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Décisions | Tribunal pénal

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P/26875/2022

JTDP/56/2024 du 18.01.2024 ( OPCTRA ) , JUGE

Normes : OLCP.32a
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 3


18 janvier 2024

 

SERVICE DES CONTRAVENTIONS

contre

Madame X______, née le ______ 1969, domiciliée ______[GE], prévenue, assistée de Me B______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Service des contraventions conclut à un verdict de culpabilité pour les faits visés dans ses ordonnances pénales des 24 février 2022, 27 juin 2022 et 8 mai 2023 et à ce que X______ soit condamnée à :

-          une amende de CHF 1'000.- s'agissant de l'ordonnance pénale n°5133755, hors émolument de CHF 150.-;

-          une amende de CHF 1'000.- s'agissant de l'ordonnance pénale n°5256640, hors émolument de CHF 150.-;

-          à une amende de CHF 1'000.- s'agissant de l'ordonnance pénale n°5574549, hors émolument de CHF 150.-.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement des faits visés dans les trois ordonnances pénales, à la condamnation de l'Etat de Genève à lui payer une somme correspondant aux honoraires de son avocat et à ce que les frais soient laissés à la charge de l'Etat.

*****

Vu les oppositions formées les 28 février 2022, 4 juillet 2022 et 10 mars 2023 par X______ aux ordonnances pénales rendues par le Service des contraventions les 24 février 2022, 27 juin 2022 et 8 mai 2023;

Vu les décisions de maintien du Service des contraventions des 20 décembre 2022 et 17 juillet 2023;

Vu les art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lesquels le tribunal de première instance statue sur la validité de la contravention et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables les ordonnances pénales du Service des contraventions des 24 février 2022, 27 juin 2022 et 8 mai 2023 et les oppositions formées contre celles-ci par X______ les 28 février 2022, 4 juillet 2022 et 10 mars 2023;

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnances pénales des 24 février 2022, 27 juin 2022 et 8 mai 2023, valant actes d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève:

-          le 9 février 2022 à 22h47, contrevenu, en tant qu'employeur, à l'obligation d'annonce d'un employé étranger (ordonnance pénale n°5133755 du 24 février 2022),

-          le 17 mai 2022 à 18h40, contrevenu, en tant qu'employeur, à l'obligation d'annonce d'un employé étranger (ordonnance pénale n°5256640 du 27 juin 2022),

-          le 12 décembre 2022 à 21h50, contrevenu, en tant qu'employeur, à l'obligation d'annonce d'un employé étranger (ordonnance pénale n°5574549 du 8 mai 2023),

faits qualifiés d'infractions à l'art. 32A cum art. 9 de l'Ordonnance sur la libre circulation des personnes du 22 mai 2002 (OLCP; RS 142.203).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

Concernant les faits du 9 février 2022

a.a. Selon le rapport de contravention du 10 février 2022, la police a procédé à un contrôle, en date du 9 février 2022 à 22h47, au salon de massages érotiques C______ sis ______[GE]. Sur place, la police a été mise en présence de D______, travailleuse du sexe, ressortissante française née le ______ 1998, laquelle n'a pas été en mesure de présenter une autorisation de travail valable. En date du 10 février 2022, la police a pris contact avec X______, responsable des lieux, pour l'informer de la situation, laquelle a répondu que D______ n'avait pas d'autorisation de travail et n'était pas censée se trouver au C______. La police l'a dès lors déclarée en contravention.

a.b. Par ordonnance pénale n°5133755 du 24 février 2022, le Service des contraventions a condamné X______ à une amende de CHF 1'000.- et à des émoluments de CHF 150.- au motif qu'en sa qualité d'employeur, elle avait contrevenu à l'obligation d'annonce d'un employé étranger dans son salon de massages.

a.c. X______ a formé opposition par courrier de son conseil du 28 février 2022 et expliqué, par courrier du 29 décembre 2022, que D______ avait exercé le métier de prostituée au sein du salon C______ le 4 février 2022, activité autorisée suite à l'annonce faite le 3 février 2022 (attestation de l'OCPM à l'appui). Elle s'était présentée le 9 février 2022, jour du contrôle de police, afin de savoir quand elle pourrait travailler à nouveau, étant précisé qu'elle ne travaillait pas lors du contrôle.

a.d. Sollicités par le Service des contraventions, les policiers qui ont effectué le contrôle du 9 février 2022 ont confirmé le contenu de leur rapport et expliqué qu'effectivement D______ avait indiqué n'être que de passage et ne pas devoir se trouver dans le salon. Elle était toutefois en "habits de travail" lors du contrôle.

a.e. En date du 17 juillet 2023, le Service des contraventions a rendu une ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale n°5133755.

Concernant les faits du 17 mai 2022

b.a. Selon le rapport de contravention du 9 juin 2022, la police a procédé à un contrôle au salon de massages érotiques C______ en date du 17 mai 2022 à 18h40. A cette occasion, elle a été mise en présence de E______, travailleuse du sexe, ressortissante française née le ______ 1991, et a constaté que bien qu'elle soit dûment enregistrée auprès de leur service afin d'exercer son activité professionnelle, elle était démunie d'autorisation de travail valable. Dès lors, après avoir obtenu confirmation auprès de l'OCPM de l'absence d'autorisation de travail, la police a pris contact téléphoniquement avec X______ en date du 19 mai 2022 afin de la déclarer en contravention.

b.b. Par ordonnance pénale n°5256640 du 27 juin 2022, le Service des contraventions a condamné X______ à une amende de CHF 1'000.- et à des émoluments de CHF 150.- au motif qu'en sa qualité d'employeur, elle avait contrevenu à l'obligation d'annonce d'un employé étranger dans son salon de massages.

b.c. X______ a formé opposition en date du 4 juillet 2022 à l'encontre de cette ordonnance. Elle a expliqué, par courrier de son conseil du 14 novembre 2022, que E______, employée de sa société F______ SA, avait adressé une demande de renouvellement de son permis G à l'OCPM. Ce dernier avait répondu par courrier électronique à l'adresse "G______" – une adresse privée peu utilisée par X______ –, alors que l'OCPM était en possession des adresses de courriers électroniques régulièrement utilisées par cette dernière soit "H______" et "I______".

b.d. Sollicité par le Service des contraventions, le policier ayant rédigé le rapport de contravention du 9 juin 2022 a confirmé la contravention à l'encontre de X______. En substance, il a expliqué que, renseignements pris auprès de l'OCPM dont les échanges figurent au dossier, E______ avait déposé une demande de travail le 8 avril 2021 en indiquant une adresse fiduciaire – ce qui n'était plus accepté –, l'OCPM avait réclamé une nouvelle demande en ligne au salon C______ le 6 décembre 2021 et l'avait relancé le 13 mai 2022. Sans réponse de la part du salon, la demande de renouvellement avait été classée sans suite.

b.e. En date du 20 décembre 2022, le Service des contraventions a rendu une ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale n°5256640.

Concernant les faits du 12 décembre 2022

c.a. Selon le rapport de contravention du 3 janvier 2023, la police a procédé à un contrôle au salon de massages érotiques C______, sis ______[GE], en date du 12 décembre 2022 à 21h50. Sur place, elle a été mise en présence de J______, travailleuse du sexe, ressortissante française née le ______ 1987. Bien qu'elle soit correctement enregistrée auprès de leur service afin d'exercer son activité professionnelle, elle était démunie d'autorisation de travail valable. L'OCPM ayant confirmé cette information, la police a pris contact téléphoniquement le 14 décembre 2022 avec X______ afin de la déclarer en contravention.

c.b. Par ordonnance pénale n°5574549 du 8 mai 2023, le Service des contraventions a condamné X______ à une amende de CHF 1'000.- et à des émoluments de CHF 150.- au motif qu'en sa qualité d'employeur, elle avait contrevenu à l'obligation d'annonce d'un employé étranger dans son salon de massages.

c.c. Par courrier de son conseil du 15 juin 2023, X______ a formé opposition contre cette ordonnance. Elle a expliqué que dans la soirée du 12 décembre 2022, J______ s'était présentée au C______ dans le but que la responsable du salon effectue les démarches utiles (annonce de prise d'emploi) afin de débuter son activité le lendemain soit du 13 décembre 2022 au 31 décembre 2022. Quelques minutes après son arrivée, un contrôle de police a été effectué au sein du salon alors même que J______ n'exerçait pas son activité de prostituée, étant habillée en "habits de ville" lors du contrôle. L'annonce d'une activité lucrative avec prise d'emploi avait été effectuée le lendemain soit le 13 décembre 2022, attestation de l'OCPM à l'appui.

c.d. Sollicité par le Service des contraventions, le policier ayant rédigé le rapport de contravention du 3 janvier 2023 a confirmé la contravention à l'encontre de X______. Suite à un échange avec l'OCPM, il confirmait que l'annonce d'activité lucrative avait été saisie le 12 décembre 2022 à 22h21 mais que J______ n'était autorisée à travailler qu'à partir du 13 décembre 2022. Par ailleurs, le policier ne comprenait pas pourquoi J______ devait se rendre sur place au C______ afin d'effectuer sa procédure d'annonce puisqu'il s'agissait déjà de la 6ème annonce que X______ effectuait pour elle.

c.e. En date du 17 juillet 2023, le Service des contraventions a rendu une ordonnance de maintien de l'ordonnance pénale n°5574549.

d. Par courriels des 22 décembre 2022 et 14 août 2023 adressés à l'OCPM, le Tribunal a sollicité la copie du dossier concernant J______, D______ et E______.

Il ressort notamment des pièces reçues que J______ avait une autorisation de travail pour la période du 5 juillet 2022 au 10 juillet 2022 ainsi que du 13 novembre 2022 au 4 décembre 2022; que l'OCPM avait envoyé un courriel à l'adresse "G______" le 6 décembre 2021 puis une relance le 13 janvier 2022 à la même adresse concernant la demande de prolongation du permis G de E______ et que faute de réponse celle-ci avait été classée sans suite et que l'OCPM avait reçu une demande pour frontalier concernant D______ sans toutefois préciser les dates.

C. L'audience de jugement s'est tenue le 18 janvier 2024.

D______ dûment convoquée en tant que témoin ne s'est pas présentée.

X______ a produit un chargé de pièces, notamment des annonces de séjour de courte durée pour D______ pour les dates des 11 février au 13 février 2022, 16 février au 19 février 2022, 22 février 2022 au 25 février 2022 et le 26 février 2022.

S'agissant des faits reprochés, elle ne contestait pas être la gérante responsable du salon de massages C______ dans lesquels D______, E______ et J______ avaient été contrôlées. L'adresse de courrier électronique "G______" était une adresse qu'elle avait utilisée des années auparavant mais jamais de manière professionnelle. Pour les communications avec l'OCPM, elle utilisait l'adresse électronique "I______" ou encore "H______". C'était uniquement dans le cadre de la procédure qu'elle avait consulté l'adresse électronique "G______" et qu'elle avait pris connaissance des courriers électroniques envoyés par l'OCPM.

E______ travaillait effectivement le 17 mai 2022. X______ lui demandait généralement une copie de son autorisation de travail ou de la demande d'autorisation ainsi qu'une copie du récépissé. E______ avait effectué sa demande par le biais d'une adresse fiduciaire, lui avait remis la copie de la quittance et de la demande de renouvellement datant du 8 avril 2021, étant précisé que ces pièces figuraient au dossier. X______ n'avait pas effectué d'autres démarches. Elle n'était pas au courant que l'OCPM n'acceptait plus les adresses fiduciaires.

D______ n'était pas censée travailler le jour du contrôle de police, une annonce de travail avait été faite quelques jours avant et une autre le lendemain du contrôle soit le 10 février 2022. Le salon demeurait ouvert 24/24h et 7/7 jours. Il arrivait que des filles passent à l'improviste. X______ n'était pas toujours présente pour les accueillir. En l'occurrence, D______ était venue avant son horaire de travail. Elle aurait pu téléphoner mais peu de ses employées le faisaient. Il était possible qu'elle fût habillée en "petite tenue" car une partie des filles logeaient dans un appartement qui se situait dans l'immeuble et avaient leurs affaires personnelles dans des casiers à l'intérieur du salon.

J______ avait déjà travaillé au salon à plusieurs reprises. Le jour du contrôle par la police à 21h50, elle était venue à l'improviste pour s'enquérir d'une place pour le lendemain puisque c'était une personne qui travaillait la journée entre 9h00 et 21h00. Elle ne travaillait pas le soir du contrôle et il n'était donc pas possible qu'elle ait été habillée pour ce faire. X______ avait fait l'annonce en ligne immédiatement après avoir reçu un appel de J______, soit à 22h21. Elle ne se souvenait pas si à cette occasion J______ lui avait dit qu'il y avait eu contrôle mais de manière générale, elle était informée lorsqu'il y avait des contrôles de police au C______.

D. X______ est née le ______ 1969 en France et titulaire d'un permis C en Suisse. Elle est mariée et mère de trois enfants, dont un est encore à sa charge. Elle exerce en qualité d'indépendante dans la gestion de salons de massages. Dans ce cadre, elle est gérante de l'établissement C______. Elle perçoit un salaire d'environ CHF 2'000.- mensuel. Pour des raisons de santé, elle a diminué son activité de manière importante. Son mari, qui paie l'entier de ses charges, est également propriétaire de leur logement. Elle a des dettes, d'un montant inconnu, relatives à des arriérés de TVA.

EN DROIT

1.1.1. L'art. 2 par. 1 de l'Annexe I de l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne et ses Etats membres sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) prévoit le droit de séjourner et d'exercer une activité économique pour les ressortissants de l'une des parties contractantes sur le territoire d'une autre partie contractante. L'art. 2 par. 4 de l'Annexe laisse la possibilité aux États d'imposer aux ressortissants des autres parties contractantes de signaler leur présence sur le territoire.

1.1.2. Selon l'art. 9 al. 1bis OLCP, en cas de prise d'emploi sur le territoire suisse ne dépassant pas trois mois par année civile ou de services fournis par un prestataire indépendant pendant 90 jours ouvrables au plus par année civile, la procédure de déclaration d'arrivée (obligation d'annonce, procédure, éléments, délais) au sens de l'art. 6 de la loi du 8 octobre 1999 sur les travailleurs détachés (LDét; RS 823.20) et de l'art. 6 de l'ordonnance du 21 mai 2003 sur les travailleurs détachés en Suisse (Odét; RS 823.201) s'applique par analogie. Le salaire ne doit pas être annoncé. En cas de prise d'emploi sur le territoire suisse ne dépassant pas trois mois par année civile, l'annonce doit s'effectuer au plus tard la veille du jour marquant le début de l'activité.

Aux termes de l'art. 6 de la LDét, avant le début de la mission, l’employeur annonce à l’autorité désignée par le canton en vertu de l’art. 7, al. 1, let. d, par écrit et dans la langue officielle du lieu de la mission, les indications nécessaires à l’exécution du contrôle, notamment, l’identité et le salaire des personnes détachées en Suisse; l’activité déployée en Suisse; le lieu où les travaux seront exécutés. L’employeur joint aux renseignements mentionnés à l’al. 1 une attestation par laquelle il confirme avoir pris connaissance des conditions prévues aux art. 2 et 3 et s’engage à les respecter. Le travail ne peut débuter que huit jours après l’annonce de la mission. L’autorité désignée par le canton en vertu de l’art. 7, al. 1, let. d, fait immédiatement parvenir une copie de l’annonce à la commission tripartite cantonale ainsi que, le cas échéant, à la Commission paritaire instituée par la convention collective de travail déclarée de force obligatoire de la branche concernée. Le Conseil fédéral précise les éléments que doit contenir l’annonce. Il détermine les cas dans lesquels l’employeur peut être exempté de l’annonce et les cas dans lesquels des dérogations au délai de huit jours sont autorisées. Il règle la procédure.

A teneur de l'art. 6 al. 1 et 2 let. f Odét, la procédure d'annonce prévue à l'art. 6 de la loi est obligatoire pour tous les travaux d'une durée supérieure à huit jours par année civile. Elle est également obligatoire pour tous les travaux, quelle qu'en soit la durée si ces travaux relèvent de l'industrie du sexe.

Les procédures de déclaration d’arrivée et d’autorisation sont régies par les art. 10 à 15 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI; RS 142.20) et 9, 10, 12, 13, 15 et 16 de l'Ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA; RS 142.201). Selon l'art. 11 al. 3 LEI, en cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur.

Le Tribunal fédéral a considéré que l'exploitant d'un salon de massages occupait des femmes étrangères comme le ferait un employeur et que peu importait qu'il ne donnait aucune instruction aux prostituées s'agissant du temps de travail ou du nombre de clients. Les prostituées se trouvaient dans un certain rapport de dépendance à l'égard du directeur du salon de massages dans la mesure où celui-ci allait faire dépendre sa décision du chiffre d'affaires attendu des prostituées. En cette qualité, il décidait qui pouvait travailler dans le salon et engageait les hôtesses dans le seul but de prostitution (cf. ATF 137 IV 159, consid. 1.4; ATF 128 IV 170 in JT 2004 IV 89, consid.4.2).

1.1.3. En application de l'art. 32a OLCP, est puni d'une amende de CHF 5'000.- au plus quiconque contrevient, intentionnellement ou par négligence, aux obligations d'annonce prévues à l'art. 9 al. 1bis.

La contravention à l'obligation d'annonce concernant un bénéficiaire de l'ALCP peut être sanctionnée, mais uniquement par des sanctions non discriminatoires et proportionnées, telle qu'une amende (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_793/2014 du 24 avril 2015, consid. 4.3 et 4.4; ATF 136 II 329 consid. 2.3).

1.1.4. En droit genevois, l'art. 9 al. 1 et 4 de la Loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst; I 2 49) stipule que toute personne physique qui, en tant que locataire, sous-locataire, usufruitière, propriétaire ou copropriétaire, exploite un salon et met à disposition de tiers des locaux affectés à l'exercice de la prostitution doit s'annoncer, préalablement et par écrit, aux autorités compétentes en indiquant le nombre et l'identité des personnes qui y exercent la prostitution. La personne qui effectue l'annonce est considérée comme personne responsable au sens de la présente loi.

1.1.5. L’art. 12 LProst oblige la personne responsable à tenir constamment à jour et en tout temps à disposition de la police, à l'intérieur du salon, un registre mentionnant l'identité, le domicile, le type d'autorisation de séjour et/ou de travail et sa validité, les dates d'arrivée et de départ des personnes exerçant la prostitution dans le salon ainsi que les prestations qui leur sont fournies et les montants demandés en contrepartie (let. a). Elle doit s’assurer qu’elles ne contreviennent pas à la législation, notamment celle relative au séjour et au travail des étrangers (let. b). Elle doit encore exploiter de manière personnelle et effective son salon, désigner en cas d'absence un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, et être facilement atteignable par les autorités compétentes; le prête-nom est strictement interdit (let. g).

Il ressort des travaux préparatoires du projet de loi de la LProst que le mot "personnelle" a été ajouté afin d'éviter que le responsable ne contourne ses obligations en déléguant ses tâches (MGC 2009-2010/III A 2118).

Selon les travaux préparatoires du Grand Conseil de la République et canton de Genève du projet de loi modifiant la LProst, la modification apportée à la lettre g vise à renforcer l'obligation, pour la personne responsable d'un salon, d'exploiter l'établissement de façon personnelle et effective. Il est rajouté à cette disposition l'obligation pour la personne responsable de désigner, en cas d'absence, un remplaçant compétent et instruit de ses devoirs dont elle répond, tout en ajoutant que le prête-nom est strictement interdit. Cette modification résulte indirectement de la recommandation 4 (constats 8 et 10) de la Cour des comptes, qui demande à la police de lutter contre les prête-noms sans proposer des modifications légales et/ou réglementaires, et d'un arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ATA/114/2015, du 27 janvier 2015), qui précise qu'en cas d'infraction à la LProst, l'absence du tenancier n'est pas une excuse et que les personnes responsables doivent le cas échéant se faire remplacer (PL 12031 (16/19)).

Ainsi, lorsque le tenancier du salon ou de l’agence d’escorte n’est pas présent dans son établissement, il doit désigner un remplaçant et il appartient à ce responsable de veiller à ce que les nouvelles personnes qui arrivent dans l’établissement pour s’y prostituer soient contrôlées, qu’on ne laisse pas entrer des personnes sans autorisation de séjour (PL 12031-A (4/45)).

1.1.6. Selon l'art. 12 al. 3 CP, agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle.

1.1.7. Aux termes de l'art. 13 al. 1 et 2 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Quiconque pouvait éviter l'erreur en usant des précautions voulues est punissable pour négligence si la loi réprime son acte comme infraction par négligence.

1.2.1. En l'espèce, il est établi et non contesté que X______ est la gérante de l'infrastructure du salon de massages érotiques C______ dans lequel exerçaient les trois travailleuses du sexe contrôlées dans le cadre de la présente procédure et qu'il lui incombe des obligations en tant qu'employeur qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, notamment celle d'annonce de prise d'emploi, voire de procéder à des vérifications et de s'assurer concrètement que les annonces ont été effectuées.

1.2.2. S'agissant des faits du 9 février 2022 impliquant D______, X______ a indiqué que cette dernière s'était présentée à l'improviste au salon pour demander quand elle pourrait travailler à nouveau, étant précisé que le jour du contrôle elle ne travaillait pas. Le Tribunal n'est toutefois pas convaincu par ces explications qui ne sont pas crédibles. En effet, il est peu probable que D______ se soit rendue au salon à 22h47 pour une autre activité que celles proposées par le salon. Ce d'autant plus qu'elle aurait pu téléphoner s'il s'agissait uniquement d'une demande de renseignements comme allégué. De plus, la police a confirmé que l'intéressée était en "habits de travail" au moment du contrôle et elle a reconnu ne pas devoir se trouver là. A cet égard, les explications de X______, pour la première fois à l'audience de jugement, au sujet de la "petite tenue" de D______, qui pouvait s'expliquer par le fait qu'elle dormait dans une chambre au-dessus du salon et était descendue pour récupérer quelque chose dans son casier à l'intérieur du C______ apparaissent de circonstance au regard de ces éléments.

En ce qui concerne les faits du 12 décembre 2022 impliquant J______, il ressort des éléments de la procédure que l'annonce a été initiée à 21h50, juste après le contrôle effectué à 22h21. Selon les déclarations de X______, J______, qui ne travaillait pas lors du contrôle, s'était présentée le soir du 12 décembre 2022 dans le but de travailler le lendemain et afin que le salon effectue les démarches idoines. Le Tribunal n'est à nouveau pas convaincu par ces explications, qu'il considère comme peu crédibles vu l'heure du contrôle, l'heure de l'annonce qui a été effectuée une demi-heure après le contrôle et le fait que J______ avait déjà travaillé pour le salon auparavant et connaissait dès lors la procédure. Certes, le rapport de police ne mentionne pas si celle-ci était "en habits de travail" mais le Tribunal considère qu'elle aurait pu téléphoner à X______ ou au salon C______ pour être annoncée et qu'il apparaît peu probable qu'elle se soit déplacée pour s'annoncer mais bien pour travailler.

Par conséquent, le Tribunal retient que D______ et J______ étaient en exercice au salon le soir des contrôles et qu'elles n'ont pas été annoncées à l'autorité administrative compétente antérieurement, alors que la procédure d'annonce était obligatoire. Néanmoins, le Tribunal retient que pour ces deux cas, X______ a agi par négligence en n'usant pas des précautions commandées par sa position d'employeur et ce même si D______ et J______ se sont présentées à l'improviste. Il lui appartenait de s'assurer concrètement que les annonces avaient été effectuées correctement et en temps utile.

Partant, X______ sera reconnue coupable d'infraction à l'art. 32A cum art. 9 al. 1bis OLCP par négligence commise à deux reprises.

1.2.3. Concernant les faits du 17 mai 2022 impliquant E______, il ressort des échanges de courriers électroniques avec l'OCPM qu'il a été demandé au salon de massages C______ de déposer une nouvelle demande en ligne pour leur employée le 6 décembre 2021, E______ ayant initialement déposé une demande de renouvellement le 8 avril 2021 avec une adresse fiduciaire, ce qui n'était plus accepté par l'OCPM. Sans réponse de la part du salon et malgré une relance, la demande a été classée sans suite par l'OCPM. X______ allègue que l'autorité s'est adressée à elle par l'intermédiaire d'une adresse électronique qu'elle n'utilisait pas ou peu et encore moins dans les communications avec l'OCPM. A cet égard, il ressort des pièces produites que l'OCPM a effectivement envoyé lesdits courriels à l'adresse "G______" alors qu'il disposait également des autres adresses électroniques de X______. Il aurait ainsi pu la contacter par ces autres biais, ce qui n'a pas été fait. X______ ne pouvait dès lors pas savoir, de bonne foi, que la demande avait été classée sans suite, ce d'autant qu'il s'agissait d'une demande de renouvellement, que E______ avait déjà obtenu une autorisation de travail par le passé et qu'elle a présenté à X______ un récépissé. Elle n'était, de plus, pas au courant que la pratique de l'OCPM consistant à ne plus accepter d'adresse fiduciaire avait changé.

Par conséquent, le Tribunal acquittera X______ pour ces faits.

2.1. En application des art. 32A OLCP et 106 CP, l'amende sera de CHF 5'000.- au plus.

L'art. 106 CP dispose que le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2) et que le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).

2.2. En l'espèce, la prévenue sera condamnée à une amende globale dont le montant tiendra compte de la faute commise, en particulier du fait que les infractions ont uniquement été commises par négligence, négligence qui doit être qualifiée de relativement légère, de sa situation financière et du concours d'infractions.

Ainsi, le Tribunal prononcera une amende de CHF 1'200.-.

La peine privative de liberté de substitution sera arrêtée à 12 jours.

3.1. Vu le verdict de culpabilité et l'acquittement prononcé, la prévenue sera condamnée au paiement de 2/3 des frais de la procédure, le solde étant laissé à la charge de l'Etat (art. 426 al. 2 CPP).

3.2. L'indemnité raisonnable pour les dépenses occasionnées sera fixée à CHF 1'800.- , correspondant à 3 heures d'activité du conseil et 1/3 du temps d'audience (art. 429 al. 1 let. a CPP).

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Acquitte X______ d'infraction à l'art. 32a OLCP cum art. 9 OLCP en lien avec les faits visés dans l'ordonnance pénale n°5256640 du 27 juin 2022.

Déclare X______ coupable d'infraction à l'art. 32a OLCP cum art. 9 OLCP en lien avec les faits visés dans les ordonnances pénales n°5133755 du 24 février 2022 et n°5574549 du 8 mai 2023.

Condamne X______ à une amende de CHF 1'200.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 12 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne X______ aux 2/3 des frais de la procédure, qui s'élèvent au total à CHF 858.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Laisse le surplus les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Condamne l'Etat de Genève à verser à X______ CHF 1'800.- à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Rejette pour le surplus les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement à l'Office cantonal de la population et des migrations et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

La Greffière

Dorianne FISCHLI

La Présidente

Judith LEVY OWCZARCZAK

Vu le jugement du 18 janvier 2024;

Vu l'annonce d'appel formée par X______ par pli du 29 janvier 2024, reçu le 30 janvier 2024 (art. 82 al. 2 let. b CPP);

Vu l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale prévoyant, dans un tel cas, que l'émolument de jugement fixé est en principe triplé (RTFMP; E 4.10.03);

Attendu qu'il se justifie de mettre à la charge de X______ un émolument complémentaire;

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne X______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.

La Greffière

Dorianne FISCHLI

La Présidente

Judith LEVY OWCZARCZAK

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Lorsque seules des contraventions ont fait l'objet de la procédure de première instance, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).


 

Etat de frais

Frais du Service des contraventions

CHF

450.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

30.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

14.00

Total

CHF

858.00

==========

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1'458.00

Notification à/au : X______, soit pour elle son Conseil, Ministère public, Service des contraventions
Par voie postale