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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4087/2013

JTAPI/1440/2014 du 19.12.2014 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : DÉDUCTION POUR FRAIS D'ENTRETIEN D'IMMEUBLE ; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL) ; VALEUR LOCATIVE
Normes : LIFD.32.al2; LIPP.34.letd; LIFD.21.al1.letb; LIPP.24.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4087/2013 ICC/IFD

JTAPI/1440/2014

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 décembre 2014

 

dans la cause

 

Monsieur E____ X____ et Madame H____ X____

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

(Impôts fédéral direct, cantonal et communal 2010)


EN FAIT

1.             Les époux E____ X____ et H____ X____ (ci-après : les contribuables ou recourants) sont propriétaires d'un bien immobilier sis E____ à Thônex, qu'ils occupent depuis 2007.

2.             Dans leur déclaration fiscale 2010, ils ont notamment sollicité la déductibilité d'un montant de CHF 36'852.- relatif à des travaux de construction d'un mur anti-bruit en béton.

3.             Le 3 mai 2012, en établissant les bordereaux de taxation pour l'impôt cantonal et communal (ICC) et l'impôt fédéral direct (IFD) des contribuables, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a refusé de déduire ce montant, à son sens non assimilable à de l'entretien, dans la mesure où il s'agissait d'une nouvelle construction. Ce montant, ajouté à celui relatif à la construction d'une piscine, a dès lors été ajouté au capital du bien immobilier, avec un abattement de 4 % pour occupation continue.

4.             Le 14 mai 2012, les contribuables ont formé réclamation à l'encontre de ces bordereaux, contestant le refus de la déduction les frais relatifs à la construction du mur anti-bruit.

Leur maison se situait le long de la route d'Ambilly, axe sur lequel le trafic était devenu une source de bruit intenable suite à la forte densification de la commune voisine d'Ambilly. La haie en place, en mauvais état, ne les protégeait pas du bruit et ils avaient décidé de la remplacer par un mur anti-bruit. Le but de ce mur était triple : éviter que leur fille passe par-dessus la "maigre barrière" les séparant de la route d'Ambilly, atténuer le bruit du trafic et maintenir la valeur de leur maison.

5.             Par complément du 11 octobre 2012, les contribuables ont ajouté que le calme apporté par leur mur les avait conduits à réévaluer la valeur locative de leur maison en 2010 et qu'il s'agissait donc bien de frais destinés à maintenir la valeur vénale de leur maison. Cette construction avait également été motivée par des motifs de sécurité, le mur ayant aussi pour effet d'éviter ou diminuer le risque de cambriolage.

6.             Le 27 septembre 2013, l'AFC a informé les contribuables qu'elle avait l'intention de rectifier les taxations contestées en leur défaveur.

Le remplacement de la haie par un mur anti-bruit avait pour effet de supprimer la nuisance du carrefour bruyant. La valeur locative brute IFD s'élevait désormais à CHF 33'642.- (au lieu de CHF 31'960.-) et valeur locative brute ICC, après abattement de 16 %, à CHF 28'259.- (au lieu de CHE 26'846.-).

7.             Le 4 octobre 2013, les contribuables se sont opposés à cette intention et ont persisté dans leurs conclusions, réaffirmant que la construction du mur avait pour but de maintenir la valeur de leur bien, non de l'augmenter.

8.             Par décisions sur réclamation du 13 novembre 2013, l'AFC a procédé à la modification de la valeur locative, comme annoncé le 27 septembre 2013, et a, pour le surplus, maintenu les taxations.

9.             Par acte du 12 décembre 2013, les contribuables ont interjeté recours contre ces décisions par devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

Les travaux de construction du mur anti-bruit avaient uniquement eu pour but de maintenir la valeur vénale de leur bien ("si nous n'avions pas fait construire ce mur anti-bruit, nous estimons que la valeur de notre bien serait nettement inférieure. Ces travaux ont donc permis de maintenir la valeur vénale"). "En conclusion", une augmentation de la valeur locative ne pouvait être acceptée que si l'AFC reconnaissait la déductibilité du coût de ce mur.

A l'appui de leurs allégations, ils ont notamment produit une carte, dont il ressort que leur maison se situe à 28 m de la limite de la parcelle jouxtant la route d'Ambilly.

10.         Dans sa réponse du 9 avril 2014, l'AFC a conclu au rejet du recours.

La construction d'un mur anti-bruit n'était pas précisément mentionnée dans l'Information n° 1/2011 du 1er février 2011 sur la déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés et la notice y annexée 1/2011 (ci-après : notice 1/2011) énumérant et détaillant de manière non exhaustive la qualification de certaines dépenses et leurs incidences en relation avec leur déductibilité fiscale. En matière d'aménagements extérieurs, cette notice retenait que le coût de toute nouvelle construction de type clôture en dur ou mur de soutènement et de jardin était considéré comme des frais d'acquisition de production ou d'amélioration d'éléments de fortune non déductibles, à la différence de celui d'une réparation ou d'un remplacement d'une clôture naturelle (thuya, etc.), considéré comme des frais d'entretien déductibles.

Ainsi, le coût de la construction d'un mur anti-bruit en béton ne pouvait pas être considéré comme des frais d'entretien courant, ni comme des frais de remise en état ou de remplacement ou de rénovation d'une ancienne installation. Il ne s'agissait pas d'une simple réparation ou du remplacement d'un mur déjà existant, mais au contraire d'une construction entièrement nouvelle, qui avait apporté une plus-value au bien immobilier, dans la mesure où elle avait eu pour effet, selon les propres explications des recourants, de supprimer ou de diminuer des nuisances importantes et d'améliorer la sécurité de leur bien en réduisant le risque de cambriolage. Ces dépenses, qui avaient apporté une plus-value au bien immobilier, ne pouvaient donc être admises en déduction du revenu brut ; il s'agissait de dépenses d'investissement ou de frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de fortune, non déductibles. L'augmentation de la valeur fiscale de l'immeuble due à cette nouvelle construction avait par ailleurs été prise en compte dans la taxation contestée. En outre, contrairement à ce que les recourants alléguaient, rien ne permettait de démontrer que la valeur fiscale totale de leur bien immobilier aurait diminué si de tels travaux n'avaient pas été entrepris.

Quant à la valeur locative, la construction du nouveau mur anti-bruit à la place de l'ancienne haie avait eu pour conséquence, ainsi que cela était admis par les recourants, de diminuer significativement le bruit engendré par le trafic de la route d'Ambilly. La nuisance due au carrefour bruyant, qui justifiait précédemment une réduction partielle de la valeur locative du bien immobilier, n'existait donc plus, de sorte que la modification de la valeur locative brute était justifiée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions de l'administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17; art. 140 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

Déductibilité des frais de la construction du mur anti-bruit

3.             Le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d'immeubles acquis récemment, les primes d'assurances relatives à ces immeubles et les frais d'administration par des tiers (art. 32 al. 2 LIFD et 34 let. d de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08).

Sont en particulier déductibles les dépenses dues aux réparations ou aux rénovations, si elles n'entraînent pas une augmentation de la valeur de l'immeuble (art. 1 al. 1 let. a ch. 1 de l'ordonnance du 24 août 1992 sur les frais relatifs aux immeubles privés déductibles dans le cadre de l'impôt fédéral direct - RS 642.116.2 ; ci-après : l'ordonnance).

Ne peuvent en revanche être déduits les autres frais et dépenses, en particulier les frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de fortune (art. 34 let. d LIFD et 38 let. a LIPP).

4.             Les frais d'entretien au sens étroit sont essentiellement ceux qui sont encourus pour des travaux destinés à compenser l'usure normale de la chose due à son usage et à l'écoulement du temps et à maintenir l'état d'entretien original du bien ; il s'agit de maintenir la source du revenu que représente le bien immobilier pour le contribuable (N. MERLINO in Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2008, n. 50 ad art. 32 p. 490).

Les frais d'entretien au sens étroit se subdivisent en frais d'entretien courants, en frais de remise en état et en coûts de remplacement de vieilles installations. Les premiers correspondent à des dépenses courantes consenties dans le but de conserver les fonctionnalités de l'immeuble, telles des petites réparations. Les frais de remise en état visent à maintenir la capacité de rendement du bien immobilier (rénovation de façade, changement de tapisserie, de sols, etc.). Enfin, parmi les coûts de remplacement de vieilles installations figurent en particulier ceux destinés à remplacer les installations sanitaires, le chauffage et la cuisine.

Pour que les frais d'entretien immobilier soient déductibles, l'art. 32 al. 2 LIFD n'exige toutefois pas qu'ils soient absolument nécessaires à un moment précis. Il suffit en principe que l'on soit objectivement en présence de travaux d'entretien, dans le sens défini ci-dessus, qui sont nécessaires et doivent être effectués tôt ou tard dans une fourchette temporelle aux alentours des échéances susmentionnées pour qu'il s'agisse de frais d'entretien déductibles. Il n'est pas nécessaire - et souvent pas possible - de contrôler si ces travaux sont absolument indispensables au moment précis où ils sont effectués, en fonction de la durée de vie des installations décrites ci-dessus, car cette durée de vie n'est pas rigide et fixe, mais il s'agit plutôt de fourchettes estimatives qui peuvent varier. Ce n'est que lorsqu'il est manifeste et incontestable que les travaux ne sont pas nécessaires et qu'ils interviennent à une date largement inférieure à leur durée de vie que la déduction est refusée, les prétendus travaux d'entretien immobilier devant alors être qualifiés, la plupart du temps, de dépenses de couverture du train de vie du contribuable, au sens de l'art. 34 let. a LIFD, lesquelles ne sont fiscalement pas déductibles (N. MERLINO, op. cit., n. 53 ad art. 32 p. 491 s. et les références citées).

5.             Les dépenses d'investissement immobilier non déductibles sont celles qui transforment un immeuble en le mettant en meilleur état, en améliorant ses qualités techniques objectives, ses fonctionnalités, son confort, sa valeur d'usage, et, partant, qui augmentent sa valeur (N. MERLINO, op. cit., n. 122 ad art. 32 p. 505) ; la doctrine y inclut les investissements dans des dispositifs anti-bruit ("Investitionen für Lärmschutz", B. ZWAHLEN in M. ZWEIFEL, P. ATHANAS, Bundesgesetz über die Bundessteuer, Art. 1-82, 2ème éd., n. 13 ad art. 32 p. 492).

6.             En date du 1er février 2011, l'AFC a publié l'information n° 1/2011 traitant de la déductibilité des frais d'entretien des immeubles privés sur le plan de l'ICC ainsi que sur le plan de l'IFD.

La notice 1/2011, annulant et remplaçant la notice n° 1/2007 du 1er février 2007 à compter de la période fiscale 2010, "a, quant à elle, pour objet de détailler de manière non exhaustive la qualification de certaines dépenses et leurs incidences en relation avec leur déductibilité fiscale (ICC et IFD").

Cette notice ne mentionne pas spécifiquement la construction d'un mur anti-bruit. En revanche, en matière d'aménagements extérieurs ("clôture en dur, mur de soutènement et de jardin"), elle relève que le coût d'une nouvelle construction ou d'un agrandissement est considéré comme des frais d'acquisition, de production ou d'amélioration d'éléments de fortune non déductibles, alors que celui d'un "remplacement clôture naturelle (thuya, etc.)" donne lieu à une déduction (cf. ch. 8.1.2).

7.             En l'espèce, comme l'a relevé à juste titre l'AFC, la construction du mur anti-bruit en béton à laquelle les recourants ont procédé ne peut être considérée ni comme relevant de l'entretien courant de leur bien, ni comme de la remise en état, du remplacement ou de la rénovation d'une ancienne installation. Il s'agit en effet clairement d'une construction entièrement nouvelle. En outre, ce mur a apporté une plus-value à l'immeuble, dès lors qu'il a supprimé ou à tout le moins fortement réduit les nuisances sonores dues au trafic routier auxquelles leur parcelle est soumise et qu'il en a aussi amélioré la sécurité en réduisant le risque d'effraction.

S'agissant d'une dépense d'investissement, d'acquisition, de production ou d'amélioration d'un élément de fortune, non déductible, le coût lié à cette construction ne peut donc être déduit du revenu brut des recourants.

Enfin, s'il est exact que le bruit constitue un élément à prendre en compte pour déterminer la valeur fiscale totale d'un bien immobilier, rien ne permet en soi d'affirmer que celle-ci aurait diminué si la construction du mur anti-bruit n'avait pas été entreprise, puisque d'autres facteurs jouent aussi un rôle dans la fixation de cette valeur, comme par exemple le quartier, les commodités à disposition ou le dégagement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_886/2010 du 27 avril 2011 consid. 5.3).

Il convient enfin de préciser que si les dépenses effectuées par les recourants ne sont pas déductibles du revenu brut des recourants en matière d'impôts directs, elles constituent en revanche des investissements immobiliers ou impenses en principe déductibles de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers (cf. N. MERLINO, op. cit., n. 111 ad art. 32 p. 504 ; art. 82 al. 8 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 - LCP - D 3 05).

Valeur locative

8.             Aux termes des art 21 let. b LIFD et 24 al. 1 let. b LIPP, le rendement de la fortune immobilière est imposable, notamment la valeur locative des immeubles ou de parties d'immeubles dont le contribuable se réserve l'usage en raison de son droit de propriété ou d'un droit de jouissance obtenu à titre gratuit.

La valeur locative est déterminée en tenant compte des conditions locales (art. 21 al. 1 LIFD et 24 al. 2 1ère phrase LIPP). Le loyer théorique des villas et des appartements en copropriété par étage occupés par leur propriétaire est fixé en fonction notamment de la surface habitable, du nombre de pièces, de l'aménagement, de la vétusté, de l'ancienneté, des nuisances éventuelles et de la situation du logement.

A Genève, le questionnaire de valeur locative 2009-2012 destiné aux propriétaires d'appartements et de villas, personnes physiques, prévoit à son chiffre 5 un coefficient de nuisance de 0,95 en cas de carrefour bruyant ou route à trafic intense à moins de 50 m sans protection.

9.             En l'espèce, l'immeuble des recourants se situe certes à moins de 50 m d'une route à trafic intense, raison pour laquelle un coefficient de nuisance de 0,95 était pris en compte pour la détermination de sa valeur locative. Suite à la construction du mur litigieux, les nuisances dues au bruit se sont atténuées, ainsi que l'ont admis les recourants dans leurs écritures. Les nuisances résultant de la route à trafic intense ne justifiant plus une réduction partielle de la valeur locative, c'est à juste titre que l'AFC a procédé à sa modification.

10.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

11.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 LPA 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent. Il est couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 décembre 2013 par E____ X____ et H____ X____ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 13 novembre 2013 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par leur avance de frais du même montant ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (18 rue du Mont-Blanc, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             communique le présent jugement à :

a.              E____ X____ et H____ X____ ;

b.             ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE ;

c.              ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS.

Siégeant: Yves JOLIAT, président, Nicole FRAGNIÈRE MEYER et Joseph RIEDWEG, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Yves JOLIAT

 

Copie conforme de ce jugement a été communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier