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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/768/2012

JTAPI/716/2013 du 10.06.2013 ( ICC ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : ; PROCÉDURE DE TAXATION ; PRESCRIPTION ; DROITS DE MUTATION ; FUSION ; REGISTRE FONCIER ; INSCRIPTION; REGISTRE FONCIER ; EXONÉRATION FISCALE ; IMMEUBLE ; VALEUR FISCALE
Normes : LDE.185.al.1.let.b; LDE.61A; LDE.33; LDE.10; LFus.103;
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/768/2012 ICC

JTAPI/716/2013

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 10 juin 2013

 

dans la cause

 

C___ T___ AG

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

 

(Droits d’enregistrement)


EN FAIT

1.             Le litige concerne les droits d’enregistrement réclamés à C___ T___ AG (ci-après : la société ou la contribuable ou encore la recourante), société ayant son siège à Zurich, par l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC).

2.             Par contrat du 24 juin 1992, A____ F____ AG a repris de A____ GENEVE SA la totalité du capital social, avec l’ensemble de l’actif et du passif par succession universelle suite à une fusion, au sens de l’ancien art. 748 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations – CO – RS 220), avec effet rétroactif au 31 décembre 1991.

La fusion a été inscrite au registre du commerce (ci-après : le RC) du canton de Zoug le 29 juin 1992.

3.             Par contrat du 15 juin 1995, A____ F____ AG (dont la raison sociale a par la suite été modifiée en C___ AG) a repris de A____ AG la totalité du capital social avec l’ensemble de l’actif et du passif par succession universelle suite à une fusion, au sens de l’art. 748 aCO, avec effet rétroactif au 31 décembre 1994.

La fusion a été inscrite au RC du canton de Zoug le 30 juin 1995.

4.             Par contrat du 30 mai 2011, C___ T___ AG a repris tous les actifs et passifs de sa filiale C___ AG, avec effet au 1er janvier 2011. Cette fusion s’est faite en neutralité fiscale au sens de l’art. 61 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD – RS 642.11), conformément à un accord donné à la contribuable par l’administration fiscale cantonale zurichoise (ci-après : l’AFC-ZH), le 8 avril 2011.

C___ AG était propriétaire d’un immeuble sis au 2, rue de la Z____, à Genève (parcelle n° 5***).

5.             En juillet 2011, le registre foncier de Genève (ci-après : le RF) a été saisi d’une réquisition d’inscription concernant notamment les trois fusions, ainsi que les changements de propriétaires en résultant (en dernier lieu, le transfert de A____ AG à C___ AG).

6.             Par pli du 19 août 2011, l'AFC a demandé à la société de lui communiquer la valeur fiscale de l’immeuble sis 2, rue de la Z____, ainsi qu’une copie des trois contrats de fusion susmentionnés.

7.             Par lettre du 19 octobre 2011, la société a informé l’AFC que la valeur de l’immeuble était estimée à CHF 28'680'000.- au 1er novembre 2011. Elle s’est fondée sur un document établi par S____ AG.

8.             Le 2 décembre 2011, l’AFC a notifié à la société un bordereau de droits d’enregistrement d’un montant de CHF 2'581'434,30. L’impôt avait été calculé sur la valeur des trois fusions avec transfert immobilier de la parcelle n° 5***, arrêtée à CHF 28'680'000.- chacune, à laquelle venaient s’ajouter des autres droits et des centimes additionnels pour un montant de CHF 234,30.

9.             Par lettre recommandée du 23 décembre 2011, la contribuable a élevé réclamation à l’encontre du bordereau du 2 décembre précédent.

En raison des fusions de 1991 et de 1994, les actifs et passifs des sociétés reprises avaient été transmis aux sociétés reprenantes il y a plus de 17 ans. L’inscription au RF était intervenue après le 1er janvier 2010. Le dies a quo du délai de prescription de cinq ans des droit d’enregistrement n’était pas clair. Il convenait de considérer que ces droits étaient prescrits. Compte tenu du fait que l’inscription au RF avait eu lieu après le 1er janvier 2010, aucun droit d’enregistrement ne devrait être perçu sur ces transferts immobiliers, conformément à l’art. 61A de la loi sur les droits d’enregistrement du 9 octobre 1969 (LDE – RS D 3 30).

Dans le cas où les droits d’enregistrement étaient dus à la suite des fusions de 1991 et de 1994, il convenait de soumettre le transfert au prix indiqué dans l’acte ou à la valeur vénale. Bien que ces informations étaient pour le moment inconnues, il y avait lieu de considérer que le montant de CHF 28'680'000.-, retenu pour déterminer la transaction intervenue en 2011, ne pouvait être employé pour celles ayant étant intervenues plus de 17 ans auparavant. La valeur de l’immeuble sis 2, rue de la Z____ devait être déterminée selon les états financiers de A____ GENEVE SA et de A____-F____ AG à chaque période considérée.

S’agissant du transfert immobilier intervenu après le 1er janvier 2010, selon l’art. 61A LDE, aucun droit de mutation ne pouvait être perçu en cas de restructuration effectuée en franchise d’impôt, comme en l’espèce.

10.         Par décision du 20 janvier 2012, l’AFC a rejeté la réclamation. Les fusions successives avaient été déposées au RF le 8 juillet 2011. S’agissant de la prescription des droits concernant les fusions de 1991 et 1994, elle ne pouvait courir qu’à compter de la date d’enregistrement. Elle n’était donc pas acquise. S’agissant de la valeur retenue pour les transactions, les parties devaient justifier en même temps que l’enregistrement de la pièce, la valeur de l’opération. Or, la société avait uniquement communiqué la valeur de la fusion de 2011. L’AFC était toutefois disposée à revoir la taxation de la contribuable sur la base d’une expertise ad hoc pour chacune des années concernées. En ce qui concernait la fusion du 30 mai 2011, la franchise des impôts découlait de la neutralité fiscale de l’opération, qui devait être constatée par une décision de l’AFC sous la forme d’un ruling. Aucune demande n’avait été faite en ce sens.

11.         Par acte du 21 février 20121, la société a déféré la décision du 20 janvier précédent au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en demandant son annulation et que le tribunal dise que le transfert de propriété résultant de la fusion entre la contribuable et sa filiale était exonérée de droits de mutation, le tout, sous suite de dépens.

Plus précisément, la société a conclu à ce que le tribunal dise que le droit de l’Etat de prélever des droits de mutation sur le transfert de propriété résultant de la fusion entre A____ AG et A____-F____ AG, ainsi que celui issu de la fusion entre A____ GENEVE SA et A____ AG, étaient prescrits et, subsidiairement, à ce que le tribunal dise que le transfert de propriété immobilière résultant de la fusion entre A____ AG et A____ F____ AG, ainsi que celui découlant de la fusion entre A____ GENEVE SA et A____ AG, étaient exonérés de droits de mutation. Plus subsidiairement, la société a demandé le renvoi de l’affaire à l’AFC pour qu’elle rende une nouvelle décision relative au calcul de l’assiette des droits de mutation portant sur les transferts de propriété de l’immeuble genevois, notamment sur la base de l’expertise immobilière du 20 février 2012.

La fusion de la recourante avec sa filiale avait respecté les conditions de l’art. 24 al. 3 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID – RS 642.14), ce qui avait été constaté par l’AFC-ZH. Aucun droit de mutation n’était donc dû sur le transfert de la propriété de l’immeuble genevois, conformément aux art. 103 de la loi fédérale du 3 octobre 2003 sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine (LFus – RS 221.30) et 61A al. 1 LDE. La condition de l’existence d’une décision préalable de l’administration fiscale sous la forme d’un ruling ne résultait pas de la loi et ne pouvait en aucun cas être une condition nécessaire à son application. De toute manière, l’AFC-ZH, autorité compétente à raison du siège de la société reprenante, avait donné son accord préalable, de sorte que la neutralité fiscale de l’opération avait été dûment confirmée au plan des impôts directs.

En cas de fusion, le patrimoine repris était transféré par le seul fait de celle-ci, qui devenait effective dès son inscription au RC, l’inscription au RF du transfert immobilier à la société absorbée n’ayant qu’un effet déclaratif. Ainsi, s’agissant des fusions de 1991 et de 1994, les sociétés absorbantes, A____ AG et A____-F____ AG avaient acquis le droit de propriété sur l’immeuble genevois par l’inscription des fusions au RC, indépendamment de toute inscription au RF. Compte tenu du fait que ces fusions avaient été inscrites au RC les 29 juin 1992 et 30 juin 1995 respectivement, le transfert de propriété aurait dû être soumis au droit d’enregistrement dix jours plus tard, soit les 9 juillet 1992 et 10 juillet 1995. Le droit de l’AFC de prélever des droits d’enregistrement sur ces transferts était dès lors prescrit dès le 9 juillet 1997, respectivement le 10 juillet 2000.

Si le tribunal devait considérer que les droits d’enregistrement sur les fusions n’étaient pas prescrits, il devait admettre que ces deux transferts étaient exonérés en application des art. 103 LFus et 61A LDE, dès lors que l’inscription au RF était intervenue après le 1er janvier 2010.

Si le tribunal devait retenir que le transfert résultant des fusions de 1991 et 1994 n’était ni prescrit ni exonéré, il convenait de renvoyer la cause à l’AFC, afin qu’elle établisse des nouvelles valeurs, sur la base de l’expertise immobilière du 20 février 2012, produite en annexe et établie par S____ AG, selon laquelle la valeur de l’immeuble sis 2, rue de la Z____, pouvait être estimée à CHF 17'030'000.- en 1991 et à CHF 15'240'000.- en 1994.

12.         Dans sa réponse du 24 août 2012, l’AFC a conclu au rejet du recours.

Pour déterminer la valeur de l’immeuble transféré lors de chacune des fusions, elle s’était fondée sur le montant communiqué par la société.

Les droits d’enregistrement relatifs aux fusions de 1991 et 1994 n’étaient pas prescrits. La société tentait d’assimiler une inscription au RC à une inscription au RF. Or, les fusions avaient été déposées au RF le 8 juillet 2011. Le délai de prescription quinquennal de l’art. 185 let. b ch 1 LDE commençait à courir au plus tôt le 18 juillet 2011.

Seule la fusion de 2011 avait été opérée après l’entrée en vigueur de l’art. 103 LFus. L’exonération des droits de mutation exigeait que l’on soit en présence d’une restructuration, au sens de l’art. 24 al. 3 et 3quater LHID. L’exonération des droits de mutation nécessitait que l’acte de fusion ou de restructuration soit soumis à l’autorité fiscale, afin que celle-ci puisse vérifier si les conditions de non-imposition des réserves latentes en matière d’impôts directes sont réalisées. La recourante n’avait pas déposé sa demande d’exonération au service compétent de l’AFC. L’accord préalable des autorités fiscales zurichoises n’attestait en rien de la réalisation des conditions légales. Rien dans les documents fournis ne permettait de vérifier que les conditions de l’art. 24 al. 3 LHID étaient remplies. Il appartenait à la recourante de soumettre à l’AFC ou au tribunal les documents justifiant de la réalisation des conditions légales.

La LFus et l’art. 61A LDE n’étaient pas applicables aux fusions de 1991 et 1994, en raison de leur entrée en vigueur postérieure.

13.         Dans sa réplique du 8 novembre 2012, la société a produit une attestation de l’AFC-ZH, selon laquelle les valeurs comptables, respectivement les valeurs déterminantes pour l’impôt sur le bénéfice de C___ AG au 31 décembre 2010, avaient été transférées telles quelles à la société reprenante.

14.         Dans sa duplique du 27 novembre 2012, l’AFC a constaté que les conditions de la neutralité fiscale étaient réalisées avec pour conséquence que l’opération de 2011 devait être mise au bénéfice de l’art. 61A LDE. Le bordereau du 2 décembre 2011 devait être rectifié dans cette mesure.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre des décisions de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 – LOJ – RS E 2 05 ; art. 179 al. 1 LDE).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 63 al. 1 et 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA – RS E 5 10).

3.             Dans sa duplique du 27 novembre 2012, l’AFC a partiellement donné droit aux conclusions de la société, en ce sens qu’il ne soit pas prélevé de droits d’enregistrement sur le transfert immobilier de 2011 et que le bordereau du 2 décembre 2011 soit dégrevé dans cette mesure.

Le tribunal donnera acte de son engagement à l’AFC.

4.             La contribuable se prévaut de la prescription des droits d’enregistrement dus à la suite des fusions de 1991 et 1994.

5.             A teneur de l’art. 185 al. 1 let. b LDE, le droit de l’Etat d’assujettir aux droits d’enregistrement se prescrit par 5 ans : (ch. 1) à compter de la date à laquelle l’acte ou l’opération obligatoirement soumis à l’enregistrement aurait dû être assujetti à cette formalité ; (ch. 2) à compter du jour de l’enregistrement de l’acte ou de l’opération en cas d’omission, de fausse déclaration des biens ou de simulation.

6.             Lorsque des sociétés fusionnent, qu’elles se scindent ou qu’elles transfèrent tout ou partie de leur patrimoine avec actifs et passifs, le transfert des biens s’opère de par la loi par succession universelle entre vifs dès l’inscription de la mutation au registre du commerce. Si les biens transmis comprennent des immeubles, la propriété de ceux-ci est acquise selon le principe relatif ; l’inscription au registre foncier n’a qu’un effet déclaratif (P.-H. STEINAUER, Les droits réels, Tome II, 4ème édition, 2012, p. 85, § 1562 ; cf. également O. THOMAS, Les droits de mutation, p. 170).

7.             Dans sa jurisprudence (DCCR/1439/2010 du 4 octobre 2010), la Commission cantonale de recours en matière administrative a jugé que lorsqu’une inscription au RF était déclarative et non pas constitutive, pour le calcul de la prescription des droits d’enregistrement, l’art. 185 al. 1 let. b ch 2 LDE était applicable. Le délai ne commence à courir qu’à compter de l’inscription au RF.

8.             En l’espèce, les fusions, entre d’une part A____ F____ AG et A____ GENEVE SA et, d’autre part, A____ F____ AG et A____ AG ont été inscrites au RC du canton de Zoug respectivement les 29 juin 1992 et 30 juin 1995. A compter de ces dates, la propriété de l’immeuble sis au 2, rue de la Z____, a été transférée aux sociétés reprenantes, sans qu’une inscription au RF ne soit nécessaire, en vertu du principe relatif de l’inscription. Le délai quinquennal de prescription des droits d’enregistrement court donc à compter de l’enregistrement de la fusion au RF, intervenu en juillet 2011.

Au vu de ce qui précède, la prescription du droit de taxer, relative aux fusions de 1991 et 1994, n’est pas atteinte.

Ainsi, ce grief doit être rejeté.

9.             La recourante fait valoir que les fusions de 1992 et 1994 sont exonérées de droits d’enregistrement. Elle fonde sa conclusion sur les art. 103 LFus et 61A LDE.

10.         Les art. 103 LFus et 61A LDE exonèrent de droits d’enregistrement les fusions, pourvu que certaines conditions soient remplies. Renvoi est fait à l’art. 24 al. 3 et 3quater LHID.

La LFus est entrée en vigueur le 1er juillet 2004, à l’exception de son art. 103 qui, lui, est entré en vigueur le 1er juillet 2009. Quant à l’art. 61A LDE, il est entré en vigueur le 1er janvier 2010.

Selon le principe de la non-rétroactivité des lois, le nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur (ATA/306/2012 du 15 mai 2012 et les références citées).

11.         L’art. 33 LDE que sont soumis obligatoirement au droit de 3 %, sous réserve des exceptions prévues par la présente loi, tous les actes translatifs à titre onéreux de la propriété, de la nue-propriété ou de l’usufruit de biens immobiliers sis dans le canton de Genève, notamment les ventes, substitutions d’acquéreur, adjudications, apports et reprises de biens (al. 1) ; les cessions et reprises de biens immobiliers qui ne constituent pas une donation, un échange ou un partage, sont soumises au droit prévu pour les actes translatifs à titre onéreux de la propriété immobilière (al. 2) ; le transfert de biens immobiliers résultant de la fusion ou de l’absorption de patrimoines est soumis au même droit (al. 3).

Du point de vue des droits de mutation et quelle que soit la procédure de fusion adoptée, il y aura mutation juridique imposable chaque fois que la société absorbée ou les sociétés fusionnantes sont propriétaires d’un immeuble et que la loi ne contient pas une disposition expresse exonérant de tels transferts (THOMAS, op. cit., p. 171).

12.         En l’espèce, les fusions de 1991 et 1994 ont eu lieu avant l’entrée en vigueur de la LFus et de l’art. 61A LDE. Ces dispositions ne sont pas applicables au présent litige, qui devra être tranché à l’aune de l’art. 33 LDE. Dès lors que lesdites fusions ont impliqué, entre autres, le transfert de propriété de l’immeuble sis 2, rue de la Z____, c’est à juste titre que l’AFC a prélevé des droits d’enregistrement sur ces transferts.

Au vu de ce qui précède, le grief doit dès lors être rejeté.

13.         La société demande que les droits d’enregistrement résultant des fusions de 1991 et 1994 soit calculé sur la base de la valeur de l’immeuble, telle que ressortant dans son expertise du 20 février 2012.

14.         La valeur de la propriété, de la nue-propriété et de l’usufruit de biens immobiliers est déterminée, pour les actes visés aux art. 33 et 34 LDE, par le prix indiqué dans l’acte ou par la valeur vénale, en y ajoutant la valeur de toutes les charges exprimées en capital et sans aucune déduction des dettes hypothécaires et chirographaires (art. 35 al. 1 LDE).

L’art. 10 al. 2 LDE (procédure amiable) prévoit que le directeur de l’administration de l’enregistrement et du timbre peut convenir avec le débiteur des droits ou son mandataire que l’estimation doit être faite par un ou des experts désignés d’un commun accord.

Aux termes de l’art. 10 al. 3 LDE (procédure judiciaire) si, dans les 10 jours qui suivent la proposition du directeur de l'administration de l'enregistrement et du timbre de procéder à une expertise amiable, le débiteur ou son mandataire n'accepte pas cette procédure, le directeur de l'administration de l'enregistrement et du timbre peut faire procéder à une expertise judiciaire; dans ce cas, le président du Tribunal civil nomme 1 ou 3 experts, sur requête du directeur de l'administration de l'enregistrement et du timbre ; toutefois, si les parties y consentent, il n'est désigné qu'un seul expert.

Selon la jurisprudence, en l’absence d’un accord entre les parties sur la valeur fiscale de l’immeuble, il incombe à l’AFC de faire procéder à l’expertise de celui-ci (ATA/247/2006 du 9 mai 2006 ; DCCR/396/2007 du 12 novembre 2007).

En matière fiscale, les règles sur le fardeau de la preuve veulent que l'autorité fiscale établisse les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATA/69/2013 du 6 février 2013 et les références citées).

15.         En l’espèce, l’AFC a taxé les transferts de propriété de l’immeuble sis 2, rue de la Z____ intervenus lors des fusions de 1991 et 1994 en se fondant à chaque fois sur une valeur vénale du bien-fonds de CHF 28'680'000.-. L’autorité intimée s’est basée sur le montant que lui a communiqué la recourante, par lettre du 19 octobre 2011. Le document établi par S____ AG fait état d’une valeur au 1er novembre 2011. Or, l’AFC n’explique pas pour quelle raison elle considère que la valeur de l’immeuble au 1er novembre 2011 représente également celle au 31 décembre 1991 et au 31 décembre 1994, soit 20 ans, respectivement 17 ans auparavant. D’un autre côté, l’expertise du 20 février 2012, produite par la recourante, qui fournit une estimation, tant au 31 décembre 1991 qu’au 31 décembre 1994, ne peut pas être retenue, car elle n’a pas été réalisée dans le cadre de l’art. 10 LDE.

Au vu de ce qui précède, le dossier sera renvoyé à l’AFC pour qu’elle fasse procéder à l’expertise de la valeur vénale de l’immeuble sis 2, rue de la Z____, au 31 décembre 1991 et au 31 décembre 1994 dans le cadre de l’art. 10 LDE.

Le bordereau de droits d’enregistrement du 2 décembre 2011 est annulé.

16.         Il s’ensuit que le recours devra être admis partiellement et par substitution de motifs.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement genevois sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative (RFPA – RS E 5 10.03), la recourante, qui obtient partiellement gain de cause, est condamnée au paiement d’un émolument réduit s’élevant à CHF 300.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 500.-, versée à la suite du dépôt du recours. .

Le solde de l’avance de frais de CHF 200.-, lui est restitué.

Compte tenu du fait que la société a eu recours aux services d’un avocat et qu’elle a conclu à l’octroi de dépens, le tribunal lui allouera une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l’Etat de Genève, soit pour lui le département des finances.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare le recours recevable ;

2.             donne acte à l’AFC qu’elle renonce à prélever des droits d’enregistrement sur le transfert immobilier intervenu en 2011 ;

3.             l’admet partiellement pour le surplus, dans le sens des considérants ;

4.             renvoie le dossier à l'AFC pour qu’elle fasse procéder à une expertise de la valeur de l’immeuble sis 2, rue de la Z____, à Genève ;

5.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 300.- ; il est couvert par l’avance de frais de CHF 500.-, versée à la suite du dépôt du recours ;

6.             ordonne la restitution du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

7.             alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 800.- à la charge de l’Etat de Genève, soit pour lui le département des finances ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (18 rue du Mont-Blanc, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

9.             communique le présent jugement à :

a.              C___ T___ AG ;

b.             l'administration fiscale cantonale.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Philippe FONTAINE et Cyril MIZRAHI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement a été communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière