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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/152/2020

DCSO/146/2020 du 14.05.2020 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : MINVIT
Normes : LP.93.al1
Résumé : Minimum vital. Inadmissibilité des frais liés à un véhicule privé utilisé pour transporter la fille mineure du plaignant ainsi que son fils majeur, handicapé mais marié et ne vivant pas avec lui.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/152/2020-CS DCSO/146/20

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 14 MAI 2020

 

Plainte 17 LP (A/152/2020-CS) formée en date du 13 janvier 2020 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Marco Rossi, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 20 mai 2020
à :

- A______

c/o Me ROSSI Marco

SLRG Avocats

Quai Gustave-Ador 2

1207 Genève.

- ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA)

Rue Ardutius-de-Faucigny 2

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Dans le cadre de la poursuite n° 1______ dirigée par l'Etat de Genève, soit pour lui le Service cantonal d'avance et de recouvrement des pensions alimentaires (SCARPA) contre A______ en recouvrement d'un montant de 13'700 fr. plus frais et intérêts, l'Office cantonal des poursuites a procédé le
19 novembre 2019 à la saisie des revenus du débiteur à hauteur de 400 fr. par mois à compter du 20 novembre 2019, soit en tant qu'ils excédaient son minimum vital, arrêté à 4'674 fr. 30.

La poursuite n° 1______ participe seule à la série n° 2______.

b. Le procès-verbal de saisie a été établi le 2 janvier 2020, adressé le 3 janvier 2020 au poursuivi et reçu le 6 janvier 2020 par ce dernier.

Il résulte du formulaire de calcul du minimum vital annexé à ce procès-verbal que, pour arrêter à 4'674 fr. 30 le montant du minimum vital de A______, l'Office a tenu compte des montants de 1'200 fr. au titre de l'entretien de base, de 160 fr. au titre de frais d'exercice de son droit de visite sur sa fille mineure, de
654 fr. 30 au titre de primes d'assurance maladie obligatoire (548 fr. 20) et de primes AVS (106 fr. 10), de 70 fr. au titre de frais de transport, de 1'490 fr. de loyer et de 1'100 fr. au titre d'"autres frais", correspondant à des contributions alimentaires.

B. a. Par acte adressé le 13 janvier 2020 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de saisie du 2 janvier 2020, concluant à son annulation, à ce qu'il soit constaté que ses revenus n'étaient pas saisissables et à ce qu'un acte de défaut de biens soit en conséquence délivré à l'Etat de Genève. A l'appui de ces conclusions, il a fait valoir que ses frais de déplacement s'élevaient en réalité à 596 fr. 15 par mois du fait qu'il avait besoin d'une voiture pour amener sa fille à ses diverses activités et assurer le transport de son fils B______, majeur et marié, lequel souffrait d'un handicap l'obligeant à se déplacer en chaise roulante. L'Office avait par ailleurs omis à tort de tenir compte du paiement des cotisations AVS, des cotisations à SERAFE (radio-télévision), des primes d'assurance-ménage, du loyer du jardin familial et des impôts.

b. Par ordonnance du 20 janvier 2020, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif assortissant la plainte.

c. Dans ses observations datées du 11 février 2020, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a notamment expliqué que le montant de la saisie avait dans un premier temps été fixé le 19 novembre 2019 par erreur à 510 fr. par mois puis, dès le
20 novembre 2019, diminué à 400 fr. par mois pour tenir compte des primes AVS devant être acquittées par le plaignant.

d. Par détermination du 10 février 2020, l'Etat de Genève, soit pour lui le SCARPA, a lui aussi conclu au rejet de la plainte.

e. La cause a été gardée à juger le 27 février 2020.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable - en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c) - l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance en vigueur lors de l'exécution de la saisie (ci-après : NI-2019; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture, les frais de vêtement, les soins corporels et de santé, les assurances privées, les frais culturels, etc. (Ochsner, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI-2019) ou les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2019), doivent être ajoutés à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (Ochsner, in CR-LP, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne constituent pas des charges indispensables au sens de l'art. 93 al. 1 LP et ne peuvent en conséquence être pris en compte pour déterminer la quotité saisissable des revenus du débiteur (ATF 140 III 337 consid. 4.4).

Il n'est tenu compte de frais de transport que si ceux-ci revêtent un caractère de nécessité, notamment s'ils sont indispensables à l'exercice par le débiteur de sa profession, et pour autant qu'ils ne soient pas pris en charge par son employeur (NI-2019 ch. II.4.d). Ils doivent être réduits au minimum, les frais liés à l'utilisation d'un véhicule privé ne pouvant notamment être prise en considération s'il peut être attendu du débiteur et de sa famille qu'il se déplace par les transports publics.

Les primes d'assurance privée, notamment celles d'une assurance dite ménage, sont intégrés dans le montant de l'entretien de base et ne doivent donc pas y être ajoutés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_272/2008 du 12 août 2008 consid. 2.4).

2.2 Le plaignant fait en l'espèce grief à l'Office de ne pas avoir ajouté au montant de son entretien de base diverses dépenses.

2.2.1 Il explique en premier lieu que la possession et l'utilisation d'un véhicule privé lui est nécessaire, d'une part pour emmener sa fille mineure, sur laquelle il exerce un droit de visite usuel, à diverses activités non précisées, et d'autre part pour emmener son fils - âgé de 31 ans au moment de l'exécution de la saisie mais souffrant d'un handicap le contraignant à se déplacer en chaise roulante - à diverses activités sociales et sportives importantes pour son bien-être.

Faute de précisions sur les activités pratiquées par la fille mineure du plaignant, il n'est toutefois pas possible de déterminer si celles-ci ont un caractère indispensable ou si elles doivent être considérées comme des activités de nature culturelle, dont les coûts sont compris dans le montant de l'entretien de base. Il n'est pas non plus possible d'admettre sans autres explications que l'enfant ne pourrait se rendre à ces activités par les transports publics.

Quant à l'activité de chauffeur déployée par le plaignant en faveur de son fils handicapé, elle excède le cercle des obligations légales au profit des proches et des membres de la même famille pouvant être prises en compte. Le plaignant ne soutient pas à cet égard que son fils - qui ne fait plus depuis longtemps partie de son ménage - ne bénéficierait pas de rentes, allocations et aides lui permettant de subvenir à ses besoins vitaux compte tenu du handicap dont il souffre. Il indique au contraire dans sa plainte que le couple que son fils forme avec son épouse dispose d'un véhicule privé adapté - aux frais de l'Assurance invalidité - à son handicap mais que celui-ci serait utilisé par ladite épouse. Or les créanciers saisissant ne sauraient se voir opposer des dépenses dues à la non-utilisation par le fils handicapé du plaignant des moyens adaptés à son état mis à sa disposition et pris en charge par l'Assurance invalidité.

Le moyen est donc mal fondé.

2.2.2 Le plaignant reproche ensuite à l'Office de ne pas avoir tenu compte des cotisations AVS qu'il acquitte à raison d'un montant mensualisé de 105 fr. 60.

Il ressort toutefois des explications de l'Office et des pièces du dossier que ces cotisations ont été prises en compte dans le calcul du minimum vital à hauteur de 106 fr. 10 par mois.

Le grief est donc infondé.

2.2.3 Les autres griefs soulevés par le plaignant sont également mal fondés.

C'est ainsi en particulier que les primes dues en relation avec la réceptions radio-télévision et le loyer d'un jardin familial doivent être considérés comme des dépenses à caractère culturel ou de loisir et intégrés par voie de conséquence au montant de l'entretien de base.

Il en va de même de l'assurance dite ménage, conformément à la jurisprudence.

Enfin, les impôts ne sauraient, de jurisprudence constante, être pris en compte dans le calcul du minimum vital.

2.2.4 Entièrement mal fondée, la plainte doit ainsi être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 13 janvier 2020 par A______ contre le procès-verbal de saisie, série n° 2______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.