Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1407/2023

JTAPI/1075/2023 du 04.10.2023 ( OCPM ) , REJETE

recours terminé sans jugement

Descripteurs : RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;PROCÉDURE PÉNALE;ACCÈS À UN TRIBUNAL;PHILIPPINES
Normes : LEI.64.al1.leta; LEI.64.al3; LEI.30.al1.letb; OASA.32.al1.letd
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1407/2023

JTAPI/1075/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 4 octobre 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Olivier PETER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Ressortissante philippine née le ______ 1974, Madame A______ séjourne en Suisse, selon ses propres déclarations, depuis le 3 février 2019.

2.             Le 29 décembre 2021, elle s’est rendue dans les locaux de la Police genevoise afin de porter plainte contre Monsieur B______ et son épouse, Madame C______, qui lui louaient un studio, au motif qu’ils l’auraient insultée et agressée. Elle a alors admis ne disposer d’aucune autorisation de séjour.

À teneur d’un constat médical établi par la doctoresse D______, des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), elle souffrait de stress post-traumatique et d’une contracture para-vertébrale droite T4-T7.

3.             Ce même jour, Mme A______ a fait valoir son droit d’être entendu au sujet d’une mesure d’éloignement que l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) était susceptible de prononcer à son encontre. Dans ce cadre, elle a déclaré qu’elle n’avait pas d’objection à formuler quant à son renvoi ou au prononcé d’une interdiction d’entrée.

4.             Lors de son audition par la Police, le 9 janvier 2022, M. B______ a contesté que lui-même ou que son épouse ait agressé ou injurié Mme A______. Celle-ci avait en revanche menacé sa femme par messagerie.

Entendue le même jour, Mme C______ a également nié avoir frappé ou insulté Mme A______, déclarant qu’au contraire, c’était celle-ci qui l’avait agressée. Elle l’avait également menacée et injuriée par messagerie. Mme C______ a porté plainte contre Mme A______ en raison de ces derniers faits.

5.             Le 1er novembre 2022, Mme A______ a été entendue par la Police en qualité de prévenue de séjour illégal et de diverses infractions qu’elle aurait commises à l’encontre de Mme C______.

6.             Par décision du 19 avril 2023, l’OCPM a prononcé le renvoi de Mme A______, pour le motif qu’elle séjournait en Suisse depuis le 3 février 2019 et qu’elle exerçait une activité lucrative sans autorisation. Ce prononcé précisait en outre qu’un recours ne serait pas assorti de l’effet suspensif.

7.             Par acte du 26 avril 2023, Mme A______, sous la plume de son mandataire, a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à la restitution de l’effet suspensif et à l’annulation de la décision du 19 avril précédent, le tout sous suite de dépens. Elle a également sollicité un délai pour compléter son recours.

Un renvoi léserait gravement ses intérêts. Elle résidait depuis longtemps en Suisse et sa présence se justifiait afin de permettre la reconnaissance de la violation de ses droits fondamentaux dans le cadre de procédures pendantes devant le Ministère public. En conséquence, le tribunal devait accorder l’effet suspensif à son recours.

La procédure pénale intentée contre elle, qui avait abouti à renseigner l’OCPM sur sa situation administrative, résultait de son choix de dénoncer les infractions dont elle avait été victime et de solliciter l’aide des autorités. La position adoptée par la Police, consistant à poursuivre une victime d’agression pour séjour illégal, ainsi que le renvoi prononcé par l’OCPM, enfreignaient plusieurs droits fondamentaux à savoir : le droit de toute victime d’accéder à la justice, l’obligation incombant aux autorités de lui permettre de dénoncer les actes de violence et l’interdiction des pratiques discriminatoires.

8.             Dans ses observations du 3 mai 2023, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif, respectivement à l’octroi de mesures provisionnelles.

La recourante prétendait être partie à différentes procédures devant le Ministère public. Cependant, aucun document ne l’attestait et rien ne démontrait que sa présence en Suisse se révélerait nécessaire. Sur le fond, l’intéressée avait reconnu lors de son audition par la Police qu’elle était entrée en Suisse en 2019 et qu’elle y travaillait sans autorisation. Par conséquent, son renvoi se justifiait.

9.             Par écriture du 10 mai 2023, la recourante a réitéré sa requête de restitution de l’effet suspensif, en décrivant les procédures pénales auxquelles elle était partie.

À la suite d’une violente agression dont elle avait été victime de la part des époux B______, elle avait été prise en charge par le centre d’aide aux victimes d’infractions et l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence des HUG.

Bien que lors de leur audition par la Police, ses agresseurs eussent partiellement admis les menaces proférées, le Ministère public, sans même convoquer d’audience de confrontation, par deux ordonnances du 7 décembre 2022 (P/______/2022), n’était pas entré en matière sur sa plainte. Par une troisième ordonnance rendue le même jour dans cette procédure, le Ministère public l’avait condamnée pour séjour illégal et injure. Le 12 décembre 2022, elle avait formé opposition à l’encontre de cette dernière ordonnance. Cette procédure était toujours pendante.

Par arrêt du 21 mars 2023 (ACPR/______/2023), la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : la chambre pénale de recours) avait partiellement admis le recours qu’elle avait interjeté à l’encontre d’une des ordonnances de non-entrée en matière et renvoyé la cause au Ministère public pour qu’il instruise la question de la menace. Le 8 mai 2023, elle avait recouru au Tribunal fédéral à l’encontre de cet arrêt [cause 6B_/2023].

Le 3 mai 2023, le Ministère public avait rendu une nouvelle ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle contre M. B______, le déclarant coupable d’aide au séjour illégal et de menaces. Il avait en revanche renoncé à entrer en matière s’agissant d’agissements éventuellement constitutifs d’injures, de menaces et de voies de fait. Elle entendait recourir à la chambre pénale de recours à l’encontre de cette ordonnance.

Son renvoi devait être suspendu, afin qu’elle puisse être auditionnée personnellement dans la procédure ouverte à son encontre, confrontée à ses agresseurs dans le cadre de la procédure où elle revêtait la qualité de victime et continuer à bénéficier d’un suivi psychologique en lien avec les séquelles de l’agression. Si l’effet suspensif n’était pas restitué, son recours serait rendu ineffectif. Enfin, l’OCPM n’invoquait pas le moindre intérêt public à son renvoi.

Au vu des enjeux de la cause, l’affaire devait être instruite oralement. Elle sollicitait un délai pour qu’elle puisse formuler des réquisitions de preuves.

L’intéressée a produit un chargé de pièces.

10.         Par décision du 12 mai 2023 (DITAI/217/2023), le tribunal a rejeté la demande d’effet suspensif et de mesures provisionnelles. Le recours que Mme A______ a interjeté contre cette décision est pendant devant la chambre administrative de la Cour de justice.

La question de savoir si la présence en Suisse de la recourante se justifiait du fait des procédures pénales pendantes susmentionnées pouvait demeurer ouverte. En effet, même si elle obtenait gain de cause, il paraissait, prima facie, douteux qu’elle obtienne en fin de compte un titre de séjour. Lors de son audition par la Police, elle avait reconnu qu’elle résidait en Suisse depuis 2019, mais sans toutefois disposer d’aucune autorisation. Elle n’indiquait pas qu’elle aurait déposé une demande d’autorisation de séjour et n’alléguait pas non plus que le système de santé philippin se révélerait inapte à lui procurer le suivi psychologique dont elle avait besoin du fait de son agression. La restitution de l’effet suspensif aboutirait finalement à autoriser la recourante à séjourner en Suisse, question faisant l’objet du recours sur le fond, ce qui équivaudrait à anticiper le jugement définitif, contrairement à la finalité d’une telle mesure.

11.         Par réplique du 31 mai 2023, la recourante a exposé que la décision de renvoi résultait de son choix de faire appel à la Police en vue d’être protégée et de bénéficier d’une enquête effective, à la suite de l’infraction dont elle avait été victime. Puisque la décision de l’OCPM n’en faisait pas état, il convenait de constater que l’autorité avait procédé à une appréciation arbitraire, ou à tout le moins incomplète des faits pertinents.

L’existence des procédures pénales, dont elle a rappelé la chronologie – l’une étant encore pendante devant le Tribunal fédéral – dans lesquelles elle revêtait la qualité de victime, constituait un élément nécessaire pour apprécier la conformité de la décision de renvoi avec le droit d’accès à la justice, ainsi que le droit à une enquête effective. En omettant de tenir compte de ces procédures, l’autorité intimée avait procédé à une appréciation arbitraire, subsidiairement incomplète, des faits pertinents.

Elle était issue d’un groupe cumulant les facteurs de vulnérabilité (femme, migrante, dépourvue de statut légal et en situation de précarité économique). C’était à ce titre qu’elle s’était adressée aux autorités cantonales, afin de demander que sa qualité de victime soit constatée, que les auteurs soient sanctionnés, qu’une réparation pour le dommage subi lui soit octroyée et que les garanties de non-répétition lui soient allouées. Son statut était interprété de manière arbitraire par les autorités genevoises, puisqu’il constituait un obstacle à l’accès à la justice.

Les questions posées par la Police au sujet de son séjour en Suisse, l’ouverture d’une instruction pour infraction à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), la communication de ces informations par le Ministère public à l’OCPM, avant la clôture de la procédure pénale, le prononcé d’une décision de renvoi sur la base d’un état de fait lacunaire, ainsi que le refus du tribunal d’octroyer l’effet suspensif à son recours constituaient un enchaînement de violations sérieuses et graves à l’obligation de la protéger. Ces mesures avaient eu pour effet de la traumatiser à nouveau, de la dissuader de poursuivre ses démarches pour obtenir la reconnaissance de ses droits, ainsi que de l’empêcher de prendre part aux audiences qui devraient probablement être convoquées, afin qu’elle puisse être confrontée à ses agresseurs. En outre, son renvoi aboutirait à la rupture du lien avec ses thérapeutes, entravant ainsi la réparation du dommage subi. Elle serait en outre désavantagée par rapport aux autres parties, soit M. et Mme B______, le Ministère public et l’OCPM.

Son renvoi impliquait une violation de son droit à pouvoir présenter ses prétentions civiles dans des conditions équitables, ainsi que celui de faire procéder à une enquête effective sur ses violences subies. Il en résultait une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), ainsi que de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d'Istanbul - RS 0.311.35).

La recourante a produit un chargé de pièces complémentaires.

12.         Dans sa duplique du 19 juin 2023, l’OCPM a maintenu sa position, aucun document n’attestait de l’existence de procédures pénales, ni du fait que la présence en Suisse de la recourante se révélerait nécessaire dans le cadre de celle-ci. Son renvoi devait dès lors être prononcé, sans qu’il ne disposât d’aucune marge de manœuvre dans ce cadre.

13.         Le détail des pièces et des arguments des parties sera repris, ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle de l’art. 64 al. 3 LEI et des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/695/2023 du 27 juin 2023 consid. 4).

5.             À teneur de l'art. 5 al. 1 LEI, pour entrer en Suisse, tout étranger doit avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement ou d'une expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

6.             Selon l'art. 64 al. 1 LEI, les autorités rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (art. 5 LEI) (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Elles ne disposent à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2333/2013 du 28 octobre 2014 consid. 10) ou de la constatation de l’absence d’une quelconque autorisation de séjour (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-1240/2012 du 24 juillet 2014 consid. 8).

7.             En l’espèce, il est établi que Mme A______ séjourne illégalement en Suisse. En effet, elle l’a admis devant la Police, le 29 décembre 2021 et ne le conteste pas au stade du présent recours. Partant, c’est à bon droit que l’OCPM a prononcé son renvoi.

8.             Cela étant, l’intéressée conclut à l’annulation de la décision du 1er novembre 2022. Elle se plaint d’une constatation inexacte des faits, d’une violation de son droit d’accès au juge et du droit à une enquête effective. Elle sollicite une autorisation de séjour afin de pouvoir faire valoir ses droits devant les juridictions pénales. Préalablement, elle sollicite sa comparution personnelle.

9.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2).

Par ailleurs, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

10.         En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites par l’intéressée et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige, étant précisé que la prénommée a pu faire valoir ses arguments au cours d’un double échange d’écritures. Partant le tribunal ne donnera pas suite à la demande de comparution personnelle sollicitée par la recourante, à laquelle celle-ci n’a de toute manière pas droit.

11.         La recourante fait valoir que la mesure contestée découle de son choix de solliciter la protection de la Police, à la suite de l’agression subie de la part des époux B______. Selon elle, ces circonstances se révèlent essentielles pour se prononcer sur son renvoi. Étant donné que la décision attaquée ne les mentionnait pas, l’OCPM avait procédé à une appréciation arbitraire des faits.

Or, quoi qu’en pense l’intéressée, le renvoi résulte du fait qu’elle ne dispose d’aucun titre de séjour en Suisse. Par ailleurs, le 29 décembre 2021, lorsqu’elle a exercé son droit d’être entendu en lien avec une éventuelle mesure d’éloignement, l’intéressée a déclaré n’avoir aucune objection à formuler. L’on voit mal pour quelle raison l’OCPM aurait constaté les faits de manière arbitraire.

12.         Il est possible de déroger aux conditions d’admission pour tenir compte d’intérêts publics majeurs (art. 30 al. 1 let. b LEI).

Cette disposition est précisée notamment par l’art. 32 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) qui dispose qu’une autorisation de courte durée ou une autorisation de séjour peut être accordée en vue de préserver des intérêts publics majeurs. Lors de l’appréciation, il convient en particulier de tenir compte : (let. d) de la nécessité de la présence d’un étranger dans une procédure pénale.

13.         L’expression « intérêts publics majeurs » au sens des dispositions précitées constitue une notion juridique indéterminée. Une application trop large serait incompatible avec la LEI et l’OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4838/2020 du 1er décembre 2022 consid. 6.2 ; directives et commentaires du secrétariat d’État aux migrations, domaine des étrangers, p. 91 ch. 5.5, état au 1er septembre 2023).

Les cantons n'appliquent cette réglementation d'exception qu'avec une grande retenue - par comparaison avec l'admission ordinaire. Ces facilités d'admission avaient été explicitement souhaitées à l'époque par le législateur et les cantons et correspondent à une pratique précédant l'entrée en vigueur de la LEI. Dans les faits, il est très rare que des autorisations de séjour de courte durée soient accordées en application de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l'art. 32 al. 1 OASA. La compétence d'accorder une autorisation de séjour sur la base d'intérêts publics majeurs revient aux cantons. Ce sont eux qui décident, de leur propre initiative, de faire une demande en ce sens auprès du SEM, qui prend la décision finale. L’autorité cantonale doit cependant démontrer qu’elle a un intérêt particulièrement important. Il s'agit toujours de décisions au cas par cas (JTAPI/912/2015 du 17 août 2015 consid. 10).

14.         En l’occurrence, selon la jurisprudence (arrêts du Tribunal fédéral 1B_259/2021 du 19 août 2021 consid. 2.3 et 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.5.7), la Convention d’Istanbul ne crée pas de droits subjectifs en faveur des particuliers, mais seulement des obligations à l'égard des États parties. En conséquence, la recourante ne peut tirer aucun droit de cet accord.

C’est également en vain qu’elle se prévaut d’une violation du droit d’accès au juge (art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), du droit à une enquête effective et qu’elle prétend que sa présence en Suisse est nécessaire.

En effet, assistée d’un avocat, elle a été à même de contester les ordonnances de non-entrée en matière rendues à l’encontre de chacun des époux B______. Elle a également pu saisir efficacement la chambre pénale de recours et le Tribunal fédéral et a été à même de former opposition à l’ordonnance pénale du 7 décembre 2022, la condamnant pour séjour illégal et injure. D’ailleurs, ladite chambre, par arrêt du 21 mars 2023, a partiellement fait droit à ses conclusions, puisqu’elle a renvoyé la cause au Ministère public pour qu’il instruise la question des menaces qu’elle reprochait à M. B______.

En coutre, la recourante n’a produit aucune pièce apte à démontrer que sa présence en Suisse se révèle indispensable pour faire valoir ses droits dans le cadre des procédures pénales auxquelles elle est partie. Ainsi qu’il a été relevé ci-dessus, elle est représentée par un avocat. Par ailleurs, elle ne se trouve pas dans la situation visée par l’art. 336 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), qui concerne l’obligation de comparaître en personne. Ainsi, il n’existe aucun intérêt public majeur, justifiant que la recourante demeure en Suisse durant les procédures pénales.

15.         Enfin, il n'apparaît pas que l'exécution du renvoi de la recourante se révélerait impossible, illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l'art. 83 LEI. D’ailleurs, la recourante ne le pas valoir.

16.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.

La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

18.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 26 avril 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 19 avril 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière