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Décisions | Tribunal pénal

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P/24123/2018

JTDP/245/2020 du 20.02.2020 sur OPMP/124/2019 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.144
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 8


20 février 2020

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______, partie plaignante, représenté par Me Vincent JEANNERET et Me Clara POGLIA

contre

B______, né le 1______ 1996, domicilié ______, prévenu, assisté de Me Laïla BATOU


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public requiert et conclut à ce que B______ soit condamné pour infraction à l'art. 144 CP et condamné à une peine pécuniaire avec sursis de 20 jours-amende à CHF 30.- ainsi qu'aux frais de la procédure.

Me Clara POGLIA, conseil de A______, plaide et conclut à la condamnation de B______ et à l'octroi des conclusions civiles présentées, précisant qu'il a été renoncé à réclamer une participation aux frais d'avocat au vu de la situation financière du prévenu.

Me Laïla BATOU, conseil de B______, plaide et conclut en tant que de besoin à l'acquittement pour l'infraction d'empêchement d'accomplir un acte officiel. Elle conclut à l'acquittement de son mandant du chef de dommages à la propriété, au bénéfice d'un état de nécessité, subsidiairement à ce qu'il soit fait application de l'art. 172ter CP. Elle conclut à ce que le A______ soit renvoyé à agir au civil pour ses prétentions.

*****

Vu l'opposition formée le 14 janvier 2019 par B______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 3 janvier 2019;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 20 mai 2019;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 3 janvier 2019 et l'opposition formée contre celle-ci par B______ le 14 janvier 2019.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Selon ordonnance pénale du 3 janvier 2019 valant acte d'accusation, B______ est renvoyé en jugement pour avoir, à Genève, le 13 octobre 2018, à 15h15, de concert avec une femme non identifiée, maculé de peinture et de tracts le bâtiment de la banque A______, sis D______, dans le cadre d'une manifestation autorisée pour le climat, faits qualifiés de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP).

B. Sur la base du dossier, le Tribunal retient les faits pertinents suivants :

a) Une manifestation pour le climat a eu lieu le 13 octobre 2018 à Genève. Alors que le cortège défilait à la rue de la Confédération, en direction de la rue de la Corraterie, deux individus, un homme et une femme, se sont extraits du cortège et ont maculé de peinture et de tracts la façade du bâtiment de A______, sis D______. De très nombreuses mains, formées de peinture rouge, ont été apposées sur les murs, les rideaux métalliques et les plaques d'identification du bâtiment. B______ a été identifié comme étant un des individus qui a procédé à ces déprédations. Son sac contenait une bonbonne de peinture de marque "Molotowtech Kreide-Pigment Spray".

Ces faits sont établis sur la base des éléments suivants :

aa) Ils ont été décrits dans le rapport de renseignements du 20 novembre 2018. Le sergent E______ a assisté à la scène et a repéré un des auteurs, qu'il a ensuite appréhendé, alors que celui-ci s'était à nouveau mêlé à la foule dans le cortège. B______ a été identifié au moyen de sa carte d'identité. La femme qui l'accompagnait n'a pas pu être interpellée. Des manifestants sont ensuite intervenus et ont emmené B______ avec eux, empêchant la suite du contrôle. A la fin de la manifestation, B______ s'est annoncé de lui-même à la police, afin de récupérer sa carte d'identité.

ab) Des photographies confirment les dommages décrits ci-dessus.

ac) La bonbonne de peinture n'a pas été saisie, mais a été décrite par la police.

ba) Le 15 octobre 2018, une plainte pénale a été déposée par A______, par le biais de F______, technicien. En raison d'un problème de compétence, A______ a déposé une nouvelle plainte le 17 octobre 2018, par le biais de G______, habilité à déposer plainte, par procuration de H______, représentant légal.

bb) Par courriel du 23 octobre 2018, A______ a indiqué que son dommage se chiffrait entre CHF 3'000.- et CHF 4'000.-.

bc) A______ a confirmé sa plainte lors de l'audience du Ministère public du 28 février 2019. Les photographies figurant au dossier montraient les dommages subis et notamment ceux occasionnés à un panneau en plastique, situé à proximité du bancomat, qu'il avait fallu changer parce qu'il n'avait pas pu être complètement nettoyé, au contraire du second panneau, en métal. Par télécopie du 28 février 2019, A______ a rectifié la description des dommages, dans le sens où deux plaques de signage en métal brossé avaient dû être remplacées suite à la manifestation du 13 octobre 2018 et non une seule plaque en plastique, ce qui correspondait à la facture pour le remplacement desdites plaques.

bd) Par courrier du 7 octobre 2019, A______ a confirmé ses prétentions civiles à hauteur de CHF 2'252.03, correspondant aux coûts de remplacement de deux plaques de signage en métal inoxydable, ainsi qu'aux heures de nettoyage et de conciergerie engendrées par les déprédations.

c) Selon la facture de I______ du 2 novembre 2018, les frais de remise en état de deux plaques en acier chromé ont représenté CHF 1'842.75. Selon le courriel de J______ du 1er février 2019, ceux-ci ont facturé trois heures de nettoyage à CHF 43.08 par heure et quatre heures de conciergerie à CHF 70.- par heure.

da) B______ n'a pas répondu aux questions de la police et du Ministère public.

db) Par courrier du 4 novembre 2019, B______ a déposé un chargé de six pièces ainsi qu'un chargé comportant la traduction de certaines pièces, en vue de démontrer qu'il se trouvait dans un état de nécessité et que A______ supportait une responsabilité dans la création d'un danger menaçant des intérêts prépondérants.

Parmi les documents produits se trouvent notamment :

- le rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur les conséquences d'un réchauffement climatique de 1,5°C, établi le 6 octobre 2018, exposant les effets d'un tel réchauffement climatique par rapport aux niveaux préindustriels et les profils d'émissions de gaz à effet de serre associés. Ce rapport indique notamment que tout retard dans les mesures à prendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre entrainerait des risques d'escalade des coûts, de verrouillage des infrastructures émettrices de carbone, d'immobilisation d'actifs et de réduction de la flexibilité des options de réponses futures à moyen et à long terme;

- une analyse des émissions issues d'énergies fossiles financées par A______ et K______ établi le 19 novembre 2018 par right. based on science;

- des extraits d'un document intitulé Banking on Climate Change, Fossil fuel finance report card 2019;

- des extraits d'un document intitulé "Fool's gold", critiquant les choix d'investissements des banques et de A______ notamment;

- diverses publications sur les changements climatiques et leurs effets;

- diverses interpellations ou motions parlementaires concernant le rôle des investisseurs financiers face aux changements climatiques;

- diverses interpellations directes adressées à A______.

dc) Par courrier du 7 février 2020, B______ a produit d'autres documents, parmi lesquels se trouve notamment un jugement, contre lequel un appel a été formé, rendu par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne le 13 janvier 2020. Ce Tribunal a acquitté, notamment du chef d'accusation de violation de domicile, plusieurs prévenus qui avaient pénétré le 22 novembre 2018 dans le hall d'entrée des locaux de A______ à Lausanne. Ils manifestaient contre le changement climatique et les investissements faits par cette banque dans les énergies fossiles. Si les éléments constitutifs de l'infraction étaient réunis, le Tribunal vaudois a retenu que les prévenus avaient agi dans un état de nécessité, au sens de l'art. 17 CP, avec la réserve que la manifestation en cause avait été entièrement et continuellement non-violente, tant sur le plan physique que matériel, que son ampleur avait été limitée et que toute manifestation d'un autre type, incluant notamment le recours à la violence ou entrainant des dommages de quelque nature que ce soit, ne saurait bénéficier d'un traitement similaire.

C. A l'audience de jugement du 18 février 2020, le Tribunal a informé les parties qu'il se réservait la possibilité de qualifier les faits, découlant de l'ordonnance pénale, également sous l'angle de l'art. 144 al. 2 CP, dans la mesure où les faits reprochés s'étaient produits dans le cadre d'une manifestation publique. Il a été procédé à l'audition du prévenu et de deux témoins.

aa) B______ a reconnu les faits, soulignant qu'ils étaient plus que deux personnes à agir, soit entre quinze et vingt personnes. En tant que membre du collectif L______, il avait participé à l'organisation de la marche pour le climat ainsi qu'à deux actions de désobéissance civile, dont celle contre A______. Ces actions avaient fait l'objet d'une réflexion et n'étaient pas improvisées. Le collectif L______ avait déjà interpelé la banque en 2016, mais avait dû être plus créatif en raison de l'absence de réaction de A______ et de l'augmentation de ses investissements dans les énergies fossiles. L'action jugée à Renens, faisait aussi partie de la campagne pour porter atteinte à l'image de A______.

Le but des mains rouges apposées sur le bâtiment de A______ était de toucher l'image de cette banque. Il était important de toucher le bâtiment lui-même pour que la banque porte la responsabilité de ses actes. Certains manifestants avaient mis leurs mains couvertes de peinture sur le mur ou sur des papiers. Lui-même avait réalisé les mains rouges à l'aide d'un chablon et d'un spray de peinture aux pigments de craie et il avait également collé la première page du rapport du GIEC. Les mains rouges symbolisaient le sang des différentes victimes du réchauffement climatique et l'apposition de ces traces sur un bâtiment permettait de désigner les coupables. Suite à cette action, certains groupes écologiques s'étaient positionnés contre les banques.

B______ s'était procuré de la peinture avec des pigments de craie en grande surface, mais d'autres avaient amené de la peinture de chantier. S'ils avaient pu expérimenter que la peinture à la craie partait facilement, ils n'avaient pas testé la peinture de chantier. Il était mentionné sur l'emballage que la peinture n'était pas indélébile et qu'elle était nettoyable. Ainsi, au moment de la réunion, qui avait pris place le matin de l'événement, lorsqu'ils avaient constaté que ce type de peinture avait été amenée, les organisateurs avaient eu des doutes sur son utilisation, mais ils avaient estimé que toutes les peintures en question ne causeraient pas de dégâts importants et qu'elles pourraient être lavées facilement, au moyen d'un nettoyeur à haute pression. Ils ne s'étaient pas questionnés sur la texture de la façade du bâtiment.

Les organisateurs, dont il faisait partie, avaient été conscients qu'ils réalisaient un acte de désobéissance civile. Leur volonté n'avait pas été de causer un dommage, mais de perpétrer un acte de visibilité. B______ reconnaissait le principe d'une réparation des dommages mais il était très étonné du coût élevé de la remise en état et n'avait jamais pensé que des plaques seraient changées.

B______ participait régulièrement à des manifestations, depuis l'âge de 13 ou 14 ans, distribuait des tracts et était actif dans la protection de l'environnement. Il avait commencé des études d'ingénieur agronome, car il avait de l'intérêt pour les métiers de la terre et la culture des légumes. Il avait toutefois arrêté ses études, car le côté ingénieur, avec la gestion des engrais le dérangeait. Il était préoccupé pour l'avenir, était végétarien, ne prenait plus l'avion et se déplaçait en transports publics ou en autostop.

ab) B______ a déposé plusieurs pièces, dont une copie de la page figurant sur le site internet de MOLOTOW, présentant son "Molotow Kreide-Pigment Spray". Il y est décrit que ce produit est idéal pour un emploi temporaire et qu'il se lave simplement à l'eau.

b) M______ a expliqué qu'elle est membre du collectif L______. Elle avait pris part aux discussions pour organiser la marche du climat du 13 octobre 2018, à laquelle plusieurs milliers de personnes avaient participé. S'agissant de l'action mains rouges, il avait été prévu qu'une quinzaine de participants s'enduiraient les mains de peinture effaçable, qu'ils les montreraient et qu'ils les apposeraient contre les murs de A______. Ils avaient soit des craies rouges, soit un peu de peinture dans des bouteilles. Pour elle, il n'y avait pas eu de dommage, dans la mesure où ils avaient utilisé de la peinture lavable et que A______ devait de toute manière nettoyer régulièrement sa façade.

c) Le sergent E______, a expliqué qu'il dirigeait un groupe de maintien de l'ordre, au D______, lors de la marche du climat du 13 octobre 2018. Il avait constaté que des dégâts de peinture étaient causés sur la façade de A______. Il avait vu deux personnes, l'une étant le prévenu, en train d'appliquer de la peinture avec des sprays sur la façade. A la vue de la police, ces deux personnes avaient cessé de peindre le bâtiment et s'étaient ensuite séparées pour retourner dans la foule des manifestants. Le sergent E______ avait suivi le prévenu pour l'interpeller.

D. B______ est né le 6 décembre 1996 à Genève. Il est de nationalité suisse, célibataire et sans enfant. Il exerce des fonctions saisonnières, dans le maraichage et l'accompagnement d'enfants lors de camps d'école, réalisant des revenus compris entre CHF 400.- et 500.- par mois. Il vit chez ses parents, qui l'aident financièrement. Il n'a ni dette, ni fortune.

B______ n'a pas d'antécédent judiciaire.

 

EN DROIT

 

1.1.1. Aux termes de l'art. 144 al. 1 CP, celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui, sera puni, sur plainte, d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. La poursuite aura lieu d'office si l'auteur a agi à l'occasion d'un attroupement formé en public (art. 144 al. 2 CP).

Cette disposition vise un dommage, qui peut consister soit dans une atteinte à la substance de la chose, soit dans une atteinte à sa fonctionnalité. Le principe est que le comportement délictueux doit causer un changement de l'état de la chose, qui n'est pas immédiatement réversible sans frais ni effort, et qui porte atteinte à un intérêt légitime (ATF 128 IV 250 consid. 2; Dupuis et al., PC-CP, 2ème éd., 2017, n° 11 ad art. 144 CP et les réf. cit.). Une modification de l'apparence suffit (ATF 115 IV 26 consid. 2b, JdT 1990 IV 100). De surcroit, il suffit de "sprayer" ou de peindre la chose, même si celle-ci a déjà été illicitement sprayée par quelqu'un d'autre (ATF 120 IV 319, JdT 1996 IV 66, Dupuis et al., op. cit., n° 13 ad art. 144 CP).

Les dommages commis à l'occasion d'un attroupement formé en public est un cas aggravé de l'infraction. De telles circonstances sont souvent caractérisées par la présence de casseurs ou encore par un "effet de foule", sentiment de force accru par celui de pouvoir se cacher dans l'anonymat. La peine n'est en revanche pas alourdie (Dupuis et al., op. cit., n° 19 ad art. 144 CP).

1.1.2. Selon l'art. 172ter CP, si l'acte ne visait qu'un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance, l'auteur sera, sur plainte, puni d'une amende.

Un élément patrimonial est de faible valeur au sens de cette disposition s'il ne dépasse pas CHF 300.- (ATF 142 IV 129 consid. 3.1 et arrêts cités). Le critère déterminant est l'intention de l'auteur, non le résultat. L'art. 172ter CP n'est applicable que si l'auteur n'avait d'emblée en vue qu'un élément patrimonial de faible valeur ou un dommage de moindre importance. Lorsque l'intention de l'auteur, y compris sous la forme du dol éventuel, portait sur un montant supérieur à la valeur limite admise, l'art. 172ter CP ne trouve pas application, même si le montant du délit est inférieur à CHF 300.- (ATF 123 IV 197 consid. 2a p. 199; 123 IV 113 consid. 3f; arrêt 6B_446/2018 du 17 juillet 2018 consid. 3.1).

1.2. En l'espèce, la culpabilité est établie et reconnue. A l'occasion de la marche pour le climat du 13 octobre 2018, le prévenu a, en coactivité avec d'autres personnes demeurées non identifiées, apposé de la peinture rouge, sur la façade du bâtiment de A______, sous la forme de mains rouges. Dans ce contexte, il importe peu de savoir combien de mains rouges il a apposé lui-même, le prévenu ayant accepté que l'ensemble des traces soient réalisées, qu'elles aient été effectuées par lui ou un tiers, avec de la peinture à la craie ou de la peinture de chantier. Même en utilisant de la peinture qui était nettoyable, il a occasionné un changement de l'état de l'immeuble, qui n'était pas immédiatement réversible sans frais ni efforts, ne serait-ce que par un nettoyage. De l'aveu même du prévenu, son intention, comme celle des autres manifestants, était de porter atteinte aux intérêts de A______. Ces éléments correspondent à la définition du dommage matériel.

S'agissant de l'importance du dommage occasionné, les photographies au dossier montrent des traces de peinture rouge sur toute la façade de A______, y compris sur les stores et sur les plaques de la banque, ce qui a nécessité des frais de nettoyage et le remplacement de ces deux plaques en chrome, pour un montant total de CHF 2'252.03, selon les factures produites. De son côté, le prévenu a déclaré en audience de jugement avoir voulu seulement causer un dommage mineur.

Sur le plan subjectif, au vu de la grande surface atteinte et du nombre de traces apposées sur différentes surfaces, il était manifeste que plusieurs heures de nettoyage seraient à tout le moins nécessaires pour la remise en état. En outre, deux sortes de peinture ont été utilisées, la peinture de chantier étant en tout cas plus difficile à faire disparaître, ce que le prévenu savait. Ainsi, même s'il pensait que le montant des dommages ne serait pas aussi important que celui annoncé par la partie plaignante, il n'a pu que s'accommoder du fait que les travaux de nettoyage seraient conséquents, voire que la peinture de chantier ne serait pas entièrement lavable et rendrait nécessaire le remplacement de certaines parties du bâtiment, ce qui entrainerait des frais dépassant le montant de CHF 300.-.

Les conditions de l'art. 172ter CP ne sont ainsi pas réunies et le prévenu sera reconnu coupable d'infraction à l'art.144 al. 1 et 2 CP.

2.1. Selon l'art. 17 CP, quiconque commet un acte punissable pour préserver d'un danger imminent et impossible à détourner autrement un bien juridique, lui appartenant ou appartenant à un tiers, agit de manière licite s'il sauvegarde ainsi des intérêts prépondérants.

La règle de l'art. 17 CP suppose tout d'abord l'existence d'un danger imminent, à savoir actuel et concret (ATF 122 IV 1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_603/2015 du 30 septembre 2015 consid. 4.2 et les références citées). Le danger n'est immédiat qu'au dernier moment, avant qu'il ne soit trop tard pour le parer. Cela signifie que le danger doit être présent, ou que le danger qui ne menace qu'à une date ultérieure ne peut être écarté sans danger qu'à l'heure actuelle. L'acteur ne doit avoir d'autre choix que d'intervenir pour éviter le dommage (Niggli / Göhlich, in BSK, StGB/JStG, 4ème éd. 2019, n° 14 ad art. 17 CP et les réf. citées). L'imminence du danger implique que le préjudice puisse se produire sans délai, que sa réalisation soit quasi immédiate. L'acte destiné à préserver le bien juridique peut avoir lieu dès le moment où des indices objectifs suffisants permettent de craindre «une probabilité sérieuse et prochaine de lésion» (Pozo / Godel, Droit pénal général, 3ème éd., 2019, n. 710, p. 280). Le danger se définit comme une situation comportant, selon le cours ordinaire des choses, un certain degré de probabilité qu'un bien juridique soit lésé. Peu importe l'origine du danger; elle peut être naturelle ou humaine (Monnier, in CR-CP partie générale, n° 6 ad art. 17 et réf. citées).

Conformément au principe général de la proportionnalité, le danger doit être impossible à détourner autrement. L'impossibilité à détourner le danger autrement implique une subsidiarité absolue. En d'autres termes, celui qui dispose de moyens licites pour préserver le bien juridique menacé ne peut pas se prévaloir de l'état de nécessité. (arrêt du Tribunal fédéral 6B_825/2016 du 6 juillet 2017 consid. 3.1; 6B_1056/2013 du 20 août 2014, consid. 5.1; 6B_176/2010 du 31 mai 2010, consid. 2.1).

L'acte incriminé doit correspondre à un moyen nécessaire et proportionné, à même d'atteindre le but visé, et peser manifestement moins lourd que les intérêts que l'auteur cherche à sauvegarder. Cela vaut également pour les militants politiques ou des collaborateurs médiatiques ayant pour but de rendre publique une situation supposée problématique (ATF 129 IV 6, c. 3.3 ; TF 6B_1056/2013 du 20 août 2014, consid. 5.1).

Un acte nécessaire n'est licite que si le bien protégé est plus précieux que le bien lésé. Si ces deux biens sont de valeur équivalente, on entre dans l'hypothèse visée par l'art. 18 CP, lequel régit l'état nécessité excusable. L'application de l'art. 17 CP suppose donc une pesée des intérêts en présence, laquelle devra d'une part s'appuyer sur l'échelle des valeurs de l'ordre juridique et d'autre part être effectuée in concreto et en considération de l'ensemble des circonstances du cas, à commencer par la gravité du danger ayant motivé l'acte et la situation personnelle de son auteur (Monnier, op. cit., n° 15 ad art. 17 CP).

Eu égard au texte légal, la doctrine admet que l'art. 17 CP ne vise que la protection des biens juridiques individuels et non pas la protection des intérêts collectifs, respectivement des intérêts de l'Etat. Exceptionnellement, la protection d'un bien juridique collectif peut entrer en ligne de compte sous l'angle de cette disposition, si un bien juridique personnel est également en jeu (Monnier, op. cit. , n° 13 ad art. 17 CP).

Sur le plan subjectif, la conscience du danger et de la nécessité de sauver le bien juridique en péril constituent les conditions préalables à l'intervention de l'auteur en vue de le préserver. S'agissant plus particulièrement de la conscience d'agir de façon justifiée, il suffit que l'auteur considère comme probable l'existence d'un fait justificatif (ibidem, intro aux art, 14 à 18 CP, n° 10).

2.2. En l'espèce, le prévenu, qui est un militant pro-climat, invoque l'état de nécessité licite pour conclure à son acquittement.

Le Tribunal n'entend pas remettre en cause la question de l'urgence climatique, ni la nécessité d'agir contre les effets du réchauffement climatique, considérant le constat des études scientifiques et climatologiques. S'agissant du bien juridique en jeu, il s'agit à l'évidence de la protection d'intérêts collectifs, non couverts par l'état de nécessité. A ce stade, la question peut rester ouverte de savoir si - comme plaidé et retenu par une partie de la doctrine - le bien juridique personnel du prévenu est aussi en jeu, soit son droit à la vie et à sa santé, dès lors qu'il importe avant tout de déterminer si le danger en cause doit être considéré comme imminent, au sens du code pénal, et si les dommages à la propriété causés étaient aptes à détourner le danger lié au réchauffement climatique et en lien avec les investissements de A______ dans les énergies fossiles et, si tel était le cas, s'il s'agissait du seul moyen possible pour y parvenir.

Tout d'abord, il faut souligner que le législateur a prévu le mécanisme de l'art. 17 CP pour tenir compte de situations très particulières, dans lesquels le prévenu se retrouve face à un danger, auquel il doit réagir, sans possibilité de réflexion ou de recourir à un autre moyen, il y donc une immédiateté temporelle. En l'occurrence, force est donc de constater que même si le climat est en danger et qu'il y a une situation d'urgence, il ne peut être dit qu'il s'agit d'une situation dangereuse immédiate au sens de la loi et de la jurisprudence.

En outre et surtout, pour être couvert par l'état de nécessité, il faudrait que l'infraction commise ait été nécessaire et apte à détourner le danger lié au réchauffement climatique. Si on peut imaginer que le prévenu ait pensé que la marche pour le climat et l'action "mains rouges" seraient utiles pour sauver le climat, en critiquant publiquement les investissements de A______ dans les énergies fossiles, on voit mal en revanche en quoi le fait d'apposer des traces de mains à la peinture sur les murs de cette banque, était nécessaire et apte à empêcher le réchauffement climatique. Rien dans le dossier ne permet de démontrer que cette infraction aurait eu un effet supplémentaire par rapport à la marche qui avait été autorisée.

Ainsi, il existait indubitablement d'autres moyens à disposition pour sensibiliser l'opinion publique ou le A______ lui-même à la question climatique. La marche pour le climat, autorisée le 13 octobre 2018, était déjà en tant que telle une action visible et utile pour attirer l'attention du public. Elle a bénéficié d'une large couverture médiatique et le fait d'effectuer des déprédations n'était absolument pas nécessaire, ni même adapté pour détourner un quelconque danger. En outre, il n'est pas établi que les actions légales déjà effectuées, comme la distribution de tracts, les manifestations, les marches en faveur du climat, le relais dans les réseaux sociaux ainsi que les courriers adressés au A______ n'ont pas participé à une certaine évolution et prise de conscience, la question du réchauffement climatique étant de plus en plus sensible dans l'opinion publique.

La condition de la subsidiarité n'étant pas réalisée, il n'est pas nécessaire d'examiner le principe de proportionnalité, étant relevé qu'en tout état, il y avait un moyen licite pour symboliser les victimes du réchauffement climatique, à savoir en manifestant avec des "mains rouges", sans procéder à des dégâts et enfreindre ainsi la loi.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que les conditions légales de l'état de nécessité ne sont pas remplies en l'espèce.

3.1.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur (art. 47 al. 1 phr. 1 CP).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP). Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 phr. 2 CP).

3.1.2. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). En règle générale, le jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à CHF 10.-. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP).

Le sursis est la règle, dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable; il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

3.1.4. A teneur de l'art. 44 al. 1 CP, si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.

S'agissant des critères de fixation du délai d'épreuve, qui ne figurent pas dans la loi, il appartient au juge de tenir compte des circonstances du cas d'espèce, en particulier de la personnalité et du caractère du condamné ainsi que du risque de récidive. Plus ce risque est sérieux et plus le délai d'épreuve sera long (ATF 95 IV 121 consid. 1; Dupuis et al., PC-CP, 2ème éd., 2017, n° 2 ad art. 44 CP).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu doit être considérée comme légère. S'il n'a pas hésité à commettre des dommages à la propriété avec d'autres manifestants, il sera tenu compte du fait qu'il s'était muni d'une peinture qui s'effaçait facilement et que, s'il s'est accommodé du risque de causer des dommages, son intention consistait essentiellement à attirer l'attention sur les investissements de la partie plaignante.

Il a agi pour un mobile altruiste, soit pour sensibiliser l'opinion à la nécessité de supprimer ou à tout le moins de diminuer les investissements dans les énergies fossiles, pour protéger la planète. Son engagement a également paru sincère.

Le prévenu qui a fait usage de son droit au silence pendant la procédure préliminaire, a ensuite bien collaboré durant l'audience de jugement.

Sa prise de conscience est faible, dans la mesure où il reste persuadé d'avoir agi dans son bon droit.

Sa situation personnelle ne justifie pas ses agissements.

Il n'a jamais été condamné, ce qui a un effet neutre sur la peine.

Une peine pécuniaire de 10 jours-amende sera prononcée, et le montant en sera fixé à CHF 30.-, pour tenir compte de sa situation financière.

Cette peine sera assortie du sursis, dont le prévenu rempli les conditions. La durée du délai d'épreuve sera fixée à trois ans.

4.1.1. A teneur de l'art. 122 al. 1 CPP, en qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale.

Conformément à l'art. 126 al. 1 lit. a CPP, le Tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu ou lorsqu'il l'acquitte et que l'état de fait est suffisamment établi.

4.1.2. Chacun est tenu de réparer le dommage qu'il cause à autrui d'une manière illicite, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence (art. 41 al. 1 CO). La preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 CO).

4.2. En l'espèce, la partie plaignante a conclu au remboursement des frais de nettoyage des traces de peinture et au frais de remplacement des plaques qui n'ont pas pu être nettoyées, ce qui représentent un montant de CHF 2'252.03.

Ces dommages, confirmés par les photographies, ont été occasionnés par le prévenu et ce même s'il n'a pas agi seul. La partie plaignante a justifié par pièces le montant de son dommage, si bien que ses conclusions civiles lui seront octroyées.

5. Le prévenu sera condamné aux frais de la procédure, y compris un émolument complémentaire vu la demande de motivation écrite du jugement (art. 426 al. 1 CPP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare B______ coupable de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 et 2 CP).

Condamne B______ à une peine pécuniaire de 10 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met B______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit B______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne B______ à payer à A______ CHF 2'252.03, à titre de réparation du dommage matériel (art. 41 CO).

Condamne B______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'103.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Juliette STALDER

La Présidente

Françoise SAILLEN AGAD

 

Vu l'annonce d'appel formée par B______, laquelle entraîne la motivation écrite du jugement (art. 82 al. 2 let. b CPP).

LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Condamne B______ à payer à l'Etat de Genève l'émolument complémentaire fixé à CHF 600.-.

 

La Greffière

Juliette STALDER

La Présidente

Françoise SAILLEN AGAD

 

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

650.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

75.00

Frais postaux (convocation)

CHF

28.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

1'103.00

==========

Emolument complémentaire

CHF

600.00

Total

CHF

1'703.00

 

 

==========

 

Notification à B______, via son conseil
Notification à A______, via son conseil
Notification au Ministère public