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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3441/2010

DCSO/209/2011 du 07.07.2011 ( PLAINT ) , ADMIS

Descripteurs : For de la poursuite.
Normes : LP.46
Résumé : Le débiteur poursuivi a des liens les plus étroits avec Genève. Au moment de la notification du commandement de payer, il existait un for à Genève. Plainte admise.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3441/2010-AS DCSO/209/11

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Autorité de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 7 JUILLET 2011

 

Plainte 17 LP (A/3441/2010-AS) formée en date du 8 octobre 2010 par Mme H______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 8 juillet 2012 à :

 

- Mme H______

domicile élu : Etude de Me Olivier CRAMER, avocat

Rampe de la Treille 5

1204 Genève

 

 

M. W______

domicile élu : Etude de Me Nicolas PERRET, avocat

Rue du Grand-Chêne 8

1002 Lausanne

 

 

- Office des poursuites.

 


EN FAIT

A. Dans le cadre de la poursuite n° 10 xxxx67 S requise par Mme H______ à l'encontre de M. W______, l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) a rendu le 20 septembre 2010 un non lieu de notification au motif suivant :

"Selon l'office de Poste, le débiteur(trice) a quitté l'adresse pour un lieu inconnu. L'Office ne peut dès lors que constater l'impossibilité de procéder à la notification du présent acte".

Par acte du 8 octobre 2010, Mme H______ a porté plainte auprès de l'Autorité de céans, concluant à l'annulation de cette décision de non-lieu et à ce que l'Office soit invité à procéder, par tous les moyens dont il dispose, à la notification à M. W______ du commandement de payer n° 10 xxxx67 S. La plaignante expose qu'elle n'ignore pas que M. W______ a, en apparence seulement, quitté Genève pour s'installer en France, prétendument à l'adresse C______.

Selon la plaignante cependant il est établi que M. W______ n'a, en réalité, jamais quitté Genève et qu'il réside toujours au 3, rue V______ avec sa compagne Mme L______ et leur enfant commun.

Se référant à la plainte n° A/3170/2006 - qui portait sur le même objet - la plaignante rappelle que l'Autorité de céans s'était fondée sur les déclarations de Mme L______ pour rejeter sa plainte. Selon la plaignante, l'Autorité de céans avait alors relevé que la poursuivante pouvait mener d’autres investigations et, en cas d’indices probants cette fois-ci suffisants de la constitution d’un domicile de M. W______ dans l’arrondissement de l’Office, d’y intenter à son encontre de nouvelles poursuites.

La plaignante explique avoir mandaté la société C______ & S______ SA en vue de déterminer l'existence d'un domicile de M. W______ à Genève.

Selon le rapport de cette société qui a fait une enquête sur une période s'échelonnant du 18 janvier au 1er février 2010 :

la présence de M. W______ à son adresse officielle en France durant cette période n'a pas été constatée;

l'enquête de voisinage en France montre que M. W______ n'est jamais présent à cette adresse en semaine et qu'il ne s'y rend que de temps en temps le week-end durant la période de chasse; la mairie confirme que M. W______ n'habite pas à cette adresse à l'année;

la présence de M. W______ a été constatée au 3 rue V______ tôt le matin;

l'enquête de voisinage confirme que M. W______ habite bien au 3 rue V______ avec Mme L______ au Xème étage de cet immeuble;

M. W______ conduit une Lamborghini immatriculée VD 2XX garée 22, av. de X______ à Genève.

La plaignante explique également que dans une procédure en annulation de poursuite qui l'a opposée à Mme L______, le conseil de cette dernière a produit un courrier qu'il avait adressé pour elle au CREDIT AGRICOLE à Genève le 6 mai 2008 dont la teneur est la suivante :

"Madame L______ est l'amie de Monsieur W______ depuis le mois de janvier 2005 environ; ils vivent aujourd'hui en concubinage, une petite fille prénommée E______ étant issue de leurs œuvres le 1er avril 2006".

Le 26 octobre 2010, l'Office a remis son rapport et conclu à la confirmation du non-lieu de notification du commandement de payer n° 10 xxxx67 S. Il explique que dès réception de la réquisition de poursuite n° 10 xxxx67 S, il a établi un commandement de payer qu'il a remis à PostMail pour notification. Cet acte lui a été retourné avec l'indication que M. W______ avait quitté l'adresse indiquée pour un lieu inconnu. L'Office explique également que suite à la plainte de Mme H______, il s'est à nouveau déplacé le 22 octobre 2010 à 7h. du matin où Mme L______ a indiqué à son agent-notificateur que M. W______ n'était plus domicilié au 3, rue V______ à Genève mais vivait en France.

L'Office indique encore que, selon le registre de l'OCP, M. W______ a quitté la Suisse le 31 décembre 2004 pour C______ en France.

M. W______ conclut, par courrier de son conseil du 19 novembre 2010, au rejet de la plainte. Il rappelle qu'une décision a déjà été rendue par l'Autorité de céans sur le même objet en 2006 et qu'il n'y a pas lieu de revenir sur celle-ci. Il explique aussi qu'en raison de son activité professionnelle, il est régulièrement amené à voyager. Il indique également rester en contact régulier avec la mère de la fille qui est domiciliée au 3, rue V______.

E. Lors de deux audiences d'enquêtes qui se sont tenues les 7 décembre 2010 et 14 février 2011, l'Autorité de céans a entendu les parties et différents témoins qui ont déclaré ce qui suit :

M. S______, détective, a confirmé la teneur de son rapport du 10 février 2010. Il a expliqué s'être rendu à C______ dans le département de X______ à deux reprises entre le 18 janvier et le 18 février 2010 une fois en semaine et une fois durant le week-end. C______ est un petit village perdu d'une centaine d'habitants au maximum sans commerçant. Lors de sa première visite accompagné de son collègue, M. P______, ancien inspecteur de la police judiciaire, il s'est rendu à la Mairie afin de localiser le domaine et pour savoir si M. W______ y était connu. Selon les déclarations de l'employé de Mairie M. W______ n'habitait pas là à l'année et, pour cette raison, il serait difficile de le rencontrer.

Lors de la seconde visite, également accompagné de son collègue, M. S______ a rencontré le gardien du domaine appartenant à M. W______ qui lui a indiqué que celui-ci n'habitait pas là et qu'il ne venait que durant les périodes de chasse. Le gardien n'a pas été en mesure d'indiquer à M. S______ et à son collègue où M. W______ était domicilié.

La surveillance en France s'est exercé des matinées de 7h. à 12h.

M. S______ a encore expliqué avoir surveillé avec son collègue l'adresse du 3, rue V______ à Genève où habite Mme L______. Selon M. S______, Mme L______ n'habite pas à son adresse officielle 6, rue T______ à Genève, bien qu'elle soit propriétaire de l'immeuble et que son nom figure sur une des boîtes aux lettres qui ne semble pas régulièrement relevées. M. S______ et son collègue ont procédé à une surveillance sporadique au 3, rue V______ s'y rendant tous les deux jours aux environs de 5h.30 du matin. La surveillance s'exerçait généralement jusqu'à 8h.30 et à une reprise, jusqu'à 9h.30. A chaque reprise, à l'exception de deux matins de la deuxième semaine, ils ont constaté que M. W______ sortait de l'immeuble au 3, rue V______ aux environs de 8h.-8h.30 pour se rendre au Café Restaurant X______ pour prendre un café. A une reprise, M. S______ a vu depuis la cage d'escalier M. W______ sortir de l'appartement de Mme L______. L'immeuble ayant un code, M. S______ et son collègue n'ont pas pu rester en permanence dans la cage d'escalier de l'immeuble. M. W______ n'est jamais sorti d'un des appartements du rez-de-chaussée de l'immeuble.

M. S______ et son collègue n'ont pas vu M. W______ revenir le soir. Ils ne l'ont pas vu non plus ressortir le soir durant les trois surveillances effectuées en soirée. En revanche, ils ont pu observer une silhouette masculine derrière les fenêtres de l'appartement sans pouvoir affirmer catégoriquement qu'il s'agissait de M. W______. A une reprise un matin, ils ont suivi M. W______ au parking souterrain situé au 22, av. de X______ et l'ont vu ressortir de ce parking au volant d'une Lamborghini immatriculée dans le canton de Vaud au nom d'une société A______ SA. Dans la même journée, ils ont vu ce même véhicule garé en double file au 3, rue V______.

Selon M. S______, l'enquête de voisinage à laquelle il a procédé avec son collègue leur a permis de recueillir des réponses uniformes des voisins : les voisins interrogés connaissaient M. W______ qui habitait dans l'immeuble.

Mme L______ a confirmé sa déclaration du 19 décembre 2006, sinon qu'elle est à nouveau en relation de couple avec M. W______, celui-ci vivant en France et elle en Suisse. Selon elle, elle aurait repris la vie commune avec M. W______ en août 2010. Mme L______ a indiqué ne pas tenir de notes de ses visites en France chez M. W______ mais le rencontrerait toutes les semaines, la plupart du temps chez lui à C______. Selon elle, il s'agit d'une maison de campagne à rénover comme toutes les maisons de campagne.

Mme L______ a encore expliqué que M. W______ venait de temps à autres à la rue V______ et y passait parfois la nuit tout en précisant qu'ils se voyaient plutôt en France.

Selon Mme L______, elle habite Genève parce qu'elle y travaille et parce qu'elle a demandé la nationalité suisse. Elle n'a jamais eu l'intention d'être frontalière.

Mme L______ a encore expliqué qu'il lui arrivait de passer ses vacances en France avec M. W______ ; il lui arrivait aussi de partir en vacances au soleil sans M. W______. Selon elle, M. W______ est souvent amené à voyager hors de Genève.

Mme L______ a indiqué qu'elle possédait l'immeuble du 6, rue T______ où elle est officiellement domiciliée. Elle y a conservé une chambre où elle passe de temps à autres, notamment lorsqu'elle se dispute avec M. W______.

Mme L______ a un contrat de bail pour l'appartement du 3, rue V______ dont la propriétaire est une société appartenant à M. W______.

Selon Mme L______, M. W______ est agriculteur et son exploitation est dans les Dombes. Il y exploite trois étangs où il y pêche une tonne et demi de brochets ; il y élève 80 moutons qui ont produit 40 agneaux depuis le début de l'année. Il y exploite aussi quelques terres céréalières et des terres forestières.

Mme L______ ignore les liens que M. W______ entretient avec la Régie R______ qui est en charge de la gérance de son immeuble à la rue T______. Elle ignore pour quel motif elle a fait adresser à la justice un certificat médical depuis le fax de cette régie.

Selon Mme L______, M. W______ conduit un très beau tracteur, un C15, une Land-Rover. Il a aussi conduit par le passé une Lamborghini. Pour sa part, elle conduit une Range-Rover.

Mme L______ a confirmé avoir indiqué à son conseil Me Y______, également conseil de M. W______, les grandes lignes du courrier qu'il adressé pour elle au CREDIT AGRICOLE.

M. R______, gardien du domaine de B______ à C______ explique que celui-ci se trouve à 100 km de Genève. Selon lui, la route entre Genève et C______ nécessite une heure et demie de voiture, voire davantage en cas de bouchons.

Il exerce la fonction de gardien du domaine depuis 2006. Il est la seule personne à travailler sur le domaine qui comprend environ 180 hectares. Précédemment, il fonctionnait comme piégeur de nuisibles. Il habite à côté du domaine. A sa connaissance, une partie du domaine est en fermage.

Selon M. R______, M. W______ ne dort pas tous les soirs au domaine, il ne fait pas le trajet quotidiennement vu la distance. En revanche, il y passe tous ses week-end. Toujours selon M. R______, M. W_______ arrive le jeudi soir et repart le mercredi, mais c'est irrégulier. M. W______ vient au domaine en Land-Rover. Il vient soit seul, soit avec son fils.

Il confirme avoir indiqué a des personnes qui l'ont interrogé que si M. W______ n'était pas au domaine, il était à Genève. Il ne se souvient pas avoir déclaré ce qui est mentionné dans le rapport de M. S______.

S'agissant de la maison de M. W______, M. R______ explique qu'il s'agit d'une vieille maison qui n'a pas changé depuis 60 ans qui comprend trois chambres habitables, une cuisine avec lave-linge et lave-vaisselle. La maison comprend une salle de bain et une salle d'eau qui date des années 80.

M. R______ indique aussi connaître Mme L______ qu'il a croisé dans les couloirs du Tribunal et qui doit être l'amie de M. W______. Selon lui, elle ne vient pas régulièrement au domaine. Il précise qu'il n'est lui-même pas toujours à la maison et qu'il arrive que M. W______ vienne au domaine sans qu'il ne le voie.

Toujours selon M. R______, il ne peut pas dire de manière catégorique si M. W_______ est au domaine ou non. Il ignore si les plaques minéralogiques du véhicule utilisé par M. W______ sont suisses ou françaises. Selon lui, M. W______ est agent immobilier et n'exerce pas la profession d'agriculteur.

Lorsqu'il doit contacter M. W______, il l'appelle sur son téléphone portable suisse.

F. L'argumentation juridique des parties sera examinée ci-après, dans la mesure utile.

EN DROIT

1. 1.1 L'Autorité de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP comme en l’espèce des refus de l’Office de donner suite à des réquisitions de poursuite pour défaut de for (art. 13 LP ; art. 125 et 126 LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP).

En tant que poursuivantes, les plaignantes ont qualité pour contester de tels refus. Elles ont agi en temps utile (art. 17 al. 2 LP), en respectant les exigences de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LaLP).

2. 2.1 L’engagement et le déroulement d’une procédure d’exécution forcée supposent l’existence d’un for de la poursuite, lequel désigne l’organe de poursuite territorialement compétent à qui le créancier doit s’adresser pour introduire la poursuite. La LP définit le for de la poursuite principal, appelé for ordinaire (art. 46 LP), ainsi qu'un nombre très limité de fors spéciaux (art. 48 à 52 LP), et elle détermine le moment à partir duquel un changement survenant dans les données factuelles créatives d’un for de la poursuite reste inopérant (art. 53 LP).

2.2 Ces fors ont un caractère exclusif et impératif. Un for de la poursuite ne saurait être créé par élection de for ou acceptation, explicite ou tacite, d’une poursuite, sous réserve du for spécial du débiteur domicilié à l’étranger élisant un domicile d’exécution en Suisse (art. 50 al. 2 LP ; Walter A. Stoffel, Voies d’exécution, § 3 n° 91 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, Remarques introductives ad art. 46-55 n° 30 ; Lettre de la Chambre des poursuites et faillites du Tribunal fédéral du 13 février 1984 concernant l’élection de domicile par le poursuivi et la forme de cette élection, in SJ 1984 p. 246).

2.3 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP).

Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l’art. 23 al. 1 CC et, le cas échéant, par l’art. 20 LDIP, qui contient la même notion de domicile. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu ou dans l’Etat où elle réside avec l’intention de s’y établir, ce qui suppose qu’elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. Pour savoir quel est le domicile d’une personne physique, il faut tenir compte de l’ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l’endroit, lieu ou pays, où se focalisent un maximum d’éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l’intensité des liens avec ce centre l’emporte sur les liens existant avec d’autres endroits ; l’intention de la personne concernée doit cependant n’être pas seulement intime, mais se manifester de façon objective et reconnaissable pour les tiers (ATF 7B.241/2003 du 8 janvier 2004 consid. 4 ; ATF 125 III 100 consid. 3, JdT 1999 II 177 ; ATF 120 III 7 consid. 2a, JdT 1996 II 73 ; ATF 119 II 64 consid. 2b, JdT 1996 I 221). Le dépôt de papiers d’identité, des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou des indications ressortant de permis de circulation, de permis de conduire ou de publications officielles constituent des indices sérieux de l’existence du domicile au lieu que ces documents indiquent et fondent même à cet égard une présomption de fait, que des preuves contraires peuvent toutefois renverser (ATF 125 III 100 consid. 3 et les références citées).

2.4 C’est au poursuivant qu’incombe le devoir d’indiquer à l’Office notamment le domicile du débiteur, tant au stade de la réquisition de poursuite (art. 67 al. 1 ch. 2 LP ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 67 n° 17 et 40 ; Sabine Kofmel Ehrenzeller, in SchKG I, ad art. 67 n° 31) qu’à celui de la réquisition de continuer la poursuite (art. 88 al. 1 LP). A réception de ces réquisitions, l’Office reporte cette indication respectivement sur le commandement de payer et l’avis de saisie (art. 69 al. 1 ch. 1 LP). Il n’a pas à la vérifier, mais s’il la sait erronée ou fictive ou s’il est manifeste qu’elle l’est ou encore si elle est imprécise ou lacunaire, il doit inviter le poursuivant à la rectifier ou la compléter (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 69 n° 27 ss., et ad art. 89 n° 25 ss). A propos d’une mention telle que l’adresse du poursuivi, l’Office peut même la corriger ou la compléter de lui-même s’il est certain tant de l’erreur ou de la lacune ou de l’imprécision que de la correction ou du complément à apporter et qu’aucun doute ou aucune ambiguïté n’en résulte sur la personne du poursuivi (Karl Wüthrich / Peter Schoch, in SchKG I, ad art. 69 n° 17).

3. La plaignante et les enquêtes ont mis en évidence des éléments qui conduisent désormais à considérer que le poursuivi n'a pas déménagé de manière effective à C______ (X______/France) mais est resté domicilié à Genève au 3, rue V______.

Mme L______ a admis être à nouveau en relation de couple avec M. W______. Ce point est corroboré par le courrier de son conseil au CREDIT AGRICOLE du 6 mai 2008 selon lequel Mme L______ vit en concubinage avec le débiteur poursuivi et leur fille commune prénommée E______. Certes, Mme L______ affirme vivre en Suisse alors que M. W______ vivrait en France. Cette déclaration n'est cependant pas déterminante au regard des autres éléments mis en évidence dans le dossier.

Mme L______ a expliqué qu'elle vivait au 3, rue V______. Elle a aussi indiqué qu'elle avait conservé une chambre dans l'immeuble qu'elle possède au 6, rue T______ où elle se rend lorsque "lorsqu'elle se dispute avec M. W______". L'Autorité de céans voit mal ainsi quelle nécessité Mme L______ aurait de se rendre à la rue de T______ lorsqu'elle se dispute avec le débiteur poursuivi si ce dernier n'était pas réellement domicilié au 3, rue V______ à Genève.

Mme L______ a affirmé passer toutes ses fins de semaine avec le poursuivi, la plupart du temps au domaine du B______ à C______ alors que le gardien a affirmé pour sa part qu'elle n'y venait pas régulièrement et que M. W______ y venait avec son fils.

Par ailleurs, les constats de C______ & S______ SA, confirmés en audience à l'Autorité de céans, établissent que M. W______ est bien domicilié au 3, rue V______. Ces constats ne sont d'ailleurs pas incompatible avec le fait que le poursuivi passerait ses week-ends dans son domaine du B______.

Les déclarations du gardien du domaine du B______ tendent aussi à démontrer que M. W______ est resté domicilié à Genève même s'il s'est efforcé d'atténuer les effets desdites déclarations. M.R______ a d'abord affirmé que M. W______ ne dormait pas tous les soirs au domaine et ne faisait pas quotidiennement les trajets Genève-C______ vu la distance à parcourir, de l'ordre de 100 km, nécessitant une heure et demie de voiture lorsqu'il n'y a pas de bouchons. Il a aussi affirmé que M. W______ passait ses week-ends au domaine en expliquant ensuite qu'il arrivait irrégulièrement le jeudi soir pour repartir le mercredi suivant. Enfin, c'est sur un téléphone portable suisse que le gardien du domaine téléphone au débiteur poursuivi lorsqu'il a besoin de lui parler.

S'agissant des activités professionnelles de M. W______, les déclarations de ses proches sont pour le moins totalement contradictoires, sa compagne affirmant qu'il est agriculteur et le gardien de son domaine qu'il est agent immobilier.

Au vu de l'ensemble de ses nouveaux éléments, il y a lieu de reconsidérer la décision de l'Autorité de céans qui avait retenu en décembre 2006 que M. W______ avait constitué au domaine du B______ à C______ dans l'X______ son centre effectif d’activités de sa société agricole et, partant, centre d’intérêts personnels, professionnels et sociaux.

Compte tenu de l’ensemble de ces circonstances, il faut désormais retenir que le débiteur poursuivi a ses liens les plus étroits avec la Suisse, plus particulièrement avec Genève - au 3, rue V______ - au vu de l’importance de ses liens personnels avec sa compagne et sa fille E______, professionnels et sociales qu’il a dans cette ville. Le fait que le domaine du B______ produise des brochets et des agneaux ne suffit pas à transformer ce lieu - dont la maison est décrite comme rustique - en centre de d'existence du poursuivi et ce alors même qu'il a annoncé au Consulat général de Suisse compétent ledit lieu comme son nouveau lieu de résidence.

Force est donc d’admettre qu’au moment de la notification du commandement de payer, il existait un for de poursuite à Genève. C’est donc à tort que l’Office a délivré un acte de non-lieu de notification de poursuite dans le cadre de la poursuite considérée. La plainte, bien fondée, doit ainsi être admise.


 

PAR CES MOTIFS,
L'Autorité de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 8 octobre 2010 par Mme H______ contre le procès-verbal de non lieu de notification.

Au fond :

1. L’admet.

2. Annule le procès-verbal de non-lieu de notification du commandement de payer de la poursuite n° 10 xxxx67 S.

3. Invite l’Office des poursuites à donner suite à la réquisition de poursuite n° 10 xxxx67 S déposée par Mme H______ le 29 juin 2010.

4. Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

 

Siégeant : Daniel DEVAUD, président ; Philipp GANZONI et Philippe VEILLARD, juges assesseurs ; Paulette DORMAN, greffière.

 

Daniel DEVAUD Paulette DORMAN

Président Greffière

 

 

Voies de recours

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 et ss. de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 et ss. LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les dix jours, ou dans les cinq jours en matière d’effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF), qui suivent la notification de l’expédition complète de la décision attaquée (art. 100 al. 2 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.