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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3487/2020

DCSO/462/2021 du 02.12.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : lp.65; Ordonnance COVID-19.7; Ordonnance COVID-19.8; lp.33.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3487/2020-CS DCSO/462/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 2 DECEMBRE 2021

 

Plainte 17 LP (A/3487/2020-CS) formée en date du 2 novembre 2020 par A______ SA, élisant domicile en l'étude de Me Eric HESS, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- A______ SA

c/o Me HESS Eric

Saint-Léger Avocats

Rue de Saint-Léger 6

Case postale 444

1211 Genève 4.

- B______ SA

c/o Me JEANNERET Yvan

Keppeler Avocats

Rue Ferdinand-Hodler 15

Case postale 6090

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A.           a. A______ SA (ci-après : la société ou la débitrice) est une société anonyme sise à la route 1______[GE].

b. C______ (ci-après : C______), officiellement domicilié chemin 2______[GE], en est l'administrateur-président, titulaire de la signature individuelle.

D______ est également administrateur de A______ SA.

c. De décembre 2019 jusqu'à une date indéterminée, C______ a résidé chemin 3______[GE].

B. a. B______ SA a requis le 5 juin 2020 la poursuite d'A______ SA pour un montant de 160'000 fr. en capital, plus intérêts à 5% dès le 23 juillet 2017, 1'620 fr. en capital, plus intérêts à 5% dès le 10 octobre 2017, 6'534 fr. en capital, plus intérêts à 5% dès le 8 décembre 2018 et 4'329 fr. 55 en capital, plus intérêts à 5% dès le 8 décembre 2018. Ces montants étaient fondés sur quatre factures.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a établi le 9 juin 2020 un commandement de payer, poursuite n° 4______, sur la base de cette réquisition, visant A______ SA à son siège social, route 1______.

L'employé de la Poste a procédé à trois tentatives de notification à cette adresse, les 7, 8 et 9 juillet 2020. Lors du dernier passage, il a laissé une convocation invitant la débitrice à retirer le commandement de payer au bureau de poste. Il n'a pas été donné suite à cette convocation. Le commandement de payer a été retourné à l'Office par l'agent notificateur avec la mention "non réclamé".

c. Dans le cadre d'une poursuite requise par un tiers, l'Office a établi le 9 juillet 2020 un commandement de payer, poursuite n° 5______, visant C______ à son adresse officielle, soit chemin 2______.

La Poste a elle-même modifié l'adresse sur ce commandement de payer, indiquant celle au chemin 3______. L'employé de la Poste a procédé à quatre tentatives de notification à cette adresse, les 17, 18, 19 et 21 août 2020. Le commandement de payer a été retourné à l'Office par l'agent notificateur avec la mention "non réclamé".

d. L'Office a établi le 4 août 2020 un nouvel exemplaire du commandement de payer, poursuite n° 4______, visant A______ SA à son siège social, route 1______.

e. Le 21 août 2020, l'Office a envoyé un avis à C______, à son adresse au chemin 3______, informant ce dernier que l'Office procéderait d'ici quelques jours à une notification simplifiée d'acte(s) de poursuite par courrier A+.

Selon le suivi "track&trace" de la Poste, cet envoi a été distribué le 25 août 2020.

Selon l'employée de la Poste ayant procédé à cette distribution, E______, entendue en qualité de témoin, la mention "distribué" sur le suivi "track&trace" signifie que le destinataire indiqué sur l'enveloppe avait une boîte aux lettres et qu'elle avait mis l'envoi dans cette boite-aux-lettres. Si tel n'avait pas été le cas, elle aurait indiqué dans le terminal portable "Distribution infructueuse" et aurait ramené le pli au bureau de poste.

f. Par courrier A+ du 27 août 2020, l'Office a envoyé à C______, à son adresse au chemin 3______, quatre commandements de payer, dont ceux des poursuites n° 4______ et 6______ précitées.

Selon le suivi "track&trace" de la Poste, le courrier a été distribué le 29 août 2020.

Selon F______, employé de la Poste ayant procédé à cette distribution, entendu en qualité de témoin, le relevé "track&trace" montrait que le courrier avait été distribué, ce qui signifiait que le nom de C______ était encore sur une boîte aux lettres. Dans le cas contraire, il n'aurait pas mis le courrier dans une boîte aux lettres.

g. A______ SA allègue avoir pris connaissance du commandement de payer, poursuite n° 4______, la semaine du 21 septembre 2020.

Entendu par la Chambre de surveillance, C______ a expliqué s'être installé à la fin du mois d'octobre 2019 dans l'appartement situé au chemin 3______. Il y avait fait dévier son courrier et avait indiqué son nom sur la boîte aux lettres. Il avait quitté cet appartement pour réintégrer son domicile officiel à la fin du mois de février 2020. Entre février et juin 2020, l'appartement du chemin 3______ était vide d'occupant mais son nom figurait toujours sur la boîte aux-lettres. A compter du mois de juillet 2020, son nom n'y figurait plus, l'appartement en question ayant été loué à des tiers. Il ne pouvait pas dire si l'instruction de réexpédition au chemin 3______ avait été ou non révoquée. Il était en vacances en juillet et août 2020 et n'était revenu qu'au début du mois de septembre 2020. Il n'avait jamais reçu l'avis du 21 août 2020. Il ne se souvenait pas non plus avoir reçu le commandement de payer du 4 août 2020. Il avait reçu un document "bizarre" qu'il avait transmis à D______, lequel lui avait dit qu'il s'agissait d'une poursuite de B______ SA et qu'il n'était plus possible de former opposition. Il ne se souvenait plus comment ce document lui était parvenu. Il imaginait qu'il lui était arrivé par courrier. Les nouveaux locataires du chemin 3______ ne lui avaient jamais communiqué de courrier qui lui aurait été destiné et qu'ils auraient reçu à leur adresse. La société débitrice n'avait pas d'employé. Elle n'avait pas de case postale. En son absence, le courrier était déposé dans la boîte aux lettres. A son retour de vacances, il remettait le courrier de la société et de son couple à la personne qui s'occupait de toutes ses affaires administratives, G______, lequel n'était toutefois pas un employé de la société.

h. G______, entendu en qualité de témoin, a déclaré que C______ lui remettait le courrier destiné à la société, généralement non ouvert, de sorte que c'était lui qui l'ouvrait et qui le faisait suivre aux personnes concernées. Il a confirmé que C______ partait en vacances en juillet et en août et que pendant ce temps, le courrier adressé à la société ainsi qu'à lui-même et son épouse n'était relevé par personne. C______ lui avait remis au mois de septembre 2020 un paquet de courriers. Il les avait ouverts le même jour ou le lendemain. Dans ce paquet, il y avait des plis provenant de l'Office. Il se souvenait qu'il y avait notamment des avis de pré-envois, soit des courriers par lesquels l'Office annonçait le prochain envoi d'un acte de poursuite. Il y avait également des commandements de payer, l'un provenant de B______ SA. Il avait transmis ces actes à D______ le jour-même ou le lendemain.

i. D______ a déclaré avoir eu personnellement connaissance du commandement de payer le 26 septembre 2020. Il a confirmé que c'était G______ qui le lui avait envoyé. A réception, il l'avait transmis au conseil de la société et avait mandaté ce dernier au nom de celle-ci pour prendre les mesures nécessaires.

j. Par courrier du 1er octobre 2020, A______ SA a écrit à l'Office dans le but de contester la validité de la notification du commandement de payer, subsidiairement de former une opposition tardive au commandement de payer, plus subsidiairement encore de solliciter une restitution de délai.

k. Par courrier du 19 octobre 2020, notifié le 21 octobre 2020, l'Office a répondu que la notification du commandement de payer était valable et a rejeté la demande de restitution du délai pour former opposition.

C.           a. Par acte expédié le 2 novembre 2020, au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après: la Chambre de surveillance), A______ SA a exposé que l'avis préalable à la notification sans reçu – et le commandement de payer lui-même – avaient été notifiés à l'ancienne adresse de son administrateur-président par la voie de la notification sans reçu. A______ SA n'avait ainsi pas été valablement informé par l'Office qu'un acte de poursuite lui serait prochainement notifié par la voie de la notification sans reçu. En outre, aucune tentative de notification du commandement de payer n'avait été faite à l'adresse officielle de l'administrateur-président. Les conditions pour procéder à la notification sans reçu n'étaient ainsi pas remplies. La société débitrice demandait dès lors l'annulation de la décision du 19 octobre 2020 et, principalement, l'annulation du commandement de payer, celui-ci ne lui ayant pas été valablement notifié et, subsidiairement, la restitution du délai pour former opposition.

Elle a conclu à titre préalable à ce que l'effet suspensif soit octroyé à la plainte.

b. Par ordonnance DCSO/409/20 du 3 novembre 2020, la Chambre de surveillance a notamment accordé l'effet suspensif en ce sens que l'Office ne pouvait provisoirement procéder à aucun acte de poursuite à réception d'une éventuelle réquisition de continuer la poursuite n° 4______.

c. Dans ses observations du 24 novembre 2020, l'Office a conclu au rejet de la plainte et à ce que la poursuite soit considérée comme non frappée d'opposition.

d. Dans ses observations du 7 décembre 2020, B______ SA s'est opposé en tous points à la plainte.

e. A______ SA a répliqué le 21 décembre 2020, persistant dans ses conclusions.

f. La Chambre de surveillance a convoqué trois audiences, dont les éléments de faits pertinents ont été intégrés plus haut. La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience du 9 juin 2021.

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'Office qui ne peuvent pas être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 2 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

Un vice affectant la procédure de notification entraîne la nullité de cette dernière si l'acte notifié n'est pas parvenu à la connaissance du débiteur (ATF 110 III 9 consid. 2). Si en revanche, malgré ce vice, le débiteur a connaissance de l'acte notifié ou de son contenu essentiel, la notification n'est qu'annulable (ATF 128 III 101 consid. 2). Le délai pour former une plainte (art. 17 al. 2 LP), comme celui pour former opposition si l'acte notifié était un commandement de payer, commence alors à courir au moment de cette prise de connaissance (ATF 128 III 101 consid. 2).

1.2 En l'espèce, la plainte respecte la forme écrite. Elle émane de la débitrice poursuivie, soit d'une personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés. En tant qu'elle est dirigée contre la régularité de la notification du commandement de payer, elle est toutefois irrecevable. En effet, la plaignante ne conteste pas avoir pris connaissance du commandement de payer. Un éventuel vice concernant la notification ne pourrait donc entraîner que l'annulabilité de cet acte, et non sa nullité. La plainte contre la régularité de la notification du commandement de payer devait dès lors être déposée dans les dix jours suivant la prise de connaissance dudit commandement de payer. Même à considérer que la débitrice n'ait eu connaissance de l'acte qu'en date du 26 septembre 2020, comme elle le prétend, le délai pour former une plainte est arrivé à échéance le 6 octobre 2020, de sorte que la plainte, expédiée le
2 novembre 2020, est tardive à cet égard.

En revanche, en tant que la plainte concerne le refus de restituer le délai pour former opposition à la poursuite n° 4______ exprimé par l'Office par courrier du 19 octobre 2020, notifié à la plaignante le 21 octobre 2020, la plainte expédiée le 2 novembre 2020, soit dans le délai prévu à l'art. 17 al. 2 LP (cf. art. 63 LP), est formée en temps utile. La plainte sera donc déclarée recevable sur ce point.

2.             La plaignante reproche à l'Office d'avoir refusé de lui restituer le délai pour former opposition au commandement de payer.

2.1 Selon l'art. 33 al. 4 LP, quiconque a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé peut demander à l'autorité de surveillance (ou à l'autorité judiciaire compétente si le délai manqué est un délai pour saisir une autorité judiciaire) qu'elle lui restitue ce délai. L'intéressé doit, à compter de la fin de l'empêchement, déposer une requête motivée dans un délai égal au délai échu et accomplir auprès de l'autorité compétente l'acte juridique omis.

Cette disposition est applicable, notamment, à la restitution du délai de dix jours pour former opposition à un commandement de payer (art. 74 al. 1 LP).

Pour qu'un empêchement non fautif au sens de l'art. 33 al. 4 LP puisse être retenu, il faut que la partie n'ayant pas respecté le délai se soit trouvée, de manière imprévue et sans aucune faute de sa part, dans l'impossibilité non seulement d'accomplir elle-même l'acte omis mais également de mandater une tierce personne à cette fin (ATF 112 V 255 consid. 2a; 119 II 86 consid. 2a; Russenberger/Minet, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 22 ad art. 33 LP; Nordmann, in BSK SchKG I, n. 11 ad art. 33 LP). Doivent être prises en considération à cet égard non seulement l'impossibilité objective d'agir dans le délai ou de se faire représenter à cette fin, mais aussi l'impossibilité subjective due à des circonstances personnelles ou à une erreur excusable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_149/2013 du 10 juin 2013 consid. 5.1.1). En d'autres termes, est non fautive toute circonstance qui aurait empêché un plaideur consciencieux d'agir dans le délai fixé (ATF 119 II 86 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_149/2013 précité consid. 5.1.1). Sont ainsi susceptibles de constituer un empêchement non fautif, à titre d'exemples, un accident, une maladie grave et soudaine, un service militaire, de faux renseignements donnés par l'autorité ou encore une erreur de transmission (Nordmann, op. cit., n. 11 ad art. 33 LP; Erard, in CR LP, 2005, n. 22 ad art. 33 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_231/2012 du 21 mai 2012 consid. 2). Une maladie de courte durée, une absence ou une surcharge de travail ne sont en revanche pas constitutives d'un empêchement non fautif (arrêts du Tribunal fédéral 7B.190/2002 du 17 décembre 2002; 7B.108/2004 du 24 juin 2004 consid. 2.2.1; 7B.64/2006 du 9 mai 2006 consid. 3).

2.1.1 Un commandement de payer est un acte de poursuite qui doit faire l'objet d'une communication revêtant la forme qualifiée de la notification (art. 72 LP). Cette notification consiste en la remise de l'acte en mains du poursuivi ou, en l'absence de ce dernier, en mains d'une personne de remplacement désignée par la loi et aux lieux prévus par la loi (art. 64, 65 et 66 al. 1 à 3 LP). La notification est opérée par le préposé ou un employé de l'Office ou par la Poste (art. 72 al. 1 LP); dans cette dernière hypothèse, l'employé postal agit en qualité d'auxiliaire de l'Office, auquel ses actes sont imputables (ATF 119 III 8 cons. 3b).

La notification donne lieu à l'établissement par l'agent notificateur d'un procès-verbal, par lequel ce dernier doit attester, sur chaque exemplaire de l'acte, la date à laquelle il a été remis, l'endroit de cette remise et la personne qui l'a reçu (art. 72 al. 2 LP). Ce procès-verbal constitue un titre authentique au sens de l'art. 9 al. 1 CC, avec pour conséquence que les faits qu'il constate et dont l'inexactitude n'est pas prouvée sont réputés établis (art. 9 al. 1 CC; ATF 120 III 117 consid. 2). La preuve de leur inexactitude n'est soumise à aucune forme particulière (art. 9 al. 2 CC).

L'art. 65 LP dresse une liste des personnes qui sont réputées être les destinataires directs autorisés à recevoir des actes de poursuite dirigés contre les personnes morales ou les sociétés. Le but de cette disposition est, compte tenu des lourdes conséquences attachées à la notification d'un acte de poursuite, de garantir une notification effective à l'un ou l'autre des représentants autorisés afin qu'il puisse, par exemple pour le commandement de payer, examiner l'opportunité d'y former opposition en pleine connaissance de cause (ATF 118 III 10 consid. 3a, JdT 1994 II 119; 117 III 10 consid. 5a; 116 III 8 consid. 1b).

S'agissant des sociétés anonymes, l'art. 65 al. 1 ch. 2 LP prescrit que les actes de poursuite doivent être notifiés à leur représentant, c'est-à-dire à un membre de l'administration, à un directeur ou à un fondé de procuration. Est déterminant à cet égard le fait que le représentant soit inscrit ès qualités au registre du commerce, sans qu'il soit nécessaire qu'il dispose d'un pouvoir de signature individuel (Jaques, De la notification des actes de poursuite, in BlSchK 2011 pp. 177 ss., § 4.3).

2.1.2 En dérogation à l'art. 33 al. 4 LP, l'office des poursuites compétent décide de la restitution d'un délai qui court depuis la notification visée à l'art. 7 de l'Ordonnance instaurant des mesures en lien avec le coronavirus dans le domaine de la justice et du droit procédural (ci-après : Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) (art. 8 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

2.1.3 L'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural prévoit, en dérogation notamment à l'art. 72 al. 2 LP, la possibilité de notifier des actes de poursuite (et notamment des commandements de payer) "contre une preuve de notification qui n'implique pas la remise d'un reçu" (art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural) à deux conditions cumulatives. D'une part, cette notification doit avoir été précédée d'une première tentative infructueuse de notification par la voie ordinaire ou que dans un cas d'espèce elle serait d'emblée vouée à l'échec en raison de circonstances particulières (art. 7 al. 1 let. a Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020); d'autre part, le destinataire doit avoir été informé de la notification par communication téléphonique au plus tard le jour précédant la notification ou on peut supposer qu'il a été informé par écrit ou par courrier électronique au plus tard le jour précédant la notification (art. 7 al. 1 let. b Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural dans sa teneur en vigueur jusqu'au 25 septembre 2020). Pour autant que ces conditions soient réalisées, la preuve de notification mentionnée à l'al. 1 remplace le procès-verbal de notification prévu par l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural).

Lorsqu'elle est donnée par écrit, l'information relative à la notification prochaine d'un acte de poursuite est considérée comme notifiée lorsqu'elle se trouve dans la sphère de puissance du destinataire, sans qu'il soit nécessaire que celui-ci réceptionne effectivement l'envoi ou en prenne connaissance. Dans le cas d'un courrier envoyé sous pli A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la Poste au moment du dépôt de l'envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire constitue un indice que la distribution est effectivement intervenue à ce moment-là, et donc que l'avis est entré dans la sphère de puissance de son destinataire. Même si une erreur de distribution ne peut d'emblée être exclue, elle ne doit être retenue que si elle paraît plausible au vu des circonstances : si le destinataire, dont la bonne foi est présumée, se prévaut d'une erreur de distribution, il lui appartient d'exposer de manière claire les circonstances permettant d'admettre avec une certaine vraisemblance cette hypothèse, des considérations purement hypothétiques n'étant pas suffisantes (arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2021 du 4 octobre 2021 consid. 4.4 et 4.5 et références citées).

Quant à la notification elle-même de l'acte de poursuite, elle peut également, selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, intervenir par courrier A+ (Commentaire des dispositions de l'Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural p. 8; instruction n° 7 du service Haute surveillance LP § 10). Lorsque l'acte à notifier est un commandement de payer, la preuve de notification sans reçu – soit, dans le cas d'une notification par envoi A+, l'enregistrement effectué dans le système "track&trace" de la remise du pli dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire – remplace l'attestation de notification visée à l'art. 72 al. 2 LP (art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural). Le délai d'opposition prévu par l'art. 74 al. 1 LP commence ainsi à courir à compter de l'entrée du commandement de payer dans la sphère de puissance du débiteur, que celui-ci en ait ou non effectivement connaissance.

2.2 En l'espèce, afin de déterminer s'il y a lieu à restitution du délai pour former opposition, il y a tout d'abord lieu de déterminer quand ledit délai a commencé à courir, ce qui suppose de déterminer si le commandement de payer a valablement été notifié; dans le cas contraire en effet, le délai pour former opposition ne courrait qu'à compter de la prise de connaissance de l'acte par la plaignante – soit le 26 septembre 2020 selon ses allégations – avec pour conséquence, le cas échéant, que l'opposition formée par courrier du 1er octobre 2020 l'aurait été en temps utile. Il convient dès lors, à titre préalable, d'examiner si les conditions auxquelles est soumise une notification sans reçu selon l'art. 7 al. 1 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, étaient réalisées en l'espèce.

2.2.1 L'Office a dans un premier temps tenté de notifier le commandement de payer au siège de la société débitrice par la voie ordinaire, sans succès. La première condition permettant de passer par la notification sans reçu est dès lors réalisée.

Pour ce qui est de la seconde, il résulte du dossier que l'Office a adressé par courrier A+ du 21 août 2020 à l'administrateur-président – soit un destinataire autorisé à recevoir des actes de poursuites dirigés contre la société débitrice – un avis de prochaine notification d'un acte de poursuite par pli A+ à la même adresse. Comme indiqué ci-dessus, ce mode de faire est considéré par la jurisprudence comme conforme à l'art. 7 al. 1 let. b Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, pour autant que l'on puisse supposer que l'envoi soit parvenu dans la sphère de puissance de son destinataire. Or tel est bien le cas en l'espèce : l'avis a en effet été envoyé à l'adresse que son destinataire avait lui-même donnée à la Poste – indication dont la plaignante n'allègue ni ne prouve qu'elle aurait été révoquée ou modifiée par la suite – et l'extrait du système "track&trace" constitue un indice selon lequel le pli contenant l'avis a été déposé dans une boîte aux lettres portant le nom de celui-ci à ladite adresse le 25 août 2021, quatre jours avant la notification du commandement de payer par la même voie.

Certes, la plaignante soutient que son administrateur ne résidait plus à cette adresse au moment de la distribution de l'envoi du 21 août 2021 et que son nom ne figurait alors plus sur aucune boîte aux lettres du bâtiment s'y trouvant. Ces affirmations sont toutefois contredites par les éléments du dossier. Il ressort ainsi de celui-ci que, dans le cadre d'une autre poursuite, un agent postal a tenté à plusieurs reprises, à la même période et à la même adresse, de remettre en mains propres à l'administrateur-président de la plaignante un acte de poursuite qui lui était destiné – ce qu'il n'aurait vraisemblablement pas fait si le nom de ce dernier n'avait pas figuré sur une porte ou une boîte aux lettres – lequel a finalement été retourné à l'Office avec la mention "non réclamé" (cf. let. B.c ci-dessus), qui implique qu'une invitation à retirer l'envoi au bureau de poste a pu être déposée dans la boîte aux lettres de l'intéressé. L'agent postal ayant procédé à l'enregistrement du 25 août 2020 dans le système "track&trace" a pour sa part confirmé que cette action supposait nécessairement qu'elle ait pu effectivement déposer le pli concerné dans une boîte aux lettres portant le nom du destinataire à l'adresse indiquée. Enfin et surtout, le commandement de payer litigieux, notifié de la même manière que l'avis de prochaine notification quelques jours plus tard, faisait partie du "paquet" de courriers remis par l'administrateur-président de la plaignante au témoin G______ au début du mois de septembre, à l'instar de plusieurs avis préalables de notification : or l'on voit mal comment cet acte serait parvenu audit administrateur-président si, comme il le prétend, il ne disposait plus d'aucune boîte aux lettres à son nom à l'adresse de notification.

La plaignante échoue ainsi à présenter clairement des circonstances objectives et présentant une certaine vraisemblance susceptibles de rendre envisageable une erreur de l'employé postal ou un autre dysfonctionnement pouvant expliquer pour quelle raison l'envoi n'aurait pas été déposé à la date indiquée dans la boîte aux lettres de son administrateur-président. Force est dès lors de constater qu'en envoyant le 21 août 2020 l'avis de prochaine notification simplifiée par courrier A+ à l'adresse du chemin 3______, l'Office a valablement informé la plaignante de la notification prochaine de l'acte de poursuite litigieux.

Cet avis ayant été distribué le 25 août 2020, il est parvenu au destinataire plus d'un jour avant la notification du pli du 27 août 2020 contenant le commandement de payer du 4 août 2020. Ce dernier a été distribué le 29 août 2020 selon le relevé "track&trace", les dénégations de la plaignante à cet égard devant être écartées pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus en relation avec la distribution de l'avis préalable de notification.

Compte tenu de ce qui précède, la notification du commandement de payer intervenue le 29 août 2020 était valable. Il s'ensuit que, conformément à l'art. 7 al. 2 Ordonnance COVID-19 justice et droit procédural, le délai pour former opposition a commencé à courir le 30 août 2020 pour expirer le 8 septembre 2020 sans que la plaignante n'ait formé opposition.

2.2.2 La demande de restitution du délai pour former opposition au commandement de payer, poursuite n° 4______, a été effectuée le 1er octobre 2020 auprès de l'Office, soit l'autorité compétente, dans les dix jours à compter du 21 septembre 2020, soit la fin de l'empêchement allégué. La plaignante a également accompli l'acte juridique omis, à savoir qu'elle a formé opposition, auprès de l'Office, dans ce même délai.

2.2.3 Reste à déterminer si la plaignante se trouvait dans un cas d'empêchement non fautif pour former opposition.

Elle explique à cet égard que c'est en raison des vacances de l'administrateur-président que la plaignante n'a pas été en mesure de prendre connaissance du courrier arrivant tant au siège de la plaignante qu'au domicile officiel ou temporaire dudit administrateur. Elle a expliqué que personne ne relevait le courrier pendant ce temps, soit durant plus de deux mois. Une telle cause n'est toutefois pas constitutive d'un empêchement non fautif. Il incombait en effet à l'administrateur-président, dont le comportement est opposable à la plaignante, de prendre des dispositions pour que les communications adressées à la société, ou à lui-même en sa qualité d'organe de celle-ci, parviennent en temps utile à une personne pouvant les traiter ou les transmettre à un organe compétent pour le faire. A l'évidence, le fait pour l'organe d'une société de partir en vacances pendant deux mois en laissant le courrier destiné à celle-ci s'accumuler en son absence ne constitue pas un comportement non fautif.

Au vu des éléments qui précèdent, c'est à juste titre que l'Office a refusé de restituer à la plaignante le délai pour former opposition au commandement de payer, poursuite n° 4______, et la plainte doit être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée par A______ SA le 2 novembre 2020 contre la décision de l'Office des poursuites du 19 octobre 2020 de refus de restitution du délai pour former opposition au commandement de payer, poursuite n° 4______.

La déclare irrecevable pour le surplus.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.