Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/3963/2018

DCSO/135/2019 du 21.03.2019 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : LP.153.al2.leta; LP.153.al2.letb; ORFI.88; CC.169
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3963/2018-CS DCSO/135/19

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 21 MARS 2019

 

Plainte 17 LP (A/3963/2018-CS) formée en date du 12 novembre 2018 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Paul HANNA, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- A______

c/o Me HANNA Paul

Borel & Barbey

Rue de Jargonnant 2

1211 Genève 6.

- B______

c/o Me HANNA Paul

Borel & Barbey

Rue de Jargonnant 2

1211 Genève 6.

- C______ SARL
c/o Me RENDA Agrippino
Route des Acacias 6
Case postale 588
1211 Genève 4.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A.           a. Par arrêt du Tribunal fédéral du 29 janvier 2018 (4A_____/2017), les époux A______ et B______, pris solidairement entre eux, ont été condamnés à verser à C______ SARL 63'916 fr. 65 plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 25 mars 2013 et 7'270 fr. plus intérêts moratoires à 5% l'an dès le 28 janvier 2013, ordre étant donné au Conservateur du Registre foncier de procéder à l'inscription définitive au profit de C______ SARL d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs à concurrence de 63'916 fr. 65 plus intérêts à 5% l'an dès le 25 mars 2013 sur l'immeuble n° 1______, plan 2______ de la commune de ______ (GE), dont les époux A/B______ sont copropriétaires pour moitié chacun.

Devant le Tribunal fédéral, les époux A/B______ étaient représentés par leur conseil, Me Paul HANNA.

b. Par réquisitions du 26 octobre 2018, C______ SARL a intenté des poursuites en réalisation de gage immobilier contre A______ (poursuite
n° 3______) et B______ (poursuite n° 4______), pris solidairement entre eux, pour la créance de 63'916 fr. 65 plus intérêts garantie par l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs susvisée.

c. Trois commandements de payer ont été édités dans la poursuite
n° 3______, l'un destiné à A______, en tant que débiteur poursuivi, et les deux autres à B______, en tant qu'épouse de A______ et en tant que tiers propriétaire.

Trois commandements de payer ont été édités dans la poursuite n° 4______, l'un destiné à B______, en tant que débitrice poursuivie, et les deux autres à A______, en tant qu'époux de B______ et en tant que tiers propriétaire.

Ces six commandements de payer ont été notifiés en mains de B______ le 2 novembre 2018, date à laquelle A______ se trouvait, selon ses dires, en voyage aux Etats-Unis.

d. Par pli recommandé du 12 novembre 2018 adressé à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office), Me Paul HANNA, agissant pour le compte de B______, a formé opposition totale à la poursuite
n° 4______.

Par pli recommandé séparé du même jour, Me Paul HANNA, agissant pour le compte de A______, a formé opposition totale à la poursuite
n° 3______.

Par pli recommandé séparé du même jour, Me Paul HANNA, agissant pour le compte de B______, a formé "double opposition totale" à la poursuite n° 3______, "en sa qualité de conjointe de M. A______ et de tiers propriétaire".

B. a. Par acte expédié le 12 novembre 2018 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP, concluant à la constatation de la nullité des commandements de payer, poursuite
n° 4______, adressés à lui-même mais notifiés en mains de son épouse le
2 novembre 2018, subsidiairement à leur annulation, ordre étant donné à l'Office de procéder à une nouvelle notification de ces commandements de payer à lui-même, en sa qualité de conjoint de B______ et de tiers propriétaire.

En substance, A______ reproche à l'Office de ne pas lui avoir notifié personnellement les exemplaires du commandement de payer le concernant, en violation de l'art. 153 al. 2 LP. S'agissant de ses conclusions subsidiaires, le plaignant soutient qu'il dispose "d'un intérêt digne de protection légitime à l'annulation des commandements de payer litigieux et à une notification ultérieure, lui permettant de disposer d'un délai supplémentaire pour réunir les fonds nécessaires pour s'acquitter de la dette dont C______ poursuit le paiement".

b. Par pli de son conseil du 5 décembre 2018, B______ a déclaré soutenir les conclusions prises par son époux dans le cadre de sa plainte.

c. Dans son rapport explicatif du 4 décembre 2018, l'Office a conclu au rejet de la plainte, tandis que C______ SARL s'en est rapportée à justice.

d. Le 10 décembre 2018, la Chambre de céans a transmis le rapport de l'Office au plaignant et informé les parties que l'instruction de la cause était close.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. Le plaignant prétend que deux exemplaires du commandement de payer, poursuite n° 4______, auraient dû lui être notifiés personnellement, en sa qualité de conjoint de la débitrice poursuivie et de tiers propriétaire.

2.1 Dans le cadre d'une poursuite en réalisation de gage, un exemplaire du commandement de payer est également notifié au tiers qui a constitué le gage ou en est devenu propriétaire (art. 153 al. 2 let. a LP; 88 ORFI). Un exemplaire du commandement de payer est également notifié au conjoint du débiteur lorsque l'immeuble grevé est le logement de la famille au sens de l'art. 169 CC (art. 153
al. 2 let b LP; 88 ORFI).

Cet exemplaire n'est qu'un double de celui qui a été signifié au débiteur (personnel) et il porte le même numéro. Autrement dit, il n'y a qu'une seule poursuite, mais dirigée à l'encontre de plusieurs poursuivis, qui peuvent exercer leurs droits indépendamment les uns des autres (arrêts du Tribunal fédéral 5A_203/2016 du 10 novembre 2016 consid. 4.2.1; 5A_366/2007 du 7 décembre 2007 consid. 4.1).

L'art. 153 al. 2 let b LP est une conséquence de la protection instaurée par le législateur dans le droit de la famille à l'égard du conjoint, contre les actes de disposition de son époux sur le logement familial (art. 169 CC; arrêt du Tribunal fédéral P.264/2005 du 17 janvier 2006 consid. 5.2.3.1). Avec la notification du commandement de payer, l'époux acquiert la qualité de copoursuivi et peut ainsi former opposition au commandement de payer au même titre que le débiteur. Il peut invoquer l'inexistence et l'inexigibilité de la créance, en contester le montant ou se prévaloir du défaut de gage. Il peut également faire valoir que la mise en gage du bien viole les dispositions de l'art. 169 CC (arrêt 4P.264/2005 du
17 janvier 2006 consid. 5.2.3.1 et les références). Le moyen pris de cette disposition n'appartient, en revanche, pas au débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 5A_203/2016 déjà cité consid. 4.2.1 et les références).

Lorsque l'objet du gage est désigné comme appartenant à un tiers ou servant à l'habitation familiale au cours de la poursuite, il y a lieu de notifier le commandement de payer au tiers ou au conjoint du débiteur pour leur permettre de faire opposition (art. 88 al. 1 et 100 al. 1 ORFI). La vente ne pourra avoir lieu qu'après que ce commandement de payer sera passé en force et qu'il se sera écoulé six mois dès sa notification (art. 100 al. 1 in fine ORFI).

Le but de cette disposition est de permettre au tiers qui a constitué le droit de gage et qui, si la poursuite aboutit à la réalisation forcée, sera exproprié de son droit, d'avoir les mêmes droits que le poursuivi, de pouvoir former opposition au commandement de payer et contester tant l'existence du droit de gage que son assiette et empêcher que la poursuite aille sa voie tant que son opposition n'a pas été levée par un juge (DCSO/522/2017 du 12 octobre 2017 consid. 2.1.1; DCSO/16/2014 du 6 mars 2014 consid. 3.1; DCSO/212/2004 du 29 avril 2004 consid. 3b et la réf. citée).

2.2 En principe, la notification irrégulière du commandement de payer n'est pas frappée de nullité absolue; l'acte est simplement annulable dans le délai de plainte de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP. Ce n'est que si l'acte n'est pas parvenu en mains du poursuivi que la poursuite est absolument nulle, et que sa nullité peut et doit être constatée en tout temps. Si, malgré le vice de la notification, le commandement de payer est néanmoins parvenu en mains du poursuivi, il produit ses effets dès que celui-ci en a eu connaissance; dans un tel cas, le délai pour porter plainte contre la notification, ou pour former opposition, commence à courir du moment où le poursuivi a eu effectivement connaissance de l'acte
(ATF 128 III 101 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_6/2008 du 5 février 2008 consid. 3.2 et les arrêts cités). Dans cette hypothèse, l'autorité de surveillance n'ordonnera toutefois une nouvelle notification que si le débiteur peut se prévaloir d'un intérêt digne de protection. Tel n'est pas le cas s'il a une connaissance telle du contenu de l'acte qu'une nouvelle notification n'apporterait rien de plus et pour autant que ses droits soient sauvegardés nonobstant le vice de la notification (ATF 112 III 81 consid. 2).

2.3 En l'espèce, le plaignant a manifestement eu connaissance des commandements notifiés par l'Office le 2 novembre 2018 dans le cadre des poursuites nos 3______ et 4______. En effet, ces actes ont été communiqués à son avocat – qui est également le conseil de son épouse – dans le délai de dix jours de l'art. 74 LP, de sorte que celui-ci a pu s'adresser à l'Office le 12 novembre 2018 (date du dépôt de la plainte) pour former opposition à ces poursuites au nom de ses mandants.

Il semblerait que le plaignant a renoncé à s'opposer personnellement à la poursuite n° 4______. Cela étant, l'épouse du plaignant ayant elle-même formé opposition à cette poursuite, les droits de ce dernier demeurent préservés, puisque la procédure d'exécution forcée ne pourra pas aller de l'avant tant que cette opposition n'aura pas été levée. En outre, dans la mesure où le plaignant et son épouse sont codébiteurs solidaires de la créance garantie par gage, une violation de l'art. 169 CC n'entre pas en considération in casu. En conséquence, une nouvelle notification de l'acte en mains du plaignant n'apporterait rien de plus et ne se justifie pas. A cet égard, le fait de pouvoir « gagner du temps » aux fins de réunir les fonds nécessaires pour s'acquitter de la dette – dont le plaignant ne conteste pas l'existence – n'est pas un intérêt digne de protection au sens où l'entend la jurisprudence.

Compte tenu de ce qui précède, la plainte, infondée, doit être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée 12 novembre 2018 par A______ dans le cadre de la poursuite n° 4______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Eric DE PREUX, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.