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Décisions | Tribunal pénal

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P/24332/2020

JTDP/142/2022 du 11.02.2022 sur OPMP/2164/2021 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.323
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 18


11 février 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______1964, domicilié ______, prévenu


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef d'inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite, à la condamnation du prévenu à une amende de CHF 3'000.- et au paiement des frais de procédure.

X______ conclut à son acquittement.

*****

Vu l'opposition formée le 15 mars 2021 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 3 mars 2021;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 3 juin 2021;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 3 mars 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 15 mars 2021.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du 3 mars 2021, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, entre le mois de juin 2020 et le mois de décembre 2020, en sa qualité d'administrateur unique des sociétés A______ (ci-après: AA______) et B______ (ci-après: BA______), omis d'indiquer à l'Office des poursuites la situation patrimoniale desdites sociétés dans le cadre des procédures de saisie n° 1______ et n° 2______, en ne donnant pas suite à ses convocations,

faits qualifiés d'inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite au sens de l'art. 323 ch. 2 CP.

b. A l'ouverture des débats, le Tribunal a informé les parties de son intention d'examiner les faits sous l'angle de l'art. 323 ch. 1 CP.

B. Après appréciation des éléments figurant à la procédure, le Tribunal retient ce qui suit:

a. X______, avocat, est administrateur unique des sociétés AA______ et BA______.

b.a. BA______ a fait l'objet de la poursuite n° 2______ concernant un montant de CHF 20.- dû à la Caisse genevoise de compensation.

b.b. Le 4 juin 2020, l'Office des poursuites a adressé à X______, en sa qualité d'administrateur de BA______, un avis de saisie le convoquant le 7 juillet 2020 pour être interrogé sur la situation patrimoniale de BA______ en vue de procéder à la saisie des biens de cette dernière, dans la mesure nécessaire à la couverture de la créance concernée. A cette fin, X______ était prié de se rendre à ce rendez-vous muni des pièces permettant de justifier des revenus et charges de BA______. Au dos de l'avis de saisie figurait notamment ce qui suit:

"Le débiteur est rendu attentif aux dispositions ci-après de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite:

Art. 91. Le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi:

1.      d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter (article 323, chiffre 1, CP);

2.      d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers (articles 163, chiffre 1, 323, chiffre 2, CP).

Si le débiteur néglige sans excuse suffisante d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter, l'office cantonal des poursuites peut le faire amener par la police. (…)"

b.c. Le 4 juin 2020 toujours, l'Office des poursuites a adressé à X______, en tant que représentant de BA______, un courrier le priant de lui renvoyer dans les 10 jours un formulaire rempli et signé (ci-après: formulaire COVID) plutôt que de se présenter à la convocation du 7 juillet 2020, ceci en raison de la crise sanitaire liée au COVID-19.

b.d. Le 14 juillet 2020, l'Office des poursuites a adressé à X______, en tant que représentant de BA______, une sommation de se présenter personnellement dans ses locaux le 11 août 2020 entre 13h30 et 15h30, muni des documents nécessaires, dans la mesure où il n'avait donné aucune suite aux avis précédents. Dite sommation comprenait la mention du fait que s'il n'y donnait pas suite, un mandat de conduite serait dès lors sollicité et qu'il pourrait être amené par la police en ses locaux. Étaient encore rappelées les conséquences pénales d'un refus de donner suite à ladite sommation, soit l'art. 323 ch. 1 CP.

b.e. Le 30 septembre 2020, une huissière assistante de l'Office des poursuites, C______, s'est rendue en l'Etude de X______. Ce dernier ne s'y trouvant pas, un avis d'interpellation a été laissé à son intention à son secrétariat.

Sur le rapport de passage de l'huissière figurait la mention manuscrite suivante: "Me X______ passe dans l'aprem. Avis laissé".

b.f. Le 14 octobre 2020, un mandat de conduite a été envoyé à la police dans le but d'acheminer X______, en sa qualité d'administrateur de BA______, en les locaux de l'Office des poursuites. Dit mandat de conduite a été retourné le 9 décembre 2020 par l'appointé D______ à l'Office des poursuites avec les précisions suivantes: "l'intéressé n'était pas présent lors de nos passages à son domicile = plusieurs passages effectués" et "l'intéressé répond au téléphone, mais ne se présente pas à l'Office des poursuites malgré nos multiples demandes".

c.a. AA______ a fait l'objet de la poursuite n° 1______ concernant un montant de CHF 1'329.10 dû à l'Administration fiscale cantonale genevoise.

c.b. Le 22 juin 2020, l'Office des poursuites a adressé à X______, en sa qualité d'administrateur de AA______, un avis de saisie le convoquant le 12 août 2020 au matin pour être interrogé sur la situation patrimoniale de AA______ en vue de procéder à la saisie des biens de cette dernière, dans la mesure nécessaire à la couverture de la créance concernée. A cette fin, X______ était prié de se rendre à ces rendez-vous muni des pièces permettant de justifier des revenus et charges de AA______. Au dos de l'avis de saisie figurait notamment ce qui suit:

"Le débiteur est rendu attentif aux dispositions ci-après de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite:

Art. 91. Le débiteur est tenu, sous menace des peines prévues par la loi:

1.      d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter (article 323, chiffre 1, CP);

2.      d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers (articles 163, chiffre 1, 323, chiffre 2, CP).

Si le débiteur néglige sans excuse suffisante d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter, l'office cantonal des poursuites peut le faire amener par la police. (…)"

c.c. Le 30 septembre 2020, C______ s'est rendue en l'Etude de X______. Ce dernier ne s'y trouvant pas, un avis d'interpellation a été laissé à son intention à son secrétariat.

c.d. Le 12 octobre 2020, un mandat de conduite a été envoyé à la police dans le but d'acheminer X______, en sa qualité d'administrateur de AA______, en les locaux de l'Office des poursuites. Dit mandat de conduite a été retourné le 9 décembre 2020 par l'appointé D______ à l'Office des poursuites, avec les précisions suivantes: "l'intéressé n'était pas présent lors de nos passages à son domicile = plusieurs passages effectués" et "l'intéressé répond au téléphone, mais ne se présente pas à l'Office des poursuites malgré nos multiples demandes".

d. Les 14 et 15 décembre 2020, l'Office des poursuites a dénoncé les faits qui précèdent au Ministère public.

e. X______ était également l'administrateur unique de la société E______ (ci-après: EA______), aujourd'hui radiée. Dite société a fait l'objet de plusieurs poursuites (dossier n° 3______).

Dans ce cadre, un avis de saisie a été adressé le 21 janvier 2020 à X______, en sa qualité d'administrateur de EA______, le convoquant le 5 mars 2020, sans retour de sa part. Suite à cela, le 23 avril 2020, l'Office des poursuites lui a adressé un formulaire COVID en lui impartissant un délai de 10 jours pour le renvoyer, ce qu'il n'a pas fait. Un mandat de conduite a ensuite été délivré à son encontre le 7 juillet 2020. X______ s'est finalement rendu à l'Office des poursuites le 24 août 2020 pour être entendu sur la situation patrimoniale de EA______.

f. Il ressort de la procédure qu'à tout le moins en 2018 et en 2019, dans d'autres procédures de poursuites visant d'autres sociétés dont il est ou était l'administrateur unique, X______ a omis de se présenter à l'Office des poursuites suite à des convocations communiquées par le biais d'avis de saisie et s'est vu décerner des mandats de conduite.

g. Le secteur 12 de l'Office des poursuites était en charge des dossiers concernant les sociétés AA______, BA______ et EA______. Au moment des faits, il était constitué de F______, huissier-chef de secteur, de C______ et G______, huissiers-assistants, de H______, gestionnaire comptable, et de deux assistantes. La prise du procès-verbal de saisie faisait partie du cahier des charges de toutes ces personnes, à l'exception de celui des assistantes.

h.a. Entre juin 2020 et décembre 2020 à tout le moins, X______ n'a pas fourni à l'Office des poursuites les informations demandées concernant les situations patrimoniales de BA______ et de AA______, que ce soit par oral ou par écrit.

h.b. Il s'est retrouvé en incapacité totale de travailler du 16 novembre 2020 au 10 décembre 2020, ce qui est attesté par des certificats médicaux.

h.c. Pour le surplus, X______ affirme avoir été empêché de donner suite aux diverses convocations, dans un premier temps en raison de la pandémie et de l'absence de sa secrétaire, puis, dès le 30 septembre 2020, en raison de problèmes de santé. Il ne produit cependant aucun document établissant une incapacité de travail avant le 16 novembre 2020.

i. Les déclarations de X______ divergent de celles de l'Office des poursuites s'agissant de ce qui suit:

i.a. X______ affirme s'être présenté à trois reprises à l'Office des poursuites au mois d'août 2020, et n'avoir été reçu que le 24 août 2020, après avoir attendu plus d'une heure, par une huissière qui ne travaillait pas au sein du secteur 12 et qui lui a dit qu'elle pouvait l'entendre au sujet de EA______ mais pas au sujet de BA______ et de AA______.

i.b. L'Office des poursuites, soit pour lui F______, C______ et H______, ont formellement contesté cela, expliquant que ce jour-là, X______ s'était présenté en qualité d'administrateur de EA______ et n'avait pas interpellé H______, qui avait pris le procès-verbal de saisie y relatif, au sujet des procédures concernant AA______ et BA______.

i.c. A cet égard, le Tribunal retient ce qui suit:

-        X______ a été convoqué auprès du secteur 12 de l'Office des poursuites pour s'exprimer sur la situation patrimoniale des sociétés BA______ et AA______;

-        Il ressort des renseignements fournis par l'Office des poursuites, notamment le planning des présences, qu'entre le 14 juillet et le 23 août 2020, une personne à tout le moins était présente chaque jour au sein du secteur 12, de sorte qu'il n'avait pas été nécessaire de prévoir un quelconque soutien par les employés d'un autre secteur. Ceci est confirmé par le témoignage de H______, laquelle a expliqué avoir été présente même lorsqu'aucun huissier n'était présent au sein du secteur 12, étant précisé qu'elle était compétente pour prendre les procès-verbaux de saisie des débiteurs qui se présentaient auprès de ce secteur;

-        Le planning des présences produit par l'Office des poursuites, dont il ressort que seul un huissier était présent certains jours entre le 13 juillet et le 21 août 2020, n'est pas contradictoire avec les déclarations de F______ selon lesquelles il y avait toujours plus d'une personne au sein du secteur 12 durant cette période, ledit planning ne traitant que de la présence des huissiers et pas de celle des assistantes ni de celle de la gestionnaire comptable;

-        Aucun élément ne permet de douter des renseignements fournis par l'Office des poursuites. Certes, pour l'administration cantonale comme pour les autres secteurs économiques, la situation a été un peu compliquée, voire floue, durant la première vague de la crise sanitaire liée au COVID-19. Cependant, le confinement strict a été limité du 16 mars 2020 au 30 mai 2020, de sorte qu'au mois d'août 2020, la situation s'était déjà améliorée;

-        Le 11 août 2020, C______ était présente au sein du secteur 12; le 12 août 2020, C______ était présente le matin et G______ l'après-midi; F______ était présent toute la journée;

-        Il découle de ce qui précède que si X______ s'était présenté à l'Office des poursuites le 11 ou le 12 août 2020, soit les jours auxquels il avait été sommé de se présenter pour BA______ et AA______, il aurait été reçu par C______, G______, F______ ou encore H______;

-        X______ n'a pas été en mesure de rendre vraisemblable sa présence à l'Office des poursuites les 11 et 12 août 2020. En outre, il est peu vraisemblable qu'il se soit présenté ces deux jours d'affilée sans être reçu; en effet, même à imaginer que X______ se soit présenté au secteur 12 pendant que tous les collaborateurs de ce secteur prenaient une pause, il est inimaginable qu'aucun de ces collaborateurs ne soit revenu durant le laps de temps où il était présent, ce d'autant plus qu'il affirme avoir patienté longuement;

-        S'agissant de l'argument de X______ selon lequel les employés de l'Etat de Genève bénéficient d'un horaire libre et n'étaient dès lors pas forcément présents au moment où il s'est présenté, il convient de préciser que l'horaire libre ne s'applique pas aux employés astreints à des horaires de guichet;

-        Le 24 août 2020, X______ s'est présenté à l'Office des poursuites suite à une convocation concernant EA______. Il a alors été reçu par H______, laquelle faisait partie du secteur 12 et avait la compétence de prendre des procès-verbaux de saisie des débiteurs qui se présentaient; il ne s'agissait pas, contrairement à ce qu'affirme X______, d'une employée d'un autre secteur qui l'avait vu patienter durant plus d'une heure et avait finalement décidé de dépanner le secteur 12 en prenant le procès-verbal de saisie relatif à EA______;

-        H______ a été formelle sur le fait que X______ n'a jamais évoqué les sociétés AA______ et BA______ ce jour-là. Elle ne l'a donc logiquement interrogé que sur la situation patrimoniale de EA______, soit la société pour laquelle il était convoqué le 24 août 2020. Le Tribunal n'a pas de raison de douter de ce témoignage.

i.d. Le Tribunal a ainsi acquis la conviction que X______ ne s'est pas présenté à l'Office des poursuites les 11 et 12 août 2020, et qu'il s'y est présenté le 24 août 2020, mais qu'il n'a, à cette occasion, pas évoqué les sociétés AA______ et BA______.

j. Le Tribunal relève encore les éléments suivants:

-        Le fait que l'Office des poursuites ait permis à X______ de lui retourner un formulaire plutôt que de se présenter à la convocation du 7 juillet 2020 ne constitue pas une contradiction; il s'agissait simplement de permettre à l'administration de continuer de fonctionner au mieux même durant le confinement lié à la crise sanitaire. En toute hypothèse, les convocations pour les 11 et 12 août 2020 ne contenaient pas cette possibilité alternative, étant rappelé que X______ n'avait pas retourné les formulaires COVID dans le délai de 10 jours s'agissant de BA______;

-        X______ avait déjà omis de donner suite à des convocations de l'Office des poursuites concernant diverses sociétés, à tout le moins en 2018 et en 2019; il ne s'est pas non plus présenté le 5 mars 2020 pour la société EA______, alors même que ni ses problèmes de santé, ni la crise sanitaire liée au COVID-19 n'avaient encore débuté à cette date, de sorte qu'il ne pouvait être impacté par ces éléments;

-        X______ n'a pas jugé nécessaire de communiquer les informations demandées à l'Office des poursuites au motif que des actes de défaut de biens correspondant aux situations patrimoniales de BA______ et de AA______, avaient été émis, rendant ainsi inutile selon lui la communication des informations en question, alors que ces actes de défaut de biens de janvier 2021 sont postérieurs aux faits;

-        Le fait que les poursuites n° 1______ et n° 2______ concernaient des montants relativement peu élevés ne dispensait en aucun cas X______ de transmettre à l'Office des poursuites les informations sollicitées;

-        X______ a indiqué avoir informé par téléphone l'appointé D______ du fait qu'il n'avait pas pu donner suite aux mandats de conduite communiqués et l'avoir ensuite recontacté pour lui expliquer qu'il ne pouvait se rendre à l'Office des poursuites car il avait des difficultés à se déplacer, et que l'intéressé lui avait répondu qu'il n'y avait aucune urgence. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en question ces explications.

Cependant, s'il est possible que D______ ait été compréhensif face à l'état de santé de X______, il ressort des commentaires inscrits par le premier sur les mandats de conduite retournés à l'Office des poursuites qu'il a contacté le second à plusieurs reprises entre le 14 octobre et le 9 décembre 2020, qu'il a effectué plusieurs passages en son Etude et qu'il lui a demandé à de multiples reprise de se présenter à l'Office des poursuites, ce que ce dernier n'a toutefois pas fait; cela démontre que l'appointé D______ n'a pas non plus dit à X______ qu'il pouvait attendre des mois avant de donner suite aux mandats de conduite. Bien plus, l'appointé D______ n'a aucunement indiqué à l'Office des poursuites que X______ n'était pas capable de donner suite aux mandats de conduite en raison de son état de santé;

-        En toute hypothèse, on ne voit pas ce qui aurait empêché X______ de transmettre par écrit les informations demandées au sujet de AA______ et BA______ ou, à tout le moins, de s'adresser à l'Office des poursuites directement pour expliquer son incapacité à se présenter en personne;

-        Le fait qu'il ait eu des problèmes de santé n'y change rien, étant relevé que la seule et unique incapacité de travail attestée par pièces a duré du 16 novembre au 10 décembre 2020; il en découle qu'avant le 16 novembre 2020, X______ était à tout le moins capable d'écrire à l'Office des poursuites;

-        X______ a indiqué ne pas avoir donné la priorité à la relance de l'Office des poursuites en raison d'une importante surcharge de travail, due à ses absences répétées liées à ses problèmes de santé, et en raison du fait qu'il attendait des fonds des actionnaires de AA______ et BA______ afin de solder les poursuites en cours, fonds qu'il n'avait finalement pas reçus, les sociétés en question ne disposant d'aucun actif saisissable; ces explications ne justifient cependant pas le fait qu'il a délibérément omis de répondre aux sommations de l'Office des poursuites.

k. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal retient que X______ a omis de se présenter à l'Office des poursuites aux dates auxquelles il était convoqué, sans se faire excuser ni représenter, sans tenter de reporter les dates de ces convocations ou de ces sommations. Par ailleurs, il n'a pas donné par écrit les informations qui lui étaient demandées, alors même que cette possibilité lui avait été expressément donnée.

C. X______, de nationalité suisse, est né le ______1964. Il est marié et père de trois enfants majeurs, en fin d'études, qui sont à sa charge. Il exerce le métier d'avocat depuis ______ et réalise un revenu annuel net variant entre CHF 300'000.- et CHF 500'000.- en fonction des exercices. Son épouse, qui a deux enfants à charge d'un précédent mariage, réalise un revenu annuel net de l'ordre de CHF 280'000.-. X______ perçoit également CHF 60'000.- par mois à titre de revenus locatifs. Ses charges mensuelles sont composées de son loyer (CHF 10'000.-) et de sa prime d'assurance-maladie (CHF 550.-). Il possède un bien immobilier à Genève, un appartement à ______ et des immeubles au ______ en nue-propriété.

Il a des avoirs bancaires à hauteur d'environ CHF 2'000'000.-, son épouse a une fortune personnelle s'élevant à environ CHF 1'000'000.- et il possède un véhicule dont il estime la valeur à CHF 70'000.-. Il n'a pas de dettes.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, X______ n'a aucun antécédent judiciaire.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. A teneur de l'art. 323 ch. 1 CP, est puni de l'amende le débiteur qui, avisé conformément à la loi, n'aura pas assisté en personne à une saisie ou à une prise d'inventaire et ne s'y sera pas fait représenter. Cette disposition se réfère aux art. 91 al. 1 ch. 1, 163 al. 2 et 345 al. 1 LP.

Quant à l'art. 323 ch. 2 CP, il prévoit qu'est puni de l'amende le débiteur qui, lors d'une saisie ou de l'exécution d'un séquestre, n'aura pas indiqué jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent, même ceux qui ne sont pas en sa possession, ainsi que ses créances et autres droits contre des tiers, faisant référence aux art. 91 al. 1 ch. 2 et 275 LP.

1.1.2. Le bien juridique protégé par ces dispositions est le respect de la procédure dans la phase de l'exécution forcée telle que prévue par la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (Commentaire romand du Code pénal II, 2017, n. 1 ad art. 323 CP).

1.1.3. Pour que l'infraction soit consommée, il faut que l'acte étatique qui fonde le devoir du débiteur ne soit pas radicalement nul (Petit commentaire du Code pénal, 2ème éd., 2017, n. 6 ad art. 323 CP).

A cet égard, l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP dispose que lorsque la poursuite est dirigée contre une personne morale ou une société, les actes de poursuite sont notifiés à son représentant, à savoir à un membre de l'administration ou du comité, à un directeur ou à un fondé de procuration, s'il s'agit d'une société anonyme, d'une société en commandite par actions, d'une société à responsabilité limitée, d'une société coopérative ou d'une association inscrite au registre du commerce. En outre, d'après l'art. 56 ch. 2 LP, sauf en cas de séquestre ou de mesures conservatoires urgentes, il ne peut être procédé à aucun acte de poursuite pendant les féries, notamment du 15 juillet au 31 juillet.

1.1.4. L'art. 323 CP comporte une condition objective de punissabilité, à savoir que pour que l'infraction soit réalisée, l'acte de l'autorité doit mentionner expressément les devoirs particuliers auxquels le débiteur est soumis ainsi que les sanctions auxquelles ce dernier s'expose en cas de non-respect (Commentaire romand du Code pénal II, op. cit., n. 10 ad art. 323 CP).

Les devoirs du débiteur d'assister à la saisie ou de s'y faire représenter et d'indiquer jusqu'à due concurrence tous les biens qui lui appartiennent figurent à l'art. 91 al. 1 LP; dit article mentionne précisément les conséquences pénales du non-respect de ces obligations, à savoir l'art. 323 ch. 1 et ch. 2 CP.

1.1.5. L'art. 323 CP réprime un délit d'omission qui n'exige donc aucun résultat particulier, de sorte qu'il importe peu que le débiteur ait prétérité le déroulement de la procédure ou non (Commentaire romand du Code pénal II, op. cit., n. 11 ad art. 323 CP).

1.1.6. D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, le débiteur qui n'est pas présent lors d'une saisie annoncée, qui ne se fait pas suffisamment représenter et qui ne donne pas suite à l'invitation écrite de l'office des poursuites de se présenter à l'office avant une date déterminée pour fournir des renseignements sur sa situation patrimoniale est punissable en vertu de l'art. 323 ch. 1 CP (ATF 106 IV 279).

1.1.7. L'auteur doit agir de manière intentionnelle, mais pas forcément dans un but frauduleux; le dol éventuel suffit (Commentaire romand du Code Pénal II, op. cit., n. 29 ad art. 323 CP).

1.2.1. En l'espèce, il convient tout d'abord de relever que toutes les communications et convocations de l'Office des poursuites concernant BA______ et AA______ sont valables, puisqu'elles datent d'avant ou d'après la période du 15 au 31 juillet 2020.

Dites communications ont à juste titre été adressées à X______ qui, en sa qualité d'administrateur unique des sociétés AA______ et BA______, était leur seul représentant.

1.2.2. Les avis de saisie des 4 et 22 juin 2020 mentionnaient l'art. 91 al. 1 LP et la sommation du 14 juillet 2020 rappelait la teneur de l'art. 323 ch. 1 CP, de sorte que la condition objective de punissabilité est remplie.

1.2.3. L'argument du prévenu selon lequel les situations patrimoniales de AA______ et BA______ étaient connues de l'Office des poursuites n'est pas pertinent, dans la mesure où ce qui lui est reproché est simplement de ne pas avoir respecté les obligations du débiteur découlant de la procédure d'exécution forcée. Par ailleurs, le fait que les poursuites concernées ne visaient que de faibles montants et qu'elles ont débouché sur des actes de défaut de biens n'est pas relevant du point de vue de la culpabilité, puisqu'il s'agit d'un délit d'omission et qu'aucun résultat n'est donc nécessaire.

1.3. Il découle de ce qui précède ainsi que des faits retenus comme établis par le Tribunal (point B.j. supra) que le prévenu n'a pas donné suite aux avis de saisie et aux sommations qui lui avaient été dûment notifiés, avec indication des conséquences pénales de leur inobservation, dans les poursuites n° 1______ et n° 2______ visant les sociétés AA______ et BA______ dont il était l'administrateur unique. Il a assurément agi intentionnellement.

En ne se présentant pas à l'Office des poursuites, et cela même en dehors des dates auxquelles il était convoqué, en ne s'y faisant pas représenter et en ne donnant aucun renseignement sur la situation patrimoniale des sociétés précitées, pas même par écrit, alors qu'il était en mesure de le faire à tout le moins avant le 16 novembre 2020, début de sa période d'incapacité de travail, le prévenu s'est rendu coupable d'infraction à l'art. 323 ch. 1 CP.

Peine

2.1.1. Sont des contraventions les infractions passibles d'une amende (art. 103 CP).

2.1.2. D'après l'art. 104 CP, les dispositions de la première partie du Code pénal s'appliquent aux contraventions, sous réserve des modifications résultant des art. 105ss CP.

2.1.3. L'art. 47 CP prévoit que le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

2.1.4. Selon l'art. 106 al. 1 CP, sauf disposition contraire de la loi, le montant maximum de l'amende est de CHF 10'000.-.

Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (al. 2).

Le juge fixe l'amende et la peine privative de liberté de substitution en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise (al. 3).

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas anodine. Le fait qu'il revête le titre d'avocat aggrave sa faute, dans la mesure où il avait parfaitement connaissance des conséquences de ses actes et qu'il a choisi d'agir tout de même comme il l'a fait.

Il a agi par légèreté, sans intention de nuire, étant relevé qu'il ne lui est pas reproché d'avoir voulu se soustraire à ses obligations pour cacher la situation des sociétés en question. Au surplus, les montants des poursuites concernées étaient peu élevés.

Sa collaboration a été sans particularité. Il n'a pas pris conscience du caractère illicite de ses agissements.

Sa situation personnelle au moment des faits n'excuse pas entièrement ses agissements, même s'il rencontrait d'importants problèmes de santé.

Il n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire. Sa situation financière est aisée.

Ainsi, eu égard à la faute commise et à la situation personnelle et financière du prévenu, une amende de CHF 3'000.- est adéquate et apparait suffisante pour le détourner de commettre de nouvelles infractions.

Une peine privative de liberté de substitution de 30 jours sera prononcée conformément au taux de conversion généralement admis de CHF 100.- le jour.

Frais

3. Le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, vu sa condamnation (art. 426 al. 1 CP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable d'inobservation par le débiteur des règles de la procédure de poursuite pour dettes ou de faillite (art. 323 ch. 1 CP).

Condamne X______ à une amende de CHF 3'000.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 30 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'104.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

 

Vu l'annonce d'appel formée par le prévenu, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Condamne X______ à payer un émolument complémentaire de CHF 1'000.- à l'Etat de Genève.

La Greffière

Meliza KRENZI

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

510.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

30.00

Frais postaux (convocation)

CHF

7.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1104.00

Emolument de jugement complémentaire

CHF

1'000.00

Total

CHF

2'104.00

==========

 

Notification à X______, par voie postale

Notification au Ministère public, par voie postale