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Décisions | Tribunal pénal

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P/13699/2021

JTDP/742/2024 du 17.06.2024 sur OPMP/4750/2023 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LEI.117
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 19


17 juin 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______ 1982, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Serge PATEK


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du prévenu du chef d'infraction à l'art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration, au prononcé d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 60.-, à ce qu'il soit renoncé à la révocation du sursis accordé le 27 avril 2018 par le Ministère public du canton de Genève et à ce que le délai d'épreuve soit prolongé d'un an et assorti d'un avertissement formel ainsi qu'à la condamnation du prévenu aux frais de la procédure.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, subsidiairement à une exemption de peine en application de l'art. 52 CP, plus subsidiairement à une réduction de la quotité de la peine notamment en application de l'art. 48 let. a ch. 1 CP et à l'octroi du sursis.

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 31 mai 2023, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, du 21 juin 2017 au 5 mars 2021, en sa qualité d'actionnaire et d'administrateur unique de A______ SA, employé B______, ressortissant du Kosovo, alors que celui-ci ne disposait d'aucune autorisation d'exercer une activité lucrative en Suisse, ce qu'il savait, faits qualifiés d'infraction à l'art. 117 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI, anciennement LEtr ; RS 142.20).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

Procédure pénale P/13148/2017

a.a.a. Dans le cadre de la procédure pénale P/13148/2017, B______ a été entendu par la police le 20 juin 2017 en qualité de prévenu. Il a alors indiqué être employé par X______, soit son beau-frère, et l'entreprise A______ depuis 5 à 6 mois, sans être au bénéfice d'une autorisation. Ses charges sociales étaient payées et il percevait un salaire de CHF 25.05 de l'heure, versé en espèces.

a.a.b. Par-devant le Ministère public, le 4 octobre 2017, B______ a confirmé ses déclarations faites à la police. Il avait travaillé pour A______ à compter janvier 2017 mais cela n'avait plus été le cas depuis son arrestation, en juin de la même année.

a.b. Egalement entendu par le Ministère public à cette même date en qualité de prévenu, X______ a déclaré qu'il était exact que B______ avait travaillé pour son entreprise A______, de novembre 2016 à juin 2017. Il savait que ce dernier n'avait pas le droit de travailler en Suisse mais avait voulu lui venir en aide. Il avait par ailleurs entendu parler du projet Papyrus et pensait que B______ pourrait en bénéficier.

a.c. Par ordonnance pénale du 27 avril 2018, B______ a notamment été reconnu coupable d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. c LEtr, pour exercice d'une activité lucrative sans autorisation de novembre 2016 au 20 juin 2017 en qualité d'électricien auprès de l'entreprise A______.

Déclarations livrées dans le cadre de la présente procédure

b.a.a. Dans le cadre d'une plainte déposée le 7 juillet 2021 pour des faits sur lesquels ne porte pas la présente procédure, B______ a déclaré avoir été engagé en novembre 2016 par X______, au sein de l'entreprise A______. Il a décrit en détails ses relations et conditions de travail au sein de ladite entreprise jusqu'au 7 mars 2021, date à laquelle il avait été licencié avec effet immédiat.

b.a.b. Entendu par la police le 7 octobre 2021 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, B______ a, en substance, déclaré qu'en juin 2017 il travaillait pour X______. Il avait ensuite été employé par ce dernier pendant 4 ans et demi. Des tensions étaient nées entre les deux hommes à compter d'août 2020, au sujet du salaire de B______.

b.b.a. Entendu par la police le 18 janvier 2022, X______ a indiqué que B______ lui avait transmis, en date du 28 août 2020, une photographie indiquant ne pas pouvoir travailler à cause de maux de dents. B______ l'avait d'ailleurs appelé avant de lui envoyer la photographie pour l'en informer. X______ avait par la suite pris la décision de le renvoyer, ce qu'il avait fait par courrier recommandé. C'était ainsi que leur relation employé-employeur avait pris fin.

b.b.b. Par déterminations écrites du 12 mai 2023, X______ a, sous la plume de son Conseil, admis avoir engagé B______ pour lui éviter de tomber dans le dénuement. Il n'avait eu aucune raison de douter des allégations de B______ au sujet de son droit de travailler en Suisse eu égard aux liens familiaux qui les unissaient. Il s'était acquitté des cotisations sociales auprès des institutions concernées, ce jusqu'en 2021.

A l'appui de ses déterminations, X______ a déposé des pièces, notamment le contrat de travail à durée indéterminée relatif à B______, conclu le 21 novembre 2016, un tableau récapitulatif des salaires et charges sociales versées pour le compte de ce dernier ainsi qu'une attestation de C______.

b.b.c. Entendu par le Ministère public le 27 mars 2024 suite à son opposition formée à l'ordonnance pénale du 31 mai 2023, X______ a déclaré que B______ n'avait, en 2017, pas de permis de travail. Il l'avait engagé car sa sœur et ce dernier étaient sans emploi, sans avoir vraiment eu le choix. B______ lui avait toutefois indiqué qu'il remplissait les conditions de régularisation Papyrus et qu'il allait ainsi en bénéficier. Ce n'était que par la suite que X______ avait compris que tel n'était pas le cas.

Il avait fourni les documents utiles à démontrer les périodes d'activités de B______ au sein de l'entreprise et avait accompagné ce dernier, à plusieurs reprises, chez D______, chargé de la procédure de régularisation Papyrus. B______ devait encore réunir les preuves de ses précédents emplois. Toutefois, il traînait pour remettre les documents, malgré les relances formulées et n'avait finalement jamais fourni les pièces manquantes.

Pièces figurant à la procédure

c. Les éléments pertinents suivants ressortent des pièces figurant à la procédure.

c.a. L'extrait de compte individuel de B______, établi par la Caisse cantonale genevoise de compensation le 31 mai 2021, fait état de l'emploi de ce dernier par "E______" de novembre 2016 à décembre 2019.

c.b. Les messages suivants ont été échangés entre B______ et X______:

·         le 3 mars 2019, de X______ à B______: "Sors si tu as du temps pour que je te remette le salaire" ;

·         le 28 août 2020, de B______ à X______: "Moi je suis rentré à l'appartement car je ne peux plus travailler", accompagné d'une photographie de lui-même ;

·         le 2 septembre 2020, de X______ à B______: "Envoie moi les jours du mois passé", message auquel B______ a répondu "Il y a 21 jours" et

·         le 5 mars 2021, de B______ à X______: "X______ j'ai trouvé du travail ailleurs je vais commencer en avril (…)".

c.c. Par courrier du 5 mars 2021, signé de la main de X______, A______ a licencié B______ avec effet immédiat.

C.a. En marge de l'audience de jugement et par courrier du 13 mai 2024, X______ a requis l'audition de D______, mandaté afin d'entreprendre les démarches nécessaires à la régularisation de B______ dans le cadre de l'opération Papyrus.

b. Dite requête a été rejetée par le Tribunal de céans pour les motifs exposés dans un courrier du 14 mai 2024. L'audition de D______ n'apparaissait pas utile au prononcé du jugement au vu des faits reprochés à X______, qui ne s'inscrivent pas dans la procédure de régularisation Papyrus.

c. A l'audience de jugement, X______ a, par le biais de son Conseil, réitéré sa demande d'audition de D______ en qualité de témoin. Le Tribunal l'a, à nouveau, rejetée dans la mesure où les démarches effectuées par X______ auprès de D______ ressortent de la procédure et que l'audition de ce dernier n'est pas utile au prononcé du présent jugement.

d. X______ a par ailleurs déposé un bordereau de pièces complémentaire.

e. Entendu par le Tribunal de céans, il a confirmé son opposition du 6 juin 2022, ses précédentes déclarations ainsi que ses déterminations écrites du 12 mai 2023. Il a admis que B______ avait travaillé pour son compte du 21 juin 2017 au 5 mars 2021. Il s'était toutefois acquitté de l'intégralité des charges sociales. B______ avait tous les documents nécessaires pour travailler mais la loi sur le travail n'était pas claire. X______ a en outre confirmé avoir accompagné son beau-frère chez D______, en vue d'entreprendre une régularisation via le programme Papyrus, laquelle n'avait finalement pas abouti.

Questionné en lien avec sa précédente condamnation du 27 avril 2018, par laquelle il lui était déjà reproché d'avoir employé illégalement B______, le prévenu a indiqué que c'était "un peu plus compliqué" et que B______ était un membre de sa famille, soit le compagnon de sa sœur avec laquelle ils avaient des enfants. Il avait "fait trois ans et demi chez [lui]" et avait "soi-disant" travaillé dix autres années ailleurs.

D.a. X______, né le ______ 1982, est de nationalités suisse et kosovare. Il est marié et père de deux enfants, de 15 et 14 ans.

Il exerce la profession de monteur-électricien et détient à ce titre deux entreprises, la société A______ et une raison individuelle. Sa déclaration fiscale fait état d'un revenu mensuel brut de CHF 42'810.74. Son épouse perçoit quant à elle un salaire mensuel brut de CHF 5'500.-.

Il est propriétaire de sa maison et pour laquelle il paie un crédit incluant CHF 29'000.- d'amortissement par an et CHF 5'925.- d'intérêts par trimestre. Il s'acquitte de primes d'assurances maladie et d'impôts à hauteur de CHF 1'783.65, respectivement CHF 11'930.80 par mois. Il dispose d'une fortune mobilière brute de CHF 2'320'705.- et d'actifs commerciaux bruts de CHF 1'062'901.-. Il a des dettes hypothécaires et chirographiques pour un total de CHF 2'888'431.-.

b. A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, X______ a été condamné, le 27 avril 2018 par le Ministère public du canton de Genève, à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 210.- le jour avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans ainsi qu'à une amende de CHF 1'680.-, pour emploi d'étrangers sans autorisation au sens de l'art. 117 al. 1 1ère phr. LEtr.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. Selon l'art. 2 al. 1 CP, la loi pénale ne s'applique qu'aux faits commis après son entrée en vigueur (principe de la non-rétroactivité de la loi pénale). Cependant, en vertu de l'art. 2 al. 2 CP, une loi nouvelle s'applique aux faits qui lui sont antérieurs si, d'une part, l'auteur est mis en jugement après son entrée en vigueur et si, d'autre part, elle est plus favorable à l'auteur que l'ancienne (exception de la lex mitior). Il en découle que l'on applique en principe la loi en vigueur au moment où l'acte a été commis, à moins que la nouvelle loi ne soit plus favorable à l'auteur.

Pour déterminer quel est le droit le plus favorable, il y a lieu d'examiner l'ancien et le nouveau droit dans leur ensemble et de comparer les résultats auxquels ils conduisent dans le cas concret (ATF 134 IV 82 consid. 6.2.1). De même, l'article 389 CP, concrétisant le principe de la non-rétroactivité et l'exception de la lex mitior, précise que les dispositions du nouveau droit concernant la prescription de l'action pénale et des peines sont applicables également aux auteurs d'actes commis ou jugés avant l'entrée en vigueur du nouveau droit si elles lui sont plus favorables que celles de l'ancien droit.

1.1.2. En l'espèce, l'ensemble des faits reprochés au prévenu se sont déroulés avant l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur l'harmonisation des peines, le 1er juillet 2023. Or, à compter de cette date, l'art. 117 al. 1 LEI ne prévoit plus l'obligation de prononcer une peine pécuniaire dans le cas où une peine privative de liberté est retenue. Dans la mesure où le nouveau droit est plus favorable au prévenu, il en sera fait application.

1.2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. ; RS 101) et 10 al. 3 du Code de procédure pénale du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0), concerne tant le fardeau de la preuve que l’appréciation des preuves au sens large (ATF 127 I 28 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d’un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 138 V 74 consid. 7 ; ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87).

1.2.2. Selon l'art. 91 al. 1 LEI, avant d'engager un étranger, l'employeur doit s'assurer qu'il est autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse en examinant son titre de séjour ou en se renseignant auprès des autorités compétentes.

L'employeur ne peut s'exonérer de cette obligation de diligence en se réfugiant derrière une éventuelle tromperie de tiers. Il appartient à chaque employeur de procéder au contrôle. La simple omission de procéder à l'examen du titre de séjour ou de se renseigner auprès des autorités compétentes constitue déjà une violation du devoir de diligence (arrêt du Tribunal fédéral 2C_357/2009 du 16 novembre 2009 consid. 5.1 et 5.3).

1.2.3. Aux termes de l'art. 117 al. 1 LEI, quiconque, intentionnellement, emploie un étranger qui n’est pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse ou a recours, en Suisse, à une prestation de services transfrontaliers d’une personne qui n’a pas l’autorisation requise est puni d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire. Dans les cas graves, la peine sera une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire.

L'infraction n'est réalisée que si l'employeur a agi intentionnellement, ce qui comprend le dol éventuel (arrêt du Tribunal fédéral 6B_184/2009 du 20 mai 2009 consid. 1.2.2).

1.3. En l'espèce, le Tribunal tient pour établi que le prévenu a continué d'employer B______ entre le 21 juin 2017 et le 5 mars 2021 nonobstant une précédente condamnation pour l'emploi illégal de cette personne. Le prévenu ne le conteste pas et cet emploi ressort de plusieurs éléments de la procédure, notamment les cotisations sociales payées par l'employeur pendant toute la période pénale, les déclarations de B______, les différents messages échangés entre le prévenu et ce dernier entre le 3 mars 2019 et le 5 mars 2021 ainsi que le courrier de résiliation du contrat de travail, daté du 5 mars 2021.

Par ailleurs, le prévenu a accompli avec B______ les démarches nécessaires pour la régularisation de son statut administratif dans le cadre de l'opération Papyrus, ce qui démontre qu'il le savait dépourvu de toute autorisation de séjour et de travail.

Le prévenu ne convainc pas lorsqu'il se prévaut de l'incohérence de la loi. En effet, le fait de payer des cotisations sociales d'un employé ne saurait emporter autorisation de travailler pour celui-ci, l'obligation de payer les charges sociales étant indépendante de la nécessité de disposer d'un permis de séjour.

Ainsi, le prévenu sera reconnu coupable d'emploi d'étranger sans autorisation, au sens de l'art. 117 al. 1 LEI.

Peine

2.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s. ; ATF 136 IV 55 consid. 5 p. 57 ss ; ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20).

2.1.2. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus (al. 2).

Dans un arrêt AARP/376/2023 du 11 octobre 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a retenu une peine pécuniaire de 30 jours-amende à l'encontre d'un prévenu ayant été reconnu coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 LEI, pour avoir employé illégalement un individu dépourvu des autorisations nécessaires, le 28 novembre 2020, soit pendant un jour.

2.1.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (al. 2).

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

2.1.4. Si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine (art. 52 CP). L'exemption de peine suppose que l'infraction soit de peu d'importance, tant au regard de la culpabilité de l'auteur que du résultat de l'acte. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; il ne s’agit pas d’annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi (Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu’une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 p. 1871). Pour apprécier la culpabilité, il faut tenir compte de tous les éléments pertinents pour la fixation de la peine, notamment des circonstances personnelles de l'auteur, tels que les antécédents, la situation personnelle ou le comportement de l’auteur après l’infraction (ATF 135 IV 130 consid. 5.4 p. 137).

Dans un arrêt AARP/79/2021 du 16 mars 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a renoncé au prononcé d'une peine (en application de l'art. 52 CP) à l'encontre d'une prévenue condamnée pour infraction à l'art. 117 al. 1 LEI. À l'appui de leur décision, les juges d'appel ont notamment exposé que l'emploi avait duré à peine plus de trois mois et que l'employée de la prévenue avait, finalement, obtenu les autorisations nécessaires à l'exercice d'une activité lucrative et au séjour en Suisse.

2.1.5. Selon l'art. 48 al. 1 CP, le juge atténue la peine si l'auteur a agi en cédant à un mobile honorable (ch. 1).

Le caractère honorable des mobiles s'apprécie d'après l'échelle des valeurs éthiques reconnues par la collectivité dans son ensemble. Pour être qualifié d'honorable, il ne suffit pas que le mobile ne soit pas critiquable sur le plan moral, il faut encore qu'il se situe dans la partie supérieure des valeurs éthiques. De toute façon, le mobile honorable n'est qu'un des éléments subjectifs de l'infraction ; dans l'appréciation de la peine, il peut être rejeté complètement dans l'ombre par les autres circonstances de l'infraction comme, notamment, la manière dont celle-ci a été commise, le but visé ou la perversité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 6B_713/2018 du 21 novembre 2018 consid. 5.4 et la référence citée).

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu est légère à moyenne. Il s'en est pris aux interdits en vigueur en matière de séjour et d'emploi d'étrangers. Ses mobiles sont égoïstes, en tant qu'ils relèvent de la convenance personnelle. Sa situation personnelle est particulièrement favorable et ne justifie, ni n'explique ses actes. Le prévenu, qui est instruit, pouvait aisément organiser son entreprise de façon à employer des personnes autorisées à travailler en Suisse. Sa volonté délictuelle n'est pas moindre, le prévenu ayant continué d'employer B______ nonobstant une précédente condamnation et ce sur une longue période pénale. Il sera toutefois tenu compte du fait qu'il n'a tiré aucun bénéfice de ses agissements.

Le prévenu a un antécédent spécifique, facteur d'aggravation de la peine.

Sa collaboration à l'établissement des faits a été bonne, bien qu'il affirme n'avoir pas eu d'autre choix que d'agir comme il l'a fait, ce qui n'est pas établi. Le prévenu n'a exprimé aucun regret et dans cette mesure, sa prise de conscience n'est pas même entamée.

Au vu de sa faute et de la récidive, seule une peine pécuniaire ferme entre en considération pour sanctionner le prévenu. Plus de 3 ans s'étant écoulés depuis l'expiration du délai d'épreuve, le prévenu échappe à la révocation du sursis qui lui a précédemment été accordé.

Contrairement à ce qui a été plaidé par la défense, l'application de l'art. 52 CP n'entre pas en considération au vu de l'importante période pénale sur laquelle a porté l'activité délictuelle du prévenu, les faits les plus anciens étant sur le point de se prescrire. Par ailleurs, il a continué d'employer B______ après avoir été condamné pour l'emploi illégal de ce dernier, faisant fi des décisions de justice. Ces éléments excluent de considérer que la culpabilité du prévenu et les conséquences de son acte, sont peu importantes.

Quoique la défense ait soutenu le contraire, la situation du prévenu n'est pas comparable à celle jugée dans l'arrêt AARP/79/2021 au vu de la longue période pénale considérée et du fait que B______ n'a, en définitive, jamais été mis au bénéfice d'un titre de séjour.

S'agissant de la circonstance atténuante plaidée, soit le mobile honorable, elle n'est pas réalisée. En effet, les circonstances dont se prévaut le prévenu ne remontent pas au moment de la poursuite de l'emploi illégal de B______, mais bien plus au moment de son engagement, soit à une période couverte par sa précédente condamnation.

Enfin, le prévenu n'est pas recevable à se prévaloir de la peine pécuniaire de 30 jours-amende prononcée contre un prévenu pour emploi d'étranger sans autorisation dans l'arrêt AARP/376/2023, dès lors que l'emploi illégal avait duré un jour.

A la lumière de ce qui précède, c'est en définitive une peine pécuniaire de 50 jours-amende, à CHF 500.- le jour, qui sera prononcée.

Frais

3. Vu le verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné à l'entier des frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'003.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

*****

Vu l'opposition formée le 6 juin 2023 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 31 mai 2023 ;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 28 mars 2024 ;

Vu l'art. 356 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition ;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP ;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 31 mai 2023 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 6 juin 2023.

et statuant à nouveau et contradictoirement :

Déclare X______ coupable d'infraction à l'art. 117 al. 1 LEI.

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 50 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 500.-.

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'003.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Patricia MACCAFERRI CECCONI

Le Président

Niki CASONATO

 


 

Vu le jugement du 17 juin 2024 ;

Vu l'annonce d'appel formée par X______, par courrier de son conseil du 27 juin 2024 entraînant la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP) ;

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale prévoyant, dans un tel cas, que l'émolument de jugement fixé est en principe triplé ;

Attendu qu'il se justifie de mettre à la charge du prévenu un émolument complémentaire ;

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

 

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire, à la charge de X______.

 

La Greffière

Patricia MACCAFERRI CECCONI

Le Président

Niki CASONATO

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

580.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

14.00

Total

CHF

1'003.00

==========

Emolument complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1'603.00

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil, Me Serge PATEK
(par voie postale)

Notification au Ministère public
(par voie postale)