 ; ATF 131 IV 145 consid. 5.2).

3.1.2. L'art. 26 LCR prescrit que chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies (al. 1).

L'art. 31 al. 1 LCR dispose que le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. 

Aux termes de l'art. 32 al. 1 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, ainsi qu'aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité.

D'après l'art. 33 al. 2 LCR, le conducteur circulera avec une prudence particulière avant les passages pour piétons. Il réduira sa vitesse et s'arrêtera, au besoin, pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s'y engagent. L'art. 49 al. 2 LCR prescrit pour sa part que les piétons, s'ils bénéficient de la priorité sur les passages pour piétons, ne doivent pas s'y lancer à l'improviste. 

La "prudence particulière" que doit adopter le conducteur selon l'art. 33 al. 2 LCR signifie qu'il doit porter une attention accrue aux passages pour piétons et à leurs abords (ATF 121 IV 296 consid. 4b ; arrêts 6B_286/2022 du 15 juin 2023 consid. 4.2.4 ; 6B_343/2019 du 11 avril 2019 consid. 1.3.1 ; 6B_929/2017 du 19 mars 2018 consid. 1.2.1). La vitesse dépend des circonstances, notamment de la visibilité. En tout état, la vitesse doit être adaptée de telle manière à pouvoir accorder la priorité à un piéton. Ce n'est que si personne ne se trouve à proximité du passage pour piétons, si le conducteur peut admettre qu'aucun piéton ne surgira à l'improviste ou encore si on lui fait clairement comprendre qu'il a la priorité, que le conducteur n'est pas obligé de réduire sa vitesse à l'approche du passage pour piétons. Si le conducteur ne bénéficie pas d'une bonne visibilité de toute la chaussée et du trottoir à proximité du passage, celui-ci doit modérer sa vitesse de sorte à pouvoir accorder la priorité aux piétons masqués derrière l'obstacle (arrêts 6B_286/2022 précité consid. 4.4.2 ; 6B_407/2022 du 23 mai 2022 consid. 4.2 ; 6B_262/2016 du 6 janvier 2017 consid. 3.2.2 ; Bussy et al., Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd. 2015, n° 2.5 ad art. 33 LCR). Le conducteur doit ainsi être prêt à s'arrêter à temps si un piéton traverse la chaussée ou en manifeste la volonté (arrêts 6B_286/2022 précité consid. 4.2.4 ; 6B_1172/2017 du 14 février 2018 consid. 2.3 ; 6B_654/2023 du 5 janvier 2024 consid. 1.1.2).

D'une manière générale, le degré d'attention exigé du conducteur s'apprécie au regard de toutes les circonstances, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l'heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 129 IV 282 consid. 2.2.1). Ainsi en particulier, lorsque le passage pour piétons est coupé en deux tronçons par un refuge, le conducteur doit également examiner ce qui se passe sur la partie du passage qui se trouve sur la voie de circulation opposée ainsi que sur le trottoir de gauche, pour savoir si des piétons s'y trouvent, qui pourraient, ce qui n'est pas rare, traverser la route sans s'arrêter, en violation de leur devoir d'observation et d'attente (ATF 129 IV 39 consid. 2.2). Il est en effet admis que le devoir de prudence du conducteur ne disparaît pas à l'égard d'un piéton qui s'élance sur un passage pour piétons de manière contraire aux règles (arrêts 6B_286/2022 précité consid. 4.2.4 ; 6B_343/2019 précité consid. 1.3.1 ; 6B_262/2016 précité consid. 3.2.2 ; 6B_654/2023 précité consid. 1.1.2).

3.2.1. A titre liminaire, le Tribunal constate que la description dans l'ordonnance pénale, valant acte d'accusation, des éléments objectifs et subjectifs de l'infraction à l'art 125 CP est suffisamment précise, notamment relative à la condition de la causalité. En particulier, le comportement illicite reproché au prévenu, contraire à la LCR, ayant causé les lésions subies par la victime, est clairement décrit. Le prévenu a compris ce qui lui était reproché et a pu préparer sa défense en conséquence. Par conséquent, la maxime d'accusation a été respectée (art. 9 CPP).

3.2.2. En l'espèce, il est établi que le 24 octobre 2022 à 19h50, le prévenu, qui circulait au volant de son véhicule automobile avec un taux d'alcool de 0.43 mg/l dans l'haleine, a percuté la plaignante à la hauteur du n°20 de l'avenue de France, ce qui n'est pas contesté. S'agissant de la position de la plaignante, il est établi par les photographies et le croquis versés à la procédure que la point de choc approximatif se trouvait sur le passage pour piétons, divisé en deux tronçons et menant à l'arrêt de tram "Maison de la Paix" ; chaque voie de circulation étant constituée d'une bande cyclable – d'une dimension réglementaire d'environ 2 mètres de large – et d'un trottoir. Les témoignages de F______ et G______ selon lesquelles la plaignante a été percutée au bord droit du passage pour piétons, respectivement à "l'endroit où on pouvait traverser" permettent d'arrêter cet état de fait.

3.2.3. Le prévenu allègue ne pas avoir violé les règles de la circulation et que la plaignante s'est lancée sur le passage pour piétons à l'improviste.

Le Tribunal retient pour établi que la plaignante s'est engagée sur le passage pour piétons rapidement, dans la mesure où elle voulait prendre le tram, ce qui est confirmé tant par la témoin F______, qui suivait celle-ci à une distance de deux mètres, que par la témoin G______. Ce nonobstant, il n'apparait pas vraisemblable que la plaignante se soit lancée à l'improviste en courant d'une manière extrêmement rapide. Elle portait des chaussures à talon, était en tenue de ville et n'était pas sportive – de ses propres déclarations –, étant encore précisé que même si elle voulait prendre son tram, elle n'était pas spécialement pressée au moment des faits.

Il appartenait au prévenu, à l'approche du premier passage pour piétons, puis à nouveau à l'approche du second passage pour piétons litigieux se situant aux abords d'un arrêt de tram, de porter une attention particulière à ce qui l'entourait et s'assurer qu'aucun piéton n'avait l'intention de traverser. Il faisait nuit et vu de la configuration des lieux qu'il connaissait, il devait déjà, quelques mètres auparavant, faire preuve de circonspection accrue et s'attendre à ce que quelqu'un traverse, fusse sans s'arrêter. En l'occurrence, la plaignante a d'abord traversé en venant du trottoir de droite, la bande cyclable mesurant près de 2 mètres de large, avant d'arriver au point de choc, ce qui permettait au prévenu d'avoir un instant supplémentaire de vigilance. Par ailleurs, le prévenu aurait dû réduire sa vitesse et l'adapter aux circonstances, soit rouler au pas, voire s'arrêter. Or, de ses propres déclarations, il n'a pas décéléré sa vitesse de 35 km/h. Force est de constater que cette vitesse est demeurée élevée, dès lors que le prévenu n'a pas été en mesure de s'arrêter afin d'éviter le choc.

Ainsi, les allégations de la témoin G______, qui se trouvait au demeurant à plus de cinq mètres dudit point de choc, selon lesquelles l'allure de la plaignante empêchait le prévenu de s'arrêter, ne sauraient être suivies et apparaissent peu vraisemblables.

Partant, le prévenu a failli à son devoir de prudence, violant de la sorte les règles de la circulation énoncées aux art. 31 al. 1 et 33 al. 2 LCR.

3.2.4. Il est indéniable que les lésions occasionnées à la plaignante, attestées par certificats médicaux, doivent, au vu de leur nature et des séquelles durables, être qualifiées de graves. Il reste à déterminer si le prévenu a fait preuve de négligence coupable.

Le prévenu aurait dû être attentif et s'apercevoir que la plaignante qui devait être visible, à tout le moins partiellement, allait traverser le passage pour piétons. Le prévenu empruntait cette route hebdomadairement et aurait d'autant mieux pu et dû identifier la source de danger prévisible et vouer une attention particulière au passage pour piétons et à ses abords. Il lui appartenait en particulier de conduire sans l'influence de l'alcool, ce qui lui aurait permis, au moment de franchir le passage pour piétons, séparé en deux parties par un îlot de sécurité, de s'assurer, en adaptant sa vitesse, que personne ne s'y était engagé, que ce soit par son côté gauche ou par son côté droit, ou n'avait l'intention de le faire. Le fait que son véhicule disposait d'un système de détection "anti-accident" et "anti-angle mort" qui ne s'est pas enclenché au moment de l'impact ne saurait exclure sa responsabilité. D'une part, un conducteur ne peut se réfugier derrière un équipement électronique pour justifier le non-respect des règles de la circulation routière. D'autre part, le témoin H______ a affirmé qu'il ne pouvait pas se prononcer sur la fiabilité du système du véhicule du prévenu sans l'avoir testé au préalable.

Partant, le prévenu a fait preuve d'une négligence coupable.

3.2.5. Le prévenu soutient que le comportement de la plaignante a eu pour effet d'interrompre le lien de causalité adéquate.

Au vu de ce qui précède, le comportement du prévenu est en causalité naturelle et adéquate avec la survenance de l'accident. S'il avait observé les abords du passage pour piétons et roulé plus lentement, il aurait pu s'arrêter en temps utiles et éviter le choc. Même à supposer que la plaignante ait traversé le passage pour piétons en courant et sans marquer d'arrêt, le prévenu ne saurait en tirer grief, dès lors qu'à teneur de la jurisprudence, la violation par un piéton de l'art. 49 al. 2 LCR ne saurait exclure une violation par le prévenu de ses devoirs de prudence découlant notamment de l'art. 33 al. 2 LCR, étant rappelé au demeurant qu'il n'existe pas de compensation des fautes en droit pénal. En l'occurrence, l'engagement rapide de la plaignante sur ledit passage ne saurait être considéré comme une circonstance exceptionnelle ou imprévisible de nature à reléguer à l'arrière-plan le comportement fautif du prévenu.

Par conséquent, le prévenu sera reconnu coupable de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 1 et 2 CP).

Peine

4.1.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

4.1.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

4.1.3. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

Ne peut se prévaloir de l'art. 54 CP que celui qui est directement atteint par les conséquences de son acte. Tel est notamment le cas si l'auteur a subi des atteintes physiques - par exemple s'il a été blessé lors de l'accident qu'il a provoqué - ou psychiques - comme celles qui affectent une mère de famille devenue veuve par suite de l'accident de la circulation qu'elle a causé (ATF 119 IV 280 consid. 2b p. 283) - résultant de la commission même de l'infraction. En revanche, les désagréments dus à l'ouverture d'une instruction pénale, le paiement de frais de procédure, la réparation du préjudice, ainsi que la dégradation de la situation financière, le divorce ou le licenciement consécutifs à l'acte délictueux, ne constituent que des conséquences indirectes de l'infraction, sans pertinence au regard de l'art. 54 CP (ATF 117 IV 245 consid. 2a p. 247).

4.2. La faute du prévenu est relativement lourde. Par son imprévoyance coupable, il a gravement porté atteinte à l'intégrité corporelle de la plaignante qui souffre de séquelles durables, même si le prévenu n'a pas souhaité un tel résultat.

Le prévenu a agi au mépris des règles de la circulation routière en conduisant sous l'emprise de l'alcool et en faisant preuve d'inattention aux abords d'un passage pour piétons, faisant fi des règles élémentaires de prudence. Il a agi par légèreté et inadvertance.

Sa collaboration à la procédure est moyenne. S'il reconnait la matérialité des faits, il a contesté sa responsabilité dans l'accident.

Sa prise de conscience est bonne et les excuses présentées à la plaignante sont sincères.

Sa situation personnelle – bonne – n'explique pas ses agissements.

Les conditions de l'art. 54 CP ne sont pas réalisées. Il sera toutefois tenu compte, au moment de fixer la peine, du fait que le prévenu a été atteint par les conséquences de ses actes : il a perdu son travail, a eu des problèmes familiaux, notamment de couple, et a souffert dans sa santé.

Le prévenu n'a pas d'antécédents, élément neutre dans la fixation de la peine.

Il y a concours d'infractions, ce qui constitue un facteur aggravant de la peine.

Au vu de l'ensemble des circonstances, une peine pécuniaire de 120 jours-amende sera prononcée. Le jour-amende sera fixé à CHF 100.-. Le pronostic n'étant pas défavorable, le sursis sera accordé et un délai d'épreuve, de 3 ans, sera fixé.

Il sera par ailleurs mis à l'amende, fixée à CHF 2'400.-.

Conclusions civiles

5.1.1. A teneur de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.

Le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 lit. a CPP).

5.1.2. Si, par suite de l'emploi d'un véhicule automobile, une personne est tuée ou blessée ou qu'un dommage matériel est causé, le détenteur est civilement responsable (art. 58 al. 1 LCR).

Selon l'art. 59 al. 1 LCR, le détenteur est libéré de la responsabilité civile s'il prouve que l'accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou d’un tiers sans que lui-même ou les personnes dont il est responsable aient commis de faute et sans qu'une défectuosité du véhicule ait contribué à l'accident. Si néanmoins le détenteur ne peut se libérer en vertu de l'al. 1 mais prouve qu'une faute du lésé a contribué à l'accident, le juge fixe l'indemnité en tenant compte de toutes les circonstances (al. 2).

Le mode et l'étendue de la réparation ainsi que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale sont régis par les principes du code des obligations concernant les actes illicites (art. 62 al. 1 LCR).

5.1.3. A teneur de l'article 41 al. 1 CO, chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence.

En vertu de l'art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières évoquées dans la norme consistent dans l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent avant tout le genre et la gravité de la lésion, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité de la personne concernée, le degré de la faute de l'auteur ainsi que l'éventuelle faute concomitante de la victime (arrêt du Tribunal fédéral 6B_181/2020 du 21 décembre 2020 consid. 3 et les références citées).

En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites. L'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1066/2014 du 27 février 2014 consid. 6.1.2).

La pratique retient pour critères la durée de l'atteinte, la longueur du séjour à l'hôpital, les circonstances de l'accident, les troubles psychiques, les pertes de mémoire ou de concentration, la diminution des chances de mariage/d'avoir des enfants ou encore le fardeau psychique important que représente le procès pour la victime. Il en va de même de la fatigabilité, du cumul de plusieurs troubles invalidants, d'une carrière brisée ou de l'obligation de poursuivre une carrière moins intéressante, de troubles de la vie familiale, de l'impossibilité de pratiquer son sport ou ses loisirs préférés, ainsi que l'âge de la victime et la souffrance du responsable lui-même, mais non son comportement procédural (F. WERRO, La responsabilité civile, 3e éd., 2017, ch. 1450 s. ; A. GUYAZ, Le tort moral en cas d'accident : une mise à jour, SJ 2013 II 215, p. 256 ; K. HÜTTE / P. DUCKSCH / A. GROSS / K. GUERRERO, Le tort moral, Tableaux de jurisprudence comprenant des décisions judiciaires rendues de 1990 à 2005, 3e éd., 2005, p. I/71 ss).

5.1.4. Selon l'art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur.

La possibilité de réduire une indemnité pour tenir compte d'une faute concomitante, résultant de l'art. 44 al. 1 CO, existe également dans le cas d'une indemnité pour tort moral (ATF 131 III 12 consid. 8; 128 1149 consid. 4.2 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_213/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3.1).

La faute concomitante suppose que l'on puisse reprocher au lésé un comportement blâmable, en particulier un manque d'attention ou une attitude dangereuse, alors qu'il n'a pas déployé les efforts d'intelligence ou de volonté que l'on pouvait attendre de lui pour se conformer aux règles de la prudence. La réduction de l'indemnité - dont la quotité relève de l'appréciation du juge - suppose que le comportement reproché au lésé soit en rapport de causalité naturelle et adéquate avec la survenance du préjudice (arrêt du Tribunal fédéral 6B_987/2017 du 12 février 2018, consid. 6.1).

5.2. En l'espèce, le Tribunal retient que la plaignante n'a pas contribué à la survenance du dommage. Si la plaignante s'est rapidement engagée sur le passage pour piétons, il n'est pas établi qu'elle se soit élancée à l'improviste en violation de son devoir découlant de l'art. 49 al. 2 LCR. Par conséquent, aucune faute concomitante ne peut être imputée à la plaignante et le prévenu est entièrement responsable du dommage.

L'accident de la circulation dont a été victime la plaignante a porté atteinte à sa santé lui occasionnant des souffrances physiques et morales, de sorte que le principe d'une indemnité pour tort moral est acquis.

Le Tribunal ne doute pas que la vie professionnelle et privée de la plaignante ait été profondément affectée. Dans le prolongement de la pratique jurisprudentielle, une indemnité de CHF 5'000.- paraît équitable et sera allouée à titre de réparation du tort moral. Pour le surplus, la plaignante sera renvoyée à agir par la voie civile.

Frais et indemnisation

6. Vu l'issue de la procédure, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'653.-, y compris un émolument de jugement de CHF 800.- (art. 426 al. 1 CPP).

7.1. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b).

7.2. En l'espèce, le prévenu sera condamné à payer à la plaignante CHF 27'640.-, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure.

8. Vu le verdict de culpabilité, les conclusions en indemnisation du prévenu sont rejetées (art. 429 CPP).

 

*****


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare C______ coupable de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 et 2 CP) et de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR).

Condamne C______ à une peine pécuniaire de 120 jours-amende, sous déduction d'un jours-amende, correspondant à un jour de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 100.-.

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne C______ à une amende de CHF 2'400.- (art. 42 al. 4 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 24 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne C______ à payer à A______ CHF 5'000.- avec intérêts à 5% dès le 24 octobre 2022, à titre de réparation du tort moral (art. 47/49 CO).

Condamne C______ à verser à A______ CHF 27'640.-, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Renvoie pour le surplus la partie plaignante A______ à agir par la voie civile (art. 126 al. 2 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de C______ (art. 429 CPP).

Condamne C______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 2'653.-, y compris un émolument de jugement de CHF 800.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service cantonal des véhicules, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Isabelle CUENDET

 

Vu l'annonce d'appel de C______ du 26 février 2025 ;

Vu l'annonce d'appel de A______ du 10 mars 2025 ;

Vu la nécessité de notifier un jugement motivé (art. 82 al. 2 let. b CPP) ;

Considérant que l'émolument de jugement fixé est en principe triplé dans ce cas (art. 9 al. 2 RTFMP) ;

Qu'il se justifie, partant, de mettre à la charge de C______ et A______ un émolument complémentaire;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 1'600.-.

Met cet émolument complémentaire, à hauteur de CHF 800.- (1/2), à la charge de C______.

Met cet émolument complémentaire, à hauteur de CHF 800.- (1/2), à la charge de A______.

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Isabelle CUENDET

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

1390.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

90.00

Indemnité payée au témoin

CHF

281.00

Frais postaux (convocation)

CHF

35.00

Emolument de jugement

CHF

800.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

2653.00

Emolument de jugement complémentaire

CHF

1'600.00

Total

CHF

4'253.00

 

 

 

 

 

 

 

Notification : MINISTERE PUBLIC, C______ (soit pour lui Me D______) et A______ (soit pour elle Me B______) (art. 87 al. 3 CPP).